SÉANCE DU FRUCTIDOR AN II (18 AOÛT 1794) - N° 6 263 sûreté générale contre les fonctionnaires publics et les généraux d’armée; il convient que la sûreté publique exige que ces comités soient investis du droit de les faire arrêter et de les traduire au tribunal révolutionnaire, mais il veut qu’on leur donne une prompte communication des griefs dont ils sont prévenus, et qu’il soit fixé un délai dans lequel il sera prononcé sur leurs réponses justificatives (1). Le décret qui enjoint aux comités de salut public et de sûreté générale de donner aux détenus les motifs de leur arrestation, ne précise point le délai dans lequel ils seront tenus de fournir ces expéditions; plusieurs membres ont réclamé et demandé que ce délai fût précisé, afin que les militaires surtout pussent se rendre à leurs postes s’ils étoient innocents (2). TURREAU demande que ces motifs soient donnés dans le délai d’un mois. BOURDON (de l’Oise) trouve ce délai trop long. Sans doute, dit-il, la société a le droit de mettre au secret l’individu qui a conspiré contre elle; mais il n’entre dans la tête d’aucun individu que, relativement à un homme arrêté ou destitué comme suspect, on doive être un mois à lui donner les motifs de son arrestation; je demande donc qu’ils soient donnés dans les 3 jours qui suivent l’arrestation. Il est de droit, dit DELMAS, que les motifs d’arrestation soient donnés à l’individu arrêté, mais quant au délai où ces motifs seront donnés, il doit être fixé (3). Il a cité à l’appui de son assertion l’exemple de 30 hussards mis dernièrement en liberté, et que les accusateurs eux-mêmes avoient empêchés d’être mis en jugement, soit aux tribunaux criminels, soit au tribunal révolutionnaire. Il concluoit à ce que le délai pour l’expédition des motifs d’arrestation fût de 3 jours après la détention. THIBAULT étoit d’avis qu’on ne pût faire arrêter personne, à moins que les motifs d’arrestation fussent consignés dans le mandat d’arrêt. Applaudi. Les diverses propositions, adoptées quant au principe, ont été renvoyées, pour la rédaction, à la commission chargée de cet objet (4). Sur la proposition faite de renvoyer à la commission chargée de présenter la réorganisation des comités toutes les propositions tendantes à ce qu’il soit donné aux individus détenus les motifs qui ont déterminé leur détention; La Convention nationale décrète le renvoi à la commission chargée de lui présenter la réorganisation de ses comités [de] toutes les propositions tendantes à ce qu’il soit donné aux individus détenus les motifs de leur détention (5). (1) J. Paris, n° 596. (2) Gazette frsse , n° 962. (3) F. de la Républ. , n° 410. (4) Gazette frsse , n° 962; plusieurs gazettes précisent que le rapport sur cet objet est fixé au lendemain. (5) P.V., XLIV, 2. Décret n° 10 453. Rapporteur Barras selon C* II 20, p. 258. Articles décrétés sur les attributions des comités. Suite des attributions du comité de sûreté générale. Art. IV. Lorsqu’il met en arrestation des fonctionnaire publics, il en prévient, dans les 24 heures, les comités qui ont la surveillance sur eux. Art.V. Il a particulièrement et immédiatement la police de Paris. Il requiert la force armée pour l’exécution de ses arrêtés. Art. VI. La trésorerie nationale tient à sa disposition 300 000 livres pour dépenses extraordinaires ou secrètes (1). L’article VII concerne le comité des finances. Le rapporteur observe qu’il convient de laisser à ce comité le soin de fixer le nombre des sections qu’il jugera plus convenable pour faciliter le travail, il propose de supprimer les quatre sections établies par le projet de décret. VILLERS s’oppose à ce que les douanes soient attribuées au comité des finances. Il ne faut laisser, dit-il, aux comités que ce qui leur est propre, et rendre aux autres comités ce qui leur appartient. Les douanes avoient été premièrement attribuées à la commission des relations extérieures; on s’est bientôt apperçu qu’elle étoient absolument étrangères à ce département; depuis cette époque elles ont passé sous la direction de la commission des revenus nationaux; on n’a pas tardé de se convaincre qu’elles ne convenoient pas davantage à cette administration. Qu’est-ce en effet que les douanes ? C’est un établissement chargé du soin d’empêcher les importations ou les exportations nuisibles à la République. Or, sous ce point de vue, les douanes n’ont rien de fiscal, elles appartiennent au commerce. Je demande donc que les douanes soient réservées à la commission du commerce. JOUENNAULT (sic) appuie l’observation de VILLERS, mais il apperçoit dans le produit des douanes un rapport qui les lie aux opérations du comité des finances; il demande en conséquence que la comptabilité reste attachée à la surveillance de ce comité. BOURDON (de l’Oise) applique les mêmes raisons aux bois et forêts dont le comité des finances se trouve chargé par le projet de décret. Il est appuyé par RAMEL et CAM-BON (2). [Les nouveaux articles adoptés concernent les attributions du comité des finances et de celui de législation]. Art. VII. Le comité des finances a la surveillance des dépenses et revenus publics; sa surveillance embrasse l’administration des domaines et revenus nationaux, les contributions directes, l’aliénation des domaines, les assignats et monnoies, la marque d’or et d’argent, la liquidation générale et le bureau de comptabilité. Cet article attribuoit au comité des finances la surveillance sur les bois et forêts et les douanes : sur l’observation de plusieurs mem-(1) J. Fr., n°694. (2) J. Paris, n° 596. 264 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE bres ces parties seront attribuées aux comités de commerce et d’agriculture. Art. VIII. Le comité de législation a la surveillance des administrations civiles et des tribunaux. Il est chargé des détails relatifs au recensement et à la classification des loix, et de la continuation des travaux commencés en exécution des décrets des 3 floréal et 11 prairial dernier (1). 7 Sur le rapport de [SALLENGROS, au nom de] son comité des secours publics, la Convention nationale rend le décret suivant : La Convention nationale après avoir entendu son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Pierre-Louis Décosse, volontaire du 81e régiment d’infanterie, 4 e compagnie, qui se trouve perdu de ses membres et dans la plus grande détresse, ainsi que son père qui lui sert d’infirmier déjà depuis longtemps, décrète que la trésorerie nationale payera sur le vu du présent décret, au citoyen Pierre-Louis Décosse, volontaire au 81e régiment d’infanterie, la somme de 400 livres de secours provisoire; renvoie la pétition du citoyen Décosse au comité de liquidation pour déterminer les secours et pensions auxquels il peut avoir droit (2). 8 Des députés extraordinaires de l’administration du district et de la société populaire de Nîmes (3), admis à la barre, se plaignent des persécutions atroces, exercées contre leurs concitoyens patriotes, par les agens de Robespierre et complices, ainsi que par la commission populaire. La Convention les invite à sa séance, et adopte, sur la motion d’un membre, le décret suivant : La Convention nationale admet à sa barre des députés extraordinaires de l’administration du district et de la société populaire de Nîmes; ils la félicitent sur le courage qu’elle a déployé dans la nuit du 9 au 10 thermidor; ils peignent l’état d’oppression dans lequel cette commune gémit, et rendent compte des événements qui s’y sont passés à la nouvelle du supplice des derniers conspirateurs (4). L’orateur de la députation : Une nouvelle révolution vient de sauver encore une fois la patrie. C’est dans votre sein qu’elle s’est opérée; c’est votre courage qui l’a provoquée, c’est votre (1) J. Fr., nos 693-694; Ann. R.F., nos 259, 260; J. Mont., n° 111; C. Eg., n° 730; M.U., XLIII, 31; J. Perlet, n° 695; Ann. patr., n° DXCV; J. Lois, n° 693; Rép. n° 242. Mentionné par Débats, n° 697, 3; J.S. -Culottes, n° 550. (2) P.V., XLIV, 3. Décret n° 10 450. Rapport de Sallen-gros. (3) Gard. (4) P.V., XLIV, 3. sagesse et votre fermeté qui en ont assuré le succès. La liberté allait disparaître, et vous l’avez rappelée; les Français, retombés sous l’oppression des nouveaux tyrans, n’avaient bientôt plus qu’à choisir entre la mort et la servitude, et vous les avez rendus à leur élément. Vous vous êtes placés entre le peuple et ses oppresseurs; votre énergie et la force de la vérité ont écrasé les scélérats; le peuple a tout à coup recouvré ses droits; il a respiré, et son premier mouvement a été celui de la reconnaissance, son premier cri est celui de la liberté. Représentants, la société populaire de Nîmes nous députe vers vous pour vous témoigner sa satisfaction sur les événements mémorables des 9 et 10 thermidor; pour vous renouveler dans votre sein le serment de servir jusqu’à la mort la cause de la liberté, de poursuivre tous les tyrans sous quelque forme qu’ils se présentent, et pour vous inviter à rester à vos postes jusqu’à ce que tous les ennemis de la République soient terrassés, et que le gouvernement populaire, assis sur des bases inébranlables, aît assuré au peuple français la liberté, le repos et le bonheur. La société populaire de Nîmes, trop longtemps asservie par des intrigants, a aussi fait sa révolution. A l’exemple de la Convention nationale, elle a attaqué en face, et dans son sein même, les conspirateurs. Le crime était aussi à l’ordre du jour dans le département du Gard. L’oppression la plus tyrannique atteignait déjà les patriotes les plus durs. Ils étaient désignés comme des contre-révolutionnaires; leurs noms étaient couchés sur des listes de proscription. Plusieurs étaient incarcérés, et la hache des lois, destinée à punir le crime, allait tomber sur leurs têtes innocentes, quand un courrier extraordinaire, dépêché par le comité de salut public, annonça la suspension du tribunal. Une partie de la députation que vous voyez ici était alors dans les fers; nous allions périr, et les scélérats, croyant réparer leur faute, s’empressèrent aussitôt de nous élargir. La première nouvelle de la chute de Robespierre ne leur avait pas ravi tout espoir; ils firent encore des tentatives; ils essayèrent d’allumer la guerre civile en excitant le peuple, en le trompant sur les événements. Les conspirateurs ! Ils osaient dire encore que Robespierre avait été assassiné, que la vertu avait monté sur l’échafaud, que la Convention nationale faisait la contre-révolution. L’un d’eux, l’infâme Bourdon, juge au tribunal révolutionnaire, après avoir tenu ce langage à la tribune de la société, qui l’accablait de son indignation, se brûla la cervelle d’un coup de pistolet et tomba aux pieds de Courbis son complice. Ils proposèrent d’envoyer des commissaires dans les départements voisins pour y sonder l’opinion publique. Ils avaient préparé adroitement les gardes nationales des campagnes à servir leurs projets, en leur écrivant de se tenir prêtes à marcher au premier signal contre les ennemis intérieurs et extérieurs de la révolution. L’infâme Courbis, maire de Nîmes, agissait dans cette commune comme Robespierre dans celle de Paris. C’est lui qui dressait les listes de