378 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1790.; noyre, il y avait quarante mille Alsaciens qui servaient le roi, et parmi ces quarante mille hommes il y avait cinquante gentilshommes. M. Burignot de Varennes. La mission qui m’a été donnée étant contraire à l’issue probable de votre délibération ..... On demande à aller aux voix. — MM. le marquis d’Ambîy, le marquis de Digoine du Palais, le président de Grosbois, le comte d’Egmont et beaucoup de membres de la partie droite s’élancent à la tribune. — On demande à aller aux voix. — MM. les marquis d’Ambly, de Digoine, etc., parlent avec chaleur, lèvent là main droite, la dirigent vers le président. — Les propositions de MM. LeChapelier, Lanjuinais et Fréteau sont mises en délibération. MM. de Grosbois, de Digoine, d’Ambly veulent encore se faire entendre, les applaudissements des spectateurs couvrent leurs voix. M. le Président métaux voix le décret, dont les parties ont déjà été votées successivement. 11 est adopté en ces termes, sauf rédaction : « L’Assemblée nationale décrète que la noblesse héréditaire est pour toujours abolie; qu’en conséquence, les titres de prince, de duc, de comte, de marquis, vicomte, vidame, baron, chevalier, messire, écuyer, noble, et tous autres titres semblables, ne seront ni pris par qui que ce soit, ni donnés à personne; « Qu’aucun citoyen français ne pourra prendre que le vrai nom de sa famille ; « Qu’il ne pourra non plus porter ni faire porter de livrée, ni avoir d’armoiries; « Que l’encens ne sera brûlé, dans les temples, que pour honorer la Divinité, et ne sera offert à qui que ce soit ; « Que les titres de monseigneur et de messei-gneurs ne seront donnés ni à aucun corps, ni à aucun individu, ainsique les titres d’excellence, d’altesse, d’éminence, de grandeur : « Sans que, sous prétexte du présent décret, aucun citoyen puisse se permettre d’attenter aux monuments dans les temples, aux chartes, titres et autres renseignements intéressant les familles ou les propriétés, ni aux décorations d’aucuns lieux publics ou particuliers, et sans que l’exécution des dispositions relatives aux livrées et aux armes placées sur les voitures, puisse être suivie ni exigée par qui que ce soit, avant le 14 juillet pour les citoyens vivant à Paris, et avant trois mois pour ceux qui habitent les provinces. » Une députation de citoyens de Paris est introduite dans l' Assemblée . Elle lui fait hommage d’un monument au’ elle se propose de placer dans le jeu de paume ae Versailles, où l’Assemblée nationale a prêté, le 20 juin 1789, le serment mémorable de ne pas se séparer que la Constitution ne fût achevée. L’orateur de la députation donne lecture de l’adresse suivante : Messieurs, « Trois habitants des Alpes, réunis sur les bords du lac des Quatre-Gantons, jurèrent deren-dre la Suisse libre. Leurs noms sont gravés sur des rochers ; leurs vertus sont devenues la leçon des siècles; et le lieu où leur serment immortel est écrit est encore aujourd’hui le point de ralliement, et l’objet de la vénération de tous les peuples libres. « Des Français ont fait graver sur le bronze le serment que leurs représentants ont prêté dans le jeu de Paume : ils Je présentent à l’Assemblée nationale comme une offrande faite aux peuples et aux siècles. Demain, l’anniversaire du jour où il a été prononcé, ils le porteront religieusement et le placeront dans le lieu que vos vertus ont consacré. Paris, ce 19 juin 1790. Signé : G. Lefebvre ; Burguburn ; Guérin ; Viaud de Belaire, avocat au parlement ; Poulle-not, député à la commune ; Bertaud, cbirurgien-major de la garde nationale ; Beaulieu; Jacob; Gillet ; femme Gillet ; Marne ; Ladainte ; A.-L. Grandmaison ; Frestel ; J. -P. Gillv, volontaire d’Angers ; le Gocq de Cauville, secréiaire-commi3 des archives de l’Assemblée nationale ; Dufour de Saint-Pathus ; Ghajor; Brival; Lanthenas; Boy ; Lefêbvre-Desnoett ; Mejan Duluc ; Vanmes-lelacombe; L. Comtreau ; Otcher; Hugonen, député de la garde nationale de Montpellier ; Langlois, contrôleur des rentes ; Thailaud ; l’abbé Leroy; F. Duplay;J. Duplay; Y. Duplay ; Marguerite Duplay;E. Duplay; Danlig;Monet; Houillon ; Lad-miral; l’abbé Joseph ; G.Romme; l’abbé Anaclet ; Sponville; Ollivier fils ; Royer ; Mellet; Clerot; Ursule Gaveaut ; femme Guérin ; Souberbielle, chirurgien-major des volontaires de la Bastille ; J. Rodur ; Lafosse ; Honorine de Serrierres ; Jacques; Coqueau; Aubin; Laquiante; Petit ; Vriare; Hermil ; Beaublé ; Benoît ; Pascal ; Dujardin, Combert; Joubert ; Cellier; Menneville ; Lesnier, député suppléant de Bordeaux ; Gâcher ; Bousso-gne ; de Merard Saint-Just; Lacretelle le jeune; Benoît ; de Lalande ; Renaudin ; Laurent, avocat, major delà Bazoche ; R.Duhameau, architecte, soldat citoyen du bataillon des Filles Saint-Thomas; Mouchet; G. Desmoulins; Brongniarfils; Gilet, sous-lieutenant de la garde nationale parisienne ; Isaac Albarenga ; Naudet, comédien français, capitaine de grenadiers ; Boulognet; Mouchet de la Combe, lieutenant de grenadiers ; Elie, capitaine du centre de Saint-Jean-en-Grève ; Couraudin de La-noue, député du département de Maine-et-l’Oise. M. le Président répond : « L’Assemblée nationale avait promis solennellement, l’année dernière, de ne pas se séparer, que la Constitution ne fût entièrement décrétée : ce serment, elle l’a tenu, et elle le tiendra ; je le renouvelle ici en son nom. « Vous ne nous devez nul remerciaient, Messieurs ; l’Assemblée nationale n’a rempli que des devoirs ; mais c’est à vous, c’est aux citoyens de Paris : que dis-je ? c’est à tous les Français qu’elle doit son existence, et à l’opinion publique sa force. Soutenue par l’énergie et le courage qui animent la majeure partie des habitants du royaume, elle triomphera de tous ses ennemis, et verra bientôt le terme de ses opérations. Son but sera rempli : la France sera heureuse, et le monument que vous allez élever sera l’autel autour duquel se rallieront tous les amis de la liberté. « L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » M. le comte de Lévis, député de Dijon, s’approche de la tribune et dit qu’il donne sa démission. M. le Président annonce que le résultat du scrutin pour l’élection du président n’a donné à personne la majorité absolue. MM. Lepelletier (ci- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1790.] 379 devant de Saint-Fargeau) ; Bonnay (ci-devant le marquis de) ; Treiihard ; Riquetti l’aîné (ci-devant le comte de Mirabeau) ont réuni le plus grand nombre de suffrages. MM.Delley(ci-devantdeDelley d’Agier), Populus et Robespierre sont nommés secrétaires e n remplacement de MM. l’abbé Royer, de Jessé et Prieur, dont les pouvoirs sont expirés. (La séance est levée à onze heures au milieu des applaudissements et des cris d’allégresse.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 19 juin 1790. Protestations diverses contre le décret portant abolition de lanoblésse (1). PROTESTATION DU COMTE d’àLENÇON. (Extrait du cahier de la noblesse.) Déclare la noblesse de Toul et pays Toulois cpie ne formant de vœu que pour la prospérité de l’État et le soulagement du peuple, elle renonce à tous privilèges pécuniaires, etc., se réservant les prérogatives inhérentes à son ordre, comme tenant essentiellement à la constitution de la monarchie, etc. Je soussigné, député susdit, déclare que, n’ayant pu faire entendre mes réclamations à la séance du 19 juin, ni les faire recevoir à celle du jour suivant, je proteste contre le décret rendu sur la noblesse le 19 juin 1790, dont je déposerai l’acte chez un officier public, à raison du refus de le recevoir par l’Assemblée, et ce pour m’acquitter envers mes commettants, et me conformer à leur mandat, tant sur cet objet, et ses suites, que sur ceux essentiellement dépendants de la puissance spirituelle, et conformément à la déclaration de M. l’Evêque de Glermont, du 9 juillet 1790, à laquelle je donne mon adhésion. A Paris, le 10 juillet 1790. Signé ; LE COMTE D’ALENÇON, député de la noblesse de Toul. PROTESTATION DE M. BURIGNOT DE VARENNES. Le soussigné, député de lanoblessedu bailliage de Chalon-sur-Saône, considérant qu’il ne peut exister de constitution sans le maintien des propriétés; que de toutes les propriétés, la plus précieuse est la noblesse héréditaire, que ce n’est qu’en perdant l’honneur qu’on est légitimement dépossédé, qu’aucun équivalent ne peut la remplacer: considérant enfin que l’Assemblée nationale n’a souffert dans ses procès-verbaux, aucune mention des protestations faites à sa tribune, le 19 juin au soir contre le décret qui supprime la noblesse héréditaire (protestations auxquelles il avait hautement adhéré), déclare qu’il proteste de nouveau contre ce décret, tant en son nom qu’en celui de ses commettants; demandant que la présente protestation soit déposée aux archives de l’Assemblée nationale. Signé ; burignot de varennes. Nota. — Cette protestation a été adressée au président de l’Assemblée nationale, qui a refusé de la lui communiquer. Adhésion du chevalier de Rully. N’ayant pas encore pris ma place à l'Assemblée nationale, à l’époque du 19 juin, je n’ai pris aucune part au décret rendu ledit jour, mais je déclare que j’adhère aux principes ci-dessus énoncés par mon collègue, que je joins ma signature à sa protestation, et que je regarde ledit décret comme nul et non-avenu. Signé : le chevalier DE rully, député de Chalon-sur-Saône . DÉCLARATION DE M. LE VICOMTE DU HAUTOY. Extrait du cahier de la noblesse du bailliage de Pont-à-Mousson, en Lorraine. « Art. 38... Sa Majesté sera suppliée très « humblement de confirmer la promesse qui a été « faite aux deux duchés (de Lorraine et Barrois), « par le roi son auguste prédécesseur, de les con-« server dans tous les privilèges, prérogatives et « immunités qui leur avaient été assurés irré-« vocablement par le traité conclu à Vienne, le « 28 août 1736. » Extrait de ce traité. « Art. 14... Subsisteront et seront maintenus... « les privilèges de l’Église, de la noblesse et du « tiers état, les annoblissements, graduations et « concessions d’honneur faites parles ducs de « Lorraine». Je soussigné, député de la noblesse du bailliage de Pont-à-Mousson, déclare qu’ayant été chargé expressément, par l’article 7 des pouvoirs qui m’ont été donnés, de veiller à ce qu'il ne soit attenté en aucune manière aux droits sacrés et immuables de la propriété , je ne pourrais, sans me rendre indigne de la confiance de mes commettants, aquiescer, par mon silence, à la violation de la plus précieuse de leurs propriétés, celle de leur état politique, de leurs prérogatives honorifiques. Si le sacrifice de cette propriété pouvait concourir au bien de la patrie, autorisé par le même article à consentir à tous ceux que ce bien commun de tous les citoyens peut exiger, je n’aurais aucune réclamation à faire contre le décret rendu à la séance du soir du samedi 19 de ce mois : connaissant toute l’étendue de la générosité de la noblesse lorraine, assuré de n’en être pas désavoué, je n’aurais été retenu par aucune considération d’intérêts particuliers. Mais l’abolition delà noblesse, des titres, des dignités, des armoiries, des livrées, etc., peut-elle concourir au bien de la patrie? La noblesse a toujours été le plus ferme appui du trône : si cet appui était seulement ébranlé, le trône et la monarchie s’écrouleraient bientôt, et la France serait ensevelie sous leurs ruines. Son nom, autrefois si célèbre, ne rappellerait plus que l’anéantissement du plus beau royaume de l’univers. Le (1) Ces documents n’ont pas été insérés au Moniteur.