306 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES {9 août 1791.] (�exercer cette censure dont ils seront responsables. » M. le Président répond : « Messieurs, « Vous savez combien l'Assemblée nationale met de prix à la liberté, combien tout ce qui peut donner du développenaeht aux talents et de l’énergie aux sentiments qui l’ honorent, est ac-cuelli par elle avec empressement : vous pouvez doric être tranquilles sur l’effet d’une pétition dont l’objet est d’exciter l’émulation parmi les artistes, en les mettant à même d’offrir leurs ouvrages à la censuré du public, et d’en obtenir la récompense flatteuse et toujopps juste de son suffrage. « Aujourd’hui que l’artiste citoyen ne sait plus se prostituer à l’adulation des grandeurs; aujourd’hui qu’animé par l’amour de la patrie, et que ramenant tout aux vertus civiques, il ne peut plus fixer son talent qu’à ce qui lui paraît digne de la postérité, un champ plus vaste doit s’offrir à son imagination plus ardente; une carrière plus grande à fournir, exige la destruction de toutes les entraves : aussi, quand l’Assemblée satisfera à vos vœux, elle ne fera que payer un tribut au génie des arts, c’est-à-dire à cette divinité tutélaire d’une Constitution libre, dont lés hommes, esclaves du goût n’achèteront plus les bienfaits aux dépens des mœurs. « Comptez donc sur l’intérêt avec lequel l’Assemblée va s’occuper de votre réclamation : elle n’oubliera pas non plus l’époque à laquelle vous .paraissez attachés pour l’exposition des ouvrages des artistes. C’est en effet la même main qui doit ouvrir le temple des arts, et montrer les ruines du despostisme. (Vifs applaudissements.) « L’ Assemblée vous invite à prendre place à sa séance.» Plusieurs membres demandent le renvoi de la pétition au comité des rapports. M. Oaultier-Biauaiat. L’Assemblée n’a pas de comité d’artistes ; je demande le renvoi au département ou à la municipalité. • (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi de la pétition au comité des rapports pour y être examinée et en être ensuite rendu compte ; elle ordonne en outre l’insertion de la réponse du Président dans le procès-verbal.) Un officier ‘municipal de la ville de Toulouse est admis à la barre. M. Roger. J’observe que voici la quatrième ou cinquième députation qui est envoyée par la . ville de Toulouse ; il y a 20Q lieues d’ici Toulouse ét ces fréquentes députations occasionnent pour les habitants de cette ville et pour ceux du district des frais de voyage et de; séjour à Paris très considérables: je crois de mon devoir d’inviter la municipalité à ne pas s’écarter des principes d’économie commandés par l’Assemblée nationale à tous lés corps administratifs. L’adresse dont le député extraordinaire va donner lecture à l’Assemblée aurait assurément pu être présentée par les députés immédiats de Toulouse qui n’ont jamais démérité et qui sont spécialement chargés par état de manifester lès vœux dé leurs commettants. Plusieurs citoyens de çëtte ville, très recommandables par leprs vertus civiques, nfont mandé qu’ils étaient fort surpris qu’on envoyât si souvent des députations à l’Assemblée et qu’ils supportaient avec peine les dépenses de ce genre qu’ils considèrent comme inutiles et sans objet. Je n’empêche pas que le député extraordinaire de Toulouse, pour lequel j’ai d’ailleups la plus profonde estime, soit entendu; mais je demande que les frais de la députation soient à la charge de la municipalité où du corps qui l’a envoyée, mais non pas à la charge du peuple. Le député de la ville de Toulouse s’exprime ainsi : « Messieurs, * Organe d’une des principales villes de l’Empire français, dont les principes vous sont si connus, je viens dans ce moment d’agitation vous offrir l’hommage bien pur de mes commettants. Placée au centre des frontières d’une nation généreuse que les tyrans voudraient rendre notre ennemie, la ville de Toulouse, forte du patriotisme le plus ardent, le plus éclairé, et par conséquent indes-tructible, joint à cet hommage l’assurance que vous trouverez dans son sein, et j’ose dire sur tonte la chaîne des Pyrénées, autant de soldats que dé citoyens ; non pas de ces soldats destinés à de simples parades, comme vos ennemis voudraient le faire entendre, mais des soldats prêts à tout entreprendre, à tout braver, pour écraser les contre-révolutionnaires, si, refusant de se rallier aux bons français qui font l’espoir de l’humanité et le tourment des despotes, ils osaient se permettre des entreprises trop criminelles. « La seule ville de Toulouse fera marcher contre l’ennemi du dehors 2 bataillons, dont la formation ne lui aura fait éprouver d’autre difficulté que celle du choix, dans le nombre des volontaires qui se sont présentés pour les; compléter. « Papmi les événements qui tiennent l’Europe étonnée dans l’admiration dé votre fermeté et de votre constance, aucun n’a mieux fait connaître que celui du 21 juin, ce que peut produire sur un peuple sensible l’anaour de la liberté, l’horrenr de la servitude : de toutes les discussions qui ont servi à déployer des talents que nos voisins ne ne nous auraient jamais supposés, celles des 15, 16 et 17 juillet suffiraient pour nous lavér du reproche de légèreté, de versatilité dont il paraissait que nous ne nous étions pas toujours défendus... Pourquoi l’unité du mouvemeut qui, sans aucune communication, a dans le même instant agité, électrisé toutes les parties de l’Empire, ne nous a-t-elle pas garanti l’unité d’opinion? Dans quelle circonstance, Messieurs, celle-ci aurait-elle été plus intéressante? Dans quelle occasion notre sûreté et notre gloire nous' ont-elles plus impérieusement commandé cette union si désirable, sans laquelle il n’est pas de force qui puisse préserver d’une dissolution dangereuse les Empires les mieux affermis? « Pénétrés de ces sentiments, pleins de ces vérités que l’esprit de parti, que les animosités personnelles ne doivent jamais altérer dans les âmes des bons citoyens, tous les corps constitutionnels, tous les membres de la société qui ont à s’occuper à Toulouse de la cause publique, se ralliant autour de vos décrets, vous ont; donné dans toutes les occasions des preuves de leur persévérance à les suivre, de leur détermination à les défendre ou à les venger. « Que les perfides si intéressés à nous diviser, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1794.] 307 renoncent à l’espoir d’employer utilement, pour y parvenir, la religion, la politique, ou nos 'passions, que nous saurons toujours réprimer! S’ils ont fait à Toulouse d’assez funestes combinaisons pour séparer de nous tous les fonctionnaires publics habitués jusque-là à nous ai ta her à l’Eglise et à ses ministres, ils ont été suffisamment humiliés par des remplacements qui ne nous laissent aucun regret sur des retraites si lâchement concertées, dans la confiance qu’elles produiraient des désordres. Lorsqu’ils se sont flattés de nous porter à des excès par des entreprises hardies, par des préparations criminelles, la fermeté sans persécution, la tolérance sans faiblesse, que les porps administratifs, la municipalité, le peuple même ont montrées, les ont bientôt livrés qu désespoir dans lequel ces hypocrites se flattaient de nous précipiter. Lorsqu’ils se sont livrés à de nouvelles machinations pour nous désunir, nous nous sommes pénétrés de cette vérité effrayante pour les conspirateurs de toutes les espèces, que dans le tourbillon du cercle social on ne doit jamais se livrer qu’aux mouvements qui parlent du ( entre convenu, ou à ceux qui tendent à nous en rapprocher; et dès lors, ni le tableau de nos pertes passées, ni la crainte d’en éprouver encore, n’ont pu nous détourner de la voie que l’intérêt général trace à tous les hommes sensés. « Le phare de vos décrets sera constamment notre guidp, quelque éclat qu’on veuille prêter qqx flambeaux allumés pour nous égarer... Le serment que nous avons si souvent prêté, les corps constitutionnels réunis à Toulouse vous l’ont renouvelé dans une première adresse après l’événement du 21 juin ; ils l’ont réitéré individuellement depuis la réception de la loi des 15 et 16 juillet... Nos principes ne varieront jamais, quels que soient les dangers dont les rebelles ont l’imprudence de nous menacer : il n’est pas un seul de mes commettants qui, après avoir été l’appui de la Constitution, n’en devienne, s’il le faut, le martyr... qui ne soit disposé à tout sacrifier pour lè bonheur de la patrie... Mais que les traîtres qui jusqu’à ce jour sont si redevables envers la générosité française, ne s’y méprennent pas : les soldats de la liberté ne comptent pas les esclaves qu’ils ont à combattre ; en marchant à une action, ils marchent toujours à la victoire ; la mort est pour eux la plus flatteuse de toutes, s’ils ne peuvent conserver la vie que pour porter des fers... Qu’ils se rappellent, les lâches, que les Romains, dans les siècles de leur grandeur, c’est-à-dire dans ceux de leur liberté, n’ont jamais traité avec leurs ennemis que lorsque vainqueurs, ils ont pu leur faire la loi. Sans doute, Messieurs, que vous leur apprendrez que la magnanimité d’une monarchie libre vaut bien la fierté d’une république ambitieuse. » (Ce député extraordinaire remet ensuite sur le bureau une adresse de la municipalité, et une autre du département de la Haute-Garonne, du district, du tribunal, dé la municipalité et du commandant général de la garde nationale ae Toulouse, réunis; elles sont relatives : la première, à l’adhésion de la commune aux décrets des 15 et 16 juillet; la seconde, aux événements du ?1 juin, et elles continuent le détail le plus intéressant sur les sentiments qui ont été manifestés par les citoyens et par les fonctionnaires publics en cette occasion, et sur le succès des mesures employées dans les circonstances qui les ont accompagnées et suivies.) M. le Président répond : « Monsieur, « Vous offrez l’expression des sentiments d’une partie de l’Empire où la liberté reçoit un culte qui satisfait les grandes âmes, où le patriotisme repose sur une base solide. L’Assemblée nation nale a reçu de vos concitoyens des preuves fréquentes de leur attachement à la Constitution : aussi compte-t-elle qu’ils ne négligeront jamais rien pour tenir à ce dévouement qui les distingue, à cette conduite éclairée sur la liberté des opinions religieuses, qui les honorera d’autant plus qu’ils habitent un sol où le fanatisme osa quelquefois appesantir son sceptre de fer. « En portant à ceux dont vous êtes aujourd’hui l’organe, la confiance qu’ils inspirent à l’Assemblée nationale, dites-leur que la loi ne reconnaît plus que des citoyens, et qu’il appartient surtout à un pays qu’un beau ciel embellit, de donner à ce lien qui unit maintenant les Français, toute la force qui peut le rendre durable, et tout le charme qui peut multiplier les avantages d’une douce fraternité. ( Applaudissements .) ' « L’Assemblee nationale vous invite à assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’insertion du discours du député de Toulouse et de la réponse du président dans le procès-Verbal.) Une députation nombreuse composée de citoyens , cultivateurs, de gardes nationales et des fonctionnaires publics du canton de Marly-le-Roi, est admise à la barre, Le juge de paix, au nom de la députation , s’exprime aiasi: « Messieurs, « Des citoyens qui p’ont cessé de donner des preuves de patriotisme depuis là Révolution, viennent vous offrir les dommages de leur reconnaissance, et jurer dans le sanctuaire delà réformation des lois, de défendre, au péril de leur vie, la sublime Constitution que vous avez faite. « Le peuple des campagnes voit avec’ satisfaction les nouvelles loisque vous lui avez données ; il en reconnaît toute la sagesse; il admipp les principes d’égalité et de justice qui ont servi de base au grand ouvrage de la régénération de là France. Il voit dans le riche Un homme semblable à lui, et il défend avec confiance ses faibles possessions dans les nouveaux tribunaux. C’est surtout dans la justice de paix qu’il trouve de sûrs moyens de se garantir des jnjustiCes: et des vexations qu’il éprouvait si souvent. ( Applaudissements .) Aussi sa reconnaissance envers cette auguste Assemblée égale-t-ëlle le prix d’un si grand bienfait. « En réformant Jes différentes parties d’administration publique, vous avez fermé les çanàux qui accumulaient des richesses trop côrisiflêràbl’èS sur la tête d’un certain nombre d’agents, et par là vous avez détruit autant d’abus monstrueux qui appauvrissaient de§ milliers de. citoyerisv « Vous avez détruit cèt ancien régime1, de police qui pesait tant sur le peuple dès villes," et' qur faisait souvent taire [a loi en faveur des hoquqes puissants, par l’or et le crédit ministériel. « Vous avez présenté à l’Europe étonnée Iq tableau des lois avouées par l’humanité, la rav? son et la justice, et puisées dans les principes d’une saine politique. « O sages et profonds réformateurs 1 avec quels