730 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 novembre 1790. J ont payé une somme à leurs prédécesseurs soient payés; mais sous ce prétexte l’on ne peut pas vouloir faire payer ce qui ne serait pas légitimement dû. Je demanderais donc que l’on ajoutât à l’article que j’ai proposé ces mots ; « seront indemnisés même, s’il y a lieu, jusqu’à la totalité de la somme qu’ils ont payée. » M. Emmery propose la rédaction suivante: « Néanmoins, ceux qui auront été pourvus d’offices sous la double commission d’acquitter à leurs prédécesseurs le montant d’un brevet de retenue, et d’en être remboursés à leur tour par leurs successeurs, recevront, par forme d’indemnité, l’exact montant de la somme comprise dans leur brevet de retenue, et qui l’était déjà dans celui de leur prédécesseur immédiat. » M. Dubois-Crancé. J’adopte cette rédaction. L’Assemblée adopte à l’unanimité la rédaction présentée par M. Emmery. — Elle remplace l’article 3 présenté par M. Camus. Les autres articles présentés par M. Camus sont adoptés presque sans discussion. M. Audier-llassillon présente un article additionnel portant que le remboursement des brevets de retenue sur les offices militaires n’aura lieu qu’au moment du changement de grade, de démission ou de suppression d’offices. Cet article additionnel est adopté et devient le 4e du décret. M. Camus, rapporteur , fait une lecture générale des articles adoptés après discussion. L’Assemblée ordonne qu’ils seront insérés dans son procès-verbal ainsi qu’il suit : Article premier. « Il ne sera plus, à l’avenir, accordé aucun brevet de retenue sur aucun office, titre ou charge nécessaire pour le maintien de l’ordre public ; et les brevets qui auraient été expédiés précédemment sur lesdites charges ne mettront aucun obstacle à l’expédition des provisions de nouveaux titulaires, sauf aux porteurs des brevets, ou à leurs créanciers, à se pourvoir ainsi qu’il va être dit. Art. 2. « Les sommes portées aux brevets de retenue, qui ont été précédemment accordées, ne seront remboursées qu’autant qu’il sera justifié que lesdites sommes ont été versées au Trésor public, soit par le porteur de brevets de retenue, soit par les titulaires qui font précédé, ou qu’elles ont été employées aux dépenses de l’Etat. Art. 3. « Et néanmoins, ceux qui auront été pourvus d’offices, ou employés sous la double condition d’acquitter à leurs prédécesseurs le montant d’un brevet de retenue, et d’en être remboursés à leur tour par leurs successeurs, recevront, par forme d’indemnité, l’exact montant de la somme comprise dans leur brevet de retenue, et qui l’était déjà dans celui de leur prédécesseur immédiat. Art. 4. « Les remboursements des brevets de retenue sur les offices militaires n’auront lieu qu’au moment du changement de grade, de démission ou de suppression d’office. Art. 5. A l’égard des porteurs de brevets qui les ont obtenus sans avoir payé aucune somme à leurs prédécesseurs, de ceux qui seront porteurs de brevets accordés primitivement et par pur don, à des personnes dont ils sont héritiers, légataires ou donataires; de ceux enfin qui n’ont obtenu des brevets de retenue qu’à un intervalle de temps après leurs provisions, et sans rapport immédiat auxdites provisions, ils ne pourront prétendre à aucune indemnité. Ceux qui auront obtenu des brevets de retenue d’une somme plus forte que celle qu’ils ont payée à leurs prédécesseurs ne pourront prétendre à aucune indemnité pour cet excédant, mais seulement pour la somme réellement payée à leurs prédécesseurs, et suivant ce qui est prescrit par l’article précédent. Art. 6. « Les créanciers dont les privilèges et hypothèques, portant sur des brevets de retenue, sont autorisés par des lettres patentes enregistrées dans les formes qui avaient lieu précédemment, seront remboursés du montant de leur créance.» M. le Président fait lecture d’une lettre de M. le maire de Paris, par laquelle il annonce l’adjudication de trois maisons faisant partie des biens nationaux; Savoir : Le première, rue des Blancs-Manteaux, louée 800 livres, estimée 14,500 livres, adjugée 16,100 livres. La seconde, rue de Sèvres, louée 2,380 livres, estimée 23,775 livres, adjugée 48,000 livres. La troisième, rue de Sèvres, louée 4,148 livres, estimée 40,850 livres, adjugée 99,100 livres. M. Ee Cartier, député du département de l’Aisne, demande et obtient un congé de quinze jours. M. le Président fait donner lecture d’une lettre de M. Amelot, accompagnée d'un mémoire sur l’organisation de la caisse de V extraordinaire . Ces deux pièces sont ainsi conçues : « Monsieur le Président, l’Assemblée nationale ayant décrété, dimanche dernier, que son comité des finances lui ferait incessamment le rapport de l’organisation de la caisse de l’extraordinaire, j’ai cru de mon devoir de présenter, dans le mémoire que je joins ici et que j’ai l’honneur de vous prier de mettre sous ses yeux, quelques réflexions sur les moyens de parvenir au but qu’elle s’est proposée en établissant cette caisse. Mon vif désir de coopérer au bien public, par tous les efforts de mon zèle et par l’intention la plus décidée d’y sacrifier mes veilles et mes soins, a dicté ces réflexions. Esclave des lois que l’Assemblée donne à la nation, et dont Sa Majesté me confie l’exécution, c’est en les respectant le premier que je donne l’exemple du pouvoir qu’elles ont sur des hommes qui sentent que la vraie liberté ne peut exister sans elles; c’est ainsi que je prouverai mon attachement à la Constitution, et que je chercherai à mériter de ma patrie et à justifier la confiance dont le roi m’honore. « Je vous prie, Monsieur le Président, d’observer à l’Assemblée que, d’après ses décrets, le produit des domaines nationaux, depuis le 1er janvier dernier, a dû être touché par les receveurs de districts, et que l'organisation de la caisse de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [24 novembre 1790.] 731 1 extraordinaire est d’autant plus pressante, que l’ordre à établir dans la comptabilité de ces receveurs en est une suite, et qu’on ne peut leur faire aucune demande sur l’emploi ou le versement des deniers qu’ils doivent avoir dans leurs caisses, sans avoir déterminé cet ordre dans leur comptabilité, et donné aux corps administratifs les instructions nécessaires pour les surveiller. « J'ai l’honneur de vous prévenir, Monsieur le Président, que pour mettre chacun des membres de l’Assemblée à portée de se déterminer avec plus de facilité sur l’organisation de la caisse de l’extraordinaire, j’ai fait imprimer le mémoire ci-joint, et qu’il a dû être compris dans la distribution de ce matin. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, Amelot, commissaire du roi au département de la caisse de l'extraordinaire. « Paris, le 24 novembre 1790. » (La lettre de M. Amelot est fort applaudie.) MÉMOIRE SUR L’ORGANISATION DE LA CAISSE DE L'EXTRAORDINAIRE. Les fonctions de commissaire du roi au département de la caisse de l’extraordinaire sont déterminées par l’objet de l’institution de cette caisse; elles consistent principalement à veiller au recouvrement et versement ; 1° Des fonds provenant de la contribution patriotique ; 2° De ceux produits par la vente des biens nationaux; 3° Du produit annuel de la vente des bois taillis et autres ; 4° Du prix des baux des biens corporels et incorporels non encore aliénés ; 5° Enfin, de tous les autres objets qui, suivant les décrets de l’Assemblée nationale, sont déjà ou seront, par la suite, destinés à la même caisse. Elles consistent encore à se mettre à même de présenter à chaque instant, au roi et à l’Assemblée nationale, l’état au vrai de la caisse de l’extraordinaire, de ce qu’elle contient actuellement, de ce qu’elle doit recevoir à toutes les époques qui pourront être indiquées, des causes du retard des versements, des moyens de les accélérer, etc. C’est d’après ces obligations principales, que le travail de ce commissaire doit être organisé. La contribution patriotique étant distribuée par rôle, dont les administrations envoient successivement des notices exactes, il suffit de connaître, chaque mois, le montant du recouvrement fait par chaque receveur, distingué par nature de valeurs déclarées admissibles, pour être à même de présenter la situation de cette branche de revenu. Mais les domaines nationaux exigent de plus grandes connaissances et beaucoup plus de détails. 11 faut connaître la masse entière de ces domaines. Il faut diviser cette masse, et la classer par départements, districts et municipalités. Il faut connaître ensuite les biens qui ont été rendus, les acquéreurs, le prix des ventes, le terme des payements. Il faut savoir quels sont ceux qui restent à vendre, et suivre, chaque jour, les aliénations successives qui en seront faites. Il faut connaître aussi les baux de ceux qui ne sont pas encore aliénés, le prix de ces baux, leurs échéances, etc. Les domaines nationaux se divisent naturellement en trois classes : 1° biens ci-devant possédés par les ecclésiastiques ; 2° biens appartenant ci-devant au domaine du roi ; 3° biens ci-devant apanages. Dans chacun de ces biens sont compris les droits féodaux qui doivent être perçus pour la nation, et ceux qui doivent être payés en son nom. Une notice exacte de ces droits actifs et passifs est nécessaire au commissaire de la caisse. Ge n’est qu’en rassemblant toutes ces connaissances diverses en les classant dans l’ordre le plus méthodique, en se procurant des tableaux exacts et fidèles de tous les genres d’actions que les fonctionnaires nationaux sont chargés d’exercer, et dont le produit doit entrer dans la caisse de l’extraordinaire, que le commissaire du roi peut être en état de suivre la grande et importante opération confiée à sa surveillance. C’est avec cette méthode qu’il parviendra à connaître l’étendue de la ressource précieuse qui doit opérer la libération de l’Etat, qu’il sera à même de la surveiller avec efficacité, qu’il en écartera tous les genres d’abus et qu’il préviendra tous les inconvénients qui pourraient l’altérer. Sans cela comment pourrait-il saisir l’ensemble de toutes les opérations diverses qui aboutissent au même centre, connaître dans tous ies instants la situation de la caisse nationale, les retards qu’elle peut éprouver, les recouvrements sur lesquels elle peut compter à des époques déterminées. Gomment, sans cela, asseoir avec certitude l’extinction progressive des assignats, assurer en attendant leur crédit, présentera chaque moment à la nation l’état de ses ressources et de ses espérances, imposer aux ennemis de la Constitution un silence d’autant plus nécessaire, qu’ils s’autorisent du désordre qui a régné jusqu’ici, pour décourager tous ceux qui, comptant sur une meilleure administration, sont convaincus que le salut de la chose publique ne demande qu’une économie sage et éclairée. Il est temps, en fin , que la lumière succède aux ténèbres, que la nation entière, que tous les individus qui la composent puissent apprécier les opérations, dont le succès doit assurer leur bonheur, en écartant pour jamais, du Trésor public, le désordre et la dilapidation, et en comblant le précipice énorme delà dette nationale. Sans doute, le commissaire du roi doit se procurer encore un grand nombre de connaissances particulières, pour rendre son travail aussi utile qu’il doit l’être ; il ne doit pas négliger le détail des dépenses locales qui peuvent diminuer le produit des biens ; il doit surveiller la conduite des receveurs particuliers, et écarter tous les abus qui pourraient se glisser dans leur maniement ; il doit se mettre en état de dénoncer, à l’Assemblée nationale, tous les genres de prévarications qui parviendront à sa connaissance, mais qu’il ne pourra découvrir, sans être instruit en détail des différents objets qui composeront le revenu annuel de la caisse qu’il est chargé de surveiller. Pour remplir cet objet avec l’exactitude que son importance exige, il paraît nécessaire de procurer au commissaire du roi ;