764 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1791.] sidération majeure, et ils n’ont pas douté qu’elle ne fît la même impression sur vos esprits. En même temps qu’ils ont pensé, Messieurs, qu’il fallait surseoir à la vente des droits incorporels, ils ont cru qu’il fallait en favoriser de plus en plus le rachat, et en cela ils ont suivi la route que vous avez déjà tracée. C’est dans cette intention que vous avez permis aux débiteurs de racheter séparément les droits fiX'js et les droits casuels appartenant à la nation. Il a paru à vos comités que cette faculté pouvait être étendue encore, et ils vous proposent aujourd’hui de permettre à chacun des codébiteurs solidaires ae droits incorporels de racheter séparément leur portion contributive. L’intérêt du Trésor public ne peut être compromis par cette mesure, puisque la partie subsistante du droit se trouve suffisamment assurée, soit par la solidarité des codébiteurs qui ne se rachèteront pas, soit par l’hypothèque privilégiée sur la partie de l’héritage qui ne se trouvera point lit éré . Ce que la nation peut faire pour elle-même dans cette circonstance, le respect du droit de propriété ne permet pas qu’el'e le prescrive aux autres créanciers. Mais son exemple ne sera point perdu; il ne peut manquer de tourner au profit des débiteurs. La plupart des anciens seigneurs, convaincus que leur intérêt est de hâ er le rachat de leurs droits, s’emp esseront d’adopter une mesure dont l’effet infaillible est de l’ac élérer. C’est ainsi que le Corps législatif, lors même qu’il ne peut rien par l’autorité de la loi, peut employer encore avec succès l’influence de la raison. Voici le projet de décret que nous vous proposons : PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, considérant que la réunion, sous un même régime, de la perception et régie des droits incorporels dépendant de tous les biens nationaux, aura le double avantage d’en maintenir la valeur et les produits, et d’anéantir de plus en plus toute ancienne distinction entre les diverses origines de ces biens; « Qu’il n’est pas moins essentiel de ne pas séparer la perception et régie desdits droits incorporels de celle des droits d’enregistrement des actes, celle-ci pouvant procurer aux agents de la première les moyens de suivre la trace des mutations, de connaître les protits casuels qui en résultent et de découvrir les redevables; « Et que l’établissement qu’elle vient de décréter, d’une régie particulière pour les droits d’enregistrement, lui offre maintenant les moyens de réaliser, dans cette partie d’administration, les vues d’ord re, de simplicité et d’économie auxquelles elle est invariablement attachée. « Après avoir entendu le i apport de ses comités des domaines, des finances, d’imposition, de féodalité, de l’aliénation, de l’extraordinaire et ecclésiastique, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les droits ci-devant féodaux et tous autres droits incorporels, tant fixes que casuels, de quelque nature, espèce et quotité qu’ils soient, non supprimés par les décrets de l’Assemblée nationale et dépendant des domaines et biens nationaux, sans aucune distinction de l’origine desdits domaines et biens, seront perçus, régis et administrés, pour le compte de la nation, par les commissaires et régisseurs qui sont ou seront chargés de la perception des droits d’enregistrement des actes, et par leurs commis et préposés, sous la surveillance des corps administratifs. Art. 2. « Les rachats qui seront faits pour parvenir à l’extinction dis droits énoncés au précédent article seront liquidés, en conformité des décrets de l’Assemblée nationale, par lesdits commissaires régisseurs, leurs commis et préposés. Art. 3. « La liquidation par eux faite sera vérifiée et approuvée, d’après l’avis des directoires de district, par-les directoires des départements dans le ressort desquels sont situés les biens dont dépendent les droits rachetables; et les directoires de département enverront, tous les mois, à l’administrateur de l’extraordinaire, le bordereau des liquidations qu’ils auront vérifiées et approuvées. Art. 4. « Le prix des rachats ainsi réglé, sera perçu, ainsi que le produit des droits non rachetés, par lesdits commissaires régisseurs, leurs commis et préposés, et le montaot de leurs recettes sera versé par la régie à la caisse de l’extraordinaire. Art. 5. « Les baux des droits incorporels, qui ont été faits en conséquence du décret des 23 et 28 octobre dernier, et les baux antérieurs confirmés par ledit décret, seront exécutés; le prix de ceux de ces baux qui ne comprennent que des droits incorporels, sera perçu par lesdits commissaires régisseurs, leurs commis et préposés. Quaut à ceux desdits baux qui comprennent d’autres objets que des droits incorporels, le produit en sera versé par les fermiers à la caisse du district. Art. 6. « Les droits incorporels dont la perception serait sujette à de trop grandes difficultés, pourront être affermés par les commissaires régisseurs; ce qui ne pourra néanmoins avoir lieu, ni pour les droits casuels, quelle que soit leur quotité, ni pour les droits fixes payables eu argent, qui sont de 20 livres et au-dessus. Le prix des baux consentis par la régie sera perçu par elle, ses commis et préposés. Arf. 7. « Les baux des droits incorporels que la régie voudra affermer, seront faits, à la poursuite et diligence de ses commis et préposés, devant le dirt ctoire du district de la situaiion des biens dont dépendent les droits incorporels; et il sera procédé publiquement, et à la chaleur des enchères, dans la forme prescrite par le décret des 23 et 28 octobre dernier. Art. 8. « Les commissaires régisseurs, leurs commis et prépo.-és pourront, toutes les fois qu’ils le jugeront nécessaire, prendre communication, sans frais et sans déplacer, même faire des extraits ou copies des litres, registres, papiers et documents dont le dépôt a été ordonné par les articles 9 et 10 du titre III du décret des 23 et 28 octobre dernier, et ils pourront se faire remettre, sous récépissé, Jes cueilloirs, papiers-censiers, ou papiers de recette, nécessaires pour le recouvrement. I As semblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1791.] Art. 9. « Les commissaires régisseurs feront faire, dans le plus bref délai, par leurs commis et préposés, des états exacts, par corps de domaines, de tous les droits incorporels fixes et annuels, tant en argent qu’en nature, avec évaluation de ces derniers, sauf à compléter ces états par des suppléments, successivement et à mesure des découvertes d'articles négligés ou inconnus. Les-dits états et suppléments seront faits à colo mes, dont une sera destinée à faire mention des extinctions et rachats; et il en sera remis des doubles, tanta l’administrateur de l’extraordinaire qu’aux archives des administrations de département. Art. 10. t La régie est spécialement chargée de veiller à la conservation des droits incorporels fixes et casuels et des fonds sujets auxdits droits; en conséquence, elfe fera tenir par ses agents et préposés, dans l’arrondissement de chaque bureau, des cueilloirs ou papiers de recette des droits qui y sont dus; elle veillera aux prescriptions, et elle exigera des débiteurs les titres nouveaux ou reconnaissances qu’ils sont tenus de fournir. Art. il. « Le relevé des recettes des droits incorporels, déjà fuites par les receveurs de dis rict, sera remis par eux aux commis et préposés de la régie. Les directoires de département et de district leur feront délivrer aussi des copies des baux déposés dans leurs archives. Art. 12. « Les débiteurs des droits casuels, ci-devant féodaux, non rachetés, seront tenus d’en faire le payement dans les trois mois, au pins tard , du jour du contrat de vente, ou autre acte translatif de propriété, qui aura fait ouverture à ce droit. Art. 13. « Les acquéreurs et nouveaux propriétaires qui payeront, dans le délai de trois mois ci-dessus prescrit, lesdroitsca-uels ci-devant seigneuriaux, jouiront de la remise d’un quart sur le montant des dro'ts, soit que lesdits aroits soient perçus ou qu’ils soient affermés par la régie. Il ne sera accorde aucune remise après l’expiration des trois mois fixés pour le payement; et il ne pourra, en aucun cas, être fait une remise plus forte que celle du quart ; le tout à peine, par les commis-7 65 saires régisseurs, leurs commis et préposés, d’en répondre en leur propre et privé nom. Art. 14. « Il sera sursis, quant à présent, et jusqu’à ce qu’il en ail été autrement ordonné, à la vente et aliénation des droits incorporels nationaux. Art. 15. . « Les codébiteurs solidaires de droits inenrpo-rels nationaux pourront racheter séparément leur portion contributive desdits droits, à la charge, par rapport à ceux qui possèdent divisémeut partie d’un fonds grevé d’un droit incorporel, de vérifier par des reconnaissances ou autres actes faits avec le possesseur de ce droit, la quotité dont ils sont tenus dans le total Ju droit; et par rapport à ceux qui possèdent indivisément, de faire préalablement constater, à leurs Irais, cette quotité contradictoirement avec le pré )0-é de la régie, sous l’inspection du directoire du district. « Quant aux autres codébin urs du droit dont une poriion seulement aura été rachetée, ils continueront d’être tenus solidairement du surplus, jusqu’au rachat qu’ils pourront en faire, aussi partiellement, dans la forme qui vient d’être prescrite. Art. 16. « Dans les cas de vente et de rachat des droits fonciers, ou ci-devant féodaux, appartenant à la nation, elle a, pour sûreté de tout, ou de partie du prix, hypothèque et privilège sur le fonds qui était grevé desdits droits, et cette hvpo hèque pi ivilegiée subsistera, quoique le fonds s ût passé en mains tierces, nonobstant toutes les lois, coutumes et usages contraires , même nonobstant toutes lettres de ratification. » (Ce décret est adopté.) Un membre propose un article additionnel conçu en ces termes : « Il sera permis à chaque redevable de droits seigneuriaux, consistant en grains et autres denrées, de s’acquitter chaïue aunéedesdits droits, en payant le montant d’i eux au percepieur, sur le pied du prix moyen du marché le plus voisin des lieux de la situation des fonds à raison desquels lesdits droits se trouveront dus, lequel prix moyen sera toujours celui de l’année de l’échéance desdits droits, si mieux les redevables n’aiment payer sur le pied du prix d’une anné ■ commune fixée d’après les mercuriales des dix années précédentes. » (Cet article est renvoyé au comité.) M. le Président lève la séance à dix heures. FIN DU TOME XXIII.