45 [États gén. 1789. Cahiers.] clergé tous les membres des deux ordres qui le composent y soient suffisamment représentés par leurs pairs, notamment MM. les curés, dont les députés aux chambres diocésaines (desquelles chambres la réformation générale est demandée) y seront par eux librement élus. Art. 22. Qu’il sera réclamé en faveur du droit dont ont joui de temps immémorial les agents généraux du clergé d’être membres de la chambre ecclésiastique des Etats généraux, et qu’en conséquence ils y soient admis. Art. 23. Que le Roi soit supplié de corriger les abus de l’administration actuelle des économats et d’avoir égard aux vues qui lui ont été proposées dans les dernières assemblées du clergé. Art. 24. Que le Roi soit supplié d’aplanir les difficultés qui ont arrêté jusqu’ici l’union de différents bénéfices proposés depuis longtemps pour l’amélioration du sort des curés et autres établissements utiles dans les diocèses, tels que des pensions de retraite aux prêtres infirmes et hors d’état de service, et qu’il daigne même faire le sacrifice de sa nomination à quelques-uns de ces bénéfices dans les diocèses qui ne fourniraient pas par eux-mêmes des ressources suffisantes pour des objets si utiles, et depuis si longtemps désirés. Art. 25. Qu’il soit pourvu à l’amélioration du sort des curés indistinctement, même de ceux de l’ordre de Malte, par une augmentation de la portion congrue, et qu’il soit avisé aux moyens convenables pour assurer ladite portion aux curés décimateurs dont la dîme est insuffisante pour cet objet, comme aussi pour dédommager ceux des décimateurs dont la susdite augmentation nécessiterait la destruction, tels que les chanoines des églises collégiales de Saint-Sauveur, de Sainte-Anne et les chapelains du Palais de la ville de Montpellier, si mieux n’aime Sa Majesté opérer la suppression desdites églises collégiales avec pension suffisante pour chacun des membres qui les composent, suppression que les chapitres Saint-Sauveur, Sainte-Anne et les chapelains du Palais ont expressément demandée à cause de l’excessive modicité de leurs revenus, dans le cas où le dédommagement demandé serait impossible. Art. 26. Que le vœu unanime de MM. les curés de la sénéchaussée est de témoigner au Roi leur respectueuse reconnaissance pour les témoignages de confiance particulière qu’il a daigné leur donner, et de demander l’abolition du casuel forcé dans les campagnes, et qu’alors l’insuffisance de leur portion congrue augmentant encore, ils s’en rapportent à la "bonté de Sa Majesté et aux lumières de l’assemblée nationale pour en fixer l’augmentation et celle de leurs vicaires ; ils désirent aussi que, conformément au vœu de l’une des dernières assemblées générales du clergé, la collation des bénéfices-cures qui sont de patronage ecclésiastique appartiennent désormais à leurs seigneurs évêques. Art. 27. Que l’aumône fixe donnée annuellement par les décimateurs soit augmentée, et que cette aumône fixe soit établie dans les lieux où elle n’est pas fixée. Art. 28. Le clergé de la sénéchaussée demande qu’attendu qu’il n’a rien été statué ni fixé pour la réplétion des grades depuis la dernière augmentation des congrues qui a été portée à 700 livres, il soit décidé, pour prévenir toute contestation qui pourrait en naître à l’avenir, si le revenu pour la réplétion des grades ne doit pas être fixé et désigné supérieur à celui des portions congrues. [Sén. de Montpellier.) Art. 29. Les chanoines du chapitre de la Trinité ont l’honaeur de représenter au Roi que leurs canonicats étant de patronage mi-ecclésiastique, mi-laïque, ils ne sauraient être supprimés sans attenter au droit sacré de la propriété ; que ces canonicats étant actuellement d’un très-modique revenu tant par rapport à l’augmentation qui a été faite des congrues qu’au payement des impôts royaux et locaux auxquels ils vont être soumis, si on. les grevait de quelque nouvelle charge, ceux qui en jouissent seraient d’autant plus à plaindre, qu’ils ont-tous servi de vicaire de paroisse pendant longtemps; que la plupart sont fort avancés en âge, et que les ayant obtenus à titre de récompense de leurs travaux apostoliques, ils se verraient privés des secours absolument nécessaires à la vie, dans le temps même où ils s’adonnent encore aux fonctions du ministère autant que leur âge le leur permet. Art. 30. Les corps ecclésiastiques de la sénéchaussée réclament, pour l’avenir, contre la disposition du règlement pour la convocation actuelle des Etats généraux, par laquelle le droit de suffrage, pour la députation auxdits Etats, n’est accordée qu’à un petit nombre de leurs membres, quoique titulaires de bénéfices vraiment distincts, tandis que les titulaires des bénéfices isolés, souvent beacuoup moins considérables par rapport aux fonctions qui y sont attachées et aux obligations qu’elles imposent ou pour les revenus qui en dépendent, sont tous indidividuellement appelés à jouir de ce droit, et encore contre la différence établie quant au même objet, entre les ecclésiastiques qui habitent les campagnes et ceux qui résident dans les villes. Signé f Joseph-François, évêque de Montpellier, président ; Delmas de Villevieille, commissaire ; Loys, grand archidiacre de Montpellier ; Ranal-, prieur, chanoine de Sainte-Anne ; Royer, curé de Lunel. Frère Du Lys, provincial desAugustins;Fédières, prêtre, prieur de Guzargues. CAHIER De doléances de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier (1), Sire, La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, assemblée par les ordres de Votre Majesté, pour concourir au grand ouvrage de la régénération de l’Etat, vient déposer aux pieds du trône l’hommage de sa respectueuse reconnaissance et l’expression de l’intérêt général. Il vous était réservé, Sire, de renouveler ces assemblées nationales dont les monuments historiques nous ont transmis le souvenir et dont la cessation a préparé la ruine des libertés françaises. Puisse le retour de ces assemblées devenir l’époque salutaire de la félicité publique, et puissions-nous, en répondantà la confiance d’un grand Roi, jeter les fondements d’une constitution qui établisse un ordre invariable dans toutes les parties du gouvernement ! Ces objets, Sire, ne sont pas les seuls sur lesquels la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier ait à vous présenter ses justes doléances. Accablée des malheurs de l’Etat, elle a encore à gémir sur la situation particulière de la province. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 46 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] Une administration vicieuse dans sa constitution, abusive dans son régime, pèse depuis longtemps sur nos têtes ; le moment est venu* Sire, d’arracher au crédit des droits dont nous ne revendiquons l’usage que pour donner à Votre Majesté de nouveaux témoignages d’amour et de fidélité, LIBERTÉ PUBLIQUE ET INDIVIDUELLE. Art. 1er. La liberté, Sire, est le premier des biens; c’est un droit que l’homme tient de la nature et dont les conventions sociales ne lui ont pas ravi l’usage ; cette liberté ne peut se concilier avec les exils, les emprisonnements, les autres actes du pouvoir arbitraire exécutés au nom de Votre Majesté en vertu de lettres closes ou de cachet. Ces lettres, Sire, réservées d’abord pour les affaires d’Etat, employées ensuite pour sauver l’honneur des familles, ont été multipliées à l’excès dans ces derniers temps, tantôt pour contraindre les opinions, tantôt pour servir les gens accrédités. ' La conservation de la liberté publique et individuelle exige, Sire, l’abolition de ces lettres, une promesse solennelle de Votre Majesté de n’en plus tolérer l’usage, et une injonction précise aux dépositaires de votre puissance de remettre en liberté, dans les vingt-quatre heures, ceux dont ils auront cru devoir s’assurer pour le maintien de la tranquillité publique et qui n’étant prévenus d’aucun délit ne peuvent être exposés à des poursuites juridiques, Art. 2. Les mêmes motifs, Sire, nous déterminent à supplier Votre Majesté de prendre de3 précautions promptes et assurées pour faire respecter aux bureaux des postes le sceau des lettres missives et pour punir les commis et employés convaincus de l’avoir violé, ou d’avoir participé à une telle infidélité. Art. 3. La liberté de la presse tient essentiellement à la liberté de penser : elle est nécessaire au progrès des lumières, mais il est sage d’en prévenir les excès. Votre Majesté est suppliée d’anéantir le régime actuel delà librairie, de permettre la publication et impression de tous ouvrages, à condition néanmoins qu’ils seront revêtus des noms de l’auteur et de l’imprimeur et sans préjudice des poursuites qui pourraient être faites contre eux à la requête du ministère public ou des parties intéressées, lorsque les écrits contiendront des assertions contraires à la foi ou aux mœurs, attentatoires au gouvernement ou injurieuses à des particuliers. SÛRETÉ PUBLIQUE. Art. 4. Vos sujets, Sire, ne doivent éprouver aucun troüble dans la possession de leurs biens, dans la jouissance de leurs prérogatives, dans l’exercice de leurs actions, autant que le bien public ou l’intérêt général n’y apportent aucun Obstacle. Pour les maintenir dans ces avantages, Votre Majesté est très-humblement suppliée de fixer sOil attention sur l’administration de la justice. Art. 5. La loi de l’inamovibilité des officiers doit être maintenue, Sire, dans toutes ses dispo-sitioüS et même renouvelée en tant que de besoin ; les magistrats ne peuvent être dépouillés de leurs offices que par mort, forfaiture ou démission libre et volontaire. Votre Majesté est suppliée de rejeter tout projet de réduction ou suppression d’offices qui tendrait à priver aujourd’hui de leur état ceux qui en sont pourvus, et à rendre ainsi sans effet la célèbre ordonnance de Louis XI. Art. 6. La nécessité, Sire, de simplifier les formes en matière civile et d’adoucir lés lois criminelles est universellement reconnue : mais cet ouvrage appartient aux lumières et à la réflexion. Votre Majesté est très-huihblemettt suppliée de former une commission composée de magistrats choisis dans toutes les cours souveraines. Cette commission sera chargée de procéder à la révision des Codes civil et criminel et de rédiger un plan de législation uniforme qui sera soumis à l’assemblée de la nation, la loi devant être tôU“ jours l’expression de la volonté générale. Cette même commission doit encore s’occuper, Sire, des moyens les plus propres à rapprocher les justiciables des tribunaux de première instance, à former un partage égal de matières entre les cours souveraines et à fixer les limites de leurs pouvoirs de manière à prévenir des conflits de juridiction, contraires au bien public et toujours ruineux pour les sujets de Votre Majesté. Art. 7. En attendant, Sire, le moment heureux où notre législation sera plus parfaite, il est un abus dans l’ordre judiciaire dont Votre Majesté doit ordonner promptement la réformation. Aqus entendons parler, Sire, de ces cessations illégales, de ces évocations multipliées, de ces commissions extraordinaires inventées par l’esprit de désordre ou d’intrigue, ët dont l’innocence est presque toujours la victime. Vous devez, Sire, la justice à vos sujets; les magistrats acquittent pouf vous cette dette sacrée, mais leur ministère deviendrait imparfait, si, à la faveur de quelques exceptions dangereuses , certains individus pouvaient se soustraire à l’autorité de la loi. Ges considérations, Sire, nous déterminent à supplier Votre Majesté de faire cesser les évocations, dé supprimer les commissions extraordinaires, particulièrement celles qui connaissent des délits pour fait de contrebande. OBSERVATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ Art. 8. La contribution aux charges publiques est une des obligations du contrat social. Tous vos sujets, Sire, ayant Un droit égal à la protection de l’Etat, aucun d’eux ne peut se dispenser de fournir à la dépense que cette protection exige; ainsi les impôts, de quelque nature qu’ils soient, doivent être à l’avenir également répartis sur les citoyens de tous les ordres dans la seule proportion de leurs facultés. La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier a déjà renoncé à ses anciens privilèges; elle réitère aujourd’hui cette renonciation en présence de Votre Majesté, et elle offre de contribuer à toute imposition, sans distinction de biens ni de personnes. Ce consentement, Sire, ne peut avoir son effet que lorsqu’il aura été sanctionné dans l’assemblée des Etats généraux. Art. 9. Le droit de propriété nous assure la libre disposition de nos biens ainsi que la faculté de les transmettre ; .ce droit serait illusoire, si ce gouvernement avait l’avantage de disposer à volonté du produit de ces mêmes biens. La puissance publique doit sans doute avoir des revenus fixes, et le besoin des circonstances peut en déterminer l’accroissement; mais cet ac-croissement.ne doit jamais avoir lieu qhe du consentement des peuples ; en cette matière, Sire, leur prérogative tient au droit de propriété. Votfe Majesté a déjà reconnu que nul impôt ne pouvait être établi sans qu’il eût été délibéré et consenti [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] 47 par la nation assemblée en Etats généraux ; cette maxime doit être consacrée dans une loi qui devienne la base de notre constitution, et dont les dispositions seront appliquées aux emprunts et à l’extension des droits. Art. 10. L’intérêt public exige, Sire, que les subsides ne soient jamais établis que pour un temps fixe, que leur prorogation ne puisse être ordonnée que dans une assemblée de ta nation en convenant néanmoins qu’ils seront perçus pendant une année en sus du temps déterminé, afin que le service de l’Etat ne soit jamais interrompu. Art. 11. Pour donner aux assemblées nationales Je caractère de la plus parfaite représentation, Votre Majesté est très-humblement suppliée de régler qu’à l’avenir les Etats généraux seront toujours formés par des députés des trois ordres librement élus dans les assemblées des bailliages et sénéchaussées. Ces députés doivent être sous la protection de la loi et de la nation. Art. 12. L’opinion par ordre et l’opinion par tête ayant l’une et l’autre des avantages et des inconvénients, aucune de ces deux manières de voter ne doit obtenir la préférence; dans tous les cas, il serait sage d’ordonner plutôt que l’opinion par tête n’aura lieu qu’en matière de contribution, et que l’ancien usage de l’opinion par ordre sera conservé, lorsqu’il s’agira de statuer sur des objets de législation ou d’administration. Art. 13. Le retour périodique des Etats généraux a été demandé, Sire, dans plusieurs assemblées nationales, comme pouvant seul assurer à la monarchie les avantages d’une constitution permanente ; la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier renouvelle cette demande, et supplie Votre Majesté de vouloir bien fixer ce retour périodique à un terme peu éloigné, tel que celui de quatre ou cinq ans. Art. 14. Les représentants de la nation devant concourir, Sire, suivant l’intention de Votre Majesté, au rétablissement de l’ordredansles finances, il est d’une nécessité indispensable de leur faire remettre tous les états de recette et de dépense pour qu’ils puissent prendre connaissance du déficit actuel, aviser aux moyens de le combler, consolider la dette nationale et établir une caisse d’amortissement afin de parvenir à l’extinction de cette dette. Art. 15. Quant aux différents plans qui pourront être proposés pour le rétablissement des finances, Votre Majesté ne peut exiger de la nation assemblée qu’elle donne son consentement à aucun emprunt sans être préalablement assurée de l’existence des fonds destinés à servir annuellement au remboursement, ni qu’elle permette l’établissement d’aucune banque réputée nationale, à moins que la direction n’en soit exclusivement confiée à des commissaires nommés par les Etats généraux. Art. 16. La considération du plus grand intérêt national nous autorise, Sire, à demander à Votre Majesté : Que les nouvelles impositions portent sur les fonds, sur les personnes, sur l’industrie, et principalement sur les objets de luxe ; Que le nom de taille soit aboli, et que chaque communauté ait la liberté de payer en argent ou en nature l’impôt qui en tiendra lieu, auquel on pourra donner le nom de subvention ‘patriotique ; Que le payement des services soit fait dans les provinces respectives, et que l’état des finances de chaque généralité en contienne les charges qui doivent être acquittées par Votre Majesté; Que les dépenses de chaque département soient invariablement fixées à l’avenir et arrêtées dans l’assemblée des Etats généraux, en laissant à la libre disposition de Votre Majesté une somme annuelle telle qu’il lui plaira de l’arbitrer pour subvenir aux dépenses imprévues, ou à celles qui doivent rester sous le secret de l’admihistra-tion; • Que les ministres soient responsables de leur gestion, et qu’en cas de prévarication de leur part, ou de surprise faite à la religion de Votre Majesté, la nation puisse les faire juger par les tribunaux ; Que les douanes soient supprimées dans l’intérieur du royaume; Que les gabelles soient assujetties à un règlement fixe et uniforme en attendant que des circonstances plus heureuses puissent permettre de les supprimer entièrement; Que les droits de contrôle soient modérés et réglés par un nouveau tarif qui écarte tout l’arbitraire, et délivre vos sujets des vexations sans nombre que les régisseurs de cette partie de vos domaines leur font éprouver ; que la connaissance des contestations auxquelles la perception du contrôle donne lieu, soit attribuée exclusivement à des tribunaux qui jugeront en première et dernière instance, sommairement et sans frais ; Que la perception et la quotité de la dîme soient fixées par un règlement uniforme qui admettra les communautés à traiter par la voie de l’abonnement avec les décimateurs. RÉFORMATION DES MOEURS. Art. 17. La régénération de l’Etat ne pouvant, Sire, s’effectuer sans la réformation des mœurs, Votre Majesté est suppliée de vouloir bien donner une attention particulière à un objet aussi important; la religion, dont l’influence sur les mœurs soit nationales, soit privées, ne saurait être méconnue, sera, par la protection de Votre Majesté, le principe de fa félicité publique. ADMINISTRATION DE LA PROVINCE. Art. 18. Une constitution, Sire, contraire aux véritables intérêts des peuples, vicieuse dans son régime, a excité les justes réclamations de tous les ordres de la province de Languedoc ; l’illégalité dans la réunion de leurs plaintes a été le seul reproche qu’on ait osé leur opposer. Aujourd’hui, Sire, Votre Majesté permettant à tous ses sujets l’accès du trône, la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier doit vous présenter un vœu, dont' on ne contestera' pas la légitimité. Elle ne peut voir plus longtemps, Sire, Ses droits violés ; prête à tous les sacrifices que la gloire et la prospérité de l’Etat pourront exiger, elle a droit d’attendre le succès d’une demande fondée sur l’équité. Si le droit de voter l’impôt et de le répartir, dont jouissent les habitants de cette province, se perd dans les fastes de la monarchie; si nos rois l’ont constamment reconnu et consacré, l’exercice de ce droit précieux n’a pu être confié qu’à l’assemblée des trois ordres; mais le temps qui détruit, l’intérêt particulier qui corrompt, l’intrigue qui veille et s’agite sans cesse, ont fait disparaître de si beaux jours; vingt-trois prélats, autant de seigneurs titrés, quelques membres de l’ordre du tiers, choisis ou subjugués, se sont investis des droits sacrés de dix-huit cent mille âmes. [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier. ] La noblesse, Sire, cet ordre si nombreux en Languedoc, voué au service de nos rois et de la patrie, se voit éloignée d’une assemblée d’admi-nistrateufs par un titre particulier acquis à prix d’argent; un avantage commun est devenu la propriété de quelques-uns ; mais si les' droits d’une nation sont imprescriptibles, ceux des ordres qui la composent ont les mêmes caractères ; l’élection libre constitue essentiellement la représentation; toute possession contraire, quelle que soit son ancienneté, est usurpée et doit cesser. Quelle ne doit pas être, Sire, la confiance de la noblesse! L’émission, de son vœu suffit pour la lui inspirer ; ce vœu, Sire, est l’expression de votre volonté; les Etats provinciaux doivent être l’image de l’assemblée auguste de la nation; Votre Majesté a voulu qu’elle fût formée par l’élection la plus libre. G’est donc, Sire, avec un titre victorieux que la noblesse de cette sénéchaussée vous présente ses justes doléances sur la violation de ses droits dans la composition actuelle des Etats ; qu’il réclame de votre bonté paternelle la suppression totale de ces Etats, et leur remplacement, par une constitution libre, représentative, appropriée à notre localité, et conforme aux privilèges de la province : alors des abus invétérés disparaîtront, des dépenses immodérées cesseront , tous les ordres réunis par un intérêt général concourront à l’envi au soutien de l’Etat , à en relever la splendeur et à procurer le soulagement à cette portion des sujets de Votre Majesté, si chère à son cœur et si précieuse à l’ordre de la noblesse en particulier. DEMANDES PARTICULIÈRES POUR LA NOBLESSE. Art. 19. Les preuves de zèle et de fidélité que les gentilshommes de votre royaume n’ont cessé, Sire, de donner à Votre Majesté, les sacrifices qu’ils viennent de faire de leurs exemptions pécuniaires, nous donnent lieu d’espérer que Votre Majesté maintiendra la noblesse dans des privilèges qui ne peuvent plus être considérés comme une primauté d’honneur et qui sont d’ailleurs singulièrement appropriés au gouvernement monarchique. La noblesse, Sire, vous supplie encore.de rejeter toute demande qui tendrait à détruire ou à modifier sa propriété relativement aux droits féodaux ou seigneuriaux, tant utiles qu’honorifiques, auxquels elle n’entend point renoncer. Art. 20. Les mêmes considérations, Sire, nous déterminent à supplier Votre Majesté de fonder en Languedoc trois chapitres nobles, où seront admises les filles de gentilshommes de la province. L’établissement proposé ne serait point une charge pour l’Etat, si Votre Majesté jugeait à propos de doter ces chapitres des biens appartenant à différentes abbayes qui sont presque entièrement dénuées de religieux; il serait néanmoins juste d’ordonner que ces biens continueront à être assujettis aux charges générales de l’ordre dont ils faisaient partie. Tous vos sujets, Sire, ont des droits à la protection de Votre Majesté, mais cet avantage appartient plus particulièrement au corps de la noblesse. Ce corps, distingué par son zèle pour votre service, destiné à conserver et à transmettre l’ancien esprit national, est ordinairement peu favorisé de la fortune. Après avoir consommé ses biens à la défense de l’Etat , ne doit-il pas en recevoir des secours? Art. 21. Pour conserver la noblesse dans toute sa pureté, les rois vos prédécesseurs ont ordonné à différentes époques la recherche de ceux qui avaient pris indûment la qualité de noble, d’écuyer ou de chevalier. La nécessité de réprimer le même abus nous engage, Sire, à demander à Votre Majesté l’établissement d’une commission composée de gentilshommes et de magistrats, chargés de faire une nouvelle recherche de nobles, d’en rédiger le catalogue et de n’y admettre que ceux qui feront la preuve portée par les règlements. Art. 22. La multitude des braconniers dévastant les campagnes et augmentant journellement le nombre des malfaiteurs, enlève à la terre les bras destinés à la culture; Votre Majesté mettra fin à ce désordre en faisant exactement observer les ordonnances concernant le port 'd’armes, et chargeant plus expressément de leur exécution les dépositaires de son autorité. Art. 23. Les discussions provenant de l’exercice de la police, les préséances et droits honorifiques entre les officiers des seigneurs et les officiers municipaux, donnant lieu à une multitude d’inconvénients, Votre Majesté est suppliée de les faire cesser par un règlement clair et précis dans toutes ses dispositions, et dont l’exécution sera confiée aux juges naturels. Art. 24. La prospérité d’un empire ne peut être durable, si en même temps qu’il est tranquille au-dedans il n’est en état de se faire redouter au dehors; il est donc nécessaire, Sire, que les forces militaires de la France soient toujours sur un pied respectable; vos troupes de terre doivent être nombreuses et bien disciplinées, on doit les exercer aux différentes manœuvres, réformer même ce que l’ancienne tactique peut avoir de défectueux, mais sans jamais perdre de vue ce que nos plus grands généraux ont toujours reconnu : qu’une nation doit se battre suivant son génie et son caractère, et que la valeur impétueuse du Français, si elle est retenue dans de justes bornes, peut seule le rendre invincible. Le soldat français se conduit d’ailleurs par des sentiments d’honneur, il veut être excité par des motifs dignes de lui, sans qu’on prétende le ramener à son devoir par des châtiments qui l’aviliraient aux yeux de la nation. La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier ne donnera pas plus d’étendue à ces réflexions , mais elle pense, Sire, qu’une commission d’officiers de tous les grades, pris dans le sein des Etats généraux, pourrait communiquer à ce sujet des observations importantes. Une pareille commission d’officiers de marine ne serait pas moins utile. La réputation si justement acquise par vos armées navales dans la dernière guerre doit être soutenue; en vain votre marine aurait-elle été rétablie avec une promptitude qui semble tenir de la création, si Je peu desoin’de l’entretenir la laissait malheureusement tomber dans son premier état. Votre Majesté est suppliée de maintenir la noblesse dans le droit exclusif de donner des officiers aux armées de terre et de mer; les seuls officiers de fortune à qui la valeur a tenu lieu de naissance doivent être exceptés. Il est essentiel que la croix de Saint-Louis soit toujours le prix des services réels; il faut qu’elle honore ceux qui en seront décorés. Art. 25. La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier aurait encore à présenter à Votre Majesté ses très-humbles doléances sur d’autres objets qui, tenant essentiellement à l’ordre public, méritent de fixer l’attention paternelle de Voire Majesté. 49 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] Elle aurait, Sire, à solliciter la destruction des assiettes ou administrations diocésaines, dont le sort semble lié à l’administration particulière des communautés, vicieuse sous différents rapports; des dépenses déterminées par ces communautés dans un conseil d’où l’on prend soin d’exclure ceux qui ont le plus d’intérêt à proscrire on à modifier ces dépenses; de la forme d’opiner dans les délibérations municipales; de la nécessité de conserver la liberté dans les élections consulaires, partout où les seigneurs ne sont pas fondés en titre; mais sur ces objets, Sire, et sur plusieurs autres, la noblesse croit devoir suspendre toute instance et ne s’occuper que des moyens d’obtenir pour la province entière une constitution libre et véritablement représentative ; alors, Sire, ces nouveaux administrateurs, choisis par leurs con-citovens, animés de l’esprit public, s’empresseront de faire cesser des abus secondaires, et Votre Majesté mettra le scéau à des réformes que le bien commun exige. En attendant, Sire, un changement si généralement désiré, nous supplions Votre Majesté, au cas qu’elle vînt à donner un nouveau régime à la municipalité de Montpellier, de maintenir la noblesse dans le droit exclusif dont elle jouit d’occuper la place de premier consul. Nous venons, Sire, de mettre sous les yeux de Votre Majesté les divers objets de nos représentations ; nous n’avons rien dissimulé, la vérité jouit de tous ses droits sous un monarque qui se plaît -a l’entendre. Votre Majesté, en appelant ses fidèles sujets auprès de sa personne sacrée, leur a prescrit elle-même cette franchise noble et respectueuse; elle exige qu’ils indiquent sans détour les maux et. les remèdes; elle veut, ce qu’on ne peut répéter sans attendrissement, leur conserver toujours le caractère le plus cher à son cœur, celui de conseil et d’ami. Quel succès ne promet point à la nation cette marque si précieuse d’une entière confiance! Toutvous annonce, Sire, une heureuse révolution : la félicité publique sera posée sur des fondements solides, les ressources de la France seront développées et mises sagement en œuvre, les nations voisines verront avec admiration tout ce qu’un souverain qui ne règne que par l’amour et par les lois, doit attendre des généreux efforts d’un peuple libre et soumis. Ce sont, Sire, les très-humbles et très-respectueuses doléances que présente à Votre Majesté la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, assemblée par vos ordres, pour la députation aux Etats généraux. Signé le comte de Julien de Vinezac, président ; le marquis de Comeiras ; le chevalier de Giraud ; le marquis d’Entraigues ; Je comte de Gadolle ; d’Aigrefeuille ; Perdrix ; Tourtoulon la Salle ; de Sauve; Duchol ; de So-las; de Ratte ; Cambacérès; Maury delà Pey-rouze, secrétaire' de l’ordre. PROTESTATION DE L’ORDRE DE LA NOBLESSE. L’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, réuni sous l’autorité du Roi, considérant que les protestations faites au nom des commissaires des trois ordres dudit diocèse, et signifiées le 23 janvier dernier aux syndic et greffier des Etats actuels de la province étaient l’expression unanime de tous les vœux de ses habitants, et que ces vœux sont invariables, ainsi que les motifs vraiment patriotiques qui les ont dictés ; considérant que l’ordre de la noblesse, toujours uniforme dans ses principes, toujours indivisible dans ses démarches, ne saurait avoir dans tous les temps qu’une même conduite ; considé-lre Série, T. IV. rant enfin qu’en adhérant aux protestations des trois ordres du diocèse, la noblesse consacre ses propres sentiments et consomme l’ouvrage qu'elle avait commencé, Déclare qu’il proteste de plus fort contre la constitution des Etats qui régissent cette province, comme contraire au droit public du Languedoc et à ses privilèges particuliers, suivant lesquels son administration intérieure ne peut être confiée qu’aux représentants des trois ordres librement élus, ne pouvant surtout reconnaître ce caractère dans la personne des évêques et des barons qui siègent auxdits Etats, sans aucun mandat ni pouvoir de leurs ordres, et qui, par là même, sont incapables de les représenter, et d’exercer les droits essentiels qui leur appartiennent comme forma‘nt une partie intégrante de la province ; principes constitutionnels dont la noblesse ne saurait se départir sans violer les droits de l’honneur et les droits de la propriété. Signé de Sauve, commissaire; d’Aigrefeuille, commissaire. L’an 1789 et le second jour du mois d’avril, j’ai, Laurent Giniés, huissier en la souveraine cour des comptes, aides et finances de Montpellier, y résidant, soussigné, signifié les protestations ci-dessus au nom de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier à M. de Puy-maurin, se qualifiant syndic général de la province de Languedoc, et à M. de Carrière, greffier, et afin qu’ils n’en ignorent, je leur ai en leur domicile, en parlant à la personne du sieur Dupré, secrétaire de mondit sieur de Puymaurin, et à la personne du sieur Viguier, chef de bureau de mondit sieur de Carrière, laissé copie desdites protestations et de mon présent exploit, signé. Contrôlé à Montpellier, le 2 avril 1789. Reçu 12 liv. 9 den. Signé Vigié. CAHIER Des vœux , doléances et supplications du tiers-état de la sénéchaussée de Montpellier (1). Le premier sentiment que l’assemblée s’empresse d’exprimer est celui de son amour* de sa soumission, de son inviolable fidélité pour la personne sacrée de Sa Majesté, et de sa vive reconnaissance pour le bienfait signalé qu’elle a accordé à son peuple en le rassemblant autour de son trône pour coopérer avec elle à la réforme générale du royaume et au rétablissement de la nation française dans tous les droits de l’homme et du citoyen. En conséquence, Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner sur la constitution du royaume : Art. 1er. Que les propriétés de chaque citoyen seront mises sous la sauvegarde spéciale de la loi, et que leur liberté individuelle sera assurée par l’abolition de toutes lettres closes , lettres d’exil et tout autre espèce d’ordres arbitraires émanés soit du gouvernement, soit de toute autre autorité subordonnée, civile ou militaire. Art. 2. Qu’il sera reconnu par un acteauthentique et permanent que la nation seule a droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou de refuser les subsides, d’en régler l’étendue, l’assiette, la répartition, la durée, et d’en surveiller l’emploi, d’ouvrir des emprunts, de consentir à des créations (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 4