402 [Assemblée nationale.] mande, Monsieur le Président, que M. le maire vous remette et son discours et le procès-verbal de la municipalité et qu'ils soient imprimés sur-le-champ. M. Barnave. Gomme je pense que la réponse de M. le Président a été dans ce moment l’expression du sentiment véritable et universel de l’Assemblée, je demande qu’elle reçoive la plus grande publicité. La conduite de la municipalité de Paris, qui a montré tout à la fois le sentiment qui doit animer les pères du peuple et la fermeté qui doit caractériser les exécuteurs de la loi, le courage et la lidélilé delà garde nationale, d’autant plus estimable qu’il est connu que, depuis les premiers jours du trouble qui nous agite, on n’a cessé de la tromper ou de la séduire, doivi nt obtenir l’approbation de l’Assemblée nationale de la manière la plus éclatante et la plus publique. Il est temps que, par une volonté ferme, claire et indubitable, l’autorité de la loi exerce sou pouvoir absolu, il est temps que chacun sache que le véritable moyen de défendre la Constitution est d’assurer la liberté de tous, que le caractère distinctif de l’homme libre est essentiellement dans le culte religieux de la loi; le moment est venu où e s hommes qui ont été pendant quelque temps le tourment de leur patrie doivent éprouver enfin un éternel mépris, et où, après avoir exercé tant de haines individuelles, lorsque la loi énervée pouvait mettre entre leurs mains les instruments d’un peuple trompé, ils deviennent à leur tour les victimes de cette même loi, qui découvre leurs manœuvres et qui reprend toute sa force pour les punir. Je demande donc que le discours de M. le Président, qui énonce les sentiments de l’Assemblée nationale relativement à la conduite de la garde nationale et de la municipalité, suit imprimé et affiché dans toutes les rues, et que les accusateurs publics des tribunaux de Paris poursuivent avec ia plus grande promptitude et les auteurs des meurtres qui ont été commis et les chefs des émeutes qui auront pu être saisis. Le moment viendra bientôt où, les détails étant connus, nous pourrons montrer aux familles de ceux qui ont été les malheureuses victimes de cet événement, qui, combattant pour la loi, avtc les habits de la loi, sont tombés sous le fer des scélérats, où, dis-je, nous pourrons montrer que la nation les adopte, que leurs enfants sont nos enfants, que leurs veuves, que tout ce qu’ils ont laissé sur la terre nous appartient par le sentiment de la reconnaissance; et, après nous être livrés aux mesures de sévérité que les circonstances et la loi nous imposent, nous nous livrerons avec douceur aux sentiments de reconnaissance qu’ils ont droit d’obtenir de nous! » (Vifs applaudissement ts.) (La motion de M. Barnave est mise aux voix et adoptée.) Hn conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale ordonne l’impression du procès-verbal de la municipalité de Paris, qui a été lu à la barre par le maire, décrète que le discours adressé par son président à la municipalité, et qui renferme l’expression de ses sentiments, sera pareillement imprimé et affiché dans toutes les rues de la capitale; ordonne aux accusateurs publics auprès des tribunaux de Paris, de poursuivre, avec la plus grande promptitude, la punition des auteurs des délits et des chefs L18 juillet 1791.] des émeutes qui ont eu lieu dans la journée d’hier. » (La municipalité de Paris et le commandant général de la garde nationale se retirent.) M. Legrand. Je demande, Messieurs, à présenter une observation à l’Assemblée et à appeler tout particulièrement son attention sur un des passages du procès-verbal qu’elle vient d’entendre. M. de La Fayette, y est-il relaté, a ordonné l’élargissement d’un homme qui l’avait attaqué et qui avait tiré sur lui un coup de fusil à bout portant. M’est-il permis de reprocher, en ce moment, au commandant de la garde nationale, son action généreuse? Sa valeur lui a fait oublier ses devoirs. Uu délit a été commis contre sa personne, ce n’est point à lui qu’il appartenait d’absoudre. Je demande qu’il soit fait défense à M. le commandant général delà garde nationale parisienne de lâcher à l’avenir de pareils criminels et que le coupable soit poursuivi. M. Treïlhard. Il n’est personne qui ne respecte et qui n’admire le mouvement de générosité qui a engagé M. de La Fayette à faire relâcher l’homme qui a tiré sur lui ; et je déclare, en mon particulier, que je m’honorerais d’en avoir été capable : cette action montre la grandeur d’âme du commandant général. Néanmoins l’Assemblée ne doit pas permettre qu’un délit aussi grave reste impuni et si la loi pouvait avoir des égards, c’est surtout dans cette circonstance qu’elle devrait sévir. Je demande donc que l’Assemblée prenne tous les moyens qui peuvent assurer l’effet de la vindicte publique et que le coupable, s’il est connu, soit décrété et arreté sur-le-champ. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély) . La mesure que l’on propose à l’Assemblée est hors de sa compétence; l’Assemblée nationale ne doit pas ordonner l’arrestation d’un citoyen quand il existe des autorités instituées pour cela. C’est aux tribunaux à poursuivre les délits. Je demande donc, en partageant le sentiment de M. Treilhard, qu’on passe à l’ordre du jour. Plusieurs membres : Non! non! M. Fréteau-Saint-Just. Vous ne pouvez contester à l’Assemblée le droit d’ordonner une arrestation. Dans les décrets que l’Assemblée a rendus la semaine dernière, elle en a prononcé plusieurs. Il u’est pas possible que l’Assemblée diffère un moment de marquer cette juste sollicitude pour l’homme sur lequel elle a fait reposer la contiance et la tranquillité publiques. (Vifs applaudissements.) (L’Assemblée adopte la motion de M. Legrand.) En conséquence, le projet de décret suivant est rendu. « L’Assemblée nationale décrète que la municipalité de Paris fera mettre, sur-le-champ, eu état d’arrestation, le particulier qui a tiré hier un coup de fusil sur M. de La Fayette. » M. Begnaud (de Saint-Jean d' Angély), au nom des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités de Constitution et de jurisprudence criminelle les dispositions que je vous ai proposées hier relativement à la désignation et à la punition des délits commis dans la vue de provoquer ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 403 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES. [18 juillet 1791.] la désobéissance à la loi et d'empêcher le maintien ou le rétablissement du bon ordre. Vos comités m’ont chargé de vous en faire le rapport. Ils ont pensé, Messieurs, qu’il était important que la sévérité de la loi se dirigeât contre ceux qui, profitant de l’erreur, de l’égarement, de l’ignorance de quelques citoyens, les portent à désobéir à la loi, à être les instruments des violences et des désordres. Ils ont pensé qu’il fallait punir aussi ceux qui, dans les attroupements, provoquent des attentats tels que ceux qui vous ont affligés hier, par des cris séditieux et meurtriers, qui déshonoreraient le nom français, si l’on ne savait que ce sont des brigands salariés qui les exercent. Ils ont pensé qu’il fallait entourer les soldats de la loi, auxquels vous devez de si justes éloges, de toute la protection de cette même loi, et ne pas souffrir que lorsqu’ils paraissent pour-la faire exécuter, des cris séditieux ou des violences pussent être invoquées impunément contre eux. Ils croient avoir rempli ces trois objets par les trois articles que voici : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï ses comités de Constitution et de jurisprudence criminelle, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Toutes personnes qui auront pro' voqué le meurtre, le pillage, l’incendie ou la désobéissance à la loi, soit par des placards ou affiches, soit par des écrits publiés ou colportés, soit par des discours tenus dans des lieux ou assemblées publiques, seront regardées comme séditieuses ou perturbatrices de la paix publique ; et en conséquence, les officiers de police seront tenus de les faire arrêter sur-le-champ et de les remettre aux tribunaux pour être punies suivant la loi. « Art. 2. Tout homme qui, dans un attroupement ou émeute, aura fait entendre un cri de provocation au meurtre, sera puni de 3 ans de chaîne , si le meurtre ne s’en est pas suivi et comme complice du meurtre, s’il a eu lieu. Tout citoyen présent est tenu de s’employer ou de prêter main-forte pour l’arrêter. « Art. 3. Tout cri contre la garde nationale tendant à lui faire baisser ou déposer ses armes est un cri de sédition, et sera puni d’un emprisonnement qui ne pourra excéder 2 années. « Le préseut décret sera imprimé et envoyé dans tous les départements. M. Pétion paraît à la tribune. (Vive agitation.) Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix ! M. Pétion. Je désirerais seulement entendre une seconde lecture du projet afin de connaître positivement ce qu’il contient. Voilà le seul motif qui m’a fait monter à cette tribune. M. Regnaud (de Samt-Jmn-d’ Angély) , rapporteur, fait une seconde lecture du projet. M. Pétion. Je demande la parole. Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix ! M. d’André. Je demande que l’on entende M. Pétion. (Le silence se rétablit.) M. Pétion. Le moment dans lequel je parle est peu favorable à l’opinion que je vais défendre; je la défendrai cependant avec la plus intime conviction. Je dis que le premier article du projet des comités, dans la partie que je vais exposer à l’Assemblée, est très funeste à la liberté de la presse. ( Rires ironiques.) A gauche : Oui ! Funeste à Marat, Brissot, Laclos, Danton! M. Pétion. Il est des expressions dans cet article à l’aide desquelles on pourrait rendre des jugements très arbitraires. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Vous n’avez pas cru sans doute que mon dessein était de m’élever contre la totalité de l’article, du moins ou n’a pas dû le croire. (Murmures.) Il est dit dans cet article, en termes vogues : « Toutes personnes qui auront provoqué le meurtre, le pillage, l’incendie ou la désobéissance à la loi. « Personne plus que moi ne respecte les lois rendues. (Exclamations ironiques et applaudissements.) Messieurs, les murmures ne m’empêcheront pas de continuer. Toutes les calomnies dont je puis être environné ne m’empêcheront pas de parler avec la dignité et la franchise qui conviennent à un représentant de la nation. (Applaudissements.) Je dédaigne profondément les calomnies et je défie aucun membre de cette Assemblée, aucun citoyen d’articuler contre moi un seul fait dont un honnête homme puisse rougir. (Applaudissements.) Je dis que je respecte la loi quand elle est rendue, et je' vais plus loin, j’engage à la respecter. Mais, Messieurs, il est bon d’observerque les expressions dont on se sert dans l’article peuvent donner lieu à une multitude de persécutions, et telle ne doit pas être votre intention. Lorsqu’une loi est rendue, certainement il faut la respecter, mais. Messieurs, qu’entend-on par provoquer à désobéir aux lois? Lorsqu’une loi est rendue, sans doute on doit lui obéir, mais il est permis à tout citoyen, tout en lui obéissant, d’établir que la loi rendue n’est pas conforme aux principes de la raison et de la justice. (Murmures.) J’aurai écrit avec liberté sur une loi rendue. Eh bien! Que me dira-t-on? On me dira : vous avez affaibli le respect qui est dû à la loi par la manière dont vous vous êtes exprimé, vous avez engagé à la désobéissance à la loi; si vous n’aviez pas écrit contre celte loi, personne n’aurait désobéi. C’est donc vous qui avez provoqué la désobéissance. Voilà, Messieurs, par quels moyens on parvient à tuer insensiblement la liberté île la presse qui est le rempart le plus formidable contre l’oppression. Un membre : C’est pour Brissot que vous parlez là. M. Pétion. Je demande donc que les expressions qui concernent ce qui doit être qualifié de désobéissanceàlaloisoientrendues plus précises de façon à éviter toute interprétation contraire à la liberté de la presse. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély), rapporteur. D’après les observations d'è M. Pétion, voici comme je propose de rédiger l’article : « Toutes personnes qui auront provoqué le