32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mars 1791.] soient placées, toutes matières cessantes, àU’ordre du .jour, sauf à renvoyer les articles réglementaires et législatifs aux assemblées du soir, si on le veut. Mais, certes, jamais matière plus importante que celle-ci n’a appelé votre attention et vos lumières. M. Bnæ©t. Je ne sais pas comment, par des motions incidentes, on ose nous proposer de retarder L’organisation de la machine du gouvernement et ces décrets si importants qui doivent compléter l’organisation des corps administratifs. On nous parle sans cesse d'articles constitutionnels; il faudrait commencer par définir ce que c’est qu’un article constitutionnel. Je vois dans la loi sur les successions, par exemple, des articles qui ne sont pas constnutionnels, mais qui sont dans l’ordre même de la nature, qu’on peut regarder comme supplémentaires à la déclaration des droits; mais ce ne sont pas ces articles qui rétabliront l’ordre public, qui mettront en mouvement la machine du gouvernement. Ce qui est nécessaire pour réprimer toutes les factions, tant de l’intérieur que de l’extérieur, c’est de donner de l’action au gouvernement, c’est de compléter l’organisation des corps administratifs : voilà les principes qui doivent rallier tous les bons citoyens. Je m’oppose donc à la proposition de M. de Mirabeau, et je m’élève avec la môme force contre le comité de Constitution, qui, lorsqu’il s’agissait de nous faire décréter, du jour au lendemain, un travail volumineux de la plus grande importance, nous disait : Ou ne saurait trop se tiâter de terminer ia Constitution; et qui aujourd’hui ne nous présente aucun objet constitutionnel, sauf à nous le faire décréter ensuite du premier abord. La célérité avec laquelle nous d -vons faire et, pour ainsi dire, constituer la Constitution, dépend du comité. En retardant un travail, il noos force de l’adopter avec précipitation : il exerce un pouvoir tyrannique sur l’Assemblée. Je somme ce comité de nous dire pourquoi il ne nous a pas encore présenté le projet de loi sur la responsabilité des ministres; les articles qui doivent compléter l’organisation des corps administratifs et sans lesquels cette loi importante ne peut être sanctionnée ni promu guée; pourquoi il veut aujourd’hui nous faire délibérer sur un projet de loi sur les procedures que nous ne co i naissons pas ..... J’appuie la motion de M. d’André, ou toute autre qui empêchera qu’à i’uvenir nous ne soyons entravés, soit par la paresse, soit par la mauvaise intention de votre comité. M. de Belley. Lorsque l’Assemblée ordonna à son comité de Constitution de présenter le travail des successions, un des principaux motifs fut l’avis du comité d’aliénation qui onserva qu’il y avait des pays où la vente des biens nationaux éprouvait des retards uniquement parce que 1rs coutumes et les usages du pays ordonnaient un partage inégal daus les successions ab intestat. Votre comité s’en est donc occupé sur-le-champ. 11 y a dans ce travail plusieurs parties. Je demande que la première partie de cette lof, c’est-à-dire celle gui regarde les successions ab intestat, soit traitée incessamment. M. Thouret. Ce n’est pas avec l’humeur qu’a témoignée le préopinant que je répondrai à sa diatribe contre le comité de Constitution ; il a mis dans son discours plus de zèle que de réflexion ; car la critique est aisée autant que la louange est difficile. Cependant le comité de Constiiution croit avoir donné assez de preuves de son zèle. Depuis que les articles, dont on vient de parler ont été renvoyés au comité, il a été tous les jours à son travail jusqu’à minuit; c’est là son ordinaire. Hier encore, sa séance a été remplie par la présence d’un ministre qui est venu le consulter sur des questions constitutionnelles intéressantes pour la marche des départements. Votre comité est en règle, lorsque, outre le travail que l’Assemblée met à l’ordre du jour, il en a toujours d’autres tout prêts à vous être présentés. Si nous ne vous proposons pas le travail sur l’organisation du ministère, c’est que vous l’avez ajourné; celui sur l’organisation des gardes nationales est prêt à vous être présenté. Si vous ne vouliez pas vous occuper de la loi sur les successions, il ne fallait fias charger votre comité de la rédiger; il ne fallait pas l’annoncer. Depuis qu’on attend celte loi, les mariages, les spéculations, les contrats sont suspendus; mais ce décret n’importe pas seulement à la tranquillité des familles; il importe encore au succès de la ve i>te des domaines nationaux. Dans plusieurs départements les ventes n'ont aucune activité, quoique beaucoup de personnes aient mis aux enchères, parce qu’on est arrêté par l’attente de votre décision. Pendant que, par vos ordres, nous nous occupions de ce travail, nous ne pouvions nous livrer aux autres objets. Si, pour une lacune appareute d’un seul jour dans l’ordre de son travail, on a cru pouvoir attaquer le comité de Constitution, que u’atta-quait-on aussi le comité de l’imposition qui devait vous occuper aujourd’hui et qui ne le fait pas? Je demande comment il se fait que nous soyons an 11 mars et que nous ne sachions pas s’il y a une contribution foncière établie? L’Assemblée doit ordonner à son comité d’imposition de lui présenter la suite de son travail sur les contributions publiques; car il est évident qu'au mois de juillet il n’y aura pas une seule cote eu recouvrement... M. Tuant de la Bouverie. C’est vrai çal ' M. Tisowrel... ; mais elle ne doit pas se plaindre de sou comité de Constitution lorsqu’il lui présente un travail constitutionnel, et par ses bases et par ses conséquences. ( Applaudissements .) M. de Ta Rochefoiacauld se présente à la tribune. M. Alairtinean. Je demande à passer à l’ordre du jour, Monsieur le Président, et je vous prie de metire ma motion aux voix. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. Banchy, au nom du comité des contributions publiques, présente un projet de décret concernant te supplément à payer aux propriétaires , pendant la durée des baux actuels , à raison de ta dîme et de L'indemnité qui leur est due à raison de la contribution substituée à celle dont les fermiers, colons et métayers étaient ci-devant chargés. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu « le rapport qui lui a été fait de la part de son « comité ecclés, astique et des dîmes, décrète ce « qui suit : « Les fermiers et les colons des fonds dont les [11 mars 1791. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 33 < fruits étaient sujets à la dîme ecclésiastique ( ou inféodée seront tenus de payer, à compter .< des récoltes de l’année 1790 aux* propriétaires, « la valeur de la dîme qu’Ps acquittaient sui-« vant la liquidation qui en sera faite à l’amiable « ou par-devant les juges qui en doivent con-« naître; il en sera de même par rapport aux « baux (tassés pour les biens nationaux ( article « décrété le 1er décembre 1790.) « Art. 1er. Pour évaluer la dîme des terres qui composent un fermage, il sera fait état de la quantité des terres qui, < n 1788, 1789 et 1790, étaient chargées de fruits sujets à la dîme. « Art. 2. Ne seront point compris comme fruits sujets à la dîme, ceux qui depuis trois ans ne l’avaient point acquittée ou pour lesquels il y a eu relus suivi d’une instance commencée avant le 1er janvier 1789. « Art. 3. La dîme sera évaluée déduction faite de tous les frais de récoltes qui étaient à la charge du décima leur. « Art. 4. 11 sera fait une année moyenne des récoltes et du prix des denrées, dans les formes et suivant les règles prescrites par les articles 14 et 17 du décret du 3 mai dernier, concernant les droits féodaux raclietables. « Art, 5. La valeur de la dîme de chaque fermage étant lixée, le fermier, jusqu’à l’expiration j de son bail, en payera le montant chaque année au propriétaire, en argent et en deux termes égaux, le premier au 15 décembre, après chaque récolte, et le second au 15 juin suivant. « Art. 6. Aux mêmes époques le fermier payera de plus, chaque année, jusqu’à l’expiration de son bail, aux propriétaires ou possesseurs, une somme égale à celle des tailles, accessoires, capitation taillahie, louages, impositions équivalentes et contribution pour les chemins auxquels il aura été personnellement cotisé, sur les rôles de 1790, à raison de chaque fermage. « Art. 7. Les fermiers, sous-fermiers, métayers et colons ne pourront être assujettis à aucune autre indemnité, soit à raison des anciennes impositions dont ils étalent tenus personnellement, soit à raison de celles qui serunt désormais à la charge des propriétaires, quelles que soient les clauses qui aieut pu être insérées dans les baux passés avant la publication du décret des 20, 22 et 23 novembre 1790. « Art. 8. Les fermiers, sous-fermiers, métayers ou colons qui, par leurs baux, étaient expressément assujettie a l’acquittement des vingtièmes tiendront compte chaque année, au proprietaire, d’une somme égale à celle que le bien affermé a dû acquitter en 1790 pour cet objet, ils en feront les payements aux mêmes époques que celles ci-dessus fixées. « Art. 9. Les sous-fermiers tiendront compte au fermier des impositions et de la dîme, suivant les règles prescrites par les articles précédents; et le fermier tiendra compte au propriétaire de toutes les sommes qu’O aura droit de recevoir d’eux pour cette indemnité. « Art. 10. Les propriétaires qui ont passé des baux après la promulgation du décret du 14 avril dernier ne pourront réclamer de leurs fermiers, sous-fermiers, métayers ou colons la valeur de la dîme, à moins que ce ne soit une clause expresse du bail. « Art. 11. Les fermiers, sous-fermiers, métayers ou colons dont les baux ont été passés depuis la publication du décret sur ia contribu-ire Série. T. XXIV. tiou foncière, des 20, 22 et 23 novembre dernier, ne tiendront compte au propriétaire d’aucune portion de cette contribution, m des sons pour livres répartis au marc la livre, à moins que ce ne soit une clause expresse du bail. « Art. 12. Les colons ou métayers qui partagent les fruits récoltés avec les propriétaires, fermiers ou sous-fermiers, leur tiendront compte, conformément aux articles précédents, de la valeur de la dîme en proportion de la quotité de fruits qui leur appartient et du montant des impositions auxquelles ils ont été cotisés, en 1790, à raison de leur exploitation. « Art. 13. Tout propriétaire qui voudra former demande en justice pour le payement des sommes dont sou fermier devra lui tenir compte, tant à raison de la dîme que des impositions, réduira l’objet de sa demande en somme déterminée, et cependant il nommera dans son acte l’expert dont il entend faire choix pour procéder à une nouvelle évaluation dans le cas où la sienne serait contestée. « Et ce cas arrivant, les frais de l’expertise seront supportés, savoir : par le propriétaire, si son évaluation est jugée trop forte, et par le fermier, si elle est jugée juste. « Art. 14. Lorsque le propriétaire n’aura point formé de demande, le fermier pourra faire offre par acte extrajudiciaire d’une somme déterminée pour la valeur de la dîme et le montant d’imposition dont il doit tenir compte, en désignant néanmoins l’expert dont il entend faire choix pour procéder à une nouvelle évaluation au cas où la sienne serait contestée. Si son offre est refusée et jugée insuffisante, les frais d’expertise seront à sa charge; et, dans le cas contraire, ils seront payes par ie propriétaire. <. Art. 15. Lorsque la valeur de ia dîme et le remplacement des anciennes impositions qui étaient à la charge du fermier seront dus à un propriétaire pour raison d’un même fermage, la demande ou l'offre comprendront les deux objets, à peine de nullité. « Art. 16. Les tuteurs, curateurs et autres administrateurs pourront traiter de gré à gré, avec les fermiers, former des demandes, et accepter les offres qui leur seront faites. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Tronchet. Je propose que la valeur de la dîme soit évaluée dans chaque paroisse, par la municipalité, sur le pied de la valeur moyenne des dîmes de tous les arpents de ia communauté. Les fermiers des terrains de la plus basse qualité y perdront quelque chose en effet, mais ils y perdront moins qu’ils ne le feraient par les procès auxquels ils seraient exposés si vous ne prescriviez aucune règle fixe pour cette indemnité. M. Dauchy, rapporteur. Il est impossible de surcharger les municipalités du travail de cette évaluation, dans un moment surtout où elles sont occupées de celui de la contribution foncière et mobilière. Ces évaluations entraîneraient des combinaisons difficiles. Ce n’est pas assez de compter la valeur moyenne des dîmes de tous les arpents d’une paroisse ; il laudrait distraire les terres non décimables, celles qui, en partie, portaient des fruits non décimables. N’y aurait-il pas d’ailleurs de l’inconvénient à livrer la fixation de l’indemnité de la dime à I 3