[26 novembre 1790.] [Assemblée nationale.] un saint empressement ; vous me les avez fermées à moi-même, à qui elles doivent être ouvertes en tous temps, et y avez fait apposer les scellés. Je me suis contenté, pour ne pas troubler le repos et la tranquillité publique, de gémir devant Dieu de ce scandale dans l’amertume de mon cœur, bien persuadé que vous ne tarderiez pas à revenir de votre erreur, et que vous répareriez, le plus tôt possible, des procédés aussi violents. Le peuple l’attend de vous, ce bon peuple si chrétien, si religieux. Il a gémi avec nous et il tend les bras vers cette Eglise antique et vénérable, la mère et le modèle des au! res églises de mon diocèse. Enfin, Messieurs, vous m’avez fait sommer d’organiser mon clergé conformémentau décret de l’Assemblée nationale. J’ai dit que je répondrais le plus tôt possible, et voici ma réponse que je vous fais avec toute lu franchise et la vérité qui doivent résider dans le cœur d’un évêque comme dans leur sanctuaire. Tout le royaume sait, et vous ne l’ignorez pas, Messieurs, que le roi a consulté le souverain pontife, vicaire de Jésus-Christ sur la terre, qui a nommé une congrégation de cardinaux pour examiner chacun des articles dudit décret. Sa décision, consentie par les évêques de France, sera la règle. Je ne dois ni ne puis prévenir le jugement de l’Eglise de Rome, la mère et la maîtresse des autres églises, le centre de l’union catholique, hors de laquelle il n’y a point de salut. Jusqu’à ce qu’il me soit connu, mes mains seront liées : je resterai dans l’inaction ; rien n’est capable de m’en faire sortir. Ma conduite est prudente et conforme aux règles, à ce qui s’est pratiqué dans tous les temps, dont je ne dois point m’écarter ; lorsqu’il s'agit de la religion, ou de ce qui y tient aussi essentiellement que la hiérarchie ecclésiastique établie par notre divin Maître, je n’écoute que la voix de ma conscience ; et, comme les apôtres, j’obéis à Dieu plutôt qu’aux hommes. Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur, f Charles JO. MA., évêque de Tulle. QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 2(3 NOVEMBRE 1790. Avertissement de M. Safrane «le Pompignan, archevêque de Vienne , ait clergé séculier et régulier et aux j idoles de son diocèse. Charles-François, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique, archevêque de Vienne, primat des piimats des Gaules, au clergé séculier et régulier, et à tous les fidèles de notre diocèse : salut et bénédiction en notre Seigneur Jésus-Christ. La dernière lettre pastorale que nous vous avons adressée, nos très-chers frères, est devenue l’occasion de divers écrits où nous ne sommes pas ménagés. Dans quelques-uns on assure que par l’envoi de cette lettre à MM. les curés, nous Jes invitions à soulever le peuple, à renverser l’Etat et la loi ; omettons le reste. Quand nous avons été mis à cette épreuve, notre premier devoir sans doute, et grâce au ciel nous ne l’avons pas oublié, notre premier devoir a été de prier 23 our ceux qui nous traitaient de la sorte (1) et de énir en même temps, de remercier le Maître adorable, qui, par sa grande bonté, nous donnait quelque part à ses opprobres, lui qui pour notre amour, et comme l’observe Saint-Augustin, pour la consolation de ses serviteurs , a bien voulu qu’on l’accusât d’ exciter le peuple à la révolte, et être appelé séducteur (2) séditieux. Mais que dirons-nous à vous-mêmes, nos très chers Frères? Nous vous rappellerons les paroles de l’apôtre des Thessaloniciens, déjà citées dans cette même et nous vous exhorterons à ne pas vous laisser ébranler par les persécutions qui nous arrivent ; puisque vous devez savoir que , nous y sommes destinés, (3), et qu’elles sont l’apanage des honorables fonctions que le Seigneur nous a chargés de remplir à votre égard. Pasteurs et brebis, confions-nous en ses promesses, et espérons qu’il lui plaira d’accorder des bénédictions spéciales aux œuvres où sera empreint le sceau de la Croix. On a mis beaucoup de soins et de diligence à empêcher que nos instructions fussent communiquées, à empêcher surtout qu’elles fussent lues dans les églises. Des précautions si recherchées, cet oubli comme affecté des égards ordinaires, tant de zèle, tant de mouvement, afin d’enchaîner et retenir captive la vérité, n’ont pas peu contribué, en grand, nombre d’endroits, soit à lui donner plus de cours, soit à lui attirer plus d’attention, et pour son ministre c’est bien le lieu de dire : Quelles que soient les intentions et quoi qu'il m'en puisse coûter , pourvu qu'elle soit annoncée , qu'importe, j’y trouve, j'y trouverais toujours ma joie (4). Au reste, nos très-chers frères, cette lecture publique, nous ne l’avons pas prescrite, et nos vénérables coopérateurs savent que là-dessus nous nous en étions pleinement rapportés à leur prudence, qu’éclairait une connaissance pins particulière du besoin de leurs troupeaux : qu’aurait servi, par exemple, en bien des assemblées ce qui concernait les personnes religieuses? Nos justes réclamations contre le désordre et l’insubordination de plusieurs paroisses pouvaient en troubler quelques autres, dociles encore à la voix de leurs pasteurs : ailleurs, comme il est arrivé, semble-t-il, à grand nombre de nos détracteurs, on eût mal saisi la justification de notre silence : ailleurs enfin, d’autres raisons pour se régler dans le choix et la distribution de cette nourriture spituelle. Mais elle était parfaitement saine, et s’il le faut, nous en appellerons encore au témoignage de ceux entre les mains de qui nous l’avons déposée; nous oserons en appeler au témoignage de Dieu lui-même. Ah! jamais il n’abandonnera son Eglise, jamais il ne la laissera manquer de pasteurs animés d’un zèle sincère, et qui aient le droit de dire à ceux qu’il rend l’objet de leur sollicitude : Ce n'est pas une doctrine fausse et impure que nous vous avons prôchée. Choisis et destinés pour annoncer l'Evangile , nous parlons comme cherchant à plaire, non aux créatures, si souvent aveuglas ou injustes, mais à Dieu qui sonde nos cœurs (5). Et croyez, nos très chers frères, à celui que les im-(1) Malt., V, 44. (2) Seductor ille : hoc appellabatur nomine Dominus J. C. ad solatium servorum suorum quando dicuntur soduclores (S. Aug., Enar. in ps. 63, n. 15). — Luc. XX11I. — Joa., Vil. - Math., XXVII. (3) I. Thess. III. (4) Philipp., I, 18. (5) I. Thess. 11. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 24 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790.] pénétrables conseils de la Providence ont établi pour vous condure dans les voies de la vérité et du salut, croyez à sa sincérité quand il ajoute : Nous désirons avec ardeur non seulement de vous communiquer l'Evangile; mais , par une suile de l’affection qui nous lie à vous , de vous donner jusqu’à notre vie (1). Dans ces sentiments, dont avec l’assistance miséricordieuse qui les lui inspire, il ne veut jamais se départir, se laisserait-il intimider par des menaces personnelles? 11 ne doit y voir nue des promesses et des encouragements. Non, les maux qu’il regarde comme vraiment à craindre, ce sont ceux qui l’affligent déjà : Timor quem iimebam evenit rnihi, et quod verebar accidit (2). C’est la ruine d’un si grand nombre d’àmes, c’est la désolation des églises ; c’est le prodigieux accroissement de l’ivraie dans le champ du père de famille où le bon grain presque sans nourriture va, semble-t-il , être étouffé (3). Ouvriers évangéliques, redoublez de soins : travaillez sans vous rebuter jusqu’à la moisson, et qu’on n’ait point à vous reprocher ici votre assoupissement, votre indolence ! Soutenez par de généreux efforts, ranimez la foi, la foi qui reçoit chaque jour des atteintes nouvelles, et qui craint moins cependant� la violence obstinée de ses adversaires que la lâcheté de ses disciples et de ses enfants. Montrez donc à celui qui mettrait un fol orgueil à la combattre, qu’elle ne saurait être vaincue ; mais criez à ceux qui négligent ses enseignements, qu’il est aisé de la perdre. Dites encore qu’il ne suffit pas de la conserver, mais que sans les œuvres elle est inutile, que sans les œuvres elle est morte (4) que sans ies œuvres elle devient même le sujet et le litre d’une trop juste condamnation. Instruisez les âmes qui vous sont commises à la rendre agissante par la charité (5) et à produire les fruits d’une vraie penilence (6), d’une pénitence humble et fervente, les fruits d’une exacte justice et de la bienveillance chrétienne, les fruits de la sincère piété et du zèle, mais spécialement des fruits et des fruits abondants de douceur et de paix, de patience, de rés ignation, de longanimité (7). N’est-ce pas à quoi nous nous sommes appliqués, nos très-chers frères, quand nous avons élevé la voix ou milieu de vous? Notre ministère a été constamment un ministère de paix. Loin de vous laisser vaincre par le mal, avons-nous dit aux plus affligés, efforcez-vous -plutôt de vaincre le mal par le bien (8). Nous leur interdisions le moindre murmure; nous leur interdisions jusqu’aux plaintes, ou si nous leur en permettions, c’étaient ces plaintes douces et silencieuses qui s’adressent à Dieu seul, pour ne solliciter auprès de lui que sa miséricorde. Sans nous écarter de nos principes, ni des dispositions que nous venons de manifester, nous allons donner des avertissements d’une extrême importance, et que rendent nécessaires les circonstances où nous nous trouvons. On publie des lois qui, sous le nom de décrets sur la constitution civile du clergé, seraient te renversement des principes constitutifs de l’Eglise (1) I. Thss. a. VIII. (2) Job, IIJ, 25. (3) Matt., XIII. 21. (4) Jac., II, 26. (5) Gui, V, 6. (6) Malt., 111, 8. (7) Gai., V. (8) Rom., XII, 21. et ne pourraient s’exécuter sans rendre la France schismatique, et lui faire perdre l’inestimable trésor de la foi. Emanées d’une autorité purement, civile, elles statuent sur des objets réservés par Jésus-Christ à l’autorité spi rituelle,clon t l’exercice est indépendant de tout autre; et elles entreprennent meme dechangerce qu’il a réglé par des décrets immuables. Elles raviraient au souverain pontife, chef visible de l’Eglise universelle, les plus beaux droits que lui ait assurés celui dont il est le vicaire ici-bas : elles ne laisseraient rien d’entier dans la hiérarchie, et au gouvernement épiscopal divinement établi, elles substitueraient un gouvernement presbytériens, qui encore resterait assujetti à la multitude des laïques : et vous verriez, nos très-chers frères, comme par un premier essai de ces étranges pouvoirs, le siège devienne avec soixanteautres, c’est-à-dire presque la moitié des diocèses de France, soudai-nememeot détruits ; plusieurs érigés, créés, et, de même par la simple volonté des hommes; pour tout le reste de nouveaux partages et de nouvelles circonscriptions; et un semblable bouleversement à l’égard des provinces ecclésiastiques; le suffragant se trouvant soumis à un nouveau métropolitain, ou le devenant lui-même, tandis que le métropolitain est réduit au rang de sul'fra-gant; et l’anéantissement de tous les chapitres sans exception, quoique par une loi reconnue dans l’Eglise universelle ceux des cathédrales doivent, à chaque vacance de siège, être revêtus de la juridiction requise pour gouverner le diocèse. ’ Tant d’autres destructions, tant d’autres innovations, en attendant celle qu’on annonce, et pour les paroisses spécialement, tant d’anhes entreprises ! Espérons tout, nos très-chers frères, des singulières miséricordes du Seigneur sur une nation à laquelle il fut si souvent propice. Espérons que dans un Etat, renommé jusqu’ici par son dévouement à la foi chrétienne et catholique, des lois qui deviendraient si désastreuses ne tarderont pas d'être révoquées. Et puissions-nous par nos vœux communs, par des vœux ardents et multipliés, puissions-nous par nos soupirs, le hâter, ce moment désirable ! Mais, quoi qu'il en soit, que chacun se tienne invariablement attaché à des principes dont on pourrait s’écarter sans sortir de la voie du salut. Le salut ne se trouve que dans l’unité do l’Eglise, et la fidélité, tant à croire et à professer ce qu’elle enseigne, qu’à respecter et à pratiquer ce qu’elle prescrit. Rien n’est donc plus important que de bien connaüre son enseignement et ses préceptes; et puisque, dans son sein, tous ne sont pas indistinctement appelés à régler la croyance religieuse et universelle, ni à commander, il n’est pas moins nécessaire d’avoir sur son gouvernement de justes idées. De ce gouvernement, Jésus-Christ lui-même en est l’auteur-, et il lui a plu d’en réduire l’économie entière à l’autorité épiscopale. C’est ce qu’exprimait saint Cyprien, quand il disait qu a l'Eglise est appuyée sur les évêques, et que tout ce qu'elle sait est réglé par eux (1). Ce saint docteur et ce martyr si illustre, savait bien que le fils de Dieu, envoyant ses apôtres comme son père l’avait envoyé , ne s’adressait pas seulement à eux, mais en leur personne, à leurs successeurs, jusqu'à la dernière consommation du siècle (2), quand il les (1) Ut Ecclcsia super Episcopos constituatur, et omnis actus Eedesiæ per cosdem præpositos gubernetur (Ep. XX Vit). (2) Matt., XXVII. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790. j 25 chargeait d’amener à la vérité, et de conduire dans les sentiers de la justice toutes les nations, et qu’il assurait en même temps ces hommes privilégiés, d’une assistance toute puissante et indéfectible. Aussi, cette éminente prérogative, devient-elle la base et le motif des obligations imposées à tous les héritiers du ministère apostolique, comme on le voit dans la célèbre recommandation de saint Paul, rapportée au livre des Actes : Prenez garde , et à vous-mêmes , et à tout le troupeau sur lequel V Esprit-saint vous a établis évêques, pour gouverner l’église de Dieu, qu ü a acquise au prix de son sang (1). Oracle que le concile de Trente soutenu de la plus respectable tradition (2), et lui-même, irréfragable interprète des Ecritures, entend des premiers pasteurs, selon le sens naturel, et qui se pré-sente d’abord. Et on doit observer avec soin, qae c’est à gouverner l’Eglise, que les évêques sont ici appelés ; que c’est pour la régir qu'ils sont préposés par le Saint-Esprit, lui-même. Leur pouvoir ne doit donc pas se borner à rendre des décisions authentiques, et à prononcer d’infaillibles jugements sur la foi et les mœurs. Non, ils seront également revêtus d’une suprême autorité soit pour régler les fonctions hiérarchiques, soit pour faire des lois de discipline, les maintenir, quelquefois les changer, plus souvent en accorder la dispense. Et dans ce vénérable concile de Jérusalem, qui servira de modèle à tous les autres, de siècle en siècle ; quand les apôtres qui en formèrent les canons, disaient : il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous (3), n’établissaient-ils pas une discipline, qui devait même être abrogée sous leurs successeurs ? Cependant, nos très-chers frères, pour que l’unité soit conservée, il faut distinguer, entre les successeurs des apôtres, le successeur du chef des apôtres, le successeur de Pierre, le vicaire de Jésus-Christ. Si les évêques sont les pasteurs des peuples, il est le pasteur et des peuples et des évêques. Son siège sera à jamais le centre de la communion catholique, en ce qui concerne, et la foi, et la règle des mœurs, et l’autorité de législation spirituelle, car clans ce siège éminent, nous voyons la chaire, tant célébrée par les pères, où, ils ont exalté, comme à l’envi, la principauté de la chaire apostolique, la principauté principale, la source de l’unité; et dans la place de Pierre, l’éminent degré de la chaire sacerdotale, l’Eglise mère qui tient entre sa main la conduite de toutes les autres églises ; le chef de l’épiscopat, d’ou part le rayon Alu gouvernement, la chaire unique en laquelle seule, tous gardent l’unité. C’est ce que disait solennellement, au nom de l’Eglise gallicane, une de ses plus éclatantes lumières, le grand évêque de Meaux (A), recueillant en ce peu de paroles la tradition de tous les siècles, comme de toutes les Eglises ; et saint A vite, qui a si glorieusement, occupé le siège de Vienne, est un 'des témoins qu’il invoque. Cette primauté du pontife romain , celte primauté universelle, non seulement d’honneur, mais d'une vraie juridiction sur tous les pasteurs, comme sur toutes les brebis, entrant essentiellement dans la divine constitution de l’Eglise (5) , (1) Act, XX, 28. (2) Sess. 6, De ref., cap. I, et sess. 23, De ref ., cap. I. (.3) Act. XV, 28. (4) Bossuet, Sermon sur l'unité de l’Eglise. (5) Cens. s. fac. anno 1542, in art. XX11I, luth.) Non modo ovium, sed et pastorum tu unus omnium pasior (Saint Bernard, de Confîd., lib. II, cap. VU. il est manifeste qu’au cune autorité sur la terre ne saurait en empêcher l’exercice; il est manifeste que de l’entreprendre, et d’intercepter la relation nécessaire entre les membres et le chef, ce serait vouloir rompre les liens de l’unité. « Ainsi a été donnée à un seul, et sur tous, et « sans exception, une puissance qui, par là « même, emporte la plénitude, comme l’a remar-« que encore l’illustre Bossuet; au lieu que celle « qui est donnée à plusieurs, porte sa restriction « dans son partage (1). » Telle est la puissance des autres évêques ; outre qu’elle est restreinte à l’égard de différents objets réservés à l’autorité du souverain pontife, nous confessons tous, et volontiers, n’avoir point à exercer cette juridiction épiscopale, hors des limites fixées à nos diocèses respectifs ; chaque évêque, pour le dire avec saint Gyprien, chaque pasteur ne devant conduire qu'une portion déterminée du grand troupeau de Jésus-Christ, dont il sera tenu de lui rendre compte au dernier jour (2). Plus de pouvoirs au delà des bornes reconnues (3). Ce sont les expressions de saint Bernard. Les canons du dernier concile œcuménique sur ce point sont conformes à ceux du premier, et même, avant ce saint concile des trois cent dix-huit pères de Nicée, celui d’Arles, le plus ancien d’entre eux tenu dans les Gaules, dont les actes nous soient restés ; et saint Vérus de Vienne les a souscrits : ce célèbre concile d’Arles avait déjà pourvu à ce qu 'aucun évêque n empiétât sur le territoire et n'usurpât les droits de son collègue. Jamais, disait saint Augustin, nous n' exercerons de fonctions dans un diocèse étranger, qu’elles ne nous soient demandées ou permises par l’évêque de ce diocèse, où nous nous trouvons (4). G’ est comme on le voit, que toutes celles qui s’exerceraient contre l’ordre seraient illicites; mais celles qui exigent et supposent un pouvoir de juridiction, des sujets, un territoire, resteraient frappées de nullité. Et qu’on ne s’imagine pas que ce soit là, dans nos saints canons, une disposition arbitraire en quelque sorte, et de convenance. Lorsque le concile de Trente (5), déclarait si expressément, que le pouvoir de remettre les péchés, donné avec l’imposition des mains, à tous ceux qui sont promus au sacerdoce, ne leur suffit pas pour exercer le ministère de la réconciliation (6) ; lorsqu’il exigeait l’approbation épiscopale pour ceux qui doivent aider ou suppléer le pasteur ordinaire d’une paroisse, comme celui-ci a eu besoin lui-même de la mission et de l’institution canonique, ce n’était pas une discipline nouvelle qu’il voulait introduire, puisque décrétant cette nécessité d’approbation au sujet même des réserves il assure que dans l'Eglise catholique, on a toujours regardé comme absolument nulle l'absolution qu’un prêtre entreprendrait d’accorder aux pénitents, sur lesquels il n'aurait de juridiction ni ordinaire ni déléguée, et il déclare que cela est fondé sur la nature même des choses, un juge ne pouvant prononcer de sentence sur ceux qui ne dépendraient pas de son tribunal (7). (l) IJbi sup. (2) Saint Cyprion, Epître ad Cornet., LV. (3) Aliorum potestas cerli aretatur lirai libus (Sain l Bernard, ubi sup. Concil. Trid., sess. 6, De ref., cap. V, sess. 14, De ref., cap. II, III et VIII. Concile de Nicée, I, canons 15 et 16. — Concile d’Arles, anno 314; canon 17. (4) Au g , Ep., n° 5. (5) Sess. 23, l)e ref., canon 15. (6) Ibid, cap. 1. (7) Sess., De pæn., cap. YII. 26 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790.] Conséquemment aux différents principes qui viennent d’être établis ou rappelés, nous manquerions d’une manière essentielle et à nos principales obligations envers Dieu, et aux sacrés engagement qu’il nous a fait contracter à votre égard, nos très-cbers frères, et à ce que nous nous devons à nous-mêmes, si dans la présente conjecture nous autorisions, par notre silence ou autrement, ce qu’on nomme la nouvelle organisation du clergé. Comme il était notoire que le plan en avait été soumis à l’examen du souverain pontife, et môme qu’une congrégation était chargée de procéder à celle discussion1, notre respect pour le chef de l’Eglise nous eût sans doute imposé la loi d’attendre sa réponse : mais la publication des décrets et l’usage qu’on en a fait déjà ne nous permettent plus" de délais. En renouvelant donc avec sincérité notre profession d’une obéissance entière et constante au gouvernement civil pour tout ce qui est de sa compétence, nous devons réclamer contre les graves atteintes données à l’autorité spirituelle, et surtout en ce qui concerne plus directement notre siège archiépiscopal. S’il pouvait être supprimé, du moins serait-ce par un décret que rendrait dans les formes la puissance ecclésiastique ; c’est par la même puissance que doivent être réglées les fonctions hiérarchiques dans les diocèses de France, comme dans tout le reste de l’Eglise. Ainsi, pour acquitter notre conscience, le saint nom de Dieu invoqué, et après en avoir conféré avec notre vénérable presbytère, nous protestons solennellement contre la prétendue suppression de l’archevêché de Vienne: protestation qui servira en tant que de besoin pour tous les autres bénéfices qu’on dit également éteints dans le diocèse, et qui ne le peuvent être de la sorte; mais très spécialement pour le chapitre cathédral, métropolitain et primatial, lequel tient d’une façon plus essentielle et (dus nécessaire à notre siège, et qui, vacance arrivant, se trouverait investi de la juridiction spirituelle pour le gouvernement du'diocèse. Hors les cas d’une démission librement donnée et acceptée, ou d’une destitution par jugement canonique, cette vacance ne peut avoir lieu qu’à notre mort ; et si nous étions trouvés dignes de la souffrir pour les saintes vérité, s que nous défendons aujourd’hui, scellées de la sorte, elles devraient en acquérir aux yeux de notre cher peuple un nouveau degré et un nouveau caractère d’authenticité. Nous protestons en meme temps, et par les mêmes raisons, contre le partage qu’on aurait prétendu faire de notre diocèse en différentes portions, pour les joindre et attribuer à quelques diocèses limitrophes ; déclarant nul et même schismatique tout acte de juridiction, soit ordinaire, soit déléguée, entrepris sur notre territoire, eu vertu de ces dispositions civiles et politiques, sans que l’autorité compétente soit ntervenue. Et vu que les magistrats qui croiraient devoir presser cette exécution des décrets contre laquelle nous réclamons ici sont pour la plupart nos diocésains, et que nous avons charge de leurs âmes; en nous adressant à Dieu en leur faveur, nous les conjurons eux-mêmes de ne pas sacrifier des intérêts éternels à quelques prétentions temporelles, mais de se bien souvenir qu’eux et nous ne tarderons guère d’être cités au même tribunal, pour y être jugés, et sans appel, sur nos devoirs respectifs. Du reste, nous persistons dans les sentiments d’une soumission sans réserve aux décisions, et de la plus respectueuse déférence aux règlements, même provisoires, qui pourraient émaner du Saint-Siège apostolique. Désormais, nous adressant à ceux qui partagent avec nous dans une subordination requise le ministère sacré, et dont la sublime dignité liée essentiellement à la nôtre, serait dégradée ou plutôt anéantie, si on la mettait ainsi dans la dépendance de l’autorité temporelle; nous les engagerons à rappeler ces vérités élémentaires, et à les développer même, selon Futilité et le le besoin, au peuple fidèle dont ils sont chargés. Faites-lui donc bien entendre, nos chers coopérateurs, ces points capitaux de la doctrine sainte. Qu’il ne faut pas traiter légèrement les choses de la religion, ni ce qui concerne l’Eglise et son autorité •/ puisque ceux qui l’abandonnent ou qu’elle rejette ne sont plus dans le chemin qui conduit à Dieu. Qu’à ta paissance spirituelle appartient, exclusivement l’administration des choses spirituelles; et que la gloire de la puissance civile, c’est de protéger l’Eglise, non de la gouverner. Que l’objet de cede administration ainsi réservée à la puissance spirituelle, ce n’est pas seulement de statuer sur la croyance, et de conférer les sacrements ; mais encore de régler la discipline ecclésiastique, d’en former les canons et de les sanctionner, de la changer, d’en introduire une nouvelle quand elle le juge expédient, ou de faire revivre celle qui aurait été précédemment abrogée. Que cette puissance spirituelle si libre et si indépendante dans son exercice a été confiée par Jésus-Christ aux Apôtres et aux successeurs des Apôtres. Qu'on ne peut, sans s'écarter de la foi, méconnaître dans l'Eglise catholique une hiérarchie divinement instituée, d'où résulte sa beauté comme sa force, et qui est composée des Evêques, des prêtres et des ministres inférieurs. Que la prérogative du pontife romain n’est pas seulement honorifique , mais que la primauté de sa juridiction daus l’Eglise universelle est également un signe de foi ; que cette juridiction éminente est elle-même d’institution divine; et que nulle autorité temporelle n’a le droit d’en empêcher les fonctions; et aussi de quelques autres chefs analogues à ceux-ci. Il ne sera pas fort difficile de mettre ces grands principes à la portée des personnes mêmes que leur état rend peu susceptibles d’acquérir des connaissances étendues. Les plus simples d’entre les fidèles n’on t-iis pas appris dans les premiers éléments de la doctrine chréttcnne (2) « qu’on ne « peut-être sauvé que dans l’Eglise; que l’Eglise « hors laquelle il n’v a point de salut est l’assem-« Idée des fidèles gouvernés par notre Saint-« Père le pape et par les évêques : que ces pre-« miers pasteurs ont reçu de Jésus-Christ le pou-« voir d’enseigner et de commander, et qu’il leur « a promis d’être avec eux tous les jours et de « les assister jusqu'à la fin des siècles : Qu’ainsi « le devoir dès fidèles envers l’Eglise, c’est de « croire ce qu’elle enseigne, et de pratiquer ce « qu’elle ordonne : qu’elle est une, qu’elle est « catholique ou universelle, apostolique et ro-« mainc : qu’on l’appelle apostolique , parce que « le pape et les évêques qui la gouvernent ont (1) Conc. Trid., sess. 23, De ord., can. 6 (2) Catéchisme du diocèse de Vienne. 27 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2G novembre 1790.] « succédé sans « interruption aux apôtres; ro-« mairie, parce que l’Eglise établie à Rome, est « le chef et la mère de toutes les autres églises : « que notre saint-Père le pape est le vicaire de « Jésus-Christ sur la terre, et le chef visible de « l’Eglise; que le Saint-Esprit la gouverne, et « qu’elle ne peut être détruite par les persécu-« tions ou les hérésies, ni par tous les efforts du « démon? » Ils savent bien la nécessité de la foi, et <' que « c’est un don de Dieu par lequel nous croyons « fermement, et sur son autorité, tout ce "que « croit et enseigne son Eglise. » Et dans chaque église particulière, dans chaque paroisse ils ont les moyens de connaîtreavec certitude la croyance, l'enseignement de L’EglEe universelle, et qu’ils sont dans son unité, qu’ils sont ses enfants ; parce que le pasteur qui les instruits, qui leur administre les sacrements, qui offre pour eux le sacrifice, n’exerce au milieu d’eux son divin ministère qu’a-près avoir été canoniquement institué par l’évêque diocésain, et en correspondant avec lui comme l’évêque de son côté correspond avec le souverain pontife, lui demeure subordonné, et parlant asm troupeau, ne se qualifie d’évêque par la grâce de Dieu , qu’en ajoutant, par la grâce o w par U autorité du Saint-Siège apostolique. Ainsi peuvent-ils encore aisément savoir que, dans les paroisses plus considérables, les ministres associés aux travaux du pasteur ordinaire, ont eu besoin d’une mission de ce même évêque diocésain et qu’ils ont obtenu de lui des pouvoirs. Rien de plus avoué des fidèles que l’insuffisance d’une mission humaine pour exercer de si hautes fondions : et il en est peu sans doute qui ne méconnaissent le pasteur dans celui qu’ils sauraient s’ètre ingéré sans autre titre dans l’administration d’un diocèse ou d’une paroisse : on ne verrait en lui qu’un étranger qui n’est point entré par Jésus-Christ, un mercenaire à qui les brebis n’appartiennent pas (1), un intrus enfin, un schismatique. A l’égard du plus grand nombre, it suffira donc de leur rappeler ces vérités élémentaires. Et nous-mêmes nous y revenons volontiers avec vous tous, nos chers frères et nos chers enfants : ce qui peut vous être utile ne doit pas nous coûter. Ea-deni vobis scribere rnild quidem non pigrum, vobis aulem necessarium (2). Ce sont là, et dans leur simplicité, de ces dogmes fondamentaux que nous ont transmis les apôtres, qu’enseigneront et feront enseigner jusqu’à la fin leurs successeurs, et qui sont annoncés dans toutes les langues par tout l’univers : et c’était aussi touchant" de tels principes que Saint-Paul, après avoir relevé avec une généreuse confiance son autorité parmi les Galates, leur disait : Non, il n’y a point d'autre Evangile; c'est plutôt que certains gens vous troublent et veulent renverser l'Evangile de Jésus-Christ. Mais , fùt-ce nous, fut-ce un ange du ciel, anathème à quiconque vous annoncerait un autre évangile que celui qui vous a clé annoncé par nous; ô la science précieuse que la science du catéchisme, nos très chers frères! que chacun de nous s’applique à y croître et à y s’affermir. Après avoir extrait sommairement quelques articles de celui du diocèse sur la matière de l’Eglise, qu’il nous soit permis de rappeler avec une égale simplicité les pratiques recommandées en ces mêmes endroits. « C’est de remercier la (1) Joannes, X. (2) Philipp., III (3) Gai., I., , 1. « miséricorde infinie d’un Dieu qui nous a fait « naître dans le sein et vivre dans l’unité de cette « sainte Eglise catholique, apostolique et rô-« mai ne ; d’observer ses ordonnances et de crain-« dre ses censures, de respecter ses pasteurs et « de leur obéir, de prRr pour eux et spécialement « pour chacun de ceux d’entre eux qui ont charge « de nos âmes; de prier aussi pour la muHipli-« calion et la sanctification de ses membres; oui, « pour la sanctification des fidèles et pour l’heu-« reuse conversion de ceux qui ne le sont pas. » Ainsi prierons-nous de concert, et comme l’adorable Maître Jésus-Christ nous a appris à prier; nous adressant avec une humble et douce confiance il notre Père céleste (1), et lui demandant d’abord que son nom soit sanctifié, qu’il soit glorifié et par nous et par toutes les créatures. Dans le même sentiment nous lui demanderons V avènement de son règne et V accomplissement de sa volonté; de sa volonté, non de la nôtre, qui est injuste et déréglée dès qu’elle n’est pas conforme à la sienne. Pour les besoins du corps, nous nous bornerons au simple nécessaire, I o pain de chaque four. Mais ce que nous demanderons selon toute l’étendue de la charité et de nos besoins, de nos misères : c'est qu'il daigne nous pardonner, comme nous voulons pardonner nous-mêmes à tous ceux de qui nous aurions reçu quelque offense , de nous préserver des tentations , ou de nous les faire vaincre , enfin de nous délivrer du mal. Le seul vrai mal, c’est de l’offenser et de s’exposer à le perdre : et le vrai bien, que nous devons lous rechercher, le vrai bien que nous devons sans cesse demander les uns pour les autres, nos très-chers frères, le seul vrai bien, c’est de le connaître, l’aimer et le servir constamment dans cette vie, afin de l'aimer, le voir et le posséder à jamais dans la vie à venir. La grâce et la fidélité à la grâce, pour arriver à la gloire. Ainsi soit-il. Par la foi et la patience, la paix dans le temps. Mais le repos ..... mais la paix..... Ah ! le repos de l’éternité! la paix de l’éternité! les jouissances de l’éternité I Ainsi soit-il! Ainsi soit-il! Et sera notre présent avertissement lu et publié dans notre diocèse partout où il conviendra. Donné à Vienne le onze novembre mii sept cent quatre-vingt-dix. f Charles François, archevêque de Vienne; Par mandement : IÎECOURDON. CiEQÜÏEME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 NOVEMBRE 1790. Déclaration de m. l’évêque de soissons adressée à MM. les administrateurs du directoire du département de l'Aisne, en réponse à leurs lettre et acte de délibération du S octobre. Messieurs, je me présente à vous, au nom de Jésus-Christ, et avec la simplicité de la parole (2). Si la candeur de la vérité pouvait-être exilée de dessus la terre, elle devrait se retrouver dans le cœur et sur les lèvres d’un évêque. La voir (1) Malt. (2) Epilre de saint Paul.