700 ÏÉtatsgén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARI CAHIER Des doléances et instructions arretées dans l'assemblée , de la noblesse de Marseille et remis à ses députés aux Etats généraux le 2 avril 1789 (1). Art. 1er. Les députés de l’ordre de la noblesse de Marseille seront d'avis d’opiner par tête dans les trois ordres réunis. Art. 2. Nul impôt ne sera légal et ne pourra être perçu qu’àprès qu’il aura été consenti par la nation, dans l'assemblée des Etats généraux, et lesdits Etats ne pourront les consentir que pour un temps limité et jusqu’à la prochaine tenue, en sorte gue cette prochaine tenue n’ayant pas lieu, tout impôt cesserait. Art. 3. Le retour périodique des Etats généraux sera fixé à cinq ans au plus, et dans le cas d’un changement de règne ou d’une régence, ils seront assemblés extraordinairement dans un délai de six semaines ou deux mois. Art. 4. La liberté individuelle sera garantie à tous les Français, de manière qu’aucun ordre ou lettre close ne puisse y porter atteinte que pour le moment qui précéderait la rémission du prisonnier à son juge naturel. Art. 5. Comme il importe de connaître l’état des finances du royaume, les députés demanderont que le compté en soit rendu public, chaque année, par l’impression. Art. 6. Ils demanderont la responsabilité de tous les ministres aux Etats généraux. Art. 7. La liberté de la presse, avec la réserve de la signature de l’auteur ou de l’imprimeur. Art. 8. Le respect le plus absolu pour toute lettre confiée à la poste. Art. 9. Les députés s’obligeront à l’envoi direct de toutes les impositions au trésor royal, et demanderont la suppression de tous les dépôts et caisses intermédiaires. Art. 10. lis solliciteront là réformation de la justice civile et criminelle, et les meilleurs moyens pour abréger les procédures, en diminuer les frais et venir au secours des accusés ; en un mot, assurer l’exécution des lois, en sorte qu’aucune ne puisse être enfreinte, sans que quelqu’un ne soit responsable. Art. 11. Aucun impôt ne sera accordé sans que l’état des finances ait été dépouillé, que les sources du déficit aient été connues, et qu’on ait établi des moyens pour qu’elles ne se reproduisent jamais. . . Art. 12. L’état des financés reconnu et fixé dans chaque département; et après avoir déterminé toutes les réductions et économies, les députés sanctionneront la dette publique et nationale, et pourvoiront au meilleur moyen d’y satisfaire. Art. 13. Demander qa’aucun militaire ne puisse être privé de son état que par un jugement rendu par ses pairs, sur une procédure en forme. Art. 14. Les députés, après avoir soutenu, avec tout le zèle dont ils sont capables, tous les articles ci-dessus, et après avoir donné leur opinion en honneur et en conscience, tant sur lesdits articles que sur tous autres objets non prévus qui pourront être proposés , seront tenus de consentir, à ce qui aura été délibéré et arrêté dans les Etats généraux à la pluralité des suffrages recueillis par tête. Art. 15. Les députés défendront nos statuts (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives âs V Empire . ÆMENTAÎRES. (Sénéchaussée de MarseiHe.] confirmés de règne en règne et les articles de nos chapitres de paix; en conséquence de ces pactes, les subsides consentis par les Etats généraux ne pourront être levés à Marseille, que par le consentement des trois ordres réunis de la cité, et ils s ■ ont payés dans la forme délibérée entre eux. Art. 16. Les députés consentiront l’égalité de toute contribution avec le clergé, la noblesse et le tiers-état, sans aucune distinction. Art. 1 7. Ils demanderont que la noblesse soit maintenue dans tous les droits honorifiques dont elle jouit à Marseille. Art. 18. Le droit de propriété conservé dans son intégrité à tous les possédant biens de la ville et du territoire, et qu’il ne puisse y être porté atteinte, môme à raison d’intérêts publics, qu’après avoir accordé un dédommagement au plus haut prix, et sans délai. Art. 18. Les députés soutiendront le maintien de la franchise du territoire, dont la suppression causerait un préjudice notable , et demanderont que les bureaux des fermes du Roi demeureront établis toujours pour les limites. Art. 20. Le commerce devant être regardé comme la source des richesses de l’Etat et l’aliment journalier des capitaux de cette grande ville, Sa Majesté sera suppliée de vouloir bien le protéger et l’entretenir dans l’enceinte de ses murs. Pour arriver à ces heureuses fins, les députés demanderont : 1° la liberté entière de tous les commerces dans notre port; 2° l’expulsion totale du port de toutes les personnes tenant à la ferme générale; 3° l’établissement des bureaux des fermes à l’extrémité du territoire, en conservant l’établissement du bureau du domaine d’Occident, nécessaire à l’exploitation du commerce d’Amérique qui nous est commun avec les autres ports de France ; 4° l’abonnement du droit de poids et casse, afin qu’il ne reste plus dans la ville une seule trace ni des fermiers ni du droit des fermes; 5° demander la protection immédiate du commerce du Levant et les bons offices du gouvernement auprès du Grand Seigneur, afin que le nom français et son commerce y soient soutenus et respectés, et convaincre l’Etat, par une adhésion naturelle, de l’importance et de l’utilité de ce commerce pour la France dont Marseille recueille le premier fruit; 6° organiserle commerce des îles, sur le vœu des différentes chambres de commerce du royaume, que l’on peut lier avec les réclamations journalières des colons; 7° ouvrir à la nation le commerce de l’Inde, fermé par l’ambition d’une compagnie qui doit être détruite, sauf à l’Etat de la dédommager dans ses dépenses. Rien n’en prouve mieux la nécessité, que la quantité des expéditions neutres entreprises par le commerce français, malgré l’existence de cette compagnie, qui* force le négociant français de partager le profit avec l’étranger qui lui prête son nom; 8° que dans le cas du rétablissement du commerce de l’Inde, le négociant fût le maître de faire le commerce en droiture et de retour dans son port en payant les droits établis par Sa Majesté. Le port de Lorient serait privé d’un entrepôt dont il pourrait être dédommagé, mais le commerce ne peut jouir de sa véritable existence que par la liberté entière qui en est l’aliment. Art. 21. Les députés de la noblesse sont autorisés à s’occuper, avec les députés choisis dans la classe des négociants, de tous les moyens qui procureront le plus grand avantage du commerce | réuni à celui de la cité. Art. 22. Les députés représenteront combien il ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fSfncehnns'ée de Marseille.) 701 [États gén. 1789. Cahiers.] est nuisible au territoire de Marseille que les cul-j tivateurs soient soumis au service des matelots ! canonniers. Art. 23. Le droit que le gouvernement a donné àl’Hôtel-Dieu de se décharger des enfants trouvés en forçant les capitaines de les embarquer en qualité de mousses, contrarie tout à la fois le bien de l’Etat et l’avantage du peuple. L’Etat perd sans retour des sujets que le préjugé de leur nais-; sance fait mépriser et déserter, et le peuple est ; privé d’un débouché certain pour leurs enfants trouvés qui, confiés en bas âge à nos paysans, deviendraient une ressource pour l’agriculture qui manque de bras dans toute l’étendue du royaume. ! Art. 24. L’utilité que présente à l’Etat le corps ! des patrons pêcheurs doit décider en leur fa-j veur la protection du gouvernement : c’est le ! seul moyen de rétablir les choses en augmentant i la pépinière des matelots. Art. 25. Demander la démolition de la pou-; drière placée à l’embouehure du port, qu’elle menace, ainsi qu’une grande partie de la ville, du danger le plus imminent. Art. 26. Demander l’agrandissement du port, qui réunisse l’avantage du commerce de la cité et de l’Etat. Art. 27. Les députés demanderont qu’en reculant le remboursement des capitaux l’on reconnaisse la nécessité de rendre aux créanciers de l’Etat la justice qui leur est due; que les réductions d’intérêt soient supprimées, les contrats passés sous la foi publique remis a leur valeur primordiale, puisque c’est le meilleur moyen de rétablir le crédit national. Art. 28. Que les propriétaires de directes conserveront leurs censives sur les terrains employés à l’exécution des chemins , rues, places, monuments et tous autres objets publics, soit dans l’intérieur, soit hors des villes et villages; que lesdits propriétaires n’en éprouveront point l'amortissement qui est une atteinte à la propriété; et que les provinces ou les communautés, qui auront ordonné lesdits ouvrages, seront tenus de payer aux propriétaires un demi-lot tous les dix ans, ou un lot tous les vingt ans, les droits étant fondés sur une propriété primitive et réelle. Art. 29. Que l’on s’occupe des moyens de fixer les habitants dans les campagnes, dont la désertion et la dépopulation est arrivée à un point incroyable, dans celles surtout qui sont voisines des grandes villes de commerce, où la rareté des bras donne lieu à un prix excessif dans le salaire des journaliers. Art. 30. Les députés demanderont la ratification de la vente de l’Arsenal. Art. 31. Les députés appuieront toutes les demandes et tous les mémoires relatifs à l’intérêt général du royaume, et à celui de la cité de Marseille, qui seront envoyés par les commissaires nommés dans l’assemblée générale et signés par eux, notamment sur tout ce qui tendra à favoriser l’agriculture et le commerce. Art. 32. Ils demanderont enfin l’autorisation du nouveau règlement d’administration municipale, auquel il va être procédé par les commissaires nommés dans le conseil général de la cité. Signé le marquis de Poulives ; le comte de Ma-rin-Sinety ; le chevalier de Montgrand ; le chevalier de Villeneuve-Trans ; Cipierre, Rians, Borelly, commissaires; marquis de Forbin-Gardane, grand sénéchal d’épée; Catelin, secrétaire. Je certifie la présente instruction conforme à l’original. Signé Sinety, député. MANDAT AUX DÉPUTÉS DE LA NOBLESSE DE MARSEILLE. La noblesse de la ville de Marseille donne pouvoir à MM. de Cipierre et de Sinety de la représenter aux Etat généraux du royaume en tant qu’ils seront composés de membres librement élus. Leur prescrit de délibérer par tête dans les trois ordres réunis, leur donne pouvoir de concourir à l’établissement de toutes les lois nécessaires pour assurer la liberté personnelle, la liberté de la presse, la sûreté des propriétés, les droits de la nation pour le consentement aux lois et aux impôts, l’assurance du retour périodique et indépendant des Etats généraux, la responsabilité des ministres, la réforme de la justice civile et criminelle; M un mot, toutes les lois tendantes à réformer le? abus en tout genre. Les charge de proposer aux Etats généraux qu’il soit élevé un monument patriotique en l’honneur du souverain bienfaisant, le restaurateur de sa fidèle nation. Leur donne pouvoir de consentir les subsides nécessaires après que la constitution sera fixée, les lois fondamentales établies et l’étatdes finances discuté. Leur défend d’accorder des subsides illimités ou à plus long terme que la prochaine tenue des Etats généraux, et laisse à leur conscience de se décider sur tous les points selon leur patriotisme et leur honneur. Leur donne pouvoir de proposer, remontrer, aviser et consentir sur tout ce qui se présentera, en se conformant autant qu’il sera possible aux articles déterminés et aux instructions qui seront données s’il y a lieu. A Marseille, le 6 avril 1789, et ont signé tous les membres de la noblesse de Marseille, au nombre de quatre-vingt-quatorze. Pour copie dont l’original est resté entre les main de mon collègue, certifié véritable par moi soussigné, député. Signé Sinety. PLAINTES ET DOLÉANCES De la ville de Marseille (1). Les commissaires rédacteurs du cahier des doléances déclarent solennellement : 1° Que leur comité n’a jamais été séparé d’opinion; que les articles ont été arrêtés d’un commun accord et approuvés dans les assemblées générales où les doléances ont été lues. 2° Que s’il est des objets généraux ou particuliers contenus dans les divers cahiers qui îejir ont été remis, et qui n’aient point été rappelés dans le cahier général, c'est qu’il aurait été impossible de rapporter toutes et les mêmes expressions, et qu’il a paru suffisant à l’assemblée, de joindre, ainsi qu’elle l’a fait, toutes les doléances particulières, au cahier générai remis à MM, le$ députés chargés de faire valoir sans exception toutes les réclamations y contenues. 3° Que s’ils h’ont pas fait une mention expresse de la suppression de la mairie et de l’assessorat, c’est que cet objet de réforme municipale fait partie de ceux qui doivent être traités dans le comité établi par la délibération des trois ordres, du 26 mars dernier, et auquel le présent cahier se réfère par l’article 21 de la seconde section, page 14, ainsi que pour la formation du nouveau (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.