SÉANCE DU 25 VENDÉMIAIRE AN III (16 OCTOBRE 1794) - N08 23-25 191 Cette pétition est renvoyée au comité des Secours, pour en faire un prompt rapport (49). 23 La Convention renvoie au comité des Finances celle de divers citoyens qui ont fourni des chevaux à la République et en réclament le prix, ainsi que celle des ci-devant domestiques de feu Menage-Pres-signy, frappé par le glaive de la loi, tendante à obtenir une somme de 20 400 L, confiée par ledit Pressigny à un de ses amis avant son incarcération pour leur être distribuée (50). 24 Le tribunal du quatrième arrondissement de Paris vient protester de sa soumission aux décrets de la Convention, et la félicite sur son Adresse aux Français. La mention honorable de cette adresse est décrétée (51). [Le tribunal du 4ème arrondissement de Paris à la Convention nationale ] (52) Représentais du peuple français, D’ambitieux scélérats marchoient à travers le sang et les ruines, à la domination, couverts du masque du patriotisme. Vous les avez démasqués d’une main courageuse : le peuple jusqu’alors abusé, les a vus dans toute leur difformité. Il a reconnu ses ennemis et le colosse de leur puissance qu’une popularité usurpée soutenoit, s’est écroulé. Entrainés dans sa chute, ils ont disparu. Mais leur esprit survivoit. Désespérant d’arriver à la tyrannie, par une autre voie que l’anarchie, ils avoient corrompu la morale d’une nation douce, affable, franche, généreuse et reconnue pour la plus polissées de l’Europe. Dans leur langage nouveau et barbare, la calomnie, le pillage et l’assassinat étoient des actes civiques et les vertus des crimes dignes de mort. Il falloit détromper le peuple, l’éclairer sur ses droits et sur ses intérêts. Votre adresse a rempli cette tâche si importante au bonheur public. En développant avec une éloquence majestueuse les vérités étemelles de la morale, vous avez signalé au français incertain ses amis et ses ennemis, avec tant de précision, qu’il est impossible qu’il s’y méprenne désormais. Continuez, fidèles représentans, à travailler les frippons et les intrigans, protégez les citoyens modestes et vertueux, maintenez avec énergie les principes que vous avez proclamés, affermissez la République sur la base de toutes les vertus. Soutenez surtout la justice, la justice le seul lien des sociétés humaines. Sans la justice, point de gouvernement, point de liberté, point de bonheur. Le tribunal du quatrième arrondissement pénétré de cette grande vérité, et inviolablement attaché à la représentation nationale, renouvelle en vos mains le serment de seconder de tous ses moyens vos glorieux travaux. Theurel, président et six autres signatures. 25 Les artistes réunis en société au Muséum [Paris] présentent des idées sur l’encouragement des arts, et sur la formation d’un jury pour juger les ouvrages au concours actuel. Leurs propositions sont renvoyées au comité d’instruction publique (53). [La société républicaine des Arts à la Convention nationale, le 25 vendémiaire an III] (54) Citoyens représentans du Peuple français, C’est au moment où par des mesures sages et vigoureuses les législateurs d’accord avec toutes les armées de la République, ne cessent de bien mériter de la Patrie et remplissent le voeu du peuple qu’ils représentent, c’est au moment où la Convention nationale pour assurer à jamais la gloire et la prospérité de la nation française en vivifiant les arts et le commerce, invite solennellement tous les citoyens à lui faire part de leurs lumières, que les artistes réunis en société, désirans concourir par leurs travaux et leurs réflexions au but important qu’elle se propose, viennent lui soumettre le résultat de leurs délibérations sur les moyens de tirer de la funeste inaction dans laquelle ils languissent, les citoyens voués à l’étude des arts qui ont le dessin pour base. Loin de regarder leurs productions comme tendantes seulement à recréer l’oisive frivolité, fille insouciante du luxe et de la corruption, vous avez au contraire reconnu qu’elles étaient les principes vivifiants et les moteurs des arts mécaniques, et des manufactures de tout genre, que c’est par sa supériorité dans les beaux arts qu’une grande nation surpasse tous les Peuples qui l’environnent par les productions de ses fabriques et de ses ateliers, que les arts fournissent aux législateurs les moyens les plus (49) P.-V., XL VII, 195. (50) P.-V., XL VII, 195. (51) P.-V., XL VII, 195. (53) P.-V., XLVII, 195. Moniteur, XXII, 268. (52) C 321, pl. 1347, p. 20. (54) C 322, pl. 1354, p. 27. Mention Moniteur, XXII, 268. 192 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE puissans pour porter les hommes à l’amour de la Patrie, et à la pratique des vertus sociales, que ce sont eux enfin qui gravent en caractères impérissables l’existence et la gloire des Peuples qui ont su joindre à la sagesse du gouvernement, et aux vertus militaires, la culture des sciences et des arts. Des sommes annuelles furent décrétées pour l’encouragement des artistes mais elles n’ont point été délivrées. Depuis plus de quatre années rien de grand n’a paru dans aucun des arts, car on ne comptera jamais comme tels ces décorations du moment ou le temps donné pour l’exécution ne suffirait pas pour la pensée. Un concours vraiement digne de la grandeur française, authentiquement ouvert d’après les arrêtés du comité de Salut public, excita le zèle des artistes malgré les données vagues et incertaines, malgré l’espace de temps trop res-seré, on vit le génie apporter aux époques fixées le tribut de ses productions. Un jugement prompt devoit assigner à chacun l’objet auquel la République alloit l’employer. Cependant cinq mois sont écoulés sans avoir vu former le juri des Arts, la cause en est sans doute dans les grands énénements qui se sont succédés avec tant de rapidité. Un plus long délai porterait aux arts une atteinte mortelle, et les talents les plus énergiques seroient entièrement perdus par l’inaction et le découragement. La société républicaine des Arts vient soumettre le voeu de ses membres sur le concours, sur la formation du juri, sur le but qu’il devra se proposer pour le plus grand avantage de la nation et le progrès des arts. Les artistes en payant à la Convention nationale, le tribut d’admiration et de reconnois-sance, qu’excite sa sublime adresse, lui protestent qu’ils ne désirent rien plus ardemment que de consacrer leurs veilles à méditer des ouvrages où ils puissent montrer d’une manière plus certaine que par un concours d’esquisses, tout ce que leur inspire l’amour de la Patrie, et qu’à la fin de cette 3e année les fêtes du Génie et des récompenses soient célébrées par une exposition publique digne de fixer les regards de leurs concitoyens en leur retraçant les vrais et immuables principes de la liberté et de l’égalité. Suivi d’une demi-page de signatures. Nous demandons à déposer sur le bureau nos propositions en vous priant de les faire passer à votre comité d’instruction publique. Propositions des artistes réunis en société, au Muséum, sur la formation d’un juri pour juger les ouvrages au concours actuel, et sur le mode d’encourager et de rendre les arts utiles à la République (55). Les artistes réunis en société dans les salles du Muséum, désirant concourir par leurs travaux et leurs réflexions, au but important que (55) C 322, pl. 1354, p. 29. Du 25 vendémiaire an III. se propose la Convention nationale, de vivifier les arts et le commerce, viennent soumettre à votre sagesse le fruit de leurs délibérations sur les moyens propres à tirer de la funeste inaction dans laquelle languissent, les citoyens dévoués à l’exercice des arts qui ont le dessin pour base. Leurs productions, loin d’être considérées comme tendantes à recréer l’oisive frivolité, fille insouciante du luxe et de la corruption, sont au contraire généralement reconnues comme les principes vivifiants et les moteurs des arts mécaniques, et des manufactures de tout genre; c’est par une suite naturelle et conséquente de sa supériorité dans les beaux-arts qu’une nation obtient le premier degré de la perfection sur tous les Peuples qui l’environnent, dans les productions de ses manufactures, de ses fabriques et de ses ateliers. Ne considérera-t-on les arts qu’isolément et détachés des rapports de l’influence qu’ils ont réellement sur les objets de commerce, ils sont les moyens les plus puissans dont les législateurs ayent pu se servir pour porter les hommes à l’amour de la Patrie, et à l’exercice des vertus. Ils fournissent aux citoyens de tous les âges des leçons d’autant plus sûres qu’elles s’impriment dans leur âme en charmant la vue, ce sens si délicat et si subtil de l’homme. A! Quel terme de gloire; les beaux-arts ne portent-ils pas le nom des nations qui les ont cultivées! de tous les Peuples qui se sont succédés sur la terre ceux qui ont laissé des traces ineffaçables de leur existence et de leur gloire, sont ceux qui à la sagesse du gouvernement, et aux vertus militaires, ont sçu allier la culture des sciences et des arts. Cette vérité a été reconnue dans tous les tems ; elle n’a point échappé aux législateurs français. Des sommes annuelles furent décrétées pour l’encouragement des arts. Au fort de la guerre la plus mémorable, au mibeu des succès les plus éclatans, le comité de Salut public, par des arrêtés vraiment dignes de la grandeur française, a appelé tous les artistes à consacrer par tous les moyens, les plus glorieux événemens de notre heureuse révolution. Des vues aussi grandes avoient besoin de développements. Le zèle des artistes loin de les attendre, ou de les demander, s’empressa de répondre à la voix des législateurs ; aux époques fixées, on vit de toutes parts le génie apporter le tribut de ses productions, un prompt jugement devoit assigner à chacun l’objet auquel la Répubbque alloit l’employer. Ce fut alors que l’on commença à reconnoitre la précipitation avec laquelle les bases du concours avoient été passées. Une sorte de programme étoit indiquée à l’architecture et à la sculpture pour la première, on donna à entendre que le meilleur projet se-roit exécuté sous la direction de son auteur, et que ceux qui en auroient ensuite le plus approché, auroient des travaux ordonnés par la Convention. Pour la sculpture les auteurs des trois meilleures esquisses, seraient chargés concurremment de faire en grand le modèle de la figure projettée. Ce mode étoit posé pour le projet du colosse, les artistes désirent qu’il soit SÉANCE DU 25 VENDÉMIAIRE AN III (16 OCTOBRE 1794) - N° 25 193 appliqué à tous les projets de sculpture. L’artiste reconnu pour avoir atteint le but, seroit chargé de l’exécution en bronze, et les autres récompensés de leur travail. Pour la peinture, on n’a rien prévu ni le nombre des ouvrages, ni leurs proportions, ni leurs places. Le choix des sujets, quoique libre, étant circonscrit dans les faits de la Révolution devenoit en quelque sorte un écueil; car on sent aisément de quelle conséquence il est de bien choisir surtout lorsque dure encore la crise révolutionnaire. Par suitte du jugement de la sculpture et de l’architecture, il semble donc qu’un sujet en peinture bien choisi et dont l’esquisse promet un bon ouvrage, devra être ordonné pour être exécuté en grand. Cependant par la difficulté de bien choisir ci-des-sus indiquée, n’est-il pas possible de rencontrer une esquisse renfermant des beautés comme art, dont l’exécution ferait grand honneur à l’artiste, mais dont le sujet par son choix ne seroit pas trouvé convenable, tandis au contraire qu’un artiste faible auroit été mieux inspiré? Ces réflexions vous prouveront clairement, citoyens, comment ce concours ouvert avec enthousiasme, mais d’une manière peu réfléchie et trop resserrée par le tems, n’a pas laissé aux artistes embrasés de ce même enthousiasme, les moyens d’exprimer tout ce qu’ils sentoient, et de prouver tout ce dont ils étoient capables. Les trois arts convoqués en même tems doivent être jugés par un seul et même jury. Les productions exposées au concours étant les modèles esquisses ou projet d’ouvrages destinés à l’utilité et à la gloire de la République, il est incontestable de dire que c’est au nom de tous les citoyens qu’ils doivent être jugés, et que ceux particulièrement qui possèdent les connaissances nécessaires pour prononcer sur ces différens objets y doivent être appellés ; car dans l’ordre de la société il n’est que trop vrai que les hommes voués à des occupations très diverses et très opposées, se trouvent circonscrits dans un cercle de connaissances particulières plus ou moins étendues selon les facultés intellectuelles qu’ils ont reçues de la nature. Pour connoitre ensuite les hommes capables de porter un jugement sur des productions de telle science ou de tel art, nul ne peut les trouver plus facilement ni plus sûrement que ceux qui en font leur principale étude. C’est d’après la conviction intime de ces vérités mises en pratique par la Convention nationale elle-même que la société des arts a crû pouvoir adopter le mode suivant d’un juri des arts, et le soumettre à l’examen du comité d’instruction publique. En reconnoissant aux citoyens le droit de choisir leurs arbitres et appliquant ce principe aux artistes concurrents, on voit naturellement que l’intérêt qu’ils ont de rencontrer de bons juges, ne les portera à nommer que des hommes dont les talents et la capacité reconnus seront un sur garant du bon choix qu’ils auront fait, et l’on peut croire que les candidats proposés par les artistes fourniroient des noms bien avoués, précieux à la République et qui feroient présager heureusement de la confiance que devra avoir en eux la nation entière dont ils deviendraient les organes. Pour éviter l’embarras des formes, et serrer plus intimement les liens de la fraternité qui doivent unir les amis des arts. Le comité d’instruction publique seroit invité à rassembler au même jour et dans un même lieu tous les artistes qui ont exposé des ouvrages au concours pour procéder à la formation d’une liste de citoyens sages et éclairés, parmi lesquels le comité seroit invité à prendre les membres du juri des arts, selon les articles suivans que la société a adopté comme plan du mode le plus simple pour la formation du jury. Article Ier. — Les artistes qui ont des ouvrages au concours étant plus susceptibles par la fréquentation de connaitre les citoyens capables d’apporter les connaissances, morales, politiques et savantes qui conviennent à un jugement de cette importance, seront par un arrêté du comité d’instruction publique invités à se réunir à un seul et même jour indiqué, dans les salles du Muséum. Article II. - Ils devront, après avoir établi par ancienneté d’âge un président, un secrétaire et six scrutateurs, sans aucune délibération, déposer dans une capsule, chacun un bulletin portant les noms de trois citoyens non concurrens auxquels ils reconnaitraient les qualités requises par l’article premier, en observant d’en désigner un pour chaque art. Article III. - Lorsque tous les bulletins auront été déposés, les six scrutateurs les recueilleront, et formeront d’après une liste à trois colonnes des noms qui se trouvent inscrits. Ils auront soin de marquer à chaque nom le nombre de voix qu’il aura obtenu, en tête de chaque colonne sera indiqué le genre d’art. Article IV. - Aussitôt que la liste sera remplie, elle sera proclamée devant les citoyens qui seront venus déposer leurs bulletins, elle sera ensuitte signée par le président, le secrétaire, et les scrutateurs, et portée par eux au comité d’instruction publique. Article V. - Le comité d’instruction publique extraira de la liste ci-dessus soit par la voie du sort, soit au choix des membres réunis composans le comité, le nombre de jurés qui lui conviendra de déterminer. Ce nombre devrait être peu considérable. Onze pour chaque art formant le complet de trente trois paraitrait convenir, on y ajouterait 12 suppléants. Le mode d’après lequel les jurés devront procéder au jugement et à l’émission de leur voeu sur chacun des ouvrages étant une suitte du mode de formation de juri qui sera établi par la Convention. La Société n’a pas cru pouvoir aller plus loin sur les articles réglementaires, elle se borne à présenter aux législateurs une partie de ses observations nées de ses discussions sur le concours actuel, et star l’avantage qu’on en pourroit tirer pour la nation et pour le progrès des arts. Le grand point pour faire fleurir les arts est de donner de l’occupation aux artistes, les grands hommes ont paru dès qu’il y a eu de 194 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE grands motifs d’émulation. La soif des richesses n’est point le véhicule du génie, il n’a besoin que de trouver les moyens de mettre au jour ses conceptions. Depuis plus de quatre années, aucun grand ouvrage n’a paru dans aucun des arts [car on ne doit pas compter comme tels ces travaux de simple décoration que la circonstance fait élever pour telle ou telle fête, où le tems donné pour l’exécution n’est pas même suffisant pour la pensée]. Les sommes décrétées pour l’encouragement des arts n’ont point été délivrées. Hâtez-vous, citoyens, de réparer le tort qu’a du leur faire une inaction de près de. cinq années; les concours qui sont à juger, vous en offrent des moyens simples. Ce sont les seuls qui vous restent, si vous voulez conserver la supériorité dont jouit à juste titre la nation française sur toutes les écoles actuelles de l’Europe. Voici donc par rapport au concours dont les résultats dans aucun des trois arts ne se présentent d’une manière pleinement satisfaisante ce que pense la Société des Arts; elle observe que la première opération du jury devra être essentiellement de déterminer s’il y a des projets de monuments, de statues, ou de tableaux remplissans à la lettre les vues des Législateurs selon les arrêtés du comité de Salut public et par cela même dignes que l’exécution en soit ordonnée par la nation. La dépense pour l’exécution d’un tableau, n’est pas d’une importance assez grande pour n’être pas accordé à moins d’un profond examen. Il n’en est pas de même pour une place pubHque, pour ion colosse en bronze, ni pour tout autre monument dans une grande commune et surtout dans Paris le point central de la Répubbque, le berceau de la Hberté et dont la splendeur et le nom doivent surpasser ceux d’Athènes et de Rome, il faudra pour la sculpture et l’architecture, non seulement trouver le meilleur des ouvrages exposés, mais encore juger si réellement c’est là ce qu’on peut imaginer de plus parfait pour des monuments de cette importance. C’est à ce premier résultat que doivent tendre toutes les lumières des membres du jury et c’est pour l’obtenir qu’il faut adjoindre des hommes savans dans les lettres et dans l’antiquité aux professions des arts, car il est à observer qu’il se trouve en peinture des scènes totalement allégoriques, en sculpture des figures caractérisées par différents attributs, en architecture des monuments décorés d’omemens simbobques, il n’est pas suffisant que ces différents objets fassent bien à l’oeil, il faut aussi qu’ils présentent à l’esprit un sens exact et facile à saisir. Or cette partie nécessite indispensablement l’admission d’hommes sages et instruits. Leur influence est nécessaire aussi pour combattre tout sistème particulier et exclusif qui voudroit dominer dans aucun des trois arts. Un examen approfondi du concours en général auroit lieu pendant trois jours consécutifs, par tous les jurés réunis. Ils feroient ensuite le rapport de leurs opinions collectives dans une assemblée ou seroient appellés des membres du comité de gouvernement, de celui d’instruction publique, de la commission des travaux publics et du Département. Car lorsqu’il s’agit d’objets qui peuvent entraîner à de grands frais dans les circonstances actuelles, il est nécessaire que les intérêts de la République soient discutés, par ceux que le Peuple français a honorés de sa confiance et auxquels il a délégué ses pouvoirs, ce seroit d’après les discussions qui pourroient avoir lieu sur ce sujet que le juri d’accord avec les commissaires ci-dessus désignés, nommeraient les ouvrages dignes de l’exécution, ou peut-être prononceroit qu’aucun ne mérite cet honneur. Alors la question importante des concours serait terminée, et tous les autres artistes qui ont apporté de leurs ouvrages au concours seroient appellés par la munificence nationale; car il est indispensable que tous ceux qui ont concouru soient dédommagés d’une manière convenable; ils seroient donc récompensés de leur zèle et encouragés selon le genre d’art qu’il professent, et dans telle proportion qu’il conviendra au comité d’instruction publique d’indiquer. Les artistes se bornent à lui présenter la nécessité de donner surtout pour cette première fois de l’occupation au plus grand nombre possible en accordant à chacun des concurrents selon l’art qu’ils exercent, une somme qui serait regardée comme une avance pour les frais d’ouvrages ou ils pourraient déployer leurs idées et leurs talents d’une manière moins équivoque que dans un concours d’esquisses; l’émulation, l’espérance de primes à obtenir par la force seule du talent, la crainte de produire un ouvrage indigne d’être agréé par la nation, tout deviendrait un véhicule pour le génie. Quel fond précieux ne seroit-ce pas pour la nation, qu’une collection de projets de monuments consacrés à l’utilité et à l’embellissement des communes, proposées à l’envi par les architectes. Ils deviendraient des programmes in-téressans pour la République, les meilleurs seraient bientôt mis à exécution on serviraient de point de comparaison lorsqu’il conviendrait de les remettre en concours. L’époque brillante des arts a toujours été lorsque le genre historique a été traité dans une proportion ou les figures pouvaient avoir la grandeur naturelle. Les artistes peintres exercés à ce genre d’étude, en recevant la somme qui leur sera adjugée, s’engageront à produire un tableau de 10 pieds de haut, la largeur est laissée à leur volonté. L’autre classe non moins intéressante dont le pinceau n’est pas habitué à de si grandes dimensions, seroit inscritte pour des tableaux dont la hauteur seroit de 5 pieds, la largeur à leur choix. Les sculpteurs seroient tenus d’apporter des modèles en plâtre d’une figure au moins de 6 pieds de proportion. Les architectes fourniraient deux projets dont les plans, coupes, et élévations seraient dans le plus exact rapport, ils y joindraient des détails en grand et consulteraient dans les monuments proposés par eux plus encore, l’utilité que la magnificence. La plus grande latitude doit être laissée au choix des sujets des tableaux figures ou monu- SÉANCE DU 25 VENDÉMIAIRE AN III (16 OCTOBRE 1794) - N° 26 195 mens. Les artistes sont intimement persuadés, que outre la perfection de l’art, le but principal est d’exciter l’amour des vertus et de la liberté, d’instruire les hommes en offrant à leurs regards les époques glorieuses de notre révolution, ou les actions héroiques de nos concitoyens, soit encore en leur proposant les grands modèles de la Grèce et de Rome, ou de toute autre nation célèbre par la haine des tyrans. Que les expressions figurées ou allégoriques dont la poésie reçoit tant d’éclat, ne peuvent point être interdites à la peinture, elles ne lui sont pas moins avantageuses et presque toujours la sculpture en fait son principal ornement. Cette manière d’exprimer lorsqu’elle est claire et précise est très utile pour réunir plusieurs faits, ou pour représenter un acte auquel tout un peuple a concouru. D’après ces dispositions le concours actuel aggrandi pour ainsi dire et prolongé donneroit de cette manière et à peu de frais à la fin de cette troisième année une exposition nombreuse et intéressante, depuis longtems vainement attendue. Les ouvrages faits par suite du jugement du jury, devraient être terminés et apportés au 30 fructidor prochain pour être exposés et soumis à la critique souveraine du Peuple, tout le mois de vendémiaire suivant. Passé ce tems un jury seroit chargé de désigner les ouvrages dignes d’être acquis par la nation et détermineroit les primes à accorder aux artistes pour les récompenser, les ouvrages foibles resteraient à leurs auteurs déjà indemnisés par les avances reçues. Tous les ans ensuite à la même époque l’exposition publique continueroit d’avoir lieu et ceux qui s’y distingueraient, obtiendraient de pareils encouragements lorsque leurs travaux n’auroient pas été ordonnés par la nation. Cette brillante carrière présente peu de profits à la cupidité et nulle sûreté pour l’ignorance, ainsi on ne doit pas craindre qu’elle devienne onéreuse à la République. Ce mode simple pourroit donner les résultats les plus sûrs et les plus prompts pour faire connaitre à la nation les artistes sur lesquels elle a le droit de compter, en donnant un grand essort aux vrais talents et en faisant taire la malveillance et l’envieuse médiocrité. Suivi d’une demi-page de signatures. 26 Diverses autres pétitions de différens particuliers qui réclament des secours, sont renvoyées au comité des Secours publics (56). (56) P. V., XL VII, 195. Moniteur, XXII, 268. a [Le citoyen Beauperin à la Convention nationale, Paris, le 25 vendémiaire an III] (57) Citoyens représentons, Pierre Beauperin demeurant rue Poissonnière, section Bonne-Nouvelle, vous expose qu’il est entré au service de la République le 10 avril 1792 en qualité de maréchal ferrand, forgeron et taillandier. Qu’il a continué ses services jusqu’au 25 juillet 1793, datte de la reprise de Mayence par les ennemis de la République; après avoir partagé les fatigues et les périls du siège mémorable de cette ville. Qu’étant revenu depuis à Paris, il a été nommé inspecteur à l’Arsenal pour l’examen et la réception des ouvrages de sa profession. Qu’au mois de nivôse dernier, il a été arrêté en conséquence d’une dénonciation calomnieuse, et qu’après sept mois de captivité, il a été remis en liberté. Que pendant qu’il a été au service de la République il a essuyé plusieurs pertes considérables. 1°. La forge qu’il avoit au quartier général à Mayence a été incendiée par l’explosion des premières bombes jettées dans cette ville, et il y a perdu tous ses outils, fers et charbons de valleur de 800 L. La véritté de cette perte peut être attestée par le citoyen Rühl représentant du peuple et commissaire à Mayence. 2°. Il avoit forgé 306 haches pour abatre les arbres aux environs de Mayence par ordre du citoyen Blanchard commissaire ordonnateur à raison de 4 L chacune, elles ont été perdues lors de l’évaluation de cette ville, le déffaut de voitures et de chevaux n’ayant pas permis de les enlever, ce qui a occasionné au citoyen Beauperin une perte de 1 224 L. Les commissaires Blanchard et Broude peuvent attester la vérité de ces pertes et la légitimité de l’indemnité réclamée pour cet objet. C’est dans ces circonstances et d’après un exposé aussy intéressant, que l’exposant espère de la justice et bienfaisance de la Convention nationale, qu’elle voudra bien avoir égard à toutes ces pertes cy dessus énoncées, en luy accordant une indemnité proportionnée à icelle qui lui est du légitimement, vous observant, citoyen représentant, que l’exposant se trouve réduit dans la dernière indigence, n’ayant plus aucun moyen pour exister étant sans place et sans le sol ; il ne demande donc qu’à continuer de se rendre utile à la République, comme il l’a toujours fait constamment jusqu’au moment de son arrestation ; en conséquence il vous prie de le remettre dans sa place, où dans telle autre qu’il plaira à la Convention luy accorder, sa re-connoissance, sera sans borne. Le citoyen Beauperin. (57) C 322, pl. 1354, p. 33.