504 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES [18 août 1791.j II est juste d’ailleurs que l’entreprise soit donnée à la première personne qui a conçu le projet du canal; car si l’on donnait la préférence à, ceux qui prétendent avoir des moyens d’exécution plus parfaits, on n’en finirait pas. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Il est dans ce moment du plus grand intérêt pour la tranquillité publique d’occuper des ouvriers, et pour le commerce de rendre les rivières d’Essonnes et de Juine navigables; l’adoption du projet sera le seul moyen de donner à des ouvriers sans occupaiions et par conséquent à la disposition de nos ennemis, un ouvrage à la fois utile à la sûreté publique et à l’utilité générale. Doit-on sa crifier l’intérêt général à l’intérêt particulier, et retarder de 6 mois cette utile entreprise, par la raison qu’un individu qui n’offre aucune responsabilité, aucun fonds, présente un nouveau plan? (L’Assemblée, consultée, décide que M. Millet de Mureau fera son rapport.) M. Millet de Mnrean, au nom du comité d' agriculture et de commerce, a en conséquence la parole et fait le rapport suivant : Messieurs, Le projet de décret que votre comité d’agriculture et de commerce me charge de vous présenter, est d’une telle importance ; les motifs qui en ont déterminé les articles sont si compliqués, qu’ils exigent d’être précédés d’un rapport circonstancié qui prévienne toute difficulté dans la discussion. Les rivières d’E-sonnes et de Juine, dite d’E-tampes, ont été jadis navigables; et l’utilité de cette navigation a été si fortement sentie depuis plus d’un siècle, que nombre de projets se sont succédé, et que leurs auteurs ayant profité successivement des lumières de leurs prédécesseurs, les entrepreneurs actuels sont parvenus à la perfection de celui qu’ils vous présentent, et le succès en paraît ausri sûr qu’il est désirable. Il est inutile d’entrer dans aucun détail devant une Assemblée aussi instruite sur l’utilité générale des canaux, surtout dans un royaume comme la France : semblables aux vaisseaux du corps humain, ils portent successivement la vie du centre à la circonférence, et de la circonférence au centre, et deviennent une source d’abondance et de prospérité. Si les Romains, si cette grande nation dont nous admirons les beaux monuments, ne nous en a point laissé dans ce genre, c’est par sa parfaite ignorance des premiers principes de l’hydraulique; ignorance démontrée par la construction des magnifiques aqueducs qui existent encore. Les canaux doivent se diviser en deux classes; les grands, d’une utilité générale, doivent être exécutés par la nation; et les petits, n’intéressant que quelques départements, doivent être entrepris par les administrations, ou par des compagnies sûres, sous leur protection et sous leur surveillance; mais tous doivent être soumis à l’approbation du Corps législatif, qui seul peut embrasser le bien général, et empêcher que les intérêts ne le croisent, ou que du moins un petit intérêt soit anéanti devant celui qui sera majeur. La p éfére me que l’on doit donner à des compagnies pour la construction et l’établissement de ces sortes d’ouvrages, paraît bien plus avantageuse pour la nation, et lui assure une richesse future. On sait que tous ceux qui construisent pour leur propre jouissance, travaillent toujours avec plus de force, d’activité, de zèle et d’économie. La solidité leur importe, si la durée de leur jouissance est reculée jusqu’à une époque éloignée. Les bénéfices de l’établissement étant fixés sur ceux qui profitent de sa commodité ou de la position locale, et ne portant que sur des particuliers ou sur des denrées, ils ne pèsent pas sur la nation, et ils procure >t au contraire en général une surabondance dans les objets commerciaux ; les fonds que les compagnies versent dans ces sortes d’ouvrages, que la nation serait contrainte de tirer de ses coffres et de prendre sur les impôts, sont un nouveau fonds mouvant, qui, se répandant dans toute' les classes de la société, procure à tous les individus des moyens de travail, et souvent dans des cantons qui' n’ont point de manufacture en activité. Ainsi, en soumettant ces compagnies à toutes les conditions qui a-surentles smecès, ou du moins qui, en cas d’interruption, rendent utiles les parties commencées, la nation s'épargne un dépense onéreuse; et en n’aliénant 1& propriété en dédommagement que pour un terme fixe, à l’expiration de l’époque, elle entre dans une propriété qu’elle trouve en bon rapport, et qui ajoute une ressource précieuse aux finances de l’Etat. J’établirai dans ce rapport l’importance de la navigation proposée, et je prouverai jusqu’à l’évidence que tous les intérêts se réunissent à presser l’exécution du projet présenté. Vous avez décrété, Messieurs, les 19 et 21 octobre dernier, qu’il serait construit un canal de navigation qui doit ouvrir une communication plus facile de la capitale à la Manche. Plus ce projet a offert d’avantages, plus il était important d’en assurer l’exécution prompte et facile. Par ce décret, il a été imposé au sieur Brulé, entrepreneur de cet intéressant ouvrage, des conditions préalables; on ne voit pas qu’il ait encore rempli une des plus essentielles, celle qui assure l’existence de la première finance. Cette condition omise semble faire naître la nécessité d’imposer aux entrepreneurs qui se présentent pour demander l’exécution d’un projet de ce même genre, une loi plus précise; car il doit paraître indiscret d’occuper les moments précieux < e l’ Assemblé", pour obtenir des décrets favorables à un établissement, s'il ne doit jamais avoir lieu par défaut de fonds; tandis qu’aucun particulier ne doit jamais présenter une entreprise utile et dispendïeus , sans joindre à ses moyens d’exécution la soumission de capitalistes bien connus par leur solidité. Néanmoins, des considérations particulières peuvent porter à adoucir la rigueur de la loi, et c’est ce qu’il convient d’examiner. La comparaison du projet du sieur Brulé, l’importance de sa construction, par proportion à celui qui est l’objet de ce rapport, conduira sans doute au règlement de cette première condition. Ces canaux sont tous fondes sur l’utilité du commerce, sur la communication plus directe de département à départementet del’étrangeràrinté-rieuHu royaume. Mais la construction de l’un est bien plus i i portante que celle de l’autre, à raison de ses embranchements et de la distance qu’il doit parcourir; aussi sa dépense est-elle proportion! ée. L’autre, d’une étendue bien pies bornée, quoique non moins intéressant, dans une distance de 28 à 30 lieues, n’occasionnera qu’environ 3 millions de dépense : or, cette somme, très forte pour un particulier, ne l’est pas néanmoins pour une [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, U8 août 1791.1 505 compagnie; il paraît essentiel pour le bien des entrepreneurs, et pins encore pour celui du commerce et des propriétés, principe de ia plus grande considération pour des législateurs, que les fonds de ces entrepreneurs soient pré s avant que l’ouvrage commence, puisque, d’un autre côté, il ne se présente aucune raison de fait qui exige la fixation d’un délai. Après avoir pourvu à la réalité des fonds à fournir par les entrepreneurs de cette navigation, il paraît encore essentiel d’assurer l’exécution de l’ouvrage, la solidité de sa construction, de �es écluses, de ses ponts, de ses chemins de halage, en un mot de tout ce qui doit composer son ensemble; et cette utile prévoyance fera un des articles essentiels du décret que j’aurai l’honneur de vous présenter. La proposition de rendre navigables les rivières d’Esso mes, de Juine et du Rernard, qui vous est faite, n’est pas un projet nouveau, ainsi que nous vous l’avons déjà observé; il n’est question que de reprendre le cours d’une navigation qui existait en partie en 1490. Or, si, à cette époque, cette navigation fut reconnue utile, à combien plus furte raison doit-elle être démontrée intéressante dans un temps où les besoins de la vie, multipliés en tout genre, ont donné au commerce une activité qui s’étend dans les 4 parties du monde. L’Essonnes prend sa source dans le Gâtinois, la Juine dans la Beauce, le Remard dans la forêt d’Orléans : les deux premières se, réunissent à 3 lieues de Gorbeil, où elles confluent dans la Seine. Successivement divers ingénieurs et propriétaires ont voulu reprendre cette navigation soi s les rois Louis XII, Louis XIII, Louis XIV et Louis XV; on voit, parles pièces et les mémoires joims à ce rapport, que cette navigation a existé pendant 2 siècles; mais les péages, les difficultés que les navigateurs éprouvaient de la part des seigneurs d’un côté, de l’autre la disette des fonds* la mauvaise administration, la négligence dans l’entretien, tout concourut en un mot à la faire abandonner. Cependant les vallées que ces rivières arrosent sont des plus fertiles; mais la plupart des prairies sont mauvaises, marécageuses ; l’air y est malsain, infecté par les stagnations; les vapeurs y sont fiévreuses et meuruières. Ainsi donc la santé des habitants, des propriétaires, la nourriture des animaux, ies besoins de l’agriculture, tout concourt à demander, à exiger même un établissement qui vous est présenté par des pians et devis qui ne laissent rien à désirer. Le sieur Uransy, ingénieur, connu par s s talents en hydraulique, par les moyens qu’il vous offre, a trouvé l’inestimable avantage de conserver toutes les usines établies sur tout lec urs de ceite rivière; tandis que ses prédécesseurs voulaient les détruire et sacrifier ainsi à l’ambition de faire un beau canal, une multitude de moulins à farine, d’autant plus intéressants, qu’ils sont construits sur des rivières douci s, paisibles, tranquilles, jamais sujeties à aucun gonflement désastreux, et qui ne gèlent point. Cet ingénié r qui a porté la perfection des moulins à farine à son plus haut période, se propose, au contraire, d’en augmenter le nombre à volonté, de re.udie ceux qui existent plus loris, plus productifs, et de conserver avec scrupule toutes les chutes. Lorsqu’on considère que les départements qui avoisinent ces rivières abondent en blés et grati s de toute espèi e, ou est convaincu que ces vues d'utilité publique méritentla plus grande protection. On reconuaît encore, par l’examen de ce projet, que les moyens de dessèchement proposés sont assurés et qu ■ tout concourt à le constituer utile et indispensable. Les vues des anciens ingénieurs, ou entrepreneurs de cette navigation, s’étendaient jusqu’à Rocheplate, sur l’Essonnes, et à Yèvre-le-Châtel, sur le Remard, c’est-à-dire jusqu’à une distance de 35,815 toises du confluent à la Seine; mais le sieur Dransy demande de la pousser jusqu’à la Loire, en traversant la forêt d’Orléans, par un canal de 21,900 toises, qui partira de Pilhiviers, et qui ira confluer à ce fleuve à une 1 eue au-dessus d Orléans; cette augmentation, qui met le comble à l’utilité de cette navigation, la rend plus importante au commerce eu général. Mais si cet établissement est utile au commerce, s’il présente à tous les propriétaires riverains des richesses nouvelles par l’amélioration de leurs prairies, en les desséchant; par la salubrité de l’air, en donnant cours aux eaux stagnantes; par un débouché journalier et facile qui augraeniera la valeur de leurs denrées, de leurs fermes; pur l’occasion des voitures d’eau, qui rendront leurs voyages commodes et moins coûteux : de quelle importance cette navigation n’est-elle pas pour la capitale? Aussi dans tous les tenu s les prévôts d s marchands et les écbevins de Paris non seulement ont protégé de tout leur pouvoir la navigation d > e s rivière-, mois encore ils sont entrés dans la dépense qu’a occasionnée son entretien. Outre une abondance de blés, de farines que Paris pi ut tirer des provinces de Beauce, du Gâtinois et de celles que la Loire arrose, elle doit encore en attendre une multitude bien considérable de diverses denrées en vins, bois, foi' s, pailles; et ce qui doit être encore pour elle d’une considération assez importance, c’est la perspective de ne jamais manquer de grès d’une excellente qualité, qu’elle ne peut plus tirer que de Fontainebleau, celui d’Etampes étant épuisé, et qui se trouve sur les bords de i’Essonnes en masses énormes. On peut reconnaître dans le mémoire de l’ingénieur, et dans le supplément qui y est joint, que sa prévoyance s’est étendue sur tout ce qu’un ouvrage aus>i majeur peut laisser à désirer : 1° sur la solicité; 2° sur la construction, le nombre ce ses écluses, leur placement près des moulin ; 3° sur les ponis en pierres pour la comm< - dité des passages partout où ils sont nécessaires, et des petit ponts de supplément en bois, d’un gvnre de mécanique très ingénieux pour leur force et leur déplacement facile; 4° sur les hallages, les poris, les fossés de dessèchement; 5° sur le rassemblement des eaux dis sources, des réservoirs; en un mot sur tout ce qui peut concourir à la perfection de l’ouvrage, et le rendre plus utile aux usines et plus commode au public, en respeciant et conservant en même temps dans toute leur plénitude les droits des proprietaires, avec » ette saae économie qui doit sans réplique contribue ' à l’augmentat on de la valeur des terres, des près, des bois et des denrées en général. Mais la beauté de cet ensemble, et tous les spécieux avantages qu’un exposé ingénieux et adret pourrait rendre plus piquants encore, devrait êu e absolument rejeté, s’il n’avait pas reçu l’approbation de ceux qui, plus pu rticaliè -ement éclairé-par leur intérêt, doivent déterminer la loi qu’on Süilicire. Par votre décret du 6 octobre dernier, Mes-i urs, vous avez renvoyé la demande du sieur Grignet, moteur et entrepreneur du projet, et §00 [Assemblé qatiçpale,] ARCHIVEE PARLEMENTAIRES* If8 août 1791. J des sieurs Gerdret, Jars et compagnie, soumissionnaires pour les fonds, au département de Seine-et-Oise, et à celui du Loiret, pour constater Futilité de cette navigation et donner leur avis. Munis de ce décret, Messieurs, les entrepreneurs se sont mis à même d’obtenir les avis que cette première loi exigeait. En conséquence, iis rapportent et vous présentent les avis des départements du Loiret, de Seine-et-Oise (1), ceux des directoires des districts des villes d’Etampes et de Corbeil, ceux des villes et municipalités de Paris, Corbeil, Pithi-viers, Malesherbes, Baulne, Boigneville, Gironville, Bonoevault, Messe, Yaire, Boutigny, Guinne-ville, Laferté-Aleps et Essonnes. Tous ces avis se réunissent sur l’importance de cette navigation, sur son utilité publique et particulière, sur le besoin de travail que sollicite une multitude de bras oisifs; mais tous aussi insistent sur la nécessité d’assurer les fonds utiles à la perfection de l’entreprise, avant de la commencer, nécessité motivée sur les maux que les propriétaires ont déjà éprouvés à diverses époques, par des travaux commencés et ensuite abandonnés; ce qui n’a jamais produit que du désordre sans utilité réelle. L’avis de la municipalité de Paris, sans doute la plus intéressée à l’exécution de cette importante navigation, eu égard à sa grande population, est encore appuyé par une lettre particulière de M. le maire. Les entrepreneurs produisent encore un avis de l’assemblée du commerce de la ville d’Orléans, qui, après une discussion sage et décisive en faveur de cet établissement, propose une fixation pour le prix des transports d’Orléans à Corbeil et de Corbeil à Orléans. Enfin, l’administration centrale des ponts et chaussées, eu convenantdel’importance etde l’utilité de celte navigation, désirerait seulement quelques renseignements de plus pour la partie du canal, afin de mieux juger de sa possibilité, soit de la quantité d’eau qui doit l’alimenter; mais la navigation des rivières ayant existé, et cette partie étant la plus considérable et la plus utile, rien ne s’oppose à ce que cet ouvrage soit commencé le plus tôt possible. Nous ne devons pas néanmoins, Messieurs, voqs laisser ignorer que 2 municipalités, d’avis contraire aux départements et aux directoires, s’opposent à cet établissement. La municipalité d'ïîtampes, dans une assemblée reconnue illégale, rejette ce projet sans donner aucune raison ; mais, mieux instruite sur les intérêts généraux de la commune, on ne doute pas qu’elle ne revienne d’une erreur qu’une cabale particulière a accréditée; elle doit reconnaître, surtout, que quand même elle obtiendrait que la Juine ne fût pas rendue navigable, celle de l’Essonnes le devenant, elle perdrait toujours les avantages qui n’intéressent que quelques particuliers, et que le bien général doit l’emporter. L’autre municipalité, celle de Buno, fonde son refus sur un embarras local ruineux, si l’on ne suivait pas le lit de la rivière; et comme elle présente le remède, il est facile de la rassurer sur ces craintes destructives. (1) Parmi ce grand nombre d’adhésions, celle du département de Seine-et-Oise, en convenant de l’importance de la navigation, observe que si la nation ne la rétablit pas à ses frais, madame de Sainte-Colombe est la première qui se soit présentée à ce département pour avoir son agrément, Vous avez vu, Messieurs, que lors de rétablissement du canal de Paris, il parut une variété d’opinions qui pouvait faire balancer votre décision: icile vœu général s’exprime de la manière la plus forte; et d’après cet accord unanime, il semble qu’aucun motif ne doit plus retenir la loi qu’il reste à prononcer; mais plusieurs entrepreneurs la demandent en même temps, et chacun sollicite une préférence. Quels sont leurs droits, leurs raisons de priorité? C’est ce qu’il convient d’examiner. Ces entrepreneurs sont d’un côté madame de Sainte-Colombe, le sieur Dubois, ci-devant avocat, maintenant homme de loi, et M. de Romain-ville. De l’autre, les sieurs Grignet, Gerdret, Jars et compagnie. Les premiers appuient leurs droits sur ce qu’ils se prétendent représentants des anciens entrepreneurs ; le sieur Dubois dit, dans ses mémoires, qu’un ci-devant marquis de Tralaigue lui ayant communiqué ses prétentions et ses projets sur cette navigation, il y a plus de trente ans, et la détresse dans laquelle il se trouvait dans la conciergerie du For-l’Evêque, lui, sieur Dubois, }ui procura, par ses amis, un secours momentané qui lui rendit sa liberté, et en même temps il lui forma une compagnie pour aider à l’exécution de ses projets de navigation de la Juine et de l’Essonnes. Ce fut alors que le sieur Dubois présenta une requête au conseil d’Etat du roi, sous le nom du sieur Arnoult, ingénieur; elle tendait à ce que le rétablissement de cette navigation fîft accordé à cette compagnie. Le sieur Dubois ne faisait alors, suivant les apparences, que les honorables fonctions de conseil de cette compagnie. Mais, tandis qu’on sollicitait l’obtention de Par rêt qui devait intervenir sur cette requête, les associés vendaient des portions de leurs intérêts, et vendaient par conséquent un privilège qu’ils n’avaient point encore, pour en tourner le produit à leur profit sans en aider l’entreprise. Mme de Sainte-Colombe acquit elle-même de ces intérêts du sieur Tralaigue, et il paraît, par ces mêmes mémoires du sieur Dubois, que cette acquisition, dont cette dame ne produit aucun acte, forme absolument le seul titre de ses prétentions. Le sieur de Romainville paraît dans cette affaire comme cessionnaire des droits de Mma de Sainte-Colombe, et produit des plans et mémoires détaillés sur l’exécution de cette navigation. La conduite irrégulière de cette société révolta le ministère, et l’arrêt ne fut point rendu. Cependant le sieur Dubois, alors secondé par Mme de Sainte-Columbe, continua ses sollicitations, et parut sous son propre et privé nom : néanmoins, on ne voit pas quel est son titre, et comment de sa qualité de conseil il est ainsi passé à celle de privilégié : il semble qu’il aurait dû paraître autorisé par une délibération de la compagnie du sieur Tralaigue, en supposant que cette compagnie fût elle-même fondée : cette réflexion est d’autant plus naturelle, que l’on voit qu’il s’est élevé des difficultés entre les sieurs Dubois et Tralaigue, et que ce dernier a fourni un mémoire contre le premier, et c’est le sieur Dubois qui en donne connaissance lui-même, en observant qu’il y répondit par une requête présentée à M. Berlin, lors contrôleur général. Le sieur Dubois annonce que le 4 juillet 1767 il fut rendu un arrêt ou conseil qu’il ne produit pas; mais il ajoute que peu après cette décision M. Bertin lui assura, à lui sieur Dubois, qu’jl qtajt arrêté au [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1T91.J conseil « que le roi ne faisant pas exécuter cette entrepris pour son compte, ce serait sa proposition qui serait exécutée, et qu’on lui donnerait le privilège pour faire ce rétablissement avec la compagnie que le conseil n’ignorait pas qu’il avait ». D’après l’arrêt qu’on vient de citer, en se reposant sur les assurances du ministre, le sieur Dubois ne renouvela sa demande qu’en 1774. Successivement il s’est, dit-il, adressé aux divers contrôleurs généraux, et en dernier lieu à M. Lambert; toutes ses réclamations sont demeurées sans effet; enfin la Révolution lui a ouvert une nouvelle voie, et il réclame aujourd’hui des droits fondés sur les anciens privilèges de ceux qu’ils disent représenter : ils demandent que sur des plans et devis par eux anciennement fournis sur cette navigation, il leur soit permis de la renouveler et de la pousser d’un côté jusqu’à Etampes, et de l’autre jusqu’à la forêt u’Onéans. Sans doute, les tonds utiles à cette entreprise sont à leur disposition ; mais il n’a été fourni aucune soumission de le >r part. Le sieur Dubois, fortement convaincu de ses droits, de son privilège sur le renouvellement de cetie navigation, pense qu’il n’y a aucune raison, aucune concurrence qui puisse le déposséder; ses motifs sont, dit-il, fondés sur des travaux, des sollicitations continuelles depuis plus de 30 ans, sur des dépenses particulières qu’il porte à 30,000 livres, sans y comprendre celles faites par Mme de Sainte-Colombe. Il conclut tt proteste : 1° contre l’arrêt du conseil rendu en 1762; 2° contre celui rendu en septembre 1789; 3° il proteste contre tous les décrets qui auraient pu et pourraient encore être surpris à l’Assemblée nationale, contraires à son droit légitime; 4° enfin il s’oppose à leur exécution en tant qu’ils sont préjudiciables à ses droits, etc. Les sieurs Griguet, Ger iret et Jars, d’un autre côté, se présentent comme propriétaires d’usines établies sur la rivière d’Essonnes, comme ayant monté dans ces usines une fabrique d’ustensiles en cuivre. Cette fabrique, par les transports qu’elle occasionne, a fait entrer dans leurs vues économiques le projet de renouveler une navigation importante ; l’ingénieur auquel ils se sont adressés, grand hydraulicien pratique, qui, depuis 25 à 30 ans, a construit sur ces rivières une quantité prodigieuse de moulins, d’usims en tout genre et pour l’Etat, et pour les hô itaux, et pour les particuliers; qui, par conséquent, connaît ces rivières, et les vallées qu’elles arro-sen1, leur sol et les usages de la contrée, pouvait mieux que tort autre créer des moyens pour obvier à tous les inconvénients qui résultaient des anciens projets. Munis de son avis, il se sont pré-entés au conseil du roi en 1788, pour obtenir la faculté de faire les nivellements, les plans et devis en résultant, etc. : cette démarche était autorisée par l’arrêt du conseil, rendu le 26 mai 1767, conçu en ces termes : « Vu au conseil d’Etat les requêtes et mémoires présentés respectivement parles sieurs Thomas Ar-noult, architecte, juré-expert, et compagnie, le sieur Dubois de la Rouance, avocat au parlement, Jacques Hardouin, Mansart, architecte du roi, Ghai les-Simon Yvonet, avocat au parlement, le sieur marquis de Tralaigue, tendant à ce qu’il plût à Sa Majesté leur permettre, et à leur hoirs, etc., de rétablir, à leurs frais, la navigation sur les rivières de Juine, d’Essonnes, etc. Le roi, dans son conseil, a débouté lesdits Arnoult, Dubois de la Rouance, Mansart, Yvonet et de Tralaigue, de wn leur demande concernant la navigation des rivières d’Etampes, d’Essonnes et du Remard ; leur défend de se dire à l’avenir entrepreneurs de la navigation desdites rivières, se réservant Sa Majesté de pourvoir à V établissement desdits canaux ainsi qu'il appartiendra. » Le prononcé précis de cet arrêt, disent ces entrepreneurs, a dû leur faire connaître que Sa Majesté s'étant réservé de pourvoir à -V établissement desdits canaux , ils pouvaient en solliciter l’entreprise, sans avoir à craindre aucun reproche de la part de ceux qui, avant le débouté, pouvaient former quelques réclamations spécieuses. Ges associés ne pouvant deviner quelle avait pu être la raison de ce débouté, ils avaient cru l’entrevoir dans le vu des pièces; en effet, ce vu de pièces, fort étendu, s’exprime ainsi : « Et de la part du sieur Dubois de la Rouance, se prétendant auteur du projet, et des mémoires présentés au conseil sous le nom du sieur Arnoult, tendant à ce que le privilège soit accordé au nom du sieur Dubois, etc. « Et de la part du sieur Mansart, aux fins : 1° de combattre les prétentions du sieur marquis dé Tralaigue, etc. « Et de la part du sieur Yvonet, aux fins : 1° de combattre les prétentions des sieurs Arnoult, Dubois, de la Rouance, Mansart, etc. < Et de la part du marquis de Tralaigue tendant : 1° à combattre les prétentions du sieur Mansart et autres, etc. « Les mémoires du sieur Dubois de la Rouance, tendant à combattre les prétentions du sieur Mansart, du sieur Yvonet et du marquis dé Tralaigue à la navigation. » Les sieurs Griguet, Gerdret et Jars ont dû conclure de ce vu de pièces, que tous les combattants opposés en faits, divisés d’intérêt, n'étant, ni les uns ni les au'r�s, appuyés par des titres probatifs de leur privilège prétendu, ils avaient été rais d’accord par un débouté pur et simple ; et ce débouté a paru d’autant plus juste qu’il était notoire qu’originairement le sieur Lamber-ville, en son temps ingénieur de grand mérite, avait le premier conçu ce projet de navigation, qu’il en avait pris les nivellements, fait les plans et devis, et que, par ces plans, cet ingénieur n'avait point ménagé ni conservé les usines, qui depuis, par leur augmentation en nombre, et surtout en moulins à farine, sont devenues imposantes, précieuses et même sacrées pour la nation en général, et que tous les entrepreneurs ou ingénieurs qui sont venus après Lamberville n’ont travaillé que d’après ses plans et ses principes ; d’où il est également notoire que c ■ fut une des raisons décisives qui dicta le débouté de cet arrêt. Or, continuent ces entrepreneurs, peut-on nous imputer à crime d’être venus avec des moyens sûrs, conformes aux intentions protectrices des propriétés, demander à rétablir une navigation qui depuis vingt ans était au concours? Et ne doit-on pas, au contraire, accu illir et préférer tout citoyen zélé qui, par ses études et son expérience, est parvenu à accorder le bien général avec tous les avantages des propriétés locales? Si le sieur Dubois, qui originairement a manqué son objet par défaut de droits et de moyens, qui, malgré sou débouté, prétend n’avoir jamais cessé ses sollicitations, et le sbur de Romainville, représentant Mm0 de Sainte-Colombe, n’ont pu parvenir à obtenir le privilège, le premier surtout doit s’en prendre au peu de ressource et au peu d’habileté qu’il a manifesté ; en vain dira-t- 508 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES� [18 août 1791.] il, «j’ai avancé dans mes sollicitations que je con-erverais les usines au moyens de canaux de dérivation ; j’ai dit que je pousserais, si ou l’exigeait, ma navigation jusqu'au canal d’Orléans », ces paroles, ces promesses vagues, qui marquent toujours de l’incertitude dans l’individu qui les lait, et dont l’exécution ne pouvait être que du ressort d’un ingénieur, n’ont point fait et n’ont pu faire impression sur l’esprit du ouvernement, et le gouvernement n’a pu consi-érer un homme qui ne parlait des opérations du. génie civil et de l’hyuraulique que comme avocat. C’est dans cet état et c’est dans cet esprit que l’arrêt du conseil est int> rvenu ; Sun exécution a donné lieu à des opérations dispendieuses, et qui ont été terminées sans la moindre opposition, après plus d’un an de travail, et sur les lieux mêmes. Appuyés car tous ceux qui ont un intérêt véritable à la chose, par des députés d’Orléans, par h s cahiers de cette ville et par les propriétaires riverains, les sieurs Grignet, Gerdret et Jars se sont présentés à votre comité d’agriculture et de commerce, avec les plans, les devis estimatifs, avec même un projet de tarif : le tout est l’ouvrage de l’ingénieur qui a été employé par les commissaires du roi des eaux et forêts. Par un premier decret de l’Assemblée nationale, fur demande a été renvoyée aux départements de Seine-et-Oise et du Loiret. Ils ont obtenu les avis les plus favorables de ces départements, des dir ctoires des districts, et surtout de la municipalité de Paris, de l’assemblée du commerce d’Orléans ; tous ont accueilli les plans de l’ingénieur et ses moyens, comme infaillibles; et c’est en les rapportant au comité d’agriculture et de commerce qu’ils ont appris que le sieur Dubois et la dame de Sainte-Colombe faisaient la même dema de. Ils ne . auraient se persuader qu’après avoir obtenu un arrêt du conseil pour rétablir une navigation qui était au concours; qu’après avoir travaillé avec toute la publicité qu’un ouvrage, protégé par le gouvernement, autorise, sans avoir éprouvé ni réclamation, ni opposition; après avoir obtenu un premier décret de l’Assemblée nationale, après avoir obtenu les avis des départements, des directoires et des municipalités; après avoir dépensé des sommes considérables, on puisse leur préférer des personnes qui n’o t plus ni droits ni qualités depuis le mois de mai 1767, en supposant qu’edes aient pu en avoir un, même apparent, avant cette époque, et qui ni1 produisent rien qui puisse entrer en parallèle. D’après c< tle raison ces entrepreneurs concluent à ce qu’il leur soit accordé le rétablisse - ment de cette navigation, aux conditions qu’il vous plaira, Messieurs, de leur imposer. Quant à l’article essentiel des fonds à réaliser, ces entrepreneurs se sont soumis à déposer une somme équivalente à celle jugée nécessaire par l’ingénieur, pour rendre à sa perfection telle partie du canal désigné en passant par Gorbeil, lieu où les deux rivières réunies confluent à la Seine, et de fournir successivement la somme relative à la partie suivante de ce même canal; et ils s’engagent à continuer ainsi par partie, tant que l’entière uerfection de cette navigation, jusqu’à son confluent à la Loire, l’exigera. Cette proposition partielle de fournir les fonds ne peut convenir pour un objet, de cette importance; elle ne peut entrer dans la sagesse de vos vues, parce que: 1° il importe de donner de l’ouvrage, comme on l’a déjà essentiellement prouvé, à une multitude de bra-; oisifs, et il y en a dans toute l’étendue de pays que doit traverser le canal projeté; conséquemment il paraît indispensable qu’il soit établi des ateliers en même temps sur divers points de son cours; 2° plus celte navigation intéresse le commerce, et plus il est urgent qu’elle puisse être achevée en moins de temps; 3° ce ne serait pas remplir le vœu des départements, directoires et municipalités, qui toutes demandent des assurances positives sur l’exécution entière de la navigation, à cause des motifs d’utilité générale, et à cause des gênes que les anciennes reprises et les abandons ont occasionnées en divers temps aux propriétés qui le3 ont souffertes. J’ai eu l’honneur de vous rapporter, Messieurs, les prétentions motivées des deux compagnies différentes : l’une plus ancienne présente des moyens qu’on ne peut juger, et des droits au moins équivoques ; l’autre, fécondée par le talent et l’expérience, vous offre des moyens clairs et qui paraissent sans contradiction. Ainsi, en accordant aux sieurs Grignet, Gerdret et Jars, le décret qu’ils sollicitent, et en les soumettant à recevoir des sieurs Dubois, Romain-ville et de Mrae de Sainte-Co’ombe des actions jusqu’à la concurrence d’un cinquième du montant de la dépense, dans laquelle ils feront entrer, ainsi que les sieurs Grignet, Gerdret et Jars, les dépenses préliminaires et légales qu’ils justifieront avoir faites pour cet objet; enfin, en imposant à cette compagnie les obligations de suivre les plans du sieur Dransy, qui sera chargé de l’exécution, vous rendrez une égale justice à tous les prétendants, et vous assurerez la bonté de l’exécution, en la mettant entre les mains de l’ingénieur qui jouit d’une confiance générale. Les entrepreneurs demandent qu’il leur soit fait don perpétuel et irrévocable, à leurs hoirs, successeurs et en pleine propriété incommutable, etc. Cette demande ne peut être accordée sans contrarier vos principes constitutionnels. Le fond du canal de cette navigation, ses bords, ses chemins de halage, ses ponts, ses écluses, ses étangs, ses réservoirs, ses ports ; tous ses objets ne peuvent et ne doivent être aliénés que pour un temps limité, pendant lequel, au moyen d’une indemnité qui sera accordée à prendre sur les bateaux qui monteront et descendront, eu égard à l’espèce, poids et qualité .des marchandises, des denrées et même sur les voyageurs qu’ils contiendront, ces entrepreneurs seront remboursés de leurs fonds d'avance et des intérêts qu’auront occasionnés la construction de l’ouvrage et son entretien. Mais les magasins, les bateaux, les maisons, les usines, qu’ils auront construits sur les bords de cette navigation sous votre autorisation; tous ces objets bâtis à leurs frais et indépeudants de la navigation, formeront pour eux, leurs hoirs ou ayants-cause une propriété réelle et irrévocable, parce qu’à l’expiration de l’époque fixée, toute indemnité ac ordée sur le public passera au profit de la nation, alors chargée de son entretien ; sauf aux entrepreneurs à tirer de leurs magasins, maisons, usines, bateaux, tel parti qu’ils jugei ont convenable par la vente ou la location de leurs propriétés. Ainsi, sur ces principes, ce n’est pas un privilège qu’il est question u’aecorder; mais de laisser ouverture à une simple spéculation, à laquelle tout citoyen, tout propriétaire, peut avoir droit 509 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |18 août 1791.] [Assemblée nationale.] de se livrer et de placer une portion de ses fonds conformément à ses intérêts et aux principes de la liberté, base heureuse de notre Constitution. C’est en conformité de ces principes que j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant, au nom de votre comité de commerce et d’agriculture : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait, au nom de son comité d’agriculture et de commerce, de la demande des sieurs Grignet, Gerdret et Jars, de rétablir à leurs frais : ,1° la navigation sur la rivière de Juine, dite d’Étampes, depuis cette ville jusqu'à son embouchure dans la rivière d’Essonnes. « 2° La navigation, sur la rivière d’Essonnes, depuis la jonction dans la Seine à Corbeil, jusqu’à sa sourceau-des us de Pithiviers, en passant par Essounes, la Ferté-Aleps et Malesherbes, et un flottage sur le ruisseau le Remard, dans la partie de son cours, à travers la forêt d’Orléans, pour en faciliter l’exploitation du bois. « 3° D’établir une nouvelle navigation depuis Pithiviers, en traversant partie de la forêt d’Orléans jusqu’à la Loire. « Ouï le rapport du vœu des directoires des départements de Paris, de Seine-rt-Oise, du Loiret, des directoires de district d’Etampes, de Corbeil, de Pithiviers, des municipalités de Paris, Gorbeil, Pithiviers, Malesherbes, Baulne, Boigne-ville, Gironville, Bonnevault, Messe, Vaire, Buu-tigni, Guinneville, la Ferté-Alais et Essonnes. « Ouï le rapport du sieur Dransy, ingénieur nommé par arrêté du conseil du 15 avril 1789, pour examiner la possibilité et le détail de construction : « Ouï le rapport de l’administration centrale des ponts et chaussées : « Décrèie ce qui suit : « Art. 1er. Les sieurs Grignet, Gerdret, Jars et Cie, sont autorisés d’ouvrir, construire et rétablir à leurs Irais, conformément aux plans et devis fournis par le sieur Dransy , ingénieur, qui resteront annexés au présent décret, et sous la conduite de cet ingénieur : « 1° La navigation sur la rivière de Juine, dite d’Etami es, depuis cette ville jusqu’à son embouchure dans la rivière d’Essonnes. « 2° La navigation sur la rivière d’Essonnes, depuis sa jonction dans la Seine, à Corbeil, jusqu’à sa source au-dessus de Pithiviers, en passait par Essonnes, la Ferté-Alais et Malesherbes, et un floitage sur le ruisseau le Remard, dans la partie de son cours, à travers la forêt d’Orléans, puur en faciliter l’exploitation du bois. « 3° D’établir une nouvelle navigation depuis Pithiviers, en traversant la partie de la forêt d’Orléans ju qu’à la Loiie. « Ari.2. Les rivières auront au moins 36 pieds de large à leur superticie et 5 pieds de hauteur d’eau ; il leur sera donné une plus grande hauteur et largeur dans ies lieux où elle sera jugée utile; elles seront redressées partout où il sera établi des anses de retraite dans les lieux convenables pour la plus grande facilité de la navigation . « Toutes les branches qui subdivisent ces rivières, et sur lesquelles il n’y a pas d’usines ou moulins, seront remues au corps de rivière principal, et leur embouchure sera fermée solidement avec des palplauches et currois devant et derrière. Art. 3. Les sieurs Grignet, Gerdret, Jars et Cie établiront des ponts en pierre partout où cette navigation traversera les grandes routes, en se concertant à cet effet avec l’ingénieur du district ou du departement-, des chemins de halage de 18 pieds ne large, un cont e-fossé pour le dessèchement des terra ns, qui aura 6 pieds de large, et dont la profondeur sera toujours de niveau au-dessous de l’usine inférieure ; le franc-bord opposé aura 12 pieds de large, et on y établira un contre-fossé servant au dessèchement de cette partie. On ajoutera aux chemins de halage, francs-bords et contre-fossés, les talus nécessaires pour le soutien et la solidité des terres. « Il sera établi à chaque retenue d’eau une écluse le plus près possible de l’usine ; et à chaque endroit où il se trouvera un chemin charretier, il sera établi sur l’écluse un pont mouvant en bois. « Art. 4. Ils acquerront les propriétés nécessaires à cette entreprise, savoir les terrains nécessaires à rélargissement de la rivière, ceux pour le chemin de hallage, les talus, les francs-bords, les contre-fossés, suivant les dimensions données à l’article ci-dessus, les terrains nécessaires aux anses de retraite dans les campagnes, de 600 toises en 600 toises; ceux nécessaires aux remblais des terres où besoin sera; enfin, ils seront aussi autorisés à faire acquisition dans les villes des terrains qu’ils jugeront nécessaires à l’établissement d’un port où passera le canal; l’estimation en sera faite par des experts nommés de gré à gré, ou par lu directoire des districts; et s’il arrivait quelques difficultés à cette occasion, elles seront terminées par les directoires des départements. Le propriétaire d’uu héritage divisé par le canal, pourra, lors du contrat de vente, obliger ies sieurs Grignet, Gerdret et Jars d’acquérir les parties restantes ou portion d’icelles, pourvu toutefois qu’elles n’excèdent pas celles acquises pour ledit canal et ses dépendances. Si la partie r stante d’un héritage se trouvait cependant réduite à un demi-arpent, ou au-dessous, les entrepreneurs seront obligés à les acquérir, s’ils eu sont requis par les propriétaires. « Art. 5. Ils ne pourront se mettre en possession d’aucunes propriétés qu’après le payement réel et effectif de ce qu’ils devront acquitter; si on refuse de recevoir le payement, ou en cas de difficultés, la consignation de la somme à payer sera faite dans le dépôt public que le directoire du département ordonnera, et sera considérée comme pavement, api ès qu’elle aura été notifiée; alors toutes les oppositions et autres empêchements à la prise de possession seront de nul effet. « Art. 6. Après la quinzaine du payement ou de la consigeation dûment notifiée, les entrepreneurs seront autorisés à se mettre en possession des bois, pâtis, prairies, terres à champs, emblavées ou non, qui se trouvent dans l’emplacement dudit canal et de ses dépendances. « Art. 7. Les hypothèques dont les biens qu’ils acquerront pour la construction du canal et de ses dépendances, pourraient être chargés, seront purgées en la forme ordinaire ; mais il ne leur sera expédié chaque mois qu’une seule lettre de ratification par le tribunal, pour tous les biens dont les hypothèques auront été purgées pendant ce mois. « Art. 8. Il seront autorisés à détourner les eaux pour l’approfondissement de la rivière; mai-s, s’il y a quelques mouli us qui soient en chômage par cette raison, le meunier sera indemnisé par chaque journée de 24 heures de moitié en sus du prix de son bail, compensé par chaque journée, demi-journée, quart de journée et heure, s’il l’exige.