SÉANCE DU 25 THERMIDOR AN II (12 AOÛT 1794) - Nos 48-50 543 48 Le citoyen Jean Moliné, père de sept enfans, dont trois sont morts à l’armée, réclame des secours. Sur la motion d’un membre, la Convention charge son comité de[s] secours de lui en faire un rapport dans les 24 heures (1). [Un citoyen tailleur [rue de Bondy], âgé de 60 ans, père de vingt sept enfans (2), réclame des secours : ce père expose que, sur 7 enfants qui lui restaient, trois sont partis volontairement pour la défense de la liberté, et un quatrième par l’effet de la réquisition : trois sont morts au champ de bataille, et il n’a pas de nouvelles du quatrième, dont la présence était nécessaire à son existence et à celle de sa femme infirme] (3). [ Applaudissements ] 49 Le citoyen Gracchus Hutel aîné paroît à la barre, et réclame la mise en liberté de son père détenu. Sur la motion d’un membre, la Convention renvoie la proposition au comité de sûreté générale (4). 50 Le rapporteur du comité de salut public [BARÈRE] annonce que la réunion des esprits dans les armées est démontrée par la réunion des triomphes : il fait lecture d’une lettre des représentons du peuple près l’armée de Sambre-et-Meuse, dans laquelle ils assurent que les forfaits de Robespierre, Saint-Just et complices ont causé la plus profonde indignation, et leur châtiment la plus grande joie à toute l’armée qui, dans une adresse très énergique, transmet à la Convention les témoignages de sa fidélité envers la République, et de son attachement pour la représentation nationale. Le rapporteur continue : Le repaire des émigrés et des traîtres à la France, Trêves, est pris : cette ville, dont les accès sont si difficiles, est au pouvoir de la République. Ainsi la victoire s’est transportée subitement du Midi au Nord; l’armée de la Moselle répond aux chants de triomphe de l’armée des Pyrénées occidentales. Les redoutes ont été emportées avec la baïon[n]ette; l’Autrichien a fui en laissant ses camps, et les (1) P.-V., XLIII, 198. Rapport anonyme. Décret n° 10 384. (2) Dans toutes les gazettes, il est précisé que le pétitionnaire avait à l’origine 27 enfants. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 481; J. Mont., n° 105; J. Sablier, n° 1496; J. Fr., n°687; M.U., XLII, 414; Ann. patr., n° DLXXXIX; C. Eg„ n°724; F.S.P., n° 404; J. Paris, n° 590. (4) P.-V., XLIII, 198. Rapport anonyme. Décret n° 10385. bourgmestres de la ville sont venus apporter les clefs que je dépose sur la tribune. Des magasins, des vivres, des troupeaux nombreux, et des contributions en numéraire sont le prix de la victoire. L’armée française, écrivent les représentans du peuple, a fait des prodiges de valeur : partout la baïon[n]ette a fait justice de nos ennemis; nous les avons chassés de Remich, de Gre-venmacher. Le pont de Confarbruck a été enlevé, leurs canons pris ainsi que 90 prisonniers, sans avoir perdu un républicain. Au même instant, la montagne verte hérissée de canons, et la principale défense de Trêves, est tombée en notre pouvoir. L’ennemi s’est sauvé, après avoir laissé sur la place 5 à 600 morts, beaucoup de blessés, et 80 prisonniers. Le lendemain de ces expéditions, 19 thermidor, toutes les colonnes se sont avancées; dans un instant Trêves a été cerné de toutes parts; l’ennemi l’avoit évacué, et à 3 heures après-midi, l’armée de la République est entrée dans la ville. Nous ne pouvons vous donner, disent les représentans, tous les détails aujourd’hui (1). BARÈRE, au nom de comité de salut public : Citoyens, je vous ai parlé de l’esprit public qui règne dans les armées; elles le prouvent à la République par des victoires multipliées : la réunion des esprits est démontrée par la réunion des triomphes. Voici l’adresse de l’armée de Sambre-et-Meuse. Elle est digne d’être insérée au Bulletin; voici cette belle adresse, que vous enverrez sans doute à toutes les armées. [Gillet, représentant du peuple près l’armée de Sambre-et-Meuse, au comité de salut public ]. Au quartier-général, à Warem, le 22 thermidor, l’an 2e de la République française, une et indivisible. Je vous ai mandé, chers collègues, que l’armée de Sambre-et-Meuse avait appris les forfaits des conspirateurs Robespierre, saint-Just et leurs complices, avec la plus profonde indignation, et leur châtiment avec la joie la plus vive. Cette brave armée a cru devoir donner, dans cette circonstance, une preuve de sa fidélité envers la République et de son attachement pour les représentants du peuple; elle a déposé ses sentiments dans une adresse qu’elle vient de m’envoyer, avec prière de la faire parvenir à la Convention nationale; vous la trouverez ci-jointe. L’armée verra avec beaucoup de satisfaction qu’elle soit insérée au Bulletin. Salut et fraternité. Gillet. [Les soldats de l’armée de Sambre-et-Meuse à la Convention nationale ]. (1) P.-V., XLIII, 198-199. SÉANCE DU 25 THERMIDOR AN II (12 AOÛT 1794) - Nos 48-50 543 48 Le citoyen Jean Moliné, père de sept enfans, dont trois sont morts à l’armée, réclame des secours. Sur la motion d’un membre, la Convention charge son comité de[s] secours de lui en faire un rapport dans les 24 heures (1). [Un citoyen tailleur [rue de Bondy], âgé de 60 ans, père de vingt sept enfans (2), réclame des secours : ce père expose que, sur 7 enfants qui lui restaient, trois sont partis volontairement pour la défense de la liberté, et un quatrième par l’effet de la réquisition : trois sont morts au champ de bataille, et il n’a pas de nouvelles du quatrième, dont la présence était nécessaire à son existence et à celle de sa femme infirme] (3). [ Applaudissements ] 49 Le citoyen Gracchus Hutel aîné paroît à la barre, et réclame la mise en liberté de son père détenu. Sur la motion d’un membre, la Convention renvoie la proposition au comité de sûreté générale (4). 50 Le rapporteur du comité de salut public [BARÈRE] annonce que la réunion des esprits dans les armées est démontrée par la réunion des triomphes : il fait lecture d’une lettre des représentons du peuple près l’armée de Sambre-et-Meuse, dans laquelle ils assurent que les forfaits de Robespierre, Saint-Just et complices ont causé la plus profonde indignation, et leur châtiment la plus grande joie à toute l’armée qui, dans une adresse très énergique, transmet à la Convention les témoignages de sa fidélité envers la République, et de son attachement pour la représentation nationale. Le rapporteur continue : Le repaire des émigrés et des traîtres à la France, Trêves, est pris : cette ville, dont les accès sont si difficiles, est au pouvoir de la République. Ainsi la victoire s’est transportée subitement du Midi au Nord; l’armée de la Moselle répond aux chants de triomphe de l’armée des Pyrénées occidentales. Les redoutes ont été emportées avec la baïon[n]ette; l’Autrichien a fui en laissant ses camps, et les (1) P.-V., XLIII, 198. Rapport anonyme. Décret n° 10 384. (2) Dans toutes les gazettes, il est précisé que le pétitionnaire avait à l’origine 27 enfants. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 481; J. Mont., n° 105; J. Sablier, n° 1496; J. Fr., n°687; M.U., XLII, 414; Ann. patr., n° DLXXXIX; C. Eg„ n°724; F.S.P., n° 404; J. Paris, n° 590. (4) P.-V., XLIII, 198. Rapport anonyme. Décret n° 10385. bourgmestres de la ville sont venus apporter les clefs que je dépose sur la tribune. Des magasins, des vivres, des troupeaux nombreux, et des contributions en numéraire sont le prix de la victoire. L’armée française, écrivent les représentans du peuple, a fait des prodiges de valeur : partout la baïon[n]ette a fait justice de nos ennemis; nous les avons chassés de Remich, de Gre-venmacher. Le pont de Confarbruck a été enlevé, leurs canons pris ainsi que 90 prisonniers, sans avoir perdu un républicain. Au même instant, la montagne verte hérissée de canons, et la principale défense de Trêves, est tombée en notre pouvoir. L’ennemi s’est sauvé, après avoir laissé sur la place 5 à 600 morts, beaucoup de blessés, et 80 prisonniers. Le lendemain de ces expéditions, 19 thermidor, toutes les colonnes se sont avancées; dans un instant Trêves a été cerné de toutes parts; l’ennemi l’avoit évacué, et à 3 heures après-midi, l’armée de la République est entrée dans la ville. Nous ne pouvons vous donner, disent les représentans, tous les détails aujourd’hui (1). BARÈRE, au nom de comité de salut public : Citoyens, je vous ai parlé de l’esprit public qui règne dans les armées; elles le prouvent à la République par des victoires multipliées : la réunion des esprits est démontrée par la réunion des triomphes. Voici l’adresse de l’armée de Sambre-et-Meuse. Elle est digne d’être insérée au Bulletin; voici cette belle adresse, que vous enverrez sans doute à toutes les armées. [Gillet, représentant du peuple près l’armée de Sambre-et-Meuse, au comité de salut public ]. Au quartier-général, à Warem, le 22 thermidor, l’an 2e de la République française, une et indivisible. Je vous ai mandé, chers collègues, que l’armée de Sambre-et-Meuse avait appris les forfaits des conspirateurs Robespierre, saint-Just et leurs complices, avec la plus profonde indignation, et leur châtiment avec la joie la plus vive. Cette brave armée a cru devoir donner, dans cette circonstance, une preuve de sa fidélité envers la République et de son attachement pour les représentants du peuple; elle a déposé ses sentiments dans une adresse qu’elle vient de m’envoyer, avec prière de la faire parvenir à la Convention nationale; vous la trouverez ci-jointe. L’armée verra avec beaucoup de satisfaction qu’elle soit insérée au Bulletin. Salut et fraternité. Gillet. [Les soldats de l’armée de Sambre-et-Meuse à la Convention nationale ]. (1) P.-V., XLIII, 198-199. 544 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Et quoi ! Les soldats de la République étonneraient l’Europe entière par la rapidité de leurs marches victorieuses, et lorsque, parvenus au terme de leurs glorieux travaux, ils voudraient rentrer dans leurs foyers, ils y trouveraient, pour le prix des sacrifices héroïques faits à la patrie, la servitude ! Non... Périsse celui d’entre nous qui se sentirait capable de courber son front devant son maître ! Périsse celui qui oserait tenter de le devenir ! La loi, la loi seule planera désormais sur nos têtes, et que le néant frappe celle qui voudrait s’élever au-dessus d’elle ! Représentants du peuple, vous nous avez décerné une branche de laurier après la journée du 8, après la bataille de Fleurus; vous ne dédaignerez pas la couronne civique que vous présentent aujourd’hui les nombreux soldats de l’armée de Sambre-et-Meuse pour la journée du 9, non moins glorieuse pour la liberté. Nous formons autour de la France un rempart formidable contre les ennemis du dehors; nos pères, nos frères, nos femmes, nos enfants formeront autour de vous, autour de la Convention, un mur non moins impénétrable aux ennemis de l’intérieur. Le cri de ralliement de toute la France sera toujours et à jamais : la liberté, l’égalité, la République une et indivisible ! [suivent les signatures ]. BARÈRE : Citoyens, le repaire des émigrés et des traîtres à la France, Trêves, est pris; Trêves est punie de la perfidie de ses électeurs et des brigands étrangers qu’elle renfermait ! Cette ville, dont les accès sont si difficiles, est au pouvoir de la République. Ainsi la victoire s’est transportée subitement du Midi au Nord. L’armée de la Moselle répond aux chants de triomphe de l’armée des Pyrénées-Occidentales. Les républicains de la Moselle se sont emparés de Trêves, tandis que les républicains des Pyrénées s’emparaient de Fontarabie et de Saint-Sébastien. Les redoutes ont été emportées, comme à Irun, avec la baïonnette. L’Autrichien a fui, comme l’Espagnol, en laissant ses canons, en jonchant la terre de morts, et en remplissant nos frontières de prisonniers. En moins de 2 heures, Trêves a été cernée; les aristocrates ont fui, selon l’usage; et les bourgmestres de la ville sont venus, en grande cérémonie, apporter les clefs que je dépose sur la tribune. Des magasins, des vivres, des troupeaux nombreux et des contributions en numéraire sont le prix de la victoire. Trêves a accaparé pendant 4 ans notre numéraire : elle le rendra; Trêves a avili pendant 4 ans nos assignats : elle les recevra; Trêves a accueilli les émigrés, cette crasse de la nation : Trêves nourrira les troupes victorieuses de la République. Nous vous proposons d’écrire dans vos décrets, comme pour les autres armées, que celle de la Moselle ne cesse de bien mériter de la patrie, et que vous insérerez au Bulletin l’adresse de l’armée de Sambre-et-Meuse. [Le représentant du peuple près les armées du Rhin et de la Moselle au comité de salut public \. A Trêves, le 21 thermidor, l’an 2e de la République française, une et indivisible. Citoyens collègues, c’était peu pour les soldats de la liberté d’avoir promené l’étendard tricolore dans le Palatinat; vous leur avez indiqué la route qui conduit dans l’électorat de Trêves; ils l’ont suivie; et voici en résumé le journal de leur voyage. Le 18 thermidor, comme nous vous l’avions marqué dans une de nos précédentes, les braves qui composent l’armée de la Moselle sont partis de différents points sur 3 colonnes, et se sont donné rendez-vous à Trêves réciproquement au même jour et à la même heure. Une de ces colonnes, aux ordres du général Ambert, côtoyait la droite de la Moselle, entre Luxembourg et cette rivière; l’autre commandée par le général Renaud, marchait à la droite de la Sarre et la troisième s’avançait au centre, entre la Sarre et la Moselle. Des pontons étaient à la suite de l’armée pour établir au besoin des ponts sur la Moselle. La colonne de gauche a rencontré l’ennemi en avant de Remich; il a tiré sur elle près de 100 coups de canon, qui n’ont tué ni blessé personne. On n’a pas répondu à cette tonnante salutation; mais, au pas de charge et la baïonnette en avant, nos troupes sont entrées à Remich, et les esclaves autrichiens se sont sauvés dans Luxembourg. Les communications de cette place avec la Moselle et la route de Trêves sont interceptées et gardées par nos bataillons. De Remich, cette même colonne s’est portée à Grevenmacher. L’ennemi, malade encore de la peur qu’il avait eue la veille, s’est de nouveau retiré à Luxembourg; mais il n’a pu y mener avec lui un magasin assez considérable d’avoine, de seigle et de blé, qui occupent en ce moment les moulins de la République. Pendant ce temps, la colonne du centre soufflait devant elle tout ce qui était sur son passage; celle à la droite de la Sarre battait complètement l’ennemi, et toutes marchaient avec fierté et victorieusement. Le 20, le pont de Consarbrucken, sur lequel nous devions passer, était occupé par un poste important et défendu avec du canon. A 9 heures du soir, malgré plusieurs nuits de bivouac, une pluie continuelle et abondante, des torrents de boue, des montagnes et un chemin impraticable, les soldats de la liberté n’ont pu commander au sentiment d’indignation que leur inspiraient la présence et la vue des esclaves autrichiens; ils les ont chargés; infanterie, cavalerie, artillerie, tout a fondu dessus, et, en moins d’une demi heure, le pont a été libre. Une pièce de canon et son caisson ont été pris; 90 prisonniers faits, Plusieurs hommes tués, d’autres noyés en voulant passer la rivière pour se sauver; et nous n’avons pas à regretter dans cette action la mort d’un seul républicain. Dans le même moment, la colonne de gauche remportait une victoire bien importante. La montagne Verte, si fameuse dans l’histoire, au pied de laquelle le tyran Louis XIV perdit un jour 15 000 hommes, au pied de laquelle les Français libres, commandés par un homme de mauvaise foi, furent battus dans la campagne dernière; cette montagne, défendue par la nature, par l’art, hérissée de canons, et la princi-544 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Et quoi ! Les soldats de la République étonneraient l’Europe entière par la rapidité de leurs marches victorieuses, et lorsque, parvenus au terme de leurs glorieux travaux, ils voudraient rentrer dans leurs foyers, ils y trouveraient, pour le prix des sacrifices héroïques faits à la patrie, la servitude ! Non... Périsse celui d’entre nous qui se sentirait capable de courber son front devant son maître ! Périsse celui qui oserait tenter de le devenir ! La loi, la loi seule planera désormais sur nos têtes, et que le néant frappe celle qui voudrait s’élever au-dessus d’elle ! Représentants du peuple, vous nous avez décerné une branche de laurier après la journée du 8, après la bataille de Fleurus; vous ne dédaignerez pas la couronne civique que vous présentent aujourd’hui les nombreux soldats de l’armée de Sambre-et-Meuse pour la journée du 9, non moins glorieuse pour la liberté. Nous formons autour de la France un rempart formidable contre les ennemis du dehors; nos pères, nos frères, nos femmes, nos enfants formeront autour de vous, autour de la Convention, un mur non moins impénétrable aux ennemis de l’intérieur. Le cri de ralliement de toute la France sera toujours et à jamais : la liberté, l’égalité, la République une et indivisible ! [suivent les signatures ]. BARÈRE : Citoyens, le repaire des émigrés et des traîtres à la France, Trêves, est pris; Trêves est punie de la perfidie de ses électeurs et des brigands étrangers qu’elle renfermait ! Cette ville, dont les accès sont si difficiles, est au pouvoir de la République. Ainsi la victoire s’est transportée subitement du Midi au Nord. L’armée de la Moselle répond aux chants de triomphe de l’armée des Pyrénées-Occidentales. Les républicains de la Moselle se sont emparés de Trêves, tandis que les républicains des Pyrénées s’emparaient de Fontarabie et de Saint-Sébastien. Les redoutes ont été emportées, comme à Irun, avec la baïonnette. L’Autrichien a fui, comme l’Espagnol, en laissant ses canons, en jonchant la terre de morts, et en remplissant nos frontières de prisonniers. En moins de 2 heures, Trêves a été cernée; les aristocrates ont fui, selon l’usage; et les bourgmestres de la ville sont venus, en grande cérémonie, apporter les clefs que je dépose sur la tribune. Des magasins, des vivres, des troupeaux nombreux et des contributions en numéraire sont le prix de la victoire. Trêves a accaparé pendant 4 ans notre numéraire : elle le rendra; Trêves a avili pendant 4 ans nos assignats : elle les recevra; Trêves a accueilli les émigrés, cette crasse de la nation : Trêves nourrira les troupes victorieuses de la République. Nous vous proposons d’écrire dans vos décrets, comme pour les autres armées, que celle de la Moselle ne cesse de bien mériter de la patrie, et que vous insérerez au Bulletin l’adresse de l’armée de Sambre-et-Meuse. [Le représentant du peuple près les armées du Rhin et de la Moselle au comité de salut public \. A Trêves, le 21 thermidor, l’an 2e de la République française, une et indivisible. Citoyens collègues, c’était peu pour les soldats de la liberté d’avoir promené l’étendard tricolore dans le Palatinat; vous leur avez indiqué la route qui conduit dans l’électorat de Trêves; ils l’ont suivie; et voici en résumé le journal de leur voyage. Le 18 thermidor, comme nous vous l’avions marqué dans une de nos précédentes, les braves qui composent l’armée de la Moselle sont partis de différents points sur 3 colonnes, et se sont donné rendez-vous à Trêves réciproquement au même jour et à la même heure. Une de ces colonnes, aux ordres du général Ambert, côtoyait la droite de la Moselle, entre Luxembourg et cette rivière; l’autre commandée par le général Renaud, marchait à la droite de la Sarre et la troisième s’avançait au centre, entre la Sarre et la Moselle. Des pontons étaient à la suite de l’armée pour établir au besoin des ponts sur la Moselle. La colonne de gauche a rencontré l’ennemi en avant de Remich; il a tiré sur elle près de 100 coups de canon, qui n’ont tué ni blessé personne. On n’a pas répondu à cette tonnante salutation; mais, au pas de charge et la baïonnette en avant, nos troupes sont entrées à Remich, et les esclaves autrichiens se sont sauvés dans Luxembourg. Les communications de cette place avec la Moselle et la route de Trêves sont interceptées et gardées par nos bataillons. De Remich, cette même colonne s’est portée à Grevenmacher. L’ennemi, malade encore de la peur qu’il avait eue la veille, s’est de nouveau retiré à Luxembourg; mais il n’a pu y mener avec lui un magasin assez considérable d’avoine, de seigle et de blé, qui occupent en ce moment les moulins de la République. Pendant ce temps, la colonne du centre soufflait devant elle tout ce qui était sur son passage; celle à la droite de la Sarre battait complètement l’ennemi, et toutes marchaient avec fierté et victorieusement. Le 20, le pont de Consarbrucken, sur lequel nous devions passer, était occupé par un poste important et défendu avec du canon. A 9 heures du soir, malgré plusieurs nuits de bivouac, une pluie continuelle et abondante, des torrents de boue, des montagnes et un chemin impraticable, les soldats de la liberté n’ont pu commander au sentiment d’indignation que leur inspiraient la présence et la vue des esclaves autrichiens; ils les ont chargés; infanterie, cavalerie, artillerie, tout a fondu dessus, et, en moins d’une demi heure, le pont a été libre. Une pièce de canon et son caisson ont été pris; 90 prisonniers faits, Plusieurs hommes tués, d’autres noyés en voulant passer la rivière pour se sauver; et nous n’avons pas à regretter dans cette action la mort d’un seul républicain. Dans le même moment, la colonne de gauche remportait une victoire bien importante. La montagne Verte, si fameuse dans l’histoire, au pied de laquelle le tyran Louis XIV perdit un jour 15 000 hommes, au pied de laquelle les Français libres, commandés par un homme de mauvaise foi, furent battus dans la campagne dernière; cette montagne, défendue par la nature, par l’art, hérissée de canons, et la princi- SÉANCE DU 25 THERMIDOR AN II (12 AOÛT 1794) - N° 51 545 pale défense de Trêves, était occupée par les Autrichiens. Des Autrichiens sur la montagne ! Cette idée révoltait les soldats de la liberté. Au milieu d’une grêle de balles, de boulets et d’obus, les cris de vive la montagne ! vive la Convention nationale ! vive la République ! se sont fait entendre; la charge a sonné : les redoutes ont été emportées de vive force à la baïonnette; l’ennemi a fui après avoir laissé sur la place 5 à 600 morts, beaucoup de blessés et 80 prisonniers. Près de 30 républicains ont payé leur dette à la patrie dans cette action; nous avons aussi quelques blessés. Le lendemain de ces différentes expéditions, toutes les colonnes se sont avancées, précédées par la terreur. Elles se sont développées dans un instant sur un espace immense; et ce mouvement a été si rapide et si bien combiné qu’en moins de 2 heures Trêves a été cernée de toutes parts. A 3 heures après midi nous y sommes entrés avec une des colonnes. L’ennemi l’avait déjà évacuée en désordre, pour se retirer, ainsi que les émigrés, les moines, les prêtres, les religieuses et tous les gros messieurs, à Co-blentz. Une garde bourgeoise, dont nous allons prendre toutes les armes, était toute sa force. Les officiers civils, le bourgmestre à la tête, sont venus en grand costume nous apporter les clefs de la ville, en nous félicitant de nos succès, et nous dire qu’ils étaient bien aises de nous voir. L’armée est restée sur les hauteurs qui commandent Trêves, et garde ses positions; par ce moyen nous sommes maîtres des deux rivières de Sarre et Moselle, et d’une grande partie de l’électorat de Trêves, pays riche, abondant, vraie vache à lait de la République française. Nous ne pouvons pas encore vous donner connaissance de tout ce que l’ennemi nous aura laissé à Trêves, en magasins. On est occupé, en ce moment, à dresser un inventaire de chaque objet, et nous vous le ferons passer aussitôt qu’il sera confectionné. Cent mille rations de pain seront fournies demain par la ville pour alimenter l’armée, et ainsi de suite. J’espère qu’elle trouvera ici une grande partie de ses subsistances. La Moselle, la Sarre, les bateaux nombreux qui sont dans le port serviront bien les évacuations de tout ce qui embarrasse ce pays, et dont la République a besoin. Je vais, en attendant mon collègue Goujon, qui est à l’armée du Rhin, m’occuper sur-le-champ d’un nouveau mode de contribution à établir dans l’électorat. Je pense que 3 à 4 millions en numéraire, dans un pays riche et abondant, pourront, dans 48 heures, être payés à la République facilement. C’est agir modérément sans doute. Honneur et gloire mille fois à tous les braves qui composent l’armée de la Moselle ! On ne peut fait distinction d’aucun corps, quand tous se sont montrés avec cette audace et cette énergie qui caractérisent les hommes libres. Des traits de bravoure ont bien pu signaler quelques individus; mais je m’occuperai du soin de vous transmettre leurs noms quand ils m’auront été fournis; je me bornerai à vous assurer en ce moment que les généraux et les soldats ont développé autant de zèle que de courage dans cette expédition, dont le succès a beaucoup dépendu des sages combinaisons du général en chef Moreau. Vive à jamais la République ! Salut et fraternité. Bourbotte. P.S. Je vous envoie les clefs de la ville de Trêves. Je me réunis en ce moment à mon collègue, ainsi que nous en étions convenus, pour concerter la suite des opérations des armées. Signé Goujon (1). Ces nouvelles sont entendues avec le plus vif intérêt. Le rapporteur termine par le projet de décret suivant, que la Convention adopte. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BARÈRE, au nom ] du comité de salut public, décrète : Art. 1er. L’armée de la Moselle ne cesse de bien mériter de la République. Art. II. L’adresse de l’armée de Sam-bre-et-Meuse sera insérée au Bulletin, avec mention honorable dans le procès-verbal; elle sera envoyée aux armées et aux dépar-temens (2). [ Applaudissements redoublés ]. 51 Le �rapporteur du comité de salut public [BARÈRE] donne l’état des emplois vacans dans l’armée, et qui sont à la nomination de la Convention (3). BARÈRE : Voici l’état des emplois vacants dans l’armée, à la connaissance du comité de salut public, du 20 thermidor, et qui sont à la nomination de la convention : 12e bataillon d’Angers, un chef de bataillon; 10e régiment de dragons, un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant; 5e régiment de chasseurs, un sous-lieutenant. Votre comité de salut public vous propose les nominations suivantes : (4) La Convention nationale, sur la proposition du comité de salut public, nomme aux emplois vacans dans l’armée, et qui sont à son choix, les citoyens ci-après : 1) A la place du chef du 12e bataillon d’Angers, Latis, capitaine des grenadiers au 16e régiment. Il s’est jeté le premier dans les bateaux, au passage du détroit du Cacische le 10 thermidor, lors de la prise de Pile de Cadzand. (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 481-483; Débats, nu691, 436-438, n° 692, 448-450, 452. (2) P.-V, XLIII, 199-200. Rapport de Barère. Décret n° 10 386. Reproduit dans Bm, 25 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 483; J. Paris, n°590; J.Fr., nos 687, 688; F.S.P., nos 404, 405; Ann. R.F., nos 253, 254; Rép., nos 236, 237; Audit, nat., n° 688; J. Sablier, nos 1495, 1496; Ann. patr., nos DLXXXIX, DLXC; J. univ., n° 1724; M.U., XLII, 416; J. Perlet, n° 689; C. uniu., n° 955; J. Mont., n° 105; C. Eg., n° 724; J. S. -Culottes, n° 544. (3) P.-V., XLIII, 200. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 483. 35 SÉANCE DU 25 THERMIDOR AN II (12 AOÛT 1794) - N° 51 545 pale défense de Trêves, était occupée par les Autrichiens. Des Autrichiens sur la montagne ! Cette idée révoltait les soldats de la liberté. Au milieu d’une grêle de balles, de boulets et d’obus, les cris de vive la montagne ! vive la Convention nationale ! vive la République ! se sont fait entendre; la charge a sonné : les redoutes ont été emportées de vive force à la baïonnette; l’ennemi a fui après avoir laissé sur la place 5 à 600 morts, beaucoup de blessés et 80 prisonniers. Près de 30 républicains ont payé leur dette à la patrie dans cette action; nous avons aussi quelques blessés. Le lendemain de ces différentes expéditions, toutes les colonnes se sont avancées, précédées par la terreur. Elles se sont développées dans un instant sur un espace immense; et ce mouvement a été si rapide et si bien combiné qu’en moins de 2 heures Trêves a été cernée de toutes parts. A 3 heures après midi nous y sommes entrés avec une des colonnes. L’ennemi l’avait déjà évacuée en désordre, pour se retirer, ainsi que les émigrés, les moines, les prêtres, les religieuses et tous les gros messieurs, à Co-blentz. Une garde bourgeoise, dont nous allons prendre toutes les armes, était toute sa force. Les officiers civils, le bourgmestre à la tête, sont venus en grand costume nous apporter les clefs de la ville, en nous félicitant de nos succès, et nous dire qu’ils étaient bien aises de nous voir. L’armée est restée sur les hauteurs qui commandent Trêves, et garde ses positions; par ce moyen nous sommes maîtres des deux rivières de Sarre et Moselle, et d’une grande partie de l’électorat de Trêves, pays riche, abondant, vraie vache à lait de la République française. Nous ne pouvons pas encore vous donner connaissance de tout ce que l’ennemi nous aura laissé à Trêves, en magasins. On est occupé, en ce moment, à dresser un inventaire de chaque objet, et nous vous le ferons passer aussitôt qu’il sera confectionné. Cent mille rations de pain seront fournies demain par la ville pour alimenter l’armée, et ainsi de suite. J’espère qu’elle trouvera ici une grande partie de ses subsistances. La Moselle, la Sarre, les bateaux nombreux qui sont dans le port serviront bien les évacuations de tout ce qui embarrasse ce pays, et dont la République a besoin. Je vais, en attendant mon collègue Goujon, qui est à l’armée du Rhin, m’occuper sur-le-champ d’un nouveau mode de contribution à établir dans l’électorat. Je pense que 3 à 4 millions en numéraire, dans un pays riche et abondant, pourront, dans 48 heures, être payés à la République facilement. C’est agir modérément sans doute. Honneur et gloire mille fois à tous les braves qui composent l’armée de la Moselle ! On ne peut fait distinction d’aucun corps, quand tous se sont montrés avec cette audace et cette énergie qui caractérisent les hommes libres. Des traits de bravoure ont bien pu signaler quelques individus; mais je m’occuperai du soin de vous transmettre leurs noms quand ils m’auront été fournis; je me bornerai à vous assurer en ce moment que les généraux et les soldats ont développé autant de zèle que de courage dans cette expédition, dont le succès a beaucoup dépendu des sages combinaisons du général en chef Moreau. Vive à jamais la République ! Salut et fraternité. Bourbotte. P.S. Je vous envoie les clefs de la ville de Trêves. Je me réunis en ce moment à mon collègue, ainsi que nous en étions convenus, pour concerter la suite des opérations des armées. Signé Goujon (1). Ces nouvelles sont entendues avec le plus vif intérêt. Le rapporteur termine par le projet de décret suivant, que la Convention adopte. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BARÈRE, au nom ] du comité de salut public, décrète : Art. 1er. L’armée de la Moselle ne cesse de bien mériter de la République. Art. II. L’adresse de l’armée de Sam-bre-et-Meuse sera insérée au Bulletin, avec mention honorable dans le procès-verbal; elle sera envoyée aux armées et aux dépar-temens (2). [ Applaudissements redoublés ]. 51 Le �rapporteur du comité de salut public [BARÈRE] donne l’état des emplois vacans dans l’armée, et qui sont à la nomination de la Convention (3). BARÈRE : Voici l’état des emplois vacants dans l’armée, à la connaissance du comité de salut public, du 20 thermidor, et qui sont à la nomination de la convention : 12e bataillon d’Angers, un chef de bataillon; 10e régiment de dragons, un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant; 5e régiment de chasseurs, un sous-lieutenant. Votre comité de salut public vous propose les nominations suivantes : (4) La Convention nationale, sur la proposition du comité de salut public, nomme aux emplois vacans dans l’armée, et qui sont à son choix, les citoyens ci-après : 1) A la place du chef du 12e bataillon d’Angers, Latis, capitaine des grenadiers au 16e régiment. Il s’est jeté le premier dans les bateaux, au passage du détroit du Cacische le 10 thermidor, lors de la prise de Pile de Cadzand. (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 481-483; Débats, nu691, 436-438, n° 692, 448-450, 452. (2) P.-V, XLIII, 199-200. Rapport de Barère. Décret n° 10 386. Reproduit dans Bm, 25 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 483; J. Paris, n°590; J.Fr., nos 687, 688; F.S.P., nos 404, 405; Ann. R.F., nos 253, 254; Rép., nos 236, 237; Audit, nat., n° 688; J. Sablier, nos 1495, 1496; Ann. patr., nos DLXXXIX, DLXC; J. univ., n° 1724; M.U., XLII, 416; J. Perlet, n° 689; C. uniu., n° 955; J. Mont., n° 105; C. Eg., n° 724; J. S. -Culottes, n° 544. (3) P.-V., XLIII, 200. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 483. 35