83 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1791.] tranquille sous les yeux seuls des examinateurs, en qui il n’aurait vu que de la bienveillance et de l’équité. L’essayeur instruit, mais craintif, que nous supposons ici, doit être cependant bien maître de lui-même dans la plupart de ses manipulations : pour peu qu’il soit troublé par des regards qui lui paraîtront toujours ceux de l’envie, il pourra être maladroit et tomber da ns quelque erreur dont on ne l’aura pas averti, et qu’il aurait évitée sans doute, s’il eût été moins ému. Au surplus, de quelque manière, Messieurs, que vous jugiez à propos de faire concourir les essayeurs, soit en les réunissant pour exciter leur émulation, soit en les séparant pour les garantir du trouble dans l’examen auquel ils seront assujettis, c’est toujours par le résultat de leurs opérations qu’il conviendra de juger de leurs talents et de l’exactitude qu’ils auront mise dan3 les manipulations successives que ces opérations auront exigées. Ils travailleront sur des matières dont ils ignorent le titre, mais ce titre sera parfaitement connu par les examinateurs; ils emploieront les mêmes substances pour les opérations de même nature qu’ils auront à faire; en un mot, il y aura une égalité parfaite dans tous les moyens” d’exécuter le travail: de manière qu’on aura lieu d’espérer l'uniformité dans les rapports, si la même matière est essayée par tous les concurrents; ou une différence nécessaire, mais juste dans le titre, si ces concurrents opèrent sur des matières différentes qu’on leur aura données à essayer. Le concours des graveurs a exigé quelques dispositions particulières, les pièces demandées pour ce concours devront se faire, pour éviter toute friponnerie, sous les yeux du graveur général : on a cependant pris toutes les précautions pour que les examinateurs ignorent, non seulement le nom de l’auteur de l’ouvrage qu’ils examinent, mais même celui des concurrents. Ces détails vous paraîtront, Messieurs, plus que suffisants pour le développement des articles que je vais soumettre à votre discussion. L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des monnaies, décrète ce qui suit : TITRE Ier. * Art. 1er. Les pourvus d’offices d’essayeur et de graveur particuliers des monnaies, supprimés par l’article 1er du titre 1er de la loi des 19 et 21 mai 1791, qui en exercent actuellement les fonctions, pourront être nommés aux places d’essayeur et de graveur, créées par l’article 2 du titre II de la même loi, soit dans lés mêmes monnaies auxquelles ils étaient attachés, soit dans d’autres monnaies du royaume, sans être assujettis à la formalité du concours ordonné par l’article 4 du même titre. « Art. 2. La même exception pourra avoir lieu pour ceux qui exerçaient lesdites fonctions d’essayeur et de graveur, en vertu de commission. « Art. 3. Les essayeurs et graveùrs pourvus d’office avant la suppression de la cour des monnaies, et qui, par raison de cette suppression, n’auraient pu s’y faire recevoir, seront également dispensés du concours. « Art. 4. Les directeurs des monnaies ne pourront, sous peine de révocation, vendre ni appliquer à aucun usage qu’à la fabrication des e spèces, les matières qui seront versées au change des monnaies, soit par les particuliers, soit par les changeurs, ni faire, directement ou indirectement, aucun commerce de matières d’or et d’argent. « Art. 5. Le commissaire du roi étant spécialement chargé de veiller à la beauté des empreintes des espèces nationales, s’il se trouve dans la circulation des espèces mal monnayées, il en sera seul responsable ; et, en conséquence, il sera averti d’apporter à l’avenir plus d’attention dans l’exercice de ses fonctions. Si cette contravention se renouvelle une seconde fois dans l’espace de 2 années, il sera suspendu de ses fonctions pendant 3 mois, et pendant ce temps privé de son traitement; si, dans le même espace de 2 années ou de 4 semestres, il tombe 3 fois dans la même contravention, il sera révoqué. « Art. 6. Les fonctionnaires particuliers de chaque hôtel des monnaies, qui’ seront établis en exécution de l’article 2 du titre îj àe la loi des 29 et 21 mai, entreront en fonctions au l8r septembre prochain, sans que néanmoins, dans le cas où ils ne pourraient être installés à l’époque dudit jour, les officiers supprimés puissent, conformément à l’article 2 du titre I6r, discontinuer leurs fonctions avant i’installatioQ desditg fonctionnaires. « Art. 7. Les gages et émoluments attribués aux officiers supprimés, continueront à courir jusqu’audit jour 1er septembre : le traitement des fonctionnaires publics établis pour les remplacer, commencera à courir du même jour; ils n’en pourront jouir, néanmoins que de celui de leur installation; et ce qui sera écRii de leur traitement jusqu’audit jour, appartienijrâ à ceux des officiers supprimés qui auront rempli leurs fonctions. « Art. 8. Les espèces qui seront monnayées dans chaque hôtel des mbnnaies, à compter dii lor juillet de chaque année, seront distinguées de celles qui auront été fabriquées pendant le semestre précédent, par une marque dont il sera fait mention dans le procès-verbal de la première délivrance du semestre de juillet : cette marque n’aura lieu, pour la présente année, qu’à compter du jour de l’installation des nouveaux fonctionnaires particuliers des monnaies. « Art, 9. Les directoires de département, sur l’avis qui leur sera donné par le ministre des contributions publiques , de la nomination des fonctionnaires des monnaies, commettront 2 de leurs membres qu’ils jugeront à propos de choisir, pour procéder à l’installation desdits fonctionnaires, et en dresser procès-verbal. « Art. 10. Les commissaires qui, en vertu de l’article précédent, auront été nommés par les directoires des départements, se transporteront, accompagnés des fonctionnaires de la monnaie à l’hôtel des Monnaies ; ils se feront représenter par chacun des officiers supprimés tous les registres étant en leur possession; et lesdits registres seront à l’instant clos et arrêtés par lesdits commissaires : ils feront l’inventaire de tous les outils, ustensiles, matières ou espèces fabriquées qui se trouveront, soit au change, soit dans les ateliers, fonderies, moulin, ajustage, monnayage, chambre de délivrance, ou partout ailleurs, et qui leur seront représentés par les officiers actuellement en exercice. « Art. 11. Ledit inventaire sera fait, tant en présence du commissaire du roi et des j uges-gardes, qu’en celle des autres officiers supprimés et des nôiiveaux fonctionnaires, ën cé qui concerne eha- g4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1791.] cun d’eux respectivement, et sera signé de tous ceux qui y auront concouru. « Art. 12. Les espèces fabriquées, ainsi que les matières reçues au change, ou en cours de fabrication, seront laissées à la garde du nouveau directeur, qui s’en chargera par ledit inventaire et en tête du registre du change qui lui sera remis par le commissaire du roi. Il sera tenu d’en verser la valeur en espèces dans le mois, entre les mains du commis à l’exercice des fonctions de trésorier général des monnaies, à l’exception de celle des matières que le directeur supprimé justifierait appartenir à des particuliers. « Art. 13. Les juges-gardes actuels seront avertis, la surveille au plus tard, du jour auquel devra se faire l’installation, à l’effet de procéder, si fait n’a été, à la délivrance des espèces qui se trouveraient fabriquées. « Art. 14. Les fonctions attribuées par les articles précédents aux commissaires nommés par les directoires de département, seront remplies à Paris par la commission des monnaies. « Art. 15. Indépendamment de l’adjoint du commissaire du roi, créé pour chaque monnaie par les décrets des 19 et 21 mai, il en sera établi un second dans la monnaie de Paris. « Art. 16. La profession d’essayeur sera libre à l’avenir, et pourra être exercée par toutes personnes, soit dans les villes où il y a un hôtel des monnaies, soit dans les autres villes du royaume ; à la charge néanmoins par ceux qui voudront exercer ladite profession, de remplir les formalités ci-après ordonnées. Seront néanmoins dispensés de cette formalité, ceux qui sont actuellement pourvus de commission. « Art. 17. Toute personne qui voudra exercer la profession d’essayeur sera tenue d’en faire sa déclaration par-devant le tribunal de commerce, ou, à défaut de tribunal de commerce, par-devant le tribunal de district. Le tribunal nommera deux experts, qui devront être pris, soit parmi les essayeurs exerçant publiquement ladite profession, soit parmi les anciens gardes de l’orfèvrerie. Il nommera aussi un de ses membres pour assister aux examens que devra subir l’aspirant. a Art. 18. Les experts interrogeront l’aspirant sur la théorie et la pratique de l’art, et lui feront faire plusieurs affaires de matières d’or et d’argent à différents titres, le tout en présence du commissaire nommé par le tribunal de commerce. « Art. 19. Les experts feront leur rapport par-devant ledit commissaire, qui eu dressera procès-verbal. « Si les experts sont d’avis uniforme pour l’admission ou le renvoi de l’aspirant, le tribunal de commerce se conformera à leur avis. S’ils sont d’avis contraire, il en sera nommé un troisième, qui fera subir à l’aspirant les mêmes examens, et le fera procéder aux mêmes expériences. Il donnera son rapport de la manière ci-dessus prescrite ; et, sur son avis, la demande de l’aspirant, à tin d’être reçu essayeur, sera admise ou rejetéô* « Art. 20. Dans tous les cas, les aspirants, au lieu de se pourvoir devant le tribunal de commerce de leur domicile, pourront former leur demande devant la commission des monnaies, qui suivra, pour l’epreuve ou l’admission des as-piranis, les règles ci-dessus prescrites. « Art. 21. Il sera délivré à ceux qui auront été admis, soit par le tribunal de commerce, soit par la commission des monnaies, une lettre ou brevet d’essayeur. Si elle est délivrée par un tribunal de commerce, il en sera remis un double à l’essayeur, qui sera tenu de l’adresser au garde des dépôts de la commission. Dans le cas con-traire, il en sera pareillement remis un double à l’essayeur, pour être par lui déposé au greffe du tribunal de commerce ou de district de son domicile. « Art. 22. Le tribunal de commerce ou de district donnera à l’essayeur reçu, un poinçon dont il sera tenu de marquer tous les ouvrages ou lingots qui seront par lui essayés. Ce poinçon sera insculpé sur une planche de cuivre qui demeurera déposée au greffe du tribunal. « Art. 23. Chaque essayeur aura un registre qui sera paraphé par le président du tribunal de commerce. Il inscrira sur son registre le poids des lingots qu’il essaierait les noms des propriétaires: il ne pourra les rendre qu’après y avoir apposé son poinçon, avec le numéro sous lequel il sera porté sur son registre, et le nom de la ville où il sera établi. Il sera tenu de se conformer au surplus à ce qui est prescrit par les articles 4 et 6 du chapitre VI du titre III de la loi des 19 et 21 mai dernier. « Art. 24. Si un essayeur change de domicile, il ne pourra exercer sa profession dans le lieu où il aura établi sa nouvelle résidence, qu’après avoir justifié devant le tribunal de commerce, ou, à défaut devant tribunal de district, de son brevet d’essayeur, et y avoir fait inscuiper son poinçon. Il lui sera délivré un certificat de i’insculpation de poinçon, qui sera par lui adressé à la commission des monnaies. « Art. 25. Chaque essayeur sera garant et responsable du titre qu’il aura apposé sur les lingots et matières par lui essayées, et qui se trouveront marquées de son poinçon. Il pourra, en conséquence, être appelé en garantie, et condamné, s’il y a lieu, aux dommages-intérêts des parties. TITRE III. Du concours des essayeurs. « Art. 1er. Lorsque que le concours des essayeurs sera indiqué, qu’ils auront été prévenus du temps où il commencera, et du lieu destiné à l’examen, soit pour les questions qu’on aura à leur faire, soit pour les essais des différentes matières qu’on exigera d'eux, ils se rendront à l’hôte! des monnaies, où le secrétaire général de la commission prendra leur nom, et inscrira le jour où ils se seront présentés; et l’examen se fera dans l’ordre de leur demande pour concourir. « Art. 2. L’examen sera public ; les concurrents cependant ne pourront y être admis. Cet examen sera fait sous les yeux de 2 membres de la commission, et de l’inspecteur général des essais, par les 5 examinateurs qu’elle aura choisis, y compris l’essayeur général. « Art. 3. Les examinateurs donneront leur avis séparément et par écrit. Ces avis seront remis à l’inspecteur général des essais qui, conformément à l’article 2 du chapitre Ier du titre de la loi des 19 et 21 mai, sera chargé de les mettre sous les yeux de la commission, et d’y joindre les observations dont il les croira susceptibles. « Art. 14. La place d’essayeur sera accordée à celui qui aura obtenu la pluralité des suffrages des examinateurs. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1791.] 85 TITRE III. Du concours des graveurs. « Art. 1er. Lorsque le concours pour une place de graveur particulier aura été indiqué, chacun de ceux qui voudront concourir sera tenu de se présenter chez le secrétaire général de la commission, et d’y inscrire ses noms, surnoms et demeure, sur un registre à ce destiné. Il lui sera remis en même temps par le secrétaire général un programme qui énoncera le nombre et les dimensions des carrés qui devront être fabriqués par chacun des concurrents, avec un certificat de son inscription sur le registre de concours, et du numéro sous lequel i! s ra inscrit. « Art. 2. Il sera fabriqué pour chaque concours deux carrés au moins, l’un de tête et l’autre de revers. Chaque concurrent devra aussi faire un certain nombre de poinçons de détail sur les matrices qui lui seront fournies par le graveur général, ainsi qu'il sera dit ci-après. « Art. 3. Les concurrents prépareront leurs carrés, et les mettront en état d’être dressés avant le jour qui leur aura été indiqué pour se rendre daos l’atelier du graveur général. « Art. 4. Au jour qui aura été fixé par la commission, tous h s concurrents se rendront à l’atelier du graveur général ; ils y seront examinés chacun séparément parle graveur général, en présence de deux membres de la commission, sur la théorie de leur art, sur la manière de former les carrés, sur la nature et les proportions des différentes espèces d’acier qui doivent y être employés ; enfin, sur le procédé de la trempe. Après cet examen, le graveur général indiquera à tous les aspirants, en présence de deux membres de la commission, les jours et heures auxquels ils devront se trouver dans son atelier pour y travailler, sans que le graveur général puisse accorder aucun rendez -vous particulier à quelqu’un des concurrents, à l’exclusion des autres. « Art. 5. Les deux membres de la commission qui auront assisté à l’examen des aspirants, pourront se transporter dans l’atelier du graveur général pendant les heures destinées au travail des concurrents. « Art. 6. Chacun des concurrents dressera ses carrés, et les travaillera par lui-même, et sans aucun secours étranger, jusqu’à ce qu'ils soient en état de servir au monnayage ; et il ne sera permis à aucun concurrent de travailler hors la présence et ailleurs que dans l’atelier du graveur général. « Art. 7. Lorsque les carrés seront entièrement achevés, chacun des concurrents les remettra sous son cachet, et celui du graveur général, au garde des dépôts de la commission, et chaque carré sera marqué d’un numéro qui correspondra à celui sous lequel l’aspirant se sera inscrit sur le registre de concours. « Art. 8. La commission indiquera le jour pour l’épreuve des carrés. Cette épreuve se fera en présence des deux membres de la commission, du graveur général, et de tous les aspirants, par le monnayage d’une ou plusieurs pièces. Chaque aspirant r. connaîtra préalablement, ainsi que le graveur général, les cachets apposés sur l’enveloppe de ses carrés ; et après le monnayage, les carrés de chaque aspirant, et les pièces provenues du monnayage, seront remises séparément sous les cachets des membres de la commission et du graveur général. « Art. 9. Après que cette épreuve aura été faite, la commission nommera 5 graveurs pour juges du concours, y comm is le graveur général, et elle indiquera le jour où ils devront être entendus et donner leur rapport. « Art. 10. Il ne sera donné aux aspirants aucune connaissance des noms des juges du concours. Les juges devront pareillement ignorer les noms des concurrents. k Art. 11. Les juges du concours examineront, chacun séparément, les ouvrages des aspirants, et iis donneront leur avis séparément et par écrit. Ces avis seront remis au graveur général, qui les rem ttra dans les 24 heures au secrétaire général de la commission, et y joindra par écrit les observations dont il les croira susceptibles. « Art. 12. La place sera accordée à celui des concurrents qui aura obtenu la pluralité des suffrages des juges du concours. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) Plusieurs membres présentent des observations et des amendements sur plusieurs articles de ce projet. Après quelque discussion, plusieurs changements sont adoptés par l’Assemblée, et les divers articles du projet de décret sont successivement mis aux voix dans les termes suivants: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des monnaies, décrète ce qui suit : TITRE 1er. Art. 1er. « Les pourvus d’offices d’essayeur et de graveur particuliers des monnaies, supprimés par l’article 1er du titre Ier de la loi des 19 et 21 mai 1791, qui en exercent actuellement les fonctions, pourront être nommés aux places d’essayeur et de graveur, créées par l’article 2 du titre II de la même loi, soit dans les mêmes monnaies auxquelles ils étaient attachés, soit dans d’autres monnaies du royaume, sans être assujetties à la formalité du concours ordonné par l’article 4 du même titre. » {Adopté.) Art. 2. « La même exception pourra avoir lieu pour ceux qui exerçaient lesdites fonctions d’essayeur et de graveur en vertu de commission. (Adopté.) Art. 3. « Les essayeurs et graveurs propriétaires d’offices, et qui, pour raison de la suppression de la cour des monnaies, n’auraient pu s’y faire recevoir, mais qui se sont présentés à cet effet depuis cette époque, seront pareillement dispensés du concours. » (Adopté.) Art. 4. « Les directeurs des monnaies ne pourront, sous peine de révocation, vendre ni appliquer à aucun usage qu’à la fabrication des espèces les matières qui seront versees au change des monnaies, soit par les particuliers, soit par les changeurs, ni faire, directement ou indirectement, aucun commerce de matières d’or et d’argent. » (Adopté.) Art. 5. « Le commissaire du roi étant spécialement chargé de veiller à la beauté des empreintes des