[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |T juillet 1791.] comme un gage assuré de votre liberté contre tous les événements. Soyons francs et sincères, ne dissimulons rien, aussi bien personne ne prendrait le change; ces nombreux émigrants, ces absents qui excitent avec raison l’inquiétude du peuple, ne se sont-ils éloigné# qu’à raison de leur santé, de leurs affaires, ou par la seule propension de leur liberté : disons plutôt que la plupart, par d’autres motifs plus ou moins coupables, ont cherché à couvrir leur perfidie du voile imposant d’une liberté mal entendue. Cependant la nation dédaigne encore leurs impuissants efforts; elle ne juge pas qu’il y ait lieu en ce moment à la promulgation de la loi, et, si malheureusement elle s’y trouvait forcée, elle leur ouvre un accès au repentir : si parmi eux il s’en trouve quelques-uns qui n’aient point à rougir de leur absence, on leur offre le moyen de dissiper tous soupçons et de conserver le titre glorieux de citoyen français. Vous ne pouvez donc hésiter de porter cette loi de réserve et de précaution, sans exposer votre Constitution, sans la livrer aux caprices et aux volontés perverses des malintentionnés : la nation entière la sollicite; les circonstances la rendent plus urgente et plus nécessaire : tout vous fait un devoir de déférer à un vœu si fortement prononcé. Si cette, loi présentait des inconvénients, ils serai nt de bien loin compensés par les avantages réels qu’elle vous offre : mais ell ; n’en laisse apercevoir aucun, et, de la manière dont elle est rédigée, elle répond à toutes les objections, et principalement à celles que l’on faisait naître de la prétendue impossibilité de l’exécution. Si vous la rejetez, vous enhardissez les ennemis de l’Etat, vous leur accordez une protection ouverte au préjudice des vrais citoyens, vous rompez tous les' liens sociaux, vous 'éteignez ces amour sacré de la pairie, par qui seul elle peut être animée et vivifiée : mais cet événement n’est point à craindre dans une assemblée qui rappelle à elle-même, et force ses ennemis les plus déclarés à applaudir à la sagesse de ses décrets. Voici le projet de décret que vos comités m’ont chargé de vous présenter : « Art. 1er. Toute pet sonne en France a la faculté d’aller, de venir, d’habiteren toutlieuduroyaume, d’en sortir et u’y rentrer à volonté. « Art. 2. Le Corps législatif pourra, lorsque la défense et la sûreté de l’Etat le rendront nécessaire, ordonner à tous les citoyens français, et à eux seulement, de se tenir prêts à donner à la patrie les secours extraordinaires que chacun d’eux lui di'it. Ce décret sera suivi d’une proclamation du roi, pour en ordonner l’exécution. « Art. 3. Cette loi demeurera en vigueur jusqu’à ce que le Corps législatif ait annoncé par un décret, pareillement suivi d’une proclamation du roi, que la patrie n’exige plus des citoyens que leurs services ordinaires. « Art. 4. L’effet de la loi sera de limiter, momentanément et de la manière ci-après déterminée, l’exercice de la faculté déclarée par l’article premier du présent décret. t Art. 5. A compter du jour de la proclamation, tout citoyen qui sortira du royaume sera tenu de faire sa déclaration à la municipalité du lieu où il se trouvera, portant que, sur la foi du serment civique qu’ii a prêté, ou qu’il prêtera à l’instant même, il promet d’être et de d rneurer fidèle à la Constitution, et de continuer à s r-vir sa patrie de tout son pouvoir. Il sera dressé 23 acte de cette déclaration ; il lui en sera remis un extrait, dont il sera tenu d’envoyer une copie en forme à la municipalité du lieu de sa résidence. « Art. 6. Tout citoyen absent du royaume à l’époque de la proclamation sera tenu d’y rentrer dans le délai qui sera fixé par le décret, ou d’envoyer à la municipalité du lieu de son domicile en France une déclaration en forme, telle qu’elle a été prescrite par l’article précédent. « Art. 7. Tout citoyen absent du royaume après la proclamation, qui aura fait la déclaration prescrite par les articles précédents, payera, à litre d’indemnité due à l’Etat, outre ses contributions ordinaires, une somme égale auxdites con tribu-tions d’une demi-année, s’il est absent 6 mois ou moins de 6 mois, et d’une année entière, s’il est absent pendant plus de 6 mois. « Art. 8. Tout citoyen absent du royaume, après la susdite proclamation, sans avoir fait la déclaration prescrite par les articles précédents, payera, par forme d’amende, outre ses contributions ordinaires, une somme égale au double desdites contributions, dans les proportions fixées par l’article précédent, et sera déchu du titre et des droits de citoyen français, jusqu’à ce qu’il y soit rétabli par un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi. « Art. 9. Sont exceptés des dispositions des deux articles précédents, ceux qui auront une mission du gouvernement et les gens de mer. « Arl. 10. La moitié du produit des augmentations des contributions ci-dessus sera répartie, en moins imposé, entre les contribuables de la même municipalité qui ne payeront que 12 livres d’imposition et au-dessous; l’autre moitié sera versée au Trésor public. « Art. 11. Tous citoyens, absents ou présents, qui auront porté les armes contre la France, ou enrôlé des hommes pour les porter, qui seront convaincus d’avoir tramé des complots contre le repos ou la sû été d : l’Etat, sont déclarés traîtres à la patrie; ils seront poursuivis et punis comme tels. » Plusieurs membres : La question préalable I M. de Toulongeon. Si je pensais que la loi qu’on nous propose dût avoir un seul des avantages qu’elle promet, si je pensais que le pût prévenir les malh urs dont on nous menace, si je croyais enfin que cette loi pût épargner le sang d’un seul homme, je ne pourrais que l’approuver da�s tous ses principes généraux, je la laisserais passer en silence; mais je crois au contraire que cette loi peut ê:re le motif et le prétexte qui peut coûter la vie ou la liberté à des citoyens. Je pense que cette loi peut faire un besoin d’émigrer à ceux qui n’en ont aujourd’hui que le désir. Je m’y oppose et je crois en cela servir la chose publique. M. Werehère «le Sfteffye. Elle est trop faible, la loi ! M. Cliabroud. Je demande la question préalable. Plusieurs membres : La question préalable I M. Prieur. Je demande la parole eur la question préalaole. M. de Toulongeon. Si la question préalable n’ert pas admise, si on parle contre, je demande | d’achever mon opinion. 24 [Assemblée nationale.] M. le Président. L’ordre de la parole a été établi suivant Tubage, pour, contre et sur. M. de Toulongeon Ta contre ; MM. Robespierre et Bar-rère pour : voilà absolument l’état de la question ; sur ce od fait une motion, qui est la question préalable sur le projet de décret. M. d’André. Non, le renvoi aux comités l Plusieurs membres : Le renvoi ! le renvoi ! M. Prieur. Il faut connaître les principes du renvoi, et pour ce, il faut les manifester, les motiver. M. le Président. M. Ghabroud a demandé la question préalable; d’autres ont demandé l’ajournement; M. Chabroud a la parole sur la question préalable. M. Chabroud. Quand je propose la question préalable, ce n’est pas sur toute la délibération relative aux émigrants, c’est sur le projet que l’on vient déliré; ainsi, je suis d’accord avec ceux qui demandent le renvoi aux comités, et je crois ue la question préalable que j’ai proposée, pro-uira le même effet. Je dis, Monsieur le Président, que par le décret on veut prévoir toutes les circonstances dans lesquelles doit se trouver l’Etat, et dans lesquelles il sera nécessaire de prendre des mesures à l’égard des émigrants ; et que par là l’on propose une mesure inutile, une illusion générale qui évidemment ne peut pas s’appliquer à tous les cas, qui évidemment ne serait qu’une loi inutile et sans exécution. Il est hors de doute que le Corps législatif, dans tous les temps, lorsque l'Etat sera en péril, lorsqu’il sera nécessaire de prendre quelques mesures contre les émigrants, il est hors de doute, dis-je, que le Corps législatif a le droit incontestable, qu’il n’est pas besoin de lui donner par une loi générale, de prendre toutes les mesures; et je dis qu’on ne peut pas prévoir quelle sera la nécessité de l’établir, qu’on ne peut pas d’avance la déterminer. Je dis qu’il faut abandonner la détermination de ces mesures au Corps iégi latif, qui les prendra selon les circonstances, selon les moments, selon les besoins de 1 Etat. G’est d’après cela que je dis que, dans ce moment, il peut en effet être nécessaire de prendre quelques mesures dans la circonstance où nous sommes, relativement aux émigrants; mais je dis qu’il ne peut pas être nécessaire, et qu’il serait dangereux de proposer une loi générale. Je demande ou la question préalable sur le projet du comité ou le renvoi aux comités, ce qui m’est parfaitement égal. M. Prieur. Avant de renvoyer le projet de décret aux comités, il est bien essentiel peut-être que l’opinion de l’Assemblée se manifeste sur le genre de mesures qui nous sont proposées. Or, moi, je sentais que toutes les oppositions qu’elles éprouvent doivent venir de ce que les mesures proposées sont insuffisantes dans les circonstances. Lorsque les comités se rassembleront pour nous faire cette loi, ils doivent se poser ce dilemme : Tout Français, qui dans ce moment est hors du royaume, e?t un mauvais citoyen ou un traître; c’est de là qu’il faut partir pour faire une bonne loi. (Oui! oui! Applaudissements à gauche .) Tou-17 juillet 1791.] tes les nouvelles nous annoncent que des Français parricides cherchent à déchirer le sein de leur mère. Nous n’avons pas un instant à perdre pour prévenir leurs desseins sinistres. M. Duport. Il faut les mépriser. (Murmures.) Plusieurs membres : Allons! allons! Taisez-vous ! M. Prieur. Je demande que samedi prochain les comités nous fassent un rapport, et que le glaive des lois et celui des bons ciioyens, suspendus une bonne fois sur la tête des coupables, nous ramènent la tranquillité publique. M. d’André. Chacun de nous voit des difficultés dans la loi qui est proposée : l’un la trouve peu rigoureuse, l’autre l’a trouvée inexécutable, et je crois qu'il a aussi raison. Je demande donc le renvoi afin que l’on puisse combiner à la fois la rigueur nécessaire et l’exécution possible. G’est pourquoi je m’oppose à ce qu’on fasse mention d’aucune espèce de motif puisqu’il faudra discuter le fond. Je demande donc le renvoi pur et simple aux comités pour qu’ils fassent leur rapport samedi en huit. Plusieurs membres : G’est Irop long! samedi prochain. M. d’André. Eh bien! après-demain si l’on veut. (L’Assemblée décrète le renvoi pur et simple du projet de décret aux comités et ajourne la discussion de cette matière à samedi prochain.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les séerétuires, d’une lettre des maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon , ainsi conçue : « Augustes représentants, & Le peuple avignonais ne sentit jamais si fortement qu’il a le cœur français que daDS l’instant où il fut informé de la fuite et de la désertion du chef de 1 Empire et de sa famille. « Dans cet instant critique, le peuple avignonais renouvela le serment, mille fois répété, de vivre et mourir Français. Ge serment, dont nous vous offrons de nouveau l’hommage, renferme l’expression de tous nos sentiments ; il nous représente tous nos devoirs; et en prononçant devant vous que nous voulons être et que nous sommes Français, nous vous disons que nous sommes dignes de porterce nom glorieux et éminent; que nos fortunes, notre sang, notre vie, sont à vous dans toutes les occasions; que toutes nos affections, toutes nos idées, toutes nos volontés, ont une tendance directe et conlinuelle vers vous; que votre fermeté, votre sagesse, votre prévoyance dans ces circonstances pénibles, nous pénètrent pour vous, comme tous les Français, de la vénération la plus absolue... Dignes législateurs de la France, ô vous qui, malgré les factieux, aurez la gloire d’ajouter encore une couronne à vos immortels travaux, en nous rendant la justice qui nous est due, eL que nous ne cesserons jamais de réclamer, celle de nous déclarer à l’Europe entière, et de nous faire reconnaître pour ce que nous sommes, pour des Français, nous vous protestons que nous serons constamment fidèles à la nation et à la loi, et que nous ARCHIVES PARLEMENTAIRES.