ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 octobre 1789.] [Assemblée nationale.] M. JLavIe propose de continuer pendant huit jours M. Fréteau dans la place de président. Cette proposition est vivement accueillie par une grande partie de l’Assemblée. M. le Président remercie l’Assemblée de cette marque de conliance et de l’honneur qui lui est fait, mais il rappelle les termes du règlement et insiste pour que les bureaux procèdent sur-le-champ à la nomination de son successeur. La séance est levée et celle de demain indiquée pour 9 heures du matin. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 23 octobre 1789. OBSERVATIONS de M. le duc de Liancourt sur la réclamation faite par la province d’Anjou , relativement au décret de l’Assemblée nationale du 23 septembre sur les gabelles (1). Messieurs, les délibérations et les arrêtés pris par la province d’Anjou, le 6 octobre, sur la perception de l’impôtdu sel, peuvent être considérés sous deux rapports; et quoique le seul rapport des recettes et de l’influence que peut avoir cette conduite de l’Anjou, sur les recettes des autres provinces, semble être de la compétence du comité des douze en finances, auquel cette affaire est renvoyée, il est nécessaire de la présenter sous les différents aspects qui lui appartiennent. Elle peut être considérée, et comme conduite politique de la province, et comme opération de linances. Gomme conduite politique, elle présente encore deux faces. Si l’Assemblée nationale la considère absolument, en elle-même, abstraction faite des différents motifs qui ont pu la déterminer, et avec la rigueur d’un juge sévère, sans doute elle trouvera qu’une convocation de toute une province faite, l’Assemblée nationale tenante, sans qu’elle ait été même consultée, est repréhensible; sans doute elle trouvera plus à reprendre encore à un arrêté fait par l’assemblée d’Anjou, qui non-seulement n’est point dicté par l’esprit de votre décret, mais qui est contraire à son intention et à sa lettre. Mais si la sagesse de l’Assemblée nationale, cherchant à pénétrer les motifs de cette convocation et de cet arrêté, en apparence si condamnables, porte un regard attentif sur les circonstances qui les ont provoqués, il semble qu’elle en jugera autrement, et qu’elle pourra reconnaître, dans la conduite de la province d’Anjou, des vues que son amour de la paix et de l’ordre sera contraint d’approuver. La suspension de l’impôt de la gabelle, que les troubles du mois de juillet avaient opérée dans tout le royaume: les approvisionnements considérables de sel faits dans toutes les provinces, ont persuadé au conseil du Roi que cet impôt ne pouvait plus se percevoir dans toute son étendue. La justice, la raison, l’humanité, réclamaient (1) Les observations de M. le duc de Liancourt n’ont pas été insérées au Moniteur. depuis longtemps contre sa suppression totale; elle avait été prononcée il y a déjà deux ans par le Roi; elle était dans la résolution de l’Assemblée, mais il fallait remplacer un revenu de 59 millions, et ce remplacement devait être préparé. Sollicitée par le premier ministre des finances, l’Assemblée nationale a décrété une diminution de moitié sur cet impôt, auquel elle a ordonné une durée provisoire de six mois. Les habitants de la province d’Anjou gémissant sous le régime de la gabelle, d’autant plus malheureusement que, plus voisins d’une province libre pour le sel, ils éprouvent plus de facilité de contrebande, par conséquent plus de tentations et par conséquent aussi plus de surveillance des commis et plus de condamnations, se sont persuadés sans raison, sans doute, mais avec une méfiance bien pardonnable pour des malheureux, que ce rétablissement des gabelles ne pouvait être borné à une durée de six mois ; ils y ont vu la perpétuité de ce système dont, encore une fois, leur localité les rendait plus positivement victimes que les habitants de beaucoup d’autres provinces : ils ont détruit les barrières, pris les armes, et déclaré avec l’insurrection et la violence que les circonstances actuelles facilitent sans cependant pouvoir les justifier, qu’ils ne payeraient plus de gabelle, qu’ils voulaient avoir le sel libre, et que, s’il fallait un secours à l’Etat, ils le donneraient en contributions, en impôt représentatif, mais jamais en impôt de sel. Qu’avait à faire le comité permanent? Il ne pouvait sans moyen de force, s’opposer à la volonté si prononcée de toute la province, et il ne pouvait y consentir, car, en y consentant, il se rendait coupable, et vis-à-vis de l’Assemblée, et vis-à-vis du Roi de la violation du décret qui prolongeait pour six mois la durée de la gabelle; il faisait ce qui évidemment excédait son pouvoir : il n’a pu dans cette urgente et cruelle position, que s’empresser de convoquer l’assemblée des représentants de la province, pour connaître et le vœu véritable de cette province afin de le faire parvenir à l’Assemblée nationale, et le parti salutaire qui pourrait être proposé, et l’on doit remarquer que celui des décrets de l’Assemblée nationale qui défend les assemblées de province n’était pas alors prononcé. La convocation de l’Assemblée a persuadé plus encore de la disposition de la province; elle a convaincu que nul moyen ne pouvait rétablir les barrières, par conséquent la perception de la gabelle, et que toute tentative, sans succès à cet égard, faisait courir le danger imminent de maux beaucoup plus grands pour la recette du Trésor public, et peut-être pour la tranquilité du royaume. L’Assemblée, pressée de toutes parts pour faire droit aux réclamations de toute la province, a cru, qu’en donnant, par un arrêté, une forme légale à cette insurrection qu’aucun autre moyen ne pouvait éteindre, elle sauvait à la province, et peut-être au royaume, le danger menaçant d’un incendie, difficile peut-être à arrêter; elle assurait le calme et la tranquillité, et préservait le pouvoir exécutif du malheur trop certain de se voir comprenais, s’il voulait agir; elle a prononcé en conséquence l’arrêté destruc ¬ tif de la gabelle dans la province d’Anjou, aux conditions formelles d’un remplacement en contributions personnelles; mais sentant l’illégalité de son décret que la situation des choses rendait nécessaire, l’assemblée d’Anjou a arrêté que les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 octobre 1789.] m séances ne seraient pas rompues, et qu’elle ne se jugerait séparée que lorsque la volonté de l’Assemblée nationale, qu’elle allait consulter, lui serait connue. Elle a député à l’Assemblée nationale deux de ses membres, et l’a suppliée de ratifier son arrêté. Ce n’est donc pas un décret absolu qu’a prononcé l’assemblée d’Anjou, c’est un arrêté provisoire, en attendant qu’elle pût connaître les intentions des représentants de la nation, que le péril de la province n’avait pas permis de consulter avant de prononcer sur cette importante affaire; c’est une véritable pétition à laquelle l’Assemblée nationale est suppliée de faire droit, et qui peut d’autant moins être considérée autrement, que l’assemblée d’Anjou ne peut être regardée que comme une assemblée de contribuables, et non comme une assemblée politique. Si l’Assemblée nationale considère cette, affaire sous le rapport de finances, elle reconnaîtra : 1° que la province d’Anjou proposant de payer le sel à 6U livres le minot, au lieu de 30, augmente la recette du Trésor public du double de ce que ses décrets avaient prononcé; 2° que cette province, limitrophe de la Bretagne, ne fait, en obtenant cette faveur, courir aucun danger à la recette de l’impôt du sel pour les autres provinces, puisque les barrières qui assurent cette perception, placées en deçà de ses limites, ne laisseront pas passer avec plus de facilité le sel de l’Anjou au Maine et en Touraine qu’elles ne le laissaient pénétrer en Bretagne et en Anjou ; 3° que les limites de la province d’Anjou très-peu plus étendue du côté où les barrières devront être posées aujourd’hui, que du côté de la Bretagne, augmenteront à peine les dépenses du fisc, par rétablissement d’un plus grand nombre de barrières, et augmenteront de beaucoup son revenu ; 4° enfin, que l’exemple de TAnjon, applicable seulement aux provinces voisines de provinces franches, ne serait que d’un très-grand avantage s’il était successivement imité dans tout le royaume, et amènerait ainsi, de la manière la plus complète, le remplacement général de la gabelle, tant désiré par l’Assemblée nationale, et dont elle n’osait pas se promettre la possibilité, ou au moins la prompte exécution. D’après toutes ces réflexions, je conclus : 1° à ce que l’Assemblée nationale ne considérant l’arrêté du 6 octobre, de la province d’Anjou, que comme une pétition, elle le renvoie au pouvoir exécutif, pour, par lui, prononcer ce qu’il avisera ; 2° Qu’elle ordonne sur-le-champ la séparation prompte de cette assemblée, dans le terme de son décret du 26 octobre dernier ; 3° Que le président soit chargé de répondre aux députés d’Anjou, que si elle eût pu considérer l’arrêté de la province autrement que comme une pétition, elle aurait vu avec un grand mécontentement une transgression formelle à ses décrets, que toutes les parties du royaume doivent profondément et unanimement respecter, et que sans doute la province d’Anjou, si connue par son attachement aux lois et au Roi, n’a pas la volonté d’enfreindre ; mais que cet arrêté , considéré même coqime une pétition, porte, daus ses expressions et dans son style, un caractère d’ordonnance que l’Assemblée nationale désapprouve, et qui n’ajoute qu’une forme disconvenante, mais absolument inutile à la demande qu’elle renferme. MÉMOIRE PRÉSENTÉ A L’ASSEMBLÉE NATIONALE , LE 24 OCTOBRE 1189, PAR LA SOCIÉTÉ ROYALE D’ AGRICULTURE (1). Sur les abus qui s'opposent aux progrès de l’agriculture et sur les encouragements qu’il est nécessaire d'accorder à ce premier des arts. Dans un temps où l’Assemblée nationale s’occupe d’assurer la liberté individuelle, civile et politique, ainsi que la propriété des citoyens; où l’agriculture, délivrée des droits féodaux, des corvées royales et seigneuriales, laissera aux cultivateurs l’intégrité du temps qu’exigent les travaux des champs, la Société royale d’agriculture, devenue, par la protection d’un Roi citoyen à qui la nation vient de décerner le beau titre de restaurateur de la liberté française, le centre de toutes les connaissances et de tous les encouragements relatifs à l’économie rurale, doit porter à l’Assemblée nationale l’hommage respectueux des cultivateurs; elle doit être l’organe de leurs vœux. La législation rurale présente autant de vices que la législation civile et la législation criminelle : réformer ces deux dernières en négligeant la première, serait laisser imparfaite la restauration de la France ; et la régénération du royaume (la Société ose l’avancer, parce qu’elle doit le dire) a pour principale base la régénération de la culture, La liberté, l’intérêt de la propriété, la facilité d’acquérir, les encouragements propres à accroître la reproduction territoriale, sources premières de la richesse nationale, tel a été le but des travaux de la Société et de ses correspondants de toutes les provinces. C’est sous ce point de vue qu’elle réclame avec confiance de l’Assemblée nationale, un décret contenant les principaux points du code rural et les plus instants à régler. La Société s’en rapporte, au surplus, à la sagesse des représentants de la nation, pour modifier, rectifier et perfectionner les projets qu’elle ne s’est permis de soumettre à l’Assemblée nationale, que par le désir de lui prouver son zèle pour la prospérité publique , que dans la vue de concourir à préparer ses déterminations, et à ménager ses instants précieux pour les objets importants qui lui restent encore à examiner. En conséquence, la Société royale d’agriculture propose, au nom des cultivateurs, de décréter les articles suivants : SOMMAIRE ET RÉSULTAT de chaque article. Article 1er. Que tout propriétaire auraledroitde cultiver son terrain de la manière qui lui conviendra, et d’employer sa propriété à la culture des objets auxquels il donnera la préférence. Art. 2. Que le droit de parcours sera aboli dans les cantons et provinces où il existe encore, et que chacun sera libre de clore sa propriété, de quelque étendue qu’elle soit, sans que personne puisse l’en empêcher. (1) Ce mémoire n’a pas été inséré au Moniteur.