380 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il août 1791.] Grevoisier, épicier... Rémond, épicier ..... De Èommelles, épicier Le même, chandelier Gauthier, épicier ..... Charpentier, épicier. . Le Roux, épicier ..... Bordet, épicier ...... Guuillard, épicier. . . . De Lalande, épicier.. Montmignon, epicier. . Hubert, épicier ...... Le même, chandelier. Le maître, épicier.... Dheure, épicier ...... Vaillant, épicier ..... Chaude, épicier ...... Tréféon, épicier ..... Bénard, épicier ...... Roy, coiffeur, . ...... Rumigny, coiffeur... Passemand, coiffeur.. Toutain, coiffeur ..... Delgas, coiffeur ...... Sénéchal, coiffeur. . . . Beaudouin, coiffeur.. Massé, coiffeur ...... Lefèvre, coiffeur ..... Malais, coiffeur ...... 294 Parties prenantes Total ....... 111,156 1. 3 s. 6 d. Total général des sommes portées au présent décret, ci*...... ....... 5,796,924 1. 1 s. 10 d. « A la charge, par les unes et lesautivs des parties ci-dessus nommées, de se, conformer, chacune en droit soi, aux lois de l’État, pour obtenir leur reconnaissance de liquidation définitive et leur remboursement à la caisse de l’extraordinaire. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de Constitution. M. Thouret, rapporteur. Messieurs, vos comités ont pris en très sérieuse considération le renvoi que vous leur avez fait hier de i’article 5 de la deuxième section du chapitre premier du titre III, relatif aux faillis et aux insolvables ; nous avons été unanimement d’avis qu’il devait être retranché de l’acte constitutionnel; voici, Messieurs, en aperçu, les motifs qui nous ont déterminés. On a voulu transporter dans notre acte constitutionnel un statut établi dans un petit Etat consistant en une ville toute commerçante. Cette disposition, favorisée par une de nos lois qui exclut les faillis de l’éligibilité des juges consuls, est d’une politique nécessaire et intéressante dans le lieu où elle a pris naissance, dans une ville où le principal intérêt de la chose sociale est le commerce, où l’esprit, les moeurs, les habitudes sont toutes relatives au commerce (1); pour nous* en tant que loi particulière, elle h’était pas injuste, car elle était réduite à la seule classe qui font le commerce et n’appliquait qu’une (1) Genève. sorte de dégradation dans l’ordre des prérogatives du commerce; ensuite elle était analogue ou du moins proportionnée à la faute contre laquelle elle était portée. Mais ici,!il y a deux différences essentielles. La disposition, introduite dans le code constitutionnel, ne serait pas bonne à la classe des commerçants; elle serait appliquée à Un grand peuple beaucoup plus agricole que commerçant ; et comme vous ne pouviez pas faire une disposition exclusive pour la classe des citoyens français commerçants, vous avez été obligés d’étendre la disposition de la faillitte à l’insolvabilité, c’est-à-dire de la faire frapper sur la totalité des citoyens français. Voici la seconde différence : Quelle est la peine que vous appliquez? C’est la perte des droits politiques de citoyen, droits qui sont d’une toute autre importance que la privation de quelques prérogatives ou de petites distinctions dans l’ordre commercial; en sorte que la peine ici n’a plus ni analogie ni proportion avec le fait dont il est question. La loi ainsi généralisée et appliquée à une grande nation, est susceptible d’une infinité d’injustices individuelles et particulières dans son application. Je ne parle pas de banqueroutiers; ceux-ci sont coupables d’un véritable vol, car la banqueroute, qui est autre chose que la faillitte simple, est criminelle : on ne pourrait pas poursuivre un homme dans des assemblées primaires ou électorales à titre de banqueroutier, sans présenter la conviction légalement acquise qu’il est convaincu de banqueroute et vous ne pourriez l’en convaincre que par une preuve criminelle; dès lors, il serait sous le coup de la condamnation pénale; il n’est donc pas question des banqueroutiers. Quant aux faillis simples, il est indubitable qu’il en est un grand nombre qui sont, non-seulement excusables mais qui méritent d’être plaints, car il est des faillites qui ne portent véritablement aucune atteinte à la probité du failli : celui, par exemple, que la banqueroute criminelle d’un homme avec qui il serait lié d’affaires aurait entraîné dans sa chute, ou dont la faillite aurait été déterminée par l’incendie des magasins renfermant toutes ses propriétés commerciales, serait ün homme à qui l’on ne pourrait faire aucun reproche; et il y a beaucoup d’accidents, tant physiques que moraux et sociaux, qui entraînent la faillite simple. Quand nous arrivons à l’insolvabilité, qui n’est plus la faillite des commerçants, mais celle de tous les citoyens ; lorsqu’un citoyen est réduit à l’état d’insolvabilité par des événements politiques ou autres qui ne procèdent pas évidemment de sa faute, comme cela est fréquent, il paraît impossible qu’une loi générale transporte de la banqueroute à la faillite, de la faillite à la simple insolvabilité une disposition véritablement dégradante, et qui équivaut à la dégradation civique. Ainsi donc quand une loi est susceptible comme celle-ci d’un grand nombre d’injustices particulières dans son application, quelle est nécessairement modifiable sous beaucoup d’aspects, il est impossible, d’en faire au milieu d’une nation immense comme la nôtre, une disposition constitutionnelle qu’enlève l’exercice des droits politiques ; ainsi, Messieurs, nous croyons que le parti le plus sage est le retranchement absolu de cette disposition de l’acte constitutionnel. Et je réponds tout de suite à Tobjection qu’on m’a ait avoir été faite hier, qu’en la laissant dans I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES# [il août 1791*] 351 la classe réglementaire, ce serait abandonner aux législatures la fixation des droits dé citoyen actif. Au moyen d’une simple explication cela ne blesse aucun principe : effectivement, les législatures ne doivent pas avoir le droit de créer des citoyens actifs contre les principes constitutionnels fixés ; mais ici c’est une exclusion que vous avez prononcée ; elle procède de vous, corps constituant ; si en renvoyant votre Constitution vous êtes convaincus qu’il ne faut pas sanctionner imperturbablement une pareille disposition, mais la laisser dans les lois réglementaires, vous déléguez, en quelque sorte, à la législature le droit de pouvoir examiner l’effet de la loi, et son pouvoir se réduira à la relever de la suspension que vous aurez ordonnée. Vous remettrez à la législature à décider après de mûres considérations et après l’essai de la loi, si elle peut mériter des modifications ; or, ces modifications ne peuvent être que favorables aux droits politiques et aux droits de cité, puisqu’elles ne peuvent consister qu’à rétablir dans l’exercice de ces droits ceux que vous avez privé momentanément. C’est là évidemment le parti le plus sage, celui que la stricte équité ordonne, celui que la politique commande à une grande nation ; et si vous vous déterminez à laisser l’article dans l’acte constitutionnel nous sommes encore unanimement d’avis qu’il ne serait susceptible d’aucune espèce d’amendement et qu’il faudrait l’y admettre tel que le comité le présente. Je vous prie, Monsieur le Président, de mettre aux voix si l’Assemblée veut le renvoyer aux articles régle-meniàires ou le comprendre dans l’acte constitutionnel. M. Guillaume. Messieurs, vous avez décrété, le 22 du mois de décembre 1789, qu’aucun banqueroutier, failli, ou débiteur insolvable, ne jouirait de ses droits politiques ; qu’il en serait de même des enfants qui auraient reçu et qui retiendraient une portion des biens de leur père, mort insolvable, et que ces exclusions ne cesseraient d’avoir lieu qu’en payant, de la part des faillis, leurs créanciers, ou en acquittant, de la part des enfants, leur portion virile des dettes de leur père. Maintenant on lit dans l’article 5 de la section II du premier chapitre du titre III du projet de Constitution qui vous est soumis. « Que ceux-là sont exclus de l’exercice des droits de citoyen actif, qui après avoir été constitués en état dé faillite et d’insolvabilité, prouvé par pièces authentiques, ne rapporteraient pas un acquit général de leurs créanciers. » Gê changement, apporté par vos comités dans la rédaction du décret du 22 décembre 1789, vous a paru hier d’une telle importance, qu’a-près une longue discussion vous avez cru dévoir ajourner à ce matin votre délibération. On critique. en effet, en sens contraire, la mesure de vos comités: les uns veulent qu’on rapporte le décret sur les faillis, les autres demandent au contraire ü’en le maintenant on conserve également la isposition relative aux rétention naires des biens de leur père insolvable; ceux-ci désirent que ces deux lois soient comprises dans l’acte constitutionnel; ceux-là, et M. le rapporteur vient de se ranger dé leur bord, ceux-là, dis-ie, prétendent reléguer ces décrets dans la législation. Quelques réflexions suffiront pour répondre aux objections de M. Thouret et des préopinants dont il a adopté l’avis, et pour prouver que les dispositions du décret sont justes, qu’elles n’ont aucun des inconvénients qu’on leur prête, et u’elles ne peuvent être rangées que dans la onstitution. Après l’agriculture, lë commerce est sans contredit la source là plus féconde de la population, de la puissance et de la prospérité de ce beau royaume. Or, qu’aurions-nous fait pour le commerce, et conséquemment pour l’Etat, si loin de réprimer la mauvaise foi des banqueroutiers, nous permettions que la nation puisse être représentée par des débiteurs infidèles, si nous accordions l’exercice des droits politiques à ceux qui n’aüraient pas rempli leurs engagements i La confiance est la base du négoce ..... M. Tanjuinals. La question est uniquement de savoir, quant à présent, si l’article proposé est constitutionnel où réglementaire, s’il doit êtrè retranché oüiou non de là Gdhstitutioü. M. Defermon. Monsieur l’opibant, VOUS pouvez très bien prouver qü’oü doit faire une loi sur les faillis ; mais quand vous l’aurez prouvé Vous ne nous aurez pas persuadé qùe la loi doit faire partie de l’acte constitutionnel: c’est la première question à traiter, et si l’Assemblée décide la négative, la discussion dé M. Guillaume sera nécessairement renvoyée à la législature. J’observe d’ailleurs, Messieurs, qüe si voüs admettez constitutionnellement l’exclusion dü failli, il vous faut prononcer aüssi Constitutiondéllement l’exclusion dü failli, il vous faut aussi Constitutionnellement l’exclusion de celui qui a manqué à son service de garde national. Quant à moi, je süis convaincu que l’on peut réduire en l’article constitutionnel tous les Cas d’exclusion ët particulièrement en ce qui concerne ceux qui sont en état d'accusation, il suffit de prononcer cette exclusion en général contre tous les individus qui sont sous le coup de lois qui les accusent. M. Guillaume. Mais, Monsieur le Président, est-ce à moi que la parole appartient ? M. Camus. D’après ce qu’on vient de dite sur les cas d’exclusion, je fais une motion d’ordre : il me semble qu’il serait plus simple de retrancher tout l’article. M. Thouret, rapporteur. C’est ce que nous avons tous pensé. M. Darnaudat. Je m’y oppose et je demande que M. Guillaume soit entendu. M. Thouret, rapporteur. On pourrait demander le retranchement non pas de l’article en entier, mais de la secondé partie. M. Camus. Là proposition dë M. Defermon, en ce qui concerne ceux qui soDten étatd’accu-satiou est trop vague; il faudrait que la loi fixât ce que c’est qu’être en état d'accusation. On pourrait donc changer entièrement la rédaction de l’article 5 et dire : « Ne jouirons pas des droits de citoyen actif ceux contre lesquels il y aura une exclusion prononcée par la loi. » M. d’André. Je ne conçois pas, Messieurs, comment on pourrait démontrer qu’il soit convenable. et possible de renvoyer aux législatures la faculté de décider des droits politiques des citoyens : il est souverainement inconcevable que 352 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMEMAlRËS. [ii août 1791.] la législature ait le pouvoir de donner ou de retirer les droits de citoyen actif ; or, si vous reuvoyez à la loi les motifs d’exclusion, vous donneriez aux législatures et aux législateurs la faculté d’exclure et, par conséquent, de priver les citoyens de leurs droits de citoyen actif. Il faut nécessairement que ce droit-là soit fixé et garanti par la Constitution, il faut qu’il soit aussi inébranlable que la Constitution elle-même. Vous ne pourrez donc pas renvoyer aux législatures les motifs d’exclusion, puisque vous leur livreriez les droits politiques des citoyens. Ceci posé, il ne s’agit plus que d’examiner si les objets dont il s’agit doivent être ou non des motifs d’exclusion. Quant à l’état d’accusation, vous avez prononcé hier (Murmures), et il a été expliqué qu’on serait en accusation dans le nouveau régime lorsque le juré l’aurait prononcée, et dans le régime présent lorsqu’on serait frappé d’un décret d’ajournement. Votre disposition constitutionnelle à cet égard est portée. Il est impossible d’y revenir. Voix diverses : Cela n’est pas décrété. — Il n’y a pas eu de délibération sur l’article. M. d’André. Si cela n’est pas décrété, il faut le décréter, parce, qu’il n’y a rien de plus clair et les jurisconsultes savent bien que l’on n’est point autrement que je l’ai dit en état d’accusation. Ainsi, sans m’étendre davantage là-dessus, et sans m’expliquer sur le fond de l’article, je dis qu’en principe, il est absolument impossible ue vous laissiez aux législateurs, la faculté de écider des droits politiques des citoyens. J’aimerais autant dire : nous livrerons à la législature le soin de fixer les qualités qu’il faut avoir pour être citoyen actif. Si vous lui renvoyez, en effet, les causes de rejection, c’est comme si vous lui renvoyiez les causes d’admission : vous pourriez ainsi lui renvoyer la Constitution tout entière. L’article, par conséquent, ne peut pas être envoyé aux législatures, car l’exclusion et l’admission sont 2 propositions qui se rapportent l’une à l’autre, qui ne peuvent pas exister l’une sans l’autre. (Murmures)... Et pour dire un mot sur le fond de l’article... M. Guillaume. Mais, Monsieur le Président, je croyais avoir la parole. M. d’André... je ne puis comprendre comment on veut qu’un homme insolvable ou qu’un homme qui, revenu à meilleure fortune, ne paye pas ses dettes, soit admis à exercer des droits civils et politiques. (Applaudissements.) M. Guillaume. Je disais, Messieurs, que la confiance est la base du négoce : vous poserez cette base avec une inébranlable solidité, lorsque vous assurerez le capitaliste forcé de confier ses fonds aux commerçants, à l’étranger qui trafique avec lui, que si ce dépositaire de sa fortune la lui fait perdre par sa mauvaise foi, ou même par son indiscrétion, il perdra lui-même le plus beau titre dont un homme puisse s’honorer, le titre de citoyen français. Je croyais avoir établi l’importance de la loi, en vous faisant sentir combien il est intéressant pour l’Etat de multiplier nos relations sociales ; et c’est, sous ce rapport, que je regardais la loi comme constitutionnelle. M. le rapporteur a objecté que cette loi aurait besoin d’être modifiée, en ce qu’elle confondait le malheur avec le crime, et déshonorait également le simple failli et le banqueroutier. D’abord, ce n’est pas une tâche que vous avez voulu imprimer aux citoyens dont vous avez cru devoir suspendre les droits politiques. On ne peut pas prétendre, par exemple, que vous ayez voulu flétrir des accusés qui pourront sortir des tribunaux avec tous les honneurs d’une justification complète. En second lieu, la privation que vous imposez aux faillis, ne doit avoir lieu qu’autant qu’ils ne rapporteront pas une quittance intégrale; or, lorsqu'un débiteur honnête, mais malheureux, exposera à ses créanciers des pertes réelles, qui n’auront été occasionnées par aucune faute de sa part, quand l’humanité, la religion parleront en sa faveur, nous ne devons pas assez mal présumer du peuple que nous avons l’honneur de représenter, pour croire que dans ce cas il existera un seul Français assez barbare, pour refuser à cet infortuné de le réintégrer, par une quittance finale, dans la plénitude de ses droits. Enfin cette supposition ne fût-elle que le vœu d’une *âme sensible, ne serait-il pas encore préférable que quelques malheureux fussent momentané ment privés de leur activité, que de voir la tourbe des banqueroutiers déshonorer nos assemblées primaires, et quelques-uns prétendre à l’honorable prérogative de représenter une nation quia mis tant de fidélité à remplir ses engagements ? Mais, vous a-t-on dit encore, la loi ne sera pas générale, le négociant seul sera soumis à son application. Dans l’ancien régime, il était bien possible que le respect ou la crainte qu’inspiraient certains individus empêchât qu’on ne constatât légalement leur insolvabilité, alors même que de fait elle était le plus notoire; mais dans le régime actuel où tout citoyen a le plein exercice de son droit, où tout homme est égal devant la loi, négociant ou non, il n’y aura aucun des inconvénients qu’on a prétendu trouver dans la loi qui repousse de vos* assemblées primaires les débiteurs faillis ; et, sous ce rapport, cette loi me paraît immuable et par conséquent constitutionnelle. Le débiteur infidèle ou inexact, quelque puissant qu’il puisse être, pourra indistinctement être traduit devant les tribunaux et son insolvabilité légalement constatée. Je conclus donc d’abord à ce que le failli ne puisse exercer ses droits de cité jusqu’à ce qu’il ait intégralement satisfait à ses obligations. A l’égard des enfants, on a cherché, Messieurs, à vous intéresser en leur faveur, et l’on vous a dit que la loi qui les concernait avait été créée dans une petite cité pour laquelle elle était propre. Messieurs, la loi de Genève dont a parlé M. le rapporteur, exclut indistinctement tous les fils de gens insolvables de toutes charges, de toute magistrature, et même de l’entrée au grand conseil, soit qu’ils aient recueilli ou non, les biens de la succession de leurs pères, lorqu’ils n’en n’ont pas les dettes. Sous ce rapport, je conviens avec M. Thouret, que la loi ne peut convenir qu’à un petit Etat et qu’elle serait, en effet trop rigoureuse pour un grand en ce qu’elle prononce indistinctement cette suspension des droits politiques contre le fils du failli, soit qu’il ait ou non recueilli quelque chose de la succession de son père ; aussi, Messieurs, en avez-vous tempéré extrêmement la rigueur et rien n’est plus sage que la même disposition, lorsqu’elle est limitée aux enfants, qui sans payer leur part virile des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il août 1791.] 353 dettes de leur père, mort insolvable, retiennent une partie de ses biens. Or, Messieurs, sous ce rapport, le fils est dans une situation infiniment moins favorable que le père : s’il y a une présomption de fraude ou de négligence contre le failli qui n’a pu être que malheureux, il y aune preuve complète de mauvaise foi contre l’enfant qui garde, au préjudice des créanciers de son père, des biens qui étaient le gage de leur dette. Je demande donc encore le maintien dans Pacte constitutionnel de la loi décrétée le 22 décembre 1789. J’observerai enfin, Messieurs, que si ces dispositions sont justes, si, loin d’avoir les inconvénients qu’on leur suppose, leur effet doit être d’étendre nos relations commerciales, de purifier nos assemblées primaires, et d’inspirer un plus grand respect pour la représentation nationale, il n’y a, par cela même, aucun inconvénient à les comprendre dans l’acte constitutionnel; mais il y a de plus une indispensable nécessité à ce qu’elles en fassent partie, parce* que tout ce qui peut étendre ou restreindre nos droits politiques est essentiellement de la Constitution, et qu’il serait extrêmement dangereux , comme l’a bien prouvé M. d’André, de laisser aux législatures, soit l’admission, soit la réjection de l’individu à l’exercice des droits de citoyen. Nos droits politiques sont essentiels pour le maintien de la Constitution, et les législatures ne doivent en connaître que pour les maintenir : d’après cela, je demande que les deux articles soient compris dans Pacte constitutionnel. ( Applaudissements .) Plusieurs voix : Aux voix I aux voix 1 M. Lanjuinaig. Je me renferme dans la question, telle qu’elle a été posée par M. le rapporteur. Je soutiens que l’article dont il s’agit n’est pas, de sa nature, constitutionnel, et qu’il ne serait pas bon qu’il fût dans la Constitution ; l’exclusion des droits de citoyen actif est un mode de, législation; je n’ai qu’un mot pour le prouver; c’est l’exemple de toutes vos lois. Si vous adoptiez le principe contraire, principe trop légèrement invoqué, que la législation ne peut rien sur l’exclusion ou la suspension des droits de citoyen actif, vous vous réduiriez à insérer dans l’acte constitutionnel votre code de police municipale, et surtout votre code pénal ; et cela est vrai, car vous n’avez pas de peine qui revienne plus souvent dans le code d’une nation libre et sage, que la peine de la suspension des droits de citoyen actif : cela est prouvé par la nature des choses, par le fait, par l’impossibilité absolue. Si l’Assemblée nationale hésitait encore, j’oserais soutenir que la loi, telle qu’elle est proposée et surtout amendée avec la disposition relative aux enfants, serait une loi immorale et impolitique. Où est donc l’immoralité direz-vous ? (Murmures.) Elle consiste dans ceci, qu’il est toujours immoral de confondre le malheur et le crime et de faire rapporter au malheur la peine que le crime aurait subie. Enfin, elle est impolitique, car elle étouffe l’industrie, elle éteint tout désir de former les entreprises les plus sages et les mieux combinées, dans la crainte que quelque événement imprévu, contre lequel la probité ne pourrait rien, ne vienne, en détruisant la fortune du citoyen industrieux, le frapper de l’exhérédation politique vous auriez constitutionnellement prononcée. Les nations, les peuples les plus commerçants ont su se passer de cette loi ; faudra-t-il donc que fre Sekie. T. XXIX. la France, le pays le plus fertile, et en même temps, le plus florissant, aille chercher dans la petite ville de Genève un pareil exemple? Je conclus à ce que l’article soit retranché de la Cons-tition. M. Thouret, rapporteur. Je prie l’Assemblée de vouloir bien m’entendre sur une objection, à laquelle j’ai omis de répondre et qui devait faire la seconde partie de mes observations. On a demandé que le décret qui exclut les enfants qui retiendraient une portion des biens de leurs pères morts insolvables, fût rétabli dans la Constitution. Je m’étais proposé depuis longtemps, et indépendamment de l’occasion qui se présente ici, de vous faire part d’une réflexion importante, relalivement à ce décret. Il a un inconvénient que vous n’avez pas prévu, que vous n’avez pas entendu, et qui a donné lieu, jusqu’à présent, à des abus intolérables ; c’est qu’il * un effet rétroactif. 11 est tellement conçu qu’il frappe même sur les enfants qui n’ont plus le bien qu’ils ont reçu de leur père antérieurement à l’organisation de notre nouvelle Constitution et qu’aucune loi ne leur défendait d’accepter ou ne les forçait à rendre. Voici, Messieurs, l’effet du décret; un père a fait faillite il y a 20 ans; il a tout abandonné à ses créanciers"; à l’instant de la faillite, il avait un fils majeur; la faillite n’était susceptible d’aucun soupçon de crime et l’enfant a été assez honnête pour abandonner aux créanciers la partie du patrimoine paternel que les lois lui permettaient de recevoir en partage et qu’il pouvait prendre sans que les créanciers pussent lui rien demander. Depuis, ce fils a travaillé, il a reçu des successions collatérales, des biens patrimoniaux; il est marié, il a reçu une dot, est devenu un bon père de famille ; il ne s’est pas contenté de sacrifier aux créanciers ce que la loi lui assurait des biens de son père, il a pris sur sa propre subsistance pour aider celui-ci, il l’a nourri, et quand le père meurt 20 ans après, il recueille un petit mobilier dont il ne fait point inventaire et que le père n’avait formé qu’avec les bienfaits du fils. Eh bien I cet enfant, Messieurs, ce très honnête homme à l’instant même où votre décret a été rendu, s’est trouvé privé des droits de citoyen actif,, parce que son père est mort insolvable et qu’à sa mort il a hérité de lui. Il y a beaucoup d’exemples de ce que je vous dis là, et vous n’avez pas rendu de décret à l’occasion duquel il soit parvenu à l’Assemblée plus de mémoires mieux motivés. Vous ne pourriez éviter une pareille injustice, qu’en fixant l’époque de l’exécution de votre décret au 22 du mois de décembre. Il y a donc un vice radical dans ce décret : c’est l’effet rétroactif. Maintenant, je passe au fond du décret. Un enfant a reçu de son père, par un acte légal, inattaquable, des Liens quelconques, et son père a postérieurement fait banqueroute, aucune loi ne le forçait à abondonner aux créanciers de son père ce qu’il en avait reçu, dira-t-on que cet enfant a perdu les droits civils ? M. Moreau. Ce n’est pas là l’article, il est relatif aux donations faites après la faillite. M. Thouret, rapporteur. Gela est faux; le décret du 22 décembre suit l’article dans lequel l’exclusion est prononcée contre les banqueroutiers, faillis ou insolvables. Il est ainsi conçu : « Il en sera de même des enfants qui auront reçu 23 3K4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il août 1191.] et qui retiendront à quelque titre que ce soit, une portion des biens de leur père insolvable sans payer leur part virile de ses dettes, excepté seulement les enfants mariés qui auront reçu des dots avant la faillite de leur père ou avant son insolvabilité entièrement connue. » Vous voyez que l’exception faite à l’égard des dots, exclut toute autre donation qui ne serait pas une dot. , On ne peut se jouer ainsi des droits des citoyens; la Constitution ne peut être plus sévère gué la loi, et il est inconséquent qu’un homme qui n’est pas sorti des droits civils soit exclu des droits politiques. Cet article ne peut donc trouver place dans votre Constitution. Il ne faut pas non plus âu’on y voie un décret qui îprive éternellement e ses droits politiques un citoyeq de bonne foi que des malheurs inévitables ont plongé dan3 l’infortune. Repoussez avec soinjes banqueroutiers, mais ne frappez pas le malheur comme le crime. En laissant cet article parmi les décrets réglementaires, vous ne détruisez pas la loi, vous ne conférez aux législatures ie droit de faire et de défaire des citoyens actifs, mais vous leur déléguez le soin de revoir et d’exécuter un de vos décrets, auquel vous reconnaissez que des modifications sont indispensables. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix 1 M. Chapelier. Je vais ajouter quelques observations à celles qui viennent d’être présentées. L’objection la plus spécieuse qu’on puisse opposer à l’avis des comités est, que les législatures ne peuvent disposer des droits politiques des citoyens. Il faut faire ici une distinction très importante. Les législatures n’ont pas le droit de déterminer comment on est citoyen actif ; c’est la Constitution qui règle cela ; elles û’ont rien à changer à cet égard, mais il est nécessairement dans la nature des choses que les législatures prononcent la suspension des droits de citoyen actif; car il faut bien laisser aux législatures le code pénal. Eh bien ! les législatures peuvent attacher à la punition tels ou tels délits ; la suspension des droits de citoyen actif. Ainsi* vèus voyez bien que si la législature est dâns l’impuissance absolue de dire : il vou3 faudra telle qualité pour être citoyen actif; elle a, du moins, le droit incontestable de dire : tel délit, tel blâme, telle punition, fait encourir la luspension de ces droits. Il n’y a donc aucune espèce d’inconvénient à ne pas mettre la loi dans la Constitution, et il y en aurait beaucoup à mettre cet article partiel qui ne comprenant pas toutes les exceptions, qui, ne prévenant pas tous les faits et toutes les occasions par lesquels on est suspendu des droits de citoyen actif, anéantirait les décrets rendus à cet égard et mettrait la législature dans l’impossibilité d’exercer le droit incontestable que vous devez lui laisser. Je demandé donc que cet article ne soit pas compris dans la Constitution. M. Tr