194 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ont été abreuvés, aux angoisses dans lesquelles ils ont gémi? Citoyens, la surveillance de vos finances, l’intérêt qu’elles inspirent, l’économie que le salut du peuple commande, ne sauroient étouffer le cri de la vérité, celui de la justice. Il est au nombre des réclamans, des hommes indignes de l’indulgence de la loi; mais il en est aussi au secours desquels elle doit promptement venir. Vous connoissez le degré de confiance que mérite votre comité des Finances; vous sentirez la nécessité de vous débarrasser des petits détails. Voici le projet de décret que je vous propose : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Bordas, au nom] de son comité des Finances, décrète qu’elle autorise le comité des Finances à prononcer sur les demandes en relevée de déchéance qui lui ont été ou seront adressées par les citoyens qui se sont trouvés en arrestation dans les délais utiles pour la remise et le dépôt de leurs titres (71). 41 Rapport et projet de décret sur la réclamation du citoyen Hardy Lévaré, pour être admis à la liquidation de son office de receveur particulier des finances, présentés par BORDAS imprimés par ordre de la Convention nationale (72). Citoyens, La loi du 12 février 1792 ordonnoit aux propriétaires d’offices de fournir au directeur général de la Liquidation leurs titres avant le premier mai prochain, (délai prorogé depuis jusqu’au premier septembre 1792) elle prescri-voit en même temps aux propriétaires des créances exigibles sur les des cy-devant corps de communautés ecclésiastiques, de produire leurs titres, dans le même délai, aux directoires des districts de la situation des biens. Au mois de mars 1793, le fondé de pouvoir du citoyen Hardy Lévaré, présenta pour la première fois au bureau de la liquidation générale, les titres de son office de receveur particulier des finances de l’élection de Laval. Sur l’observation que n’ayant été déposé ni mémoire, ni copies de titres, avant le premier septembre 1792, à la direction générale de la liquidation, la déchéance étoit encourue, le fondé de pouvoir produisit aussitôt un extrait des registres du directoire de Laval, lieu du domicile du citoyen Hardy, extrait qui consta-toit que dès le 24 avril 1792, il y avoit fait le (71) P.-V., XLV, 270. C 318, pl. 1286, p. 31. Décret n° 10 894, minute de la main de Bordas, rapporteur. Bull., 29 fruct.; Débats, n° 729, 560; Moniteur, XXI, 765. (72) C 318, pl. 1286, p. 32. Rapport signé de la main de Bordas. Partiellement reproduit dans Moniteur, XXI, 773. dépôt des originaux de ses provisions, et de sa quittance de finance. Cette circonstance parut d’abord sortir le citoyen Hardy de la classe de ceux qui n’avoient fait aucun acte d’obéissance à la loi. Dans le doute cependant que faisoit naître sa position malheureuse, peut-être même intéressante, ses titres furent mentionnés, le 11 mai 1793, sur le registre des déchéances. Alors le citoyen Hardy donna sa pétition à la Convention nationale. Il exposa que voulant se conformer à la loi du 12 février 1792, il n’a-voit pas saisi la distinction qu’elle avoit établie relativement au dépôt des titres; qu’il avoit cru que tous indistinctement pouvoient et dévoient être remis aux districts; que le dépôt de ses pièces à son district lui avoit paru d’autant plus naturelle, qu’il pensoit, à cette époque, que le directoire de son département seroit chargé de l’examen de sa comptabilité pour l’exercice de 1790. Il ajouta que le district de Laval, en recevant ses pièces, avoit nécessairement confirmé son erreur, qu’un refus eût bientôt différée; que les lois de déchéance ne doivent frapper que ceux qui, par une négligeance impardonnable, ou dans un espoir criminel, ont retenu dans leurs mains leurs titres au-delà des délais prescrits; et qu’elles doivent au contraire garantir les patrimoines, protéger celui qui s’est empressé de présenter, de déposer ses titres originaux à une autorité constituée, bien avant l’expiration du premier délai, et sans attendre les prorogations accordées par les lois des premier mai et premier septembre 1792. Il exposa enfin, et ce fait méritera peut-être quelque attention, qu’il étoit père de cinq enfans, et que la finance de son office faisoit toute sa fortune. Tels furent les motifs sur lesquels il demanda d’être admis à la liquidation de son office. Le comité auquel vous renvoyâtes cette pétition ne crut pas en devoir précipiter le rapport, parce qu’alors il s’agissoit d’une loi générale sur la liquidation, et qu’il étoit possible qu’elle statuât en même-temps sur toutes les espèces particulières qui s’étoient présentées. Cette loi parut, en effet, le (?) brumaire; elle contient beaucoup d’articles dont le douzième, paragraphe II, porte : « que les possesseurs de créances qui ont fourni, soit des mémoires, soit des copies collationnées, soit même des titres originaux incomplets, avant le premier septembre 1792, seront déchus s’ils ne fournissent pas au directeur général de la liquidation, d’ici au 13 pluviôse les originaux des pièces constatant leur créance. » Cette disposition, citoyens ranima la confiance et l’espoir du citoyen Hardy. Il l’invoqua comme ayant décidé sa question, puisqu’il avoit d’abord déposé ses titres à son district dès le 24 avril 1792, et ensuite entre les mains du directeur-général le 11 mai 1793. L’article XIII, à la vérité, a pu faire croire au citoyen Hardy que sa production au district étoit validée. Mais votre comité n’a pas partagé cette opinion. Il a pensé au contraire, que cet article invoqué n’a pas un rapport assez immédiat à SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 42 195 la situation du citoyen Hardy, et qu’il ne s’applique naturellement qu’aux propriétaires de créances qui, en exécution de la loi du 12 février, dévoient déposer leurs titres aux directoires de districts, et non aux titulaires d’offices qui, en exécution de la loi [mots illisibles ] leur production à la direction générale, et uniquement à la direction. Certes, s’il étoit permis de faire une exception à la règle, celui-là devroit en jouir qui s’est désaisi de ses titres au premier avis qu’il en reçu de la loi, et qui les a déposés entre les mains d’une autorité constituée. S’il étoit permis de pardonner à une erreur, l’indulgence devroit être toute entière pour celui qui, en la commettant, a néanmoins rempli l’esprit de la loi; pour celui dont la conduite, malgré l’erreur, prouve son respect et sa soumission à la loi; pour celui, en un mot, à qui la même loi offroit deux dispositions, et qui a suivi celle qui ne lui étoit pas applicable. Mais une exception de cette nature, l’exception la mieux méritée, ne sauroit procéder que de la Convention nationale elle seule; c’est à elle de peser les circonstances; et de juger entre l’acte et le devoir. Quant à votre comité, esclave des principes, il ne connoît de droit que celui d’en faire une application sévère. La loi vouloit que le citoyen Hardy déposât ses titres à la direction générale de la liquidation. Ce dépôt, au contraire, le citoyen Hardy l’a fait au directoire de son district. La loi n’a pas été religieusement observée; elle ne doit aucun secours au citoyen Hardy. Je vous propose le projet de décret suivant. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Bordas, au nom] de son comité des Finances sur la demande du citoyen Hardy Lévaré pour être admis à la liquidation de son office de receveur particulier des finances en l’élection de Laval [département de la Mayenne], décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera inséré au bulletin (73). 42 Rapport et projet de décret, sur la liquidation des compagnies financières, connues sous le nom de Caisse-d’escompte, Assurance sur la Vie et Assurance contre les Incendies, présentés par CAMBON, député par le département de l’Hérault, au nom du comité des Finances, séance du 25 fructidor an II de la République, une et indivisible. Imprimé par ordre de la Convention nationale (74). (73) P.V., XLV, 270-271. C 318, pl. 1286, p. 32. Décret n° 10 886, minute de la main de Bordas, rapporteur. Bull., 29 fruct.; Moniteur, XXI, 773. (74) C 318, pl. 1286, p. 33. Débats, n° 725, 477-481; Moniteur, XXI, 774-775; J. Mont., n08 139 et 141; J. Fr., n° 723; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n° 274; J. Perlet, n° 723; Ann. R. F., n° 288; J. Paris, n° 624. L’agiotage avoit épuisé tous les moyens pour jouer sur les fonds publics; vous avez déjà anéanti les effets au porteur et les délégations sur les rentes viagères; il vous reste à vous occuper pour la dernière fois des actions au porteur, dont les propriétaires sont aussi les créanciers indirects de la République. Ce sera le dernier chaînon de l’ancien agiotage dont vous aurez à vous occuper. Il s’étoit établi des compagnies financières qui, pour se procurer des fonds, avoient émis des actions au porteur : les propriétaires de ces actions devenoient associés dans l’entreprise : ces actions se vendoient à la bourse; et, par leur hausse et leur baisse, le plus souvent combinées avec des fausses nouvelles et des mouvemens ministériels, elles alimentoient l’agiotage et procuroient des fortunes rapides et scandaleuses à ceux qui suivoient ces opérations, et presque toujours au détriment du pauvre. Ces compagnies avoient calculé l’intérêt de l’argent, combiné avec la probabilité de la durée de la vie humaine; elles avoient acquis des rentes viagères; elles en recevoient annuellement l’intérêt; elles payoient à leurs associés une dividende qui varioit, et la différence qui se trouvoit entre le montant de cette dividende et l’intérêt viager qu’elles recevoient, servoit à rembourser le capital qu’elles avoient emprunté ou qu’elles s’étoient procuré par l’émission de leurs actions au porteur. Il en résultoit que les actionnaires étoient des créanciers indirects de la Nation, qui, quoique propriétaires de rentes viagères, avoient combiné leur placement, de manière à recevoir leur remboursement de leurs capitaux à des époques déterminées et un intérêt annuel; ils avoient en outre la probabilité la plus complette de trouver dans leur placement un bénéfice considérable en sus de leurs débours, ainsi qu’il a été établi dans le rapport de votre comité des Finances sur les rentes viagères. Vous avez décrété, le 17 du premier mois, la suppression de toute ces compagnies, et vous avez ordonné qu’elles seroient obligées de se liquider avant le 1er janvier 1794 (vieux style). Leur liquidation n’a pas pu s’effectuer complètement, jusqu’à ce que vous eussiez décrété la liquidation des sommes qui leur étoient dues en viager. Par la loi du 23 floréal, vous avez renvoyé à vos comités des Finances et de Salut public, afin d’examiner s’il ne seroit pas d’une injustice rigoureuse de diminuer les capitaux qui seront liquidés en faveur des compagnies de finances, propriétaires de rentes viagères, d’après une proportion combinée sur le temps de leur jouissance, le taux de l’intérêt viager qui leur a été payé, et l’âge des têtes sur lesquelles ces rentes sont constituées. Ce renvoi a donné lieu à plusieurs pétitions; toutes ces compagnies vous ont représenté que ce seroit donner à la loi un effet rétroactif; que les actions au porteur ayant changé de propriétaire dans un temps donné, ceux qui étoient hier associés, ne le sont plus