{50 g [AssernLlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [o mars 179-iq que vous avez admis à la barre une députation de noirs, soyez certains que toutes les colonies seront en insurrection. M. Pétion de "Villeneuve paraît à la tribune. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! M. Pétion de Villeneuve insiste pour avoir la parole. M. l’abbé Manry. Je demande la permission de faire une motion que je n’ai jamais faite dans l'Assemblée, c’est que la discussion soit fermée. ( Applaudissements . ) Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Pétion de Villeneuve. Je demande la parole pour repousser une calomnie. M. de Custine. Je demande que M. Pétion soit rappelé à l’ordre, il veut faire la loi à l’Assemblée. M. de Mirabeau paraît à la tribune, à côté de M. Pétion. M. Buzot. Il y a un décret qui accorde l’admission; j’en demandel’exécution, etquel’on passe à l’ordre du jour. M. Ve Chapelier. Il y a un décret rendu pour admettre cette députation à la barre. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. M. le Président. Messieurs, hier, à midi passé, il est arrivé une lettre adressée au Président, par laquelle des gens de couleur demandaient l’admission à la barre pour présenter une pétition. L’Assemblée a sécrété que son Président examinerait leurs pouvoirs et lui en rendrait compte. Voilà la position on est l’Assemblée dans ce moment-ci. Je me ferai toujours un devoir d’être de la plus grande exactitude. Cette députation a envoyé chez votre Président une pétition revêtue d’un grand nombre de signatures. Je ne sais pas s’il y a un homme qui puis.-e juger de la validité de signatures envoyées de 1,500 lieues : certainement, si cet homme existe, ce n’est pas votre Président. Je demande donc en vous présentant la question telle qu’elle est, que vous me mettiez à portée de suivre, non pas mon vœu particulier, mais les ordtes de l’Assemblée. Si quelqu’un demande la parole sur la manière dont je pose la question, je demande à l’Assemblée la permission de la lui accorder. M. Cigongue. Je demande le renvoi de la pétition des gens de couleur au comité colonial. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée décrète ce renvoi.) MM. Pétion de Villeneuve et de Mirabeau insistent à la tribune pour obtenir ia parole. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. Pétion de Villeneuve . Je demande la parole sur une motion particulière. (Murmures.) L’Assemblée ne peut pas... (Bruit.) Plusieurs membres demandent que la séance soit levée. M. Briois-Beaumetz. Monsieur le Président, veuillez bien mettre aux voix si la séance sera levée ou non ; il est deux heures et demie. M. le Président. Vous ne connaissez pas la réclamation de M. Pétion. Comment esl-il possible, Messieurs, que vous obligiez votre président à lever la séance, quand on demande la parole pour détruire une calomnie! Plusieurs membres: Nous insistons. M. le Président. La motion de lever la séance est appuyée; je la mets aux voix. (L’Assemblée décrète que la séance est levée.) La séance est levée à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-DE NOAILLES. Séance du samedi 5 mars 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. le maire de Paris, qui annonce l’adjudication de trois maisons : l’une louée 1,550 livres, estimée 19,833 livres et adjugée 35,700 livrer; la deuxième louée 4,500 livres, estimée 75,000 livres, adjugée 88,200 livres; et la troisième louée 4,200 livres, estimée 67,942 livres, adjugée 79,100 livres. M. Bouche. Les membres présents à l’ouverture des séances sont en si petit nombre que la salle est presque déserte. Je connais deux moyens de punir les membres paresseux de cette Assemblée et de les rendre plus diligents; le premier de ces moyens me paraît bon; le second infaillible. Le premier moyen consiste à inscrire au procès-verbal de la séance le nom des membres présents au moment où le secrétaire monte à la tribune pour lire le procès-verbal de la séance précédente; et la France ne sera pas peu étonnée de voir tous les jours les mêmes membres présents à l’ouverture des séances. Quant au si cond moyen, je le dirais bien ; mais peut-être quelques personnes se fâcheront. Plusieurs membres : Non ! non! parlez ! parlez! M. Bouche. Vous me l’ordonnez, Messieurs? Plusieurs membres: Oui! oui I M. Bouche. Eh bien, ce moyen consiste à condamner, en forme de neuvaine péni tentielie, les membres paresseux de la gauche à siéger pendant neuf jours de ce côté. (U désigne la droite.) Un membre à droite: Et huit jours là-haut. (Il désigne l'extrême gauche.) M. Bouche. Je ne propose point de peines (1) Celte séance est incomplète au Moniteur* [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars t791.f •contre les évêques, atlendu qu’il faut avoir de l’indulgence pour les vieilles habitudes. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre des administrateurs du directoire du département du Jura, qui témoignent l’inquiétude que leur a causée le refus fait par M. Guilloz, d’accepter l’évêché du Jura, refus motivé sur son grand âge et ses infirmités; ils supplient l’Assemblée nationale de faire cesser l> joie insultante des méchants en décidant M. Guilloz à se rendre aux vœux de ses concitoyens. M. Lavîe. J'atteste la vérité des motifs et la sincérité des sentiments patriotiques de ce vertueux eeclésia tique; je prie l’Assemblée nationale d’autoriser M. le Président à répondre aux administrateurs. (Cette motion est décrétée.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. Victor de Broglie. Messieurs, je n’ai jamais eu l’honneur de demander votre attention pour aucun fait qui me fut personnel; il en est un qui m’est plus cher encore, puisqu’il concerne mon père. Je vous demande de me permettre de vous parler de lui pendant quelques instants. Messieurs, en assurant à chaque citoyen français le droit de pétition, vous n’avez pas prétendu l’interdire aux membres de cette A semblée, vous n’avez pas voulu les distinguer, d’une ma dère aussi sévère, du peuple dont ils font partie et qu’ils représentent. C’est dans cette confiance que, cédant aujourd’hui aux sentiments les pins chers et les plus irrésistibles, désirant accomplir un devoir impérieux et sacré, j’ose réclamer un moment votre attention; j’ose vous adresser une demande dont votre justice même, que j’invoque, semble me permettre d’espérer le succès. Forcé de rappeler des circonstances glorieuses pour la na'ion, mais qui furent bien j énibles, bien difficiles pour moi, ma reconnaissance ne laissera pas échapper cette occasion de rappeler en même temps les témoignages consolants que je reçus de votre bienveillance, et qui, malgré l’extrême délicatesse de la position où je me trouvais, m’ont permis, j’ose le dire, de p éfim-dre voir mon nom inscrit, par vous-mêmes, parmi ceux des plus coûtants et des plus intrépides défenseurs de la liberté. IL y a quelques jours que, au moment où la discussion d’une affaire pressante m’avait appelé dans un de vos comités, vous avez rendu un décret, dont l’intention est sage et juffe, sans doute, mais dont l’application, immédiate à toutes les circonstances, pourrait, à quelques égards, paraître d’une extrême rigueur. Les dispositions de ce décret menacent mon père de se voir privé, à la fin d’une longue et glorieuse carrière, de la première dignité militaire, de cette dignisé dont il fut jugé digne par l’estime reconnaissante de ses concitoyens qu’il avait défendus, par l’estime honorable des ennemis de la patrie qu’il venait de combattre. Vous ne l’ignorez pas, Messieurs ; mon père, toujours étranger aux intrigues de la cour, toujours repoussé de ce séjour par sa vertu même, a vécu, depuis l’âge de quatorze ans, parmi les soldats : il fut leur ami, leur père ; et leur attachement, aussi constant qu'éprouvé, fut à la 667 fois sa plus douce récompense et l’une des principales causes de ses succès Si les dangers de l’Etat, si l’opinion que mon père ava t donnée de ses talents l’ont placé fort jeune à la tête des armées, pour repousser Tin-juste idée qu’il en lût re-devat.de à la faveur, il me suffirait sans doute de dire que, après plusieurs victoires décisives dent une, entre autres, celle de Bergben, empêcha les ennemis de pénétrer sur te territoire de France, il ne reçut de la cour, pour récompense, qu’une disgrâce éclatante, un exil qui, en ajoutant à sa gloire par l’éclat de l’adversité, devient aussi le terme fatal de la supériorité qu’il avait rendu aux armes françaises. D’après ce tableau succinct, que ceux qui combattirent auprès de mon père ne trouveront pas exagéré, et où ceux mêmes qui n’ont pas eu avec lui des rapporis personnels reconnaîtront une image tracée depuis longtemps par l’estime publique, j’interpelle toutes les âmes sensibles à la voix de l’honneur; j’ose m’adresser au cœur de tous ceux qui m’écoutent ; je leur demande s’ils croient que celui qui ne vécut que pour ta gloire, qui, pendant tant d’années, la regarda comme le seul prix digne de ses travaux et de ses services, pourrait survivre un moment au maliu ur de perdre, dans l'armée française, un ra' g si justement acquis et de subir une peine infligée par la nation même, pour laquelle il versa plusieurs fois son sang, il exposa mille fois sa vie. S’il était question ici de réclamer la conservation des traitements et des grâces pécuniaires dont jouit mon père, je rougirais de vous rappeler les titres qui les lui ont mérités ; je ne m’exposerais pas à être désavoué t ar son désintéressement éprouvé : je croirais m’abaisser moi-même. Mais il s’agit uniquement d’honneur et de gloire; mais je suis entraîné par un sentiment profund de piété filiale, dont mes opinions constantes doivent être le plus sûr garant aux yeux de ceux à pui je m’adresse, aux yeux de ceux qui ont fonde les bases de la liberté sur la régénération du véritable honneur et de toutes les vertus m males. Me voici arrivé à une époque qui réveille toute ma sensibilité, et pour laquelle je vous ai annoncé, Messieurs, que j’aurais besoin de toute votre indulgence. La gravité des circonstances qui se sont succédé depuis vingt mois , m’a imposé jusqu’ici un silence pénible. Il est temps enfin de le rompre ; et c’est un devoir sacré pour moi de vous montrer la vérité, dès qu’elle peut, quand elle doit être accueil K M. le maréchal de Broglie, éloigné de la cour et des affaires, vivait paisiblement à la campagne. Pour l’arracher à cette retraite qu’il chérissait, il ne fallut pas moins que la nouvelle positive et officielle des dangers dont on était parvenu à persuader au roi lui-même que sa personne était environnée. Sur cet avis alarmant, accompagné d’un ordre positif, il arriva à Versailles. Déjà les ordres étaient donnés pour le rassemblement des troupes, et le général destiné à les commander ignorait encore et la véritable situation politique du royaume, et ce réveil d’une nation entière, et cette opposition imposante et nouvelle entre la puissance impérieuse des vœux légitimes du peuple et les intentions de la cour. Ses premières paroles, paroles mémorables , sans doute furent celles-ci : Je vois bien une armée; mais où sont les ennemis ?