186 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1790.] M. de Robespierre. J’observe que cette longue proclamation est inconvenable, et qu il faut, en adoptant ce qu’il y a d’utile dans les articles projetés, rédiger le tout en forme de décret, et couver tir la forme trop fiscale des acquits-à-caution en simples déclarations des négociants aux municipalités. M. d’Ailly remarque que le second article de la proclamation pourrait nuire à la circulation intérieure, en ce qu’il semble étendre à cette circulation la formalité des acquits-à-caution. M. Gillet de la Jacqueminière. D’après une simple lettre, écrite au nom de J’Assemblée par le président, plusieurs villes avaient repris le service des impôts, et montré beaucoup de zèle pour leur recouvrement; il vaut mieux employer un moyen aussi simple, plutôt que de grossir le code réglementaire sur cette partie. MM. Prieur et Camus remarquent que cette proclamation est rédigée en forme d’arrêt de •propre mouvement ; que ces arrêts, prohibés par les décrets de l’Assemblée, ne doivent plus avoir lieu ; qu’il est même étonnant que le premier ministre des finances ait fait proposer, par M. le garde des sceaux, un projet conçu en cette forme. M. Prieur demande que M. le président soit immédiatement chargé de le rappeler au premier ministre ; il ajoute que cet arrêt doit tellement être regardé comme un acte législatif, qu’il contient des peines qui ne sont pas infligées par les décrets. M. Camus soutient, d’une autre part, que la rédaction du décret lu par le comité est aussi vicieuse, puisqu’elle renferme une invitation au pouvoir exécutif d’ordonner tout ce qui serait nécessaire pour empêcher les exportations. L’Assemblée renvoie de nouveau la rédaction de ce décret au comité, auquel seront remis tous les amendements, pour le rapport en être fait samedi prochain. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, ANCIEN PRÉSIDENT-Séance du 15 janvier 1790 (1). M. Démeunier, ex-président, ouvre la séance ] en informant l’Assemblée que la santé de M. l’abbé I de Montesquiou, président, quoique en meilleur 1 état, ne lui permet pas encore de présider. M. üarrère de Yieuzac, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. M. Fréteau, qui a été élu membre du comité des pensions, observe que l’Assemblée l’a honoré de�sa confiance pour plusieurs autres comités et qu’il lui est impossible d’accepter les nouvelles fonctions auxquelles on a daigné l’appeler. L’Assemblée n’accepte pas la démission de M. Fréteau. M. le Président fait annoncer un don patriotique de la part de M. le président Molé, de ses enfants et des personnes attachées à sa maison ; ce don patriotique consiste en 210 livres et une paire de boucles. M. Duport, l'un de MM. les secrétaires , donne ensuite lecture des adresses d’adhésion et de félicitation envoyées par différentes villes et communautés, ainsi que plusieurs offres patriotiques, dont la teneur suit : Délibération de la ville du Puy, capital du Ve-lay, contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale ; elle demande à être le chef-lieu de département, et le siège d’un tribunal supérieur. Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la communauté de Cormeilies en Parisis; quoiqu’elle fournisse annuellement près de 100,000 livres à l’Etat, elle annonce que la perception des impôts n’a pas souffert un seul jour d’interruption ; elle demande d’être chef-lieu de canton, et de dépendre du bourg d’Argen-teuil. Adresse de dévouement de la garde citoyenne de Tours ; elle supplie l’Assemblée d’approuver sa formation. Délibérations de la communauté de Charnai, en Lyonnais, et de celle de Boissey, en Bresse, qui font offre du moins imposé des anciens lail-lables, et adhèrent avec une respectueuse recon • naissance aux décrets de l’Assemblée. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la ville de Villeneuve d’Agenois. Indépendamment de la contribution patriotique du quart dont les déclarations sont déjà faites, elle fait don de la somme de 2,549 liv. 14 s. provenant d’objets de luxe. Adresse d’adhésion de la municipalité de \in-cennes ; elle consulte l’Assemblée sur plusieurs difficultés relatives à ta répartition de l’impôt sur les ci-devant privilégiés. Adresse de M. Dubois de Labernarde, maréchal des camps, qui déclare n’avoir jamais eu, pour toute fortune, que les bienfaits du Roi, accordés à 55 ans de service, et à des services particuliers. Il fait don de la somme de 1621 liv. 11 s. qui lui est due sur ses appointements, ce qui excède de beaucoup le quart de son revenu, ainsi que de celui de son fils. 11 supplie l’Assemblée de donner des ordres au trésorier général de lui faire passer une quittance, qu’il puisse donner pour comptant au collecteur de sa commune. Adresse de félicitation et de dévouement de la milice nationale de la ville de Saintes. Délibération de la communauté de Réaumont, en Dauphiné, portant une adhésion absolue aux décrets de l’Assemblée nationale; elle fait le don patriotique de la somme de 547 liv. 16 s-qui lui est due par les Etats du Roi, des intérêts de ce capital, et de tous les reliquats des comptes capitulaires, à quelque somme qu’ils puissent arriver: l’ensemble de ce don pourra monter à environ 3,000 livres, indépendamment du quart de ses revenus. AdresSç du comité permanent et des jeunes volontaires nationaux de la ville de Saint-Brieuc en Bretagne, contenant l’expression d’un dévouement sans bornes pour l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, et pour le soutien du trône, i et de l’éclat, de la couronne. Ils réclament avec (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 janvier 1790.] instance, en faveur des anciens militaires, une récompense honorable et proportionnée à leurs longs services. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des habitants de Suiut-Jean-de-Losne ; ils s’engagent de faire tous leurs efforts pour soulager les )auvres et maintenir la paix et la concorde entre es concitoyens. Adresse du même genre des habitants du bourg de Begrolles en Anjou; ils demandent que leur succursale soit érigée en cure. Adresse du même genre de la ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux en Dauphiné ; elle s’élève avec force contre le procès-verbal de la commission intermédiaire des Etats de la province, touchant la nouvelle division du royaume. Adresse du même genre des communes composant le Val-de-Morteau en Franche-Comté ; ils remercient surtout l’Assemblée de les avoir affranchis à jamais de la servitude main-mortable. Adresse du même genre de la commune de Saint-Lo en Normandie; elle a voté l’érection d’un monument capable d’éterniser dans ses murs sa reconnaissance; elle a ouvert une caisse patriotique où un grand nombre de corporations et de particuliers ont déposé leurs dons, indépendamment de la contribution du quart de leur revenu. Adresse du bureau intermédiaire du district de Colmar, du même genre ; il fait le don patriotique de la somme de 476 livres 1 s. Adresses du même genre de la ville de Sche-lestadt en Alsace, de celle de Saint-Paul-de-Léon en Bretagne, et de celle de Jouy-le-Châtel en Brie ; elles demandent avec instance d’être chef-lieu de district, et siège d’une justice royale. Adresse de la municipalité de la ville de Troyes, qui consulte l’Assemblée sur les difficultés élevées au sujet de la fixation du prix des journées , exigé par ses décrets pour être citoyen actif. M. Barnave demande la parole à l’occasion de cette adresse. M. le Président. Je vous donne la parole. M. Barnave. J’observe que les décrets rendus par l'Assemblée sur cet objet laissent aux municipalités un moyen arbitraire d’enlever à plusieurs citoyens l’exercice des droits de citoyen actif ; je connais plusieurs municipalités dans lesquelles cette fixation a déjà été faite à un taux, si haut, que le plus grand nombre des habitants était, par cette fixation, exclu des assemblées primaires ; il y a une municipalité où le prix de la journée de travail a été porté à 50 sous. Cette fixation est évidemment contraire à l’esprit des décrets de l’Assemblée, qui a entendu prendre pour base la journée de travail d’un manœuvre, d’un homme qui n’a que ses bras, sans aucune industrie particulière. Je demande que provisoirement, et par forme de règlement, il soit décidé que la fixation de la journée de travail ne pourra pas avoir une fixation supérieure à 15 sous. M. Target. Le comité de constitution, instruit de la fixation exorbitante donnée par quelques municipalités au prix de la journée de travail, s’était déjà occupé des moyens d'arrêter un pareil abus, et le résultat de sa détermination a été de proposer à l’Assemblée de fixer provisoirement le irix de la journée de travail de 10 à 20 sous pour a plus haute fixation. Je demande pareillement 187 que celte fixation, sans effet rétroactif, n’annule pas les élections déjà faites dans les lieux où elle aurait été supérieure. M. de llontlosier. J’observe que la variabilité dans le prix des journées, et celle qui arrive dans les monnaies, s’opposent à ce qu’on emploie de pareilles bases, des bases aussi variables par leur nature, dans les décrets constitutionnels qui doivent être invariables dans tous les rapports. M. Te Chapelier. J’insiste pour qu’on ne laisse pas, surtout aux municipalités actuelles, vicieuses dans leur formation, la liberté de fixer le prix de la journée de travail. Il est à craindre que cette autorité ne devienne dans leurs mains un moyen de priver une grande quantité de citoyens de l’exercice de leurs droits ; ce qui d’abord est absolument contraire à l’esprit de la constitution, ce qui ensuite pourrait occasionner des fermentations dangereuses. Je propose de fixer, pour le moment actuel, le prix de la journée de travail entre 10 à 20 sous, qui est en France le prix moyen des journées de travail, sauf aux législatures suivantes à réformer cette fixation suivant la variation qu’elles peuvent éprouver. M. Duport. Il est nécessaire d’énoncer dans le décret que l’Assemblée n’entend rien prononcer pour la fixation effective des journées de travail, qui demeureront toujours soumises aux localités et aux circonstances qui en déterminent le prix, afin qu’on n’abuse pas du décret pour faire entendre au peuple que l’Assemblée a voulu réellement fixer le prix des journées. Plusieurs amendements sont présentés. M. l‘abbé Gibert. J’observe qu’il est nécessaire de déterminer seulement le prix le plus élevé et qu’il est inutile d’exposer les municipalités à des mécontentements populaires. M.Seurratde Ta Boulaye. Voici mon amendement : « Que la journée de travail soit fixée à la valeur du 25e du prix du septier de blé, mesure de Paris. » M. Boy. Je crois qu’il faut dire : « La journée de travail n’excédera pas le taux moyen des localités. » M. l’abbéde Bruges. Vous n’avez qu’un seul moyen d’empêcher les discussions dans les municipalités : c’est de fixer les journées à 20 sous, M. de Fumel-lfontségur. Je demande que le prix des journées soit fixé à vingt sous pour les campagnes et à trente pour les villes. On demande la question préalable sur les amendements. Ensuite on revient à la motion de M. Duport qui subit quelques modifications et le décret suivant est rendu : a L’Assemblée nationale considérant que, forcée d’imposer quelques conditions à la qualité de citoyen actif, elle a dû rendre au peuple ces conditions aussi faciles à remplir qu’il est possible; que le prix de trois journées de travail, exigé pour être citoyen actif, ne doit pas être fixé sur les journées d’industrie, susceptibles de beaucoup de variations, mais sur celles employées au travail de la terre; a décrété provisoirement que, dans la fixation du prix des journées de travail pour être citoyen actif, l’on ne pourra excéder la