172 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’Amiens, et de provoquer pour lui votre justice. Voici le fait : Le 22 floréal, Grinchon, père de famille, étoit sur le bord d’un canal dont les eaux sont profondes et rapides ; il y voit tomber la jeune citoyenne Martin : elle va périr. Grinchon n’oublie pas qu’il est Tunique appui d’une jeune femme enceinte, et d’un premier enfant encore en bas âge. Mais la mort de la citoyenne Martin est certaine s’il diffère, et il est possible qù’il ne périsse pas en voulant la secourir. Il se précipite après elle, et parvient à la ramener sur le bord, et à la rendre à sa famille. Ce généreux dévouement de Grinchon a sauvé la vie de la citoyenne Martin, mais il a eu des suites funestes pour lui. Depuis l’époque où il fit cet acte de vertu, il a été malade, et Test encore. Tels sont les faits attestés par un extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune d’Amiens. Il a suffi de les exposer pour exciter tout votre intérêt. L’éloge que je voudrois en faire n’y pourroit rien ajouter. Je me bornerai donc à une réflexion : c’est la considération que les législateurs attachent aux actions vertueuses qui fait les hommes vertueux; ce sont les honneurs rendus à la vertu, par ceux qui tiennent les rênes du gouvernement, qui excitent pour elle l’enthousiasme généreux, conservateur des Républiques. Hâtez-vous donc de publier le dévouement civique de Grinchon, rendez vos mentions honorables précieuses, en lui en applicant une, donnez lui ce témoigange authentique de l’estime nationale; vous le lui devez. Il est deux manières de servir la patrie : Tune, en combattant ses ennemis : l’autre, en conservant ses citoyens. Enfin, Grinchon est indigent et malade ; vous lui devez des secours ; on ne sauroit trop en répandre dans le sein des bons citoyens. Lecointe lit un projet de décret qui est adopté en ces termes (54) : La Convention nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité des Secours publics, du dévouement civique de Charlemagne Grinchon, père de famille, de la commune d’Amiens [Somme], qui, le 22 floréal dernier, se jeta à l’eau dans un canal profond pour en retirer la citoyenne Martin, qui venoit d’y tomber, et qui alloit périr, décrète : Article premier. - Le nom du citoyen Charlemagne Grinchon sera honorablement inscrit au procès-verbal. Art. II. - La Trésorerie nationale fera passer, sans délai, au receveur du district d’Amiens la somme de 500 L, qui sera comptée par lui au citoyen Charlemagne Grinchon, sur la présentation du présent décret. Art. III. - L’extrait du registre des délibérations du conseil-général de la commune d’Amiens est renvoyé au comité (54) Bull., 26 vend. Moniteur, XXII, 265. d’instruction publique, pour que le récit de la conduite de Grinchon soit consigné dans les annales civiques de la République française (55). 24 RÉAL, au nom du comité des Finances : Citoyens, un conspirateur, Anisson-Duperron, a été frappé du glaive de la loi. Parmi les biens de sa succession que le trésor national est appelé à recueillir se trouvent les droits et propriétés qu’il avait sur la manufacture de papiers établie à Buges. Anisson avait, pour associé et copropriétaire éventuel dans cette manufacture, le citoyen Leorier-Delisle, créateur de cet établissement, et sur lequel il a aujourd’hui des droits acquis et certains. La papeterie de Buges exige toute votre surveillance. Elle est aujourd’hui la seule où se fabrique le papier-assignat par des procédés nouveaux. Sa position avantageuse, la vaste étendue des bâtiments et la bonté de son papier lui ont fait accorder la préférence. Pour assurer le service de la Trésorerie nationale, qui ne peut souffrir aucun retard, il importe de faire procéder promptement à l’estimation et à l’aliénation des droits appartenant à la nation dans la manufacture de Buges. La nation ne peut conserver avec avantage une propriété indivise avec un citoyen. Il faut qu’elle achète sa portion ou qu’elle vende la sienne. Avant de vous proposer d’aliéner cette manufacture, votre comité des Finances a examiné s’il ne serait pas plus avantageux à la nation de la conserver pour la fabrication des assignats. Pour se décider sur ce point, il a examiné de nouveau la question de savoir si la fabrication des assignats pouvait être faite avec plus d’avantage par le moyen d’une régie que par l’intermédiaire d’un fabricant dont toutes les opérations sont exactement surveillées par un représentant du peuple et par un inspecteur national, sur qui pèse essentiellement la responsabilité. Il s’est convaincu qu’une régie de cette nature serait beaucoup plus dispendieuse que le mode actuel, et qu’elle pourrait compromettre l’exactitude et la célérité du service. Il est une vérité reconnue, qu’il est avantageux à la République de favoriser les établissements particuliers, qui la dégagent des agences ou des régies nationales toujours onéreuses. Les mêmes motifs avaient déjà déterminé votre décret du 7 juin 1793, qui, en prescrivant (55) P.-V., XLVn, 183-184. C 321, pl. 1335, p. 37, minute de la main de Lecointe-Puyraveau, rapporteur. Bull., 26 vend. ; Débats, n° 753, 366; Ann. Patr., n° 653; F. de la Républ., n° 25; J. Perlet, n° 752; Mess. Soir, n° 788; M.U., XLIV, 381, 409.