[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { fl frimaipe an II 533 ‘ t 17 décembre 1 <U3 Suit la lettre du citoyen Godefroy (1). Godefroy, représentant du peuple, à see collègues membres du comité dé Salut publie. « Coulommiers, an ïî de la République une et indivisible, 25 frimaire, 5 heures du matin. « Citoyens mes collègues, « Des rassemblements nombreux d’hommes en armes menaçaient la ville de Coulommiers; des dépêches réitérées des autorités constituées de cette commune m’ont déterminé à m’y ren¬ dre après avoir mis en réquisition la garde na¬ tionale de Farernoutiers, pour surveiller la pa¬ peterie de Courtalin où. j’étais commissaire. « Sur ma route, j’ai rencontré une foule de ci¬ toyens armés auxquels j’ai représenté leurs er¬ reurs. Plusieurs se sont dispersés, d’autres Sont venus jusqu’aux portes de Coulommiers, mais la ferme contenance des troupes leur en a im¬ posé. Une force armée requise de Meaux s’est transportée ici, et de là à Maupertuis. Une troupe de rebelles a été vaincue, le nombre de prison¬ niers faits est do 163, et 17 tués; nous n’avons perdu qu’un homme qui est beaucoup regretté, il laisse une veuve et deux enfants; nous lui avons expédié un mandat de 150 livres de se¬ cours provisoire à prendre sur leè fonds de la guerre. » Il y a dans ces rebelles un grand nombre d’égarés dont les motifs sont la religion qu’ils disent abolie. Plusieurs aussi en veulent aux sooiétés populaires; ils ont détruit le lieu d’as¬ semblée de celle de La Ferté-Gau cher; ils ont menacé de massacrer les jacobins. Une autre partie de rebelles a menacé de se porter sur La Ferté-Gaucher. En conséquence, mon collègue Morrisson, qui est Venu ici, invité par les auto¬ rités constituées et à la nouvelle des dangers, marche sur cette commune avec la force armée de Meaux sous les ordres de son commandant qui paraît réunir les qualités requises pour remplir exactement sa place. « L’exemple d’hier paraît m avoir imposé et j’espère que ces grands mouvements pourront être dissipés si nous recevons du secours pour opposer une force suffisante afin de punir les coupables. Il y a encore de la fermentation dans lés communes environnantes, c’est pourquoi il a été arrêté que je resterais ici en cas d’événe-meüt. « Nous attendons dés collègues qui nous met¬ tent dans la possibilité de retourner aux pape¬ teries, « Nous Comptons sur un secours de force ar¬ mée de Paris car l’esprit public est fort gâté dans ces environs. « C’est un dernier effort de l’aristocratie expi¬ rante .dans lequel les prêtres figurent. Enfin le prétexte est toujours lâ prétendue abolition de la religion. « Comptez sur notre zèle et notre dévouement à servir la chose publique. « Les citoyens de Coulommiers montrent beaucoup d’ardeur. « Salut et fraternité. « Yos collègues, « Morisson; Godefroy. (1) Archives nationales , carton ÀFn 141, pla¬ quette 1118, pièce 41. « P. S. Nous vous annonçons avec plaisir que plusieurs communes sont Venues ce matin 25, offrir de marcher contre les rebelles. Cependant nous insistons sur les secours demandés car nous les croyons nécessaires pour désarmer d’ autres communes suspectes. « Je joins ici le procès-verbal des événements qui se sont passés à la papeterie du Matais. « 26 frimaire, une heure du matin. « Je reçois à l’instant la nouvelle que la force armée de Meaux est entrée dans La Ferté-Gau-clier où elle a délivré des patriotes. Il y à tou-; jours beaucoup de rumeur dans les environs de Coulommiers, et j’insiste pour l’envoi d’une force armée de Paris afin d’arrêter dans sa source ce torrent dévastateur d’insurrection et de por¬ ter du secours dans plusiexirs endroits menacés ét d’âutres insurgés. » Procès-Verbal rédigé à la papeterie du Matais par le représentant commissaire en cette par¬ tie (I). Aujourd’hui, 24 frimaire, l’an second de la République, Charles-François-Gabriel Morissoh, représentant dü peuple, commissaire à la pape¬ terie du Marais, déclare qu’il s’est présenté dans la cour de la manufacture, à peu près les huit heures du matin de ce jour, un nombre assez considérable de citoyens armés de fusils, de pi¬ ques et de quelques autres armes; que lorsqu’il en a été instruit, il a été à leur renoontre et leur a demandé quels étaient leurs projets. Qu’ils lui ont répndu qu’ils voulaient leurs reliques, leurs prêtres, les ornements de leur église et les vases qu’on leur avait enlevés; qu’ils venaient chercher les ouvriers de la manufacture, qu’il fallait qu’ils partissent avec eux, ainsi que lé propriétaire, Quernel, et lui représentant ; qu’ils ont dit qu’ils voulaient en même temps qu’u n’y eût ni jacobins, ni clubs; qu’alors il leur repré¬ senta tous les malheurs qui pouvaient résulter de leur rassemblement, que la Convention était juste, qu’elle ne s’était jamais opposée à ce que les citoyens exerçassent le culte qui leur con¬ venait pourvu que son exercice ne nuisît en rien à la chose publique; qu’elle avait consacré au contraire les principes de la tolérance, qu’elle n’avait désiré enfin que rendre les citoyens heu* reux par l’instruction, par la destruc tion des pré¬ jugés qui pouvaient faire leur malheur. Quelques-. uns d’entre eux sont venus me dire que le pro¬ priétaire de la manufacture consentait au départ de ses ouvriers et qu’il fallait qu’il leur permît dé s’absenter pour la journée seulement, et qu’il allait avec eux; que lui représentant leur a dit qu’ils étaient bien maîtres de l’égorger s’ils le Voulaient, mais qu’il ne trahirait point son de¬ voir, qu’il mourrait à son poste s’il le fallait, qu’il ne partirait pas. Qu’üs lui ont dit alors qu’ils ne voulaient tuer personne, ni faire de mal a personne, que c’était seulement un secours qu’ils viennent solliciter sans violence, disaient-ils, pour obtenir ce qu’ils demandaient. Que, dans cet état de choses, il est entré une autre troupe d’environ quatre à cinq oents dont quelques-uns étaient sans armés; qu’âlors il est entré dans son appartement qui est au rez-de-chaussée et se mit sur le seuil qui est à l’exté-(1) Archives nationales, carton AFn 141, plaquette 1118, pièce 42. 584 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f’ rieur; qu’aussitôt il a été entouré par un grand nombre dont quelques-uns lui ont rappelé qu’il fallait qu’il parte avec eux; que leur avait dit encore qu’ils pouvaient le tuer, et lui ont ré¬ pondu qu’ils ne le tueraient point, mais qu’il partirait et qu’ils l’emmèneraient avec eux; qu’il leur avait dit qu’il ne ferait jamais volontaire¬ ment un seul pas contre son devoir et que s’ils l’emmenaient üs le porteraient ou le traîneraient le long des chemins, ils lui ont répondu qu’il avait des jambes et qu’il faudrait bien qu’il s’en servît et qu’ils ne le quitteraient pas, ce qu’ils ont paru vouloir faire en se rangeant tout autour de lui. Tandis qu’il continuait à leur dire ce que pres¬ crivaient les devoirs d’un bon républicain, de leur représenter l’intérêt qu’il y avait pour la République et pour eux de ne pas abandonner la quantité de papiers assignats qui se trouvaient à la manufacture, ils ont consenti à l’y laisser; qu’alors il a vu arriver au milieu d’une partie d’entre eux le citoyen Quernet (sic), maître delà manufacture, qui avait pris médecine et qu’ils étaient allés chercher dans son lit, et avec lui le commissaire national qui a remis en pleurant son portefeuille à lui représentant. Et qu’ensuite ils sont partis, qu’il n’est resté à la manufacture que les femmes qui continuent leur travail, un vieillard, un des gouverneurs des machines et un enfant de treize ans ou quatorze ans; que son premier soin a été de faire fermer les étendoirs où est tout le papier fabriqué à l’exception de celui que les femmes travaillent et de celui qui a été fabriqué ce matin qui est encore dans les laines et qu’il a laissé à la garde du gouverneur des machines, n’ayant aucun moyen d’en agir au¬ trement; qu’il ne peut dans ce moment envoyer un courrier extraordinaire à la Convention parce qu’il n’a personne dont il puisse disposer, qu’il en enverra un aussitôt qu’ü en aura le pouvoir; et, de même qu’une sentinelle ne doit jamais uitter son poste quelque chose qui arrive, il est ans la ferme résolution de pas abandonner le sien. Fait, clos et arrêté les jour, mois et an que dessus. Morisson, commissaire à la papeterie du Marais. On menace de couper les cheveux et la tête des patriotes jacobins; ils sont en fuite et dans la consternation. Les troubles, d’après les rap¬ ports que je reçois, paraissent devoir continuer. Mon collègue et les autorités constituées m’a¬ vaient envoyé des exprès pour m’enlever et pour me rendre à Coulommiers; j’ai cru devoir partir à 5 heures du soir pour avoir des secours plus prompts. Le commissaire national, le propriétaire de la manufacture et une partie des ouvriers sont de retour. * Godefroy, représentant du peuple, au citoyen Président de la Convention nationale et à ses collègues (1). « Coulommiers, 26 frimaire, une heure après minuit, an II de la République, une et indivisible, « Citoyens mes collègues, « J’ai rendu compte au comité de Salut public (1) Archives nationales, carton AFn 141, pla¬ quette 1118, pièce 43. de la nécessité où j’ai été de me transporter de Courtalin à Coulommiers pour prendre des mesures de sûreté afin d’arrêter dans sa source une insurrection qui a éclaté en plusieurs en¬ droits. « J’entre dans de nouveaux détails par la lettre ci-jointe que je demande d’être remise sur-le-champ à ce comité afin qu’il puisse statuer de suite sur son contenu. Je ne dis rien de ces mesures qui doivent être secrètes. On ne peut trop louer le zèle des autorités constituées de Coulommiers. « Salut et fraternité. « Godefroy.» Godefroy, représentant du peuple, à ses collègues Président et membres de la Convention natio¬ nale (1). « Coulommiers, 26 frimaire an II de la République, une et indivisible. « Citoyens mes collègues, « Je m’empresse de vous faire part que de grandes mesures, que nous avons prises à temps avec mon collègue Morisson, ont sauvé le département de Seine -et -Marne de la guerre civile dont il allait être le théâtre. « Partout les rebelles se soumettent et con¬ viennent du piège dans lequel on les a entraînés. Grand nombre de coupables sont arrêtés, ainsi je crois pouvoir assurer qu’avec les secours demandés au comité de Salut public toutes les choses rentreront dans l’ordre. « Ces succès sont dus aussi à la vigilance et au patriotisme des autorités constituées de Cou¬ lommiers, à la garde nationale de Meaux et à celle de plusieurs communes environnantes, notamment celle de Quincy, qui nous ont par¬ faitement secondés. « Un seul jour a fait lever plus de 30,000 hom¬ mes rebelles, la fermeté, le courage et la per¬ suasion leur en ont imposé. « La majeure partie est rentrée dans le devoir et le reste sera, je l’espère, bientôt soumis. Je demande qu’en récompense du zèle de plusieurs districts, savoir ceux de Lagny, Meaux, Cou¬ lommiers, La Ferté-sous-Jouarre et leurs gardes nationales, de même que celles de Coulommiers et Quincy qui tous ont offert de marcher contre les rebelles, vous décrétiez qu’ils ont bien mérité de la patrie. « Je pense que vous ne ferez pas de difficulté quand vous saurez que tous à l’envi ont amené force subsistances et qu’ils en offrent encore tous les jours. J’ajouterai de plus que les ser¬ vices militaire et administratif se sont faits ici avec la plus grande exactitude. Je m’en suis as¬ suré en allant visiter les, postes avec le citoyen maire, excellent patriote. Enfin j’ai vu avec (1) Archives nationales, carton C 283, dossier 801. Mercure universel [28 frimaire an II (mardi 18 dé¬ cembre 1793), p. 443, col. 2], second supplément au Bulletin de la Convention de la séance du 28 frimaire an II (mercredi 18 décembre 1793); Journal des Dé¬ bats et des Décrets (frimaire an II, n° 455, p. 382).