[Assemblée nationale. | ARCHIVES P ARMwENTAIUES* [31 mai 1791� 655 M. de Cazalès. Il est évident que M. Rabaud n’a pris le fauteuil du Président, que parce que M. Bureaux de Pusy Peu a prié, et toutes vos clameurs sont parfaitement dénuées de fondement. M. de Folieville. Il est contre la dignité de l’Assemblée de voir son Président sur la simple accusation d’un seul membre, quitter le fauteuil. Il ne péut, lorsqu’il est inculpé, le quitter que par votre ordre. {Applaudissements.) Au centre: Oui! oui! C’est juste! I/ordre du jour! M. de Moatlosier. Je demande qu’en attendant que l’Assemblée prononce, ce soit M. Rabaud qui occupe le fauteuil. A droite: M. de Bonnay, lorsqu’il a été accusé, dans le temps de la fédération, a gardé le fauteuil. M. Rabaud-Saint-Etienne. Lorsque M. de Pusy a voulu quitter le fauteuil, je me suis trouvé son plus proche voisin. {Interruptions à droite.) Je vous supplie de m’entendre jusqu’au bout. Il m’a très vivement prié de prendre sa place ; je m’y refusais... Plusieurs membres autour du bureau : C’est vrai ! C’est vrai I M. Rabaud-Saint-Etienne.... il est parti. J’appuie la motion de M. de Folieville. Au centre : Vous ne pouvez pas faire de motion dans ce moment. M. Rabaud -Saint-Etienne. Si l’Assemblée l’ordonne, je vais céder la place à M. de Pusy. Je mets aux voix si l’Assemblée ordonne que M. de Pusy reprenne le fauteuil. (L’Assemblée décrète que M. Bureaux de Pusy reprendra le fauteuil.) M. Bureaux de Pusy remonte à la présidence. {Vifs applaudissements.) M. le Président. J’ose croire que l’Assemblée me rendra justice et je la supplie d’entendre une explication qui ne sera pas longue. Ce matin, M. l’abbé Raynal est entré chez moi; il m’a prié de remettre à l’Assemblée, sous forme de pétition ou de toute autre manière, un écrit signé de lui, que je n’ai pas eu le temps de lire alors, comme vous pouvez en juger... {Murmures à l’extrême gauche.) M. Robespierre. Eb ! quand vous l’auriez lu ! M. le Président... M. l’abbé Raynal, en me remettant la lettre qu’on vous a lue, m’a prévenu que si elle n’était pas rendue publique dans l’Assemblée par la voie qu’il me demandait, elle le serait par l’impression. Lorsqu’il m’a eu quitté, j’ai lu sa lettre ; je ne vous ai pas dissimulé, dans le peu de mots que j’ai dit.... {Murmures àgauche.) Je prie qu’on m’écoute jusqu’au bout. Je ne vous ai pas dissimulé, dans la manière dont je l’ai annoncée à l’Assemblée, et qui ne me paraît nullement prêter à inculpation, le sens dans lequel elle était écrite. L’inculpation de M. Rœderer, — il vient de me le dire, — porte sur ce qu’il prétend que j’ai dit à l’Assemblée que l’écrit de M. l’abbé Raynal la blâmait des fautes qu’elle avait commises. Or, j’ai dit, et j’en atteste tous mes voisins, j’ai dit quq dans la liberté de son style , M. l'abbé Raynal ne ménageait point l’Assemblée sur les fautes qu’il croyait qu’elle avait commises . Enfin d’après l’annonce qtie m’avait faite M. l’abbé Raynal, qu’il livrerait à l’impression cet écrit, d’après la réputation dont il jouit dans le monde, j’ai cru remplir les fonctions que l’Assemblée m’avait confiées, et me prêter à sa vraie dignité, en lui donnant connaissance de cet écrit dans toute son étendue. {Applaudissements à droite et au centré.) M. Rewbell. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour ; il n’en faut pas davantage. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à J’ordre du jour.) (1) M. le Président fait donner lecture* par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de la municipalité de la ville de Carpentras, demandant la réunion de cette ville à l’Empire français. Cette lettre est ainsi conçue ; « Carpentras, ie 21 mai. 1791. « Messieurs, « Un peuple qui travaille à conquérir sa liberté et qui la défend les armes à la main, peut s’attendre à être regardé d’un œil de faveur par ceux dequiil a suivi de si près l’exemple et les leçons. Le vœu du peuple de Carpentras vous a été porté* et, si jusqu’à ce jour ce peuple n’a pu obtenir d’être réuni à l’Empire français, il u’en a pas moins conservé l’espérance. » Il est constant, Messieurs, d’après le journal de vos séances sur la pétition du Gomtat-Venais-sin et de la ville d’Avignon, que le point essentiel qui vous a empêché de prononcer le décret de réunion sollicité avec les plus vives instances, a résulté principalement de la persuasion où vous avez été que notre vœu de devenir français n’a jamais été sincère. Il est également vrai que ce doute, en retardant notre bonheur, nous laisse dans l’anarchie ; nous osons vous rappeler, Messieurs, que notre délibération prise en assemblée générale et constituée le 14 janvier 1791, époque antérieure à toute incursion sur notre territoire, prouve irrésistiblement qu’elle n’a été dictée que par le désir passionné défaire partie de la nation française, et que nous avons été entraînés par le plus pur sentiment de nos cœurs, et par la sublimité de votre Constitution. « Ne doutez plus, Messieurs, de la sincérité d’un vœu librement et solennellement émis ; et nous n’aurons plus la douleur de nous trouver dans l’état le plus alarmant, auquel un peuple puisse être réduit, à celui d’être sans lois et sans monarque. C’est pour remettre les choses dans leur droit naturel, et c’est pour faire disparaître jusqu’à l’ombre du doute que l’on a pu élever sur la liberté de notre vœu pour devenir Français, que nous venons interrompre quelques instants vos travaux, pour vous déclarer, à la face de toutes les nations, que nous avons toujours eu, et que nous conserverons jusqu’au dernier soupir de notre vie, le désir de voir s’accomplir, sans délai, une réunion qui doit faire à jamais notre félicité. « Nous démentons en conséquence fous ceux qui pourraient encore rendre suspect ou contredire ce vœu librement exprimé et solennellement ratifié ; et à l’appui de cette nouvelle déclaration, qui n’est qu’une suite de celle que nous avons déjà faite, nous espérons que le décret de notre (1), Voir aux Annexes de la séance, p. 661, les Réflexions de M. de Sinéty sur l’adresse de M, l’abbé Raynal. 656 (Assemblée nationale.] acceptation si longtemps réclamé ne tardera pas à nous être apporté. ( Applaudissements .) « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président et Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les maire, officiers municipaux et notables de la maison commune. » (Suivent plus de trente signatures.) Plusieurs membres : Le renvoi aux comités diplomatique et d’Avignon 1 M. de llontlosier. Il n’est pas nécessaire de renvoyer cette lettre au comité diplomatique; il n’aura' pas d’autre conclusion. Il faut s’emparer tout bonnement d’Avignon ; il faut aller tout bonnement aux voix sur cela. C’est ce qu’on veut; c’est ce que nous voulons; c’est ce que vous voulez. Il n’y a pas à balancer; je fais la motion que vous vous empariez de tout ce qui conviendra. M. l’abbé Maury. Je ne m’oppose pas au renvoi de la lettre que vous venez d’entemire à vos comités ; j’observerai seulement à l’Assemblée qu’elle a déjà décrété que des commissaires médiateurs seraient envoyés dans le Comtal; il faut par conséquent attendre le résultat de leurs opérations. A gauche : Oui! oui! certainement! (L’Assemblée renvoie la lettre de la municipalité de Carpentras aux comités diplomatique et d’Avignon.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. le ministre de la guerre ainsi conçue : « Paris, le 31 mai 1791. « Monsieur le Président, « Le roi m’a ordonné de communiquer à l’Assemblée nationale des lettres de MM. d’Albignac et Roqueville, qui contiennent les détails de ce qui vient de se passer au 38e régiment, ci-devant Dauphiné. « En examinant avec attention ces pièces, surtout celles qui contiennent la demande des sous-officiers et soldats, on ne trouve pas dans cet événement le caractère de ceux que font naître le hasard ou des circonstances imprévues; il paraît plutôt être dû à des manoeuvres combinées. « Des mesures ordinaires seraient insuffisantes, et celles qui peuvent remédier au mal appellent toute la sagesse de l’Assemblée. « Je suis, etc. « Signé : DüPORTAIL. » Plusieurs membres : Aux comités militaire et des rapports. M. l’abbé Maury. Je demande le renvoi de cette lettre et des pièces qui y sont jointes aux comités militaire et des rapports ; maisjedemande qu’avant de punir les coupables, s’il y en a, l’Assemblée ordonne, par un décret, au régiment de Dauphiné de reprendre ses officiers. ( Murmures à gauche). Le royaume est dans le plus grand danger ; l’armée peut se dissoudre si on laisse aux soldats l’empire sur leurs officiers. M. de Cazalès. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que la motion de M. l’abbé Maury ne me paraît nullement dans les principes. Un ré-(31 mai 1791.] giment quelconque ne peut pas avoir chassé ses officiers; l’Assemblée nationale ne peut pas les regarder comme chassés. C’est toujours, quoi qu’il soit arrivé, un acte de violence criminelle de leur part, et l'Assemblée nationale n’a pas d’auire devoir que de faire ordonner à la force publique de rétablir ces officiers dans leurs postes: si l’Assemblée ne prend pas cette marche, elle livrera le royaume à la plus affreuse anarchie, l’anarchie des soldats. ( Murmures à gauche.) Ceux-là seuls sont les véritables ennemis de la patrie qui vous conseillent de rompre tous les liens delà discipline militaire, et ceux qui m’in-(errompent seront peut-être les premiers à gémir de ce désastre. Je vous invite donc, par le seul zèle pour le salut public, à rétablir l’ordre dans les régiments par les mesures les plus sévères. (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi de la lettre du ministre de la guerre et des pièces y jointes aux comités militaire et des rapports réunis.) M. Creuzé de Siatouche, qui était absent par congé, annonce son retour à l’Assemblée. M. le Président lève la séance à trois heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE OU MARDI 31 MAI 1791. OPINION DE M. J. Jallet, curé, député de la ci-devant province du Poitou , sur la PEINE DE mort. (Discussion sur le Gode pénal.) Je pense que la peine de mort est absurde et inutile. Je suis convaincu que les législateurs n’ont pas le droit de l’établir; si c’est une erreur, elle n’est pas dangereuse, et il me sera permis de tenir encore à mon idée par le sentiment, qui est pour moi la meilleure des démonstrations. Si j’ai raison, j’eusse été coupable de me taire. Avec peu de talent pour me faire écouter, j’ai trop peu de voix pour me faire entendre dans la tribune de l’Assemblée nationale. Je dois donc faire imprimer mon opinion; l’importance du su jet me répond de l’indulgence des lecteurs. Il n’y a, chez toutes les nations, que des lois incohérentes, sans rapport ni entre elles, ni avec les grands intérêts du genre humain; c’est qu’il n’y a, chez aucun peuple, un système général et réfléchi de législation; on a fait des lois pour le besoin du moment. Un principe très important et très négligé, c’est que toute loi qui peut altérer le moral de l’homme est mauvaise; je n’ai fait que l’indiquer dans mon écrit, et encore dans une note, mais cela suffit ; l’Assemblée nationale possède dans son sein plusieurs membres capables d’en sentir la vérité, d’en donner les développements et d’en faire l’application. ( Avis de l’auteur.) Messieurs, Proportionner les peines aux délits, éviter également une sévérité excessive et une indulgence dangereuse; établir des châtiments qui préviennent le crime par l’exemple, qui rendent le coupable à la société, en le rendant à la vertu : voilà ARCHIVES PARLEMENTAIRES.