70 [Assemblée nationale.] APiCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juin 1791.] publics comme dans les actes des particuliers, ce qui tient au fait et à la violence, et c«j qui tient à un abus du pouvoir qui leur est confié. Ainsi, de même qu’on vous propose la peine de mort contre celui qui verse le sang, on vous propose de même la peine de mort contre le ministre qui emploiera la force publique hors les cas où l’empire de la force publique lui est confié; mais s’il n’y a aucun emploi de force publique, c’est un abus de pouvoir et non pas un acte de pouvoir, et je crois qu’il doit y avoir de la différence d ms les peines que vous pr ononcerez entre le ministre qui commet un acte de despotisme, de violence, d’abus d’autorité, et celui qui s’est rendu coupable de la simple publication d’un écrit falsifié. M. Prieur. Considérez bien, Messieurs, ce dont il * st question ici. J1 s’agit du cas « ù un ministre exercerait à lui seul les droits de la nation et se mettrait à la place du Corps législatif. On me répond que le ministre nVst pas dans le cas de celui qui a des intelligences avec les étrangers ; mais croyez-vous que s’il y avait un ministre assez audacieux pour s’arruger le pouvoir législatif, détruire tous les corps créés par ia Constitution, rétablir les anciens corps qu elle a détruits, croyez-vous que cet homme n’exposera pas autant la nation que celui qui aurait des intelligences avec l’étranger? Je suppose le cas où des machinations concertées pendant dix ans viendraient tout à coup ébranler votre Constitution; Je cas, par exemple, où l’on rétablirait les parlements. Eh bien ! je demande si ce n’est pas là le plus grand attentat contre la Constitution. Je demande donc que la proposition de M. Duport soit adoptée. M. Duport. Je demande à faire une observation. Il faut, pourencouiir une peine aussi grave, que la volonté soit tout entière. Un ministre qui s’aviserait de publier comme une loi quelque chose qui ne serait pas décrété par le Corps législatif, serait certainement un homme assez audacieux, et qui se croirait être assuré d’une assez grande force pour ne pas craindre le châtiment de son délit; mais il peut arriver aussi que ce soit par oubli ou par inadvrrtance. (Jui empêche, en effet, qu’un secrétaire ne glisse à la signature du garde des sceaux, extrêmement surchaigé d’affaires, une disposition qui n’aurait pas été décrétée? Il me semble que le ministre qui aurait fait une faute involontaire et pour laquelle il faut qu’il soit puni, ne doit pas encourir la même peine, que lorsqu’il l’a faite sciemment. M. Prieur. Il faut remarquer une chose qui doit tranquilliser ici M. Duport, c’est que jamais un minisire ne sera défé>é au juré national qu’après que le Corps législatif, devant lequel il sera entendu, aura déclaré qu’il y a lieu à inculpation contre lui. Je supposais le cas où un ministre ne prenant pas même les formes actuellement existantes, voudrait rendre au pouvoir exécutif le droit qu’il avait usurpé autrefois de faire seul la loi. Voilà le cas dans lequel je disais que la peine devait être appliquée: mais le crime n’est pas aussi grave dans le cas où un ministre, prenant les formes constit tionnelles, fera passer une loi qui n’aura pas été décrétée par l’Assemblée nationale, et ce délit, moins dangereux pour l’intérêt sociale, doit être puni d’une peine moins rigoureuse. Je demande que M. le rapporteur prenne mes observations en considération et rapporte demain un article à ce sujet. M. Le Pelletier de Saint-Fargcau, rapporteur. La circonstance de l’involontaire peut se rencontrer dans l’article qui succède à celui qui nous occupe actuellement; le voici : « Art. 8. En cas ne publication d’une loi falsifiée, le ministre qui l’aura contresignée, s’il est convaincu d’avoir altéré ou fait altérer le décret du Corps législatif volontairement et à dessein, sera puni de quinze années de gêne. » En combinant ensemble les articles 7 et 8, je crois que les intentions de tout le monde seront remplies. Ces deux articles énoncent en effet deux délits différents et qui sont bien distincts : Le cas où un ministre usurpe le pouvoir législatif, et le cas où un ministre, sans u-urper le pouvoir législatif, prend les formes de la Constitution et suppose une loi qui n’a pas été décrétée ou change une loi décrétée; et ils prononcent pour t*es deux cas des peines différentes. Si on compare les peines et les délits, on remarquera qu’il existe entre eux une juste proportion. M. Prieur. Je demande le renvoi des deux articles aux comités. (L’Assemblée consultée renvoie les articles 7 et 8 aux comités.) M. Le Pelletier de Saint-Fargcan, rapporteur, donne lecture de l’article 9 ainsi conçu : « Si quelque acte portant établissement d’un impôt ou d’un emprunt était publié sans que ledit impôt ou emprunt ait été établi en vertu d’un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi ; « Tout ministre qui aura contresigné ledit acte, ou donné ou contresigné des ordres pour percevoir ledit impôt, ou pour recevoir les fonds. dudit emprunt, sera puni de la peine de vingt ans de gêne. » « Tous agents queleonques du pouvoir exécutif, qui auront exécuté lesdits ordres, soit en percevant ledit impôt, soit en recevant les fonds dudit emprunt, seront punis de la peine de dix années de gêne. » M. Prieur. Je fais une observation sur la dernière disposition de l’article. Il me semble que c’est rendre bien dure la condition des agents subalternes que de les condamner à 10 ans de gêne lorsqu’ils auront suivi les ordres qui leur auront été donnés tant par les ministres que par les premiers agents subalternes, et qu'ils n’auront eu aucun moyen de savoir que ce n’était pas une loi. Il faudrait, je crois, mettre ici : « tous agents quelconques qui sachant que ce n'est point une loi etc... », car il est impossible qu’un collecteur du timbre, dans le fond d’un département, vienne tous les jours vérifier auprès du Corps législatif si un tel article de loi a été ou non décrété. M. Malouet. Je me joins à M. Prieur. La responsabilité doit sans doute s’exercer très rigoureusement. Un ministredonne un ordre, il en est responsable; mais exiger que l’exécution de ses ordres expose aux mêmes peines b s subalternes, c’est un principe inouï en législation, c’est un principe d’après lequel vous courrez le risque de voir détruire tous les moyens de gouvernement, parce que ta terreur d’une pareille loi engagera désormais tous les subalternes à délibérer avant d’obéir. Un homme qui recevra un ordre d’un [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juin 1791.] ministre lui répondra : Je ne veux point obéir. Il dira qu’il se trompe, il dira qu’il a cru se compromettre en l’exécutant : que les lois le lui défendaient; etavant qu’on lui aitprouvé que l’ordre qui lui a été donné est légal, le service public ne ne se fera pas. Je déclare personnellement que je rejette toutes les dispositions concernant les subalternes comme très dangereuses; j’admets toutes celles qui rendent responsables les ministres. M. Delavigne. Dans l’ancien système, un percepteur qui aurait prélevé un impôt, sans qu’il eut été dûment enregistré, était puni, comme concussionnaire, de la peine de mort : aujourd’hui sous le règne de la liberté, où la raison va nous conduire, il est infiniment essentiel que les percepteurs sachent que! est le titre légal en vertu duquel ils exigeront l’impôt : mais il n’est pas d’un droit moins étroit que le contribuable qui paye puisse à tous les instants se faire représenter entre les mains du percepteur la loi qui établit l’acte qu’on exige de lui. Ainsi, Messieurs, même dans l’ancien système, l’article eût été raisonnable; à combien plus forte raison doit-il être admis aujourd’hui? Je demande qu’on aille aux voix. M. Malouet. Si un ministre a fait fabriquer une fausse loi, si, pour tromper ses subalternes, il la leur adresse, revêtue en apparence de toutes les formes constitutionnelles... (Murmures.) M. Le I�elletler de Saint Fargean, rapporteur. II y a deux hypothèses... (Murmures.) Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Martineau. Je demande la permission de faire une simple observation. Il est impossible qu’un percepteur s’avise de lever des imuôts, s’il n’y a pas un ordre donné par-le ministre. Dans le cas où il y aurait une loi supposée, il est impossible que le percepteur subalterne soit responsable. Je demande que l’on rétracte la responsabilité du subalterne et qu’on laisse subsister la responsabili é du ministre : autrement vous allez entraver l’administration. Reste à savoir si l’Assemblée adoptera la peine de mort oui ou non. M. Barnavc. 11 n’v a pas un danger nlus réel et plus grave pour la liberté que l’établissement d’un impôt sans le vœu national. C’est certainement le plus grand des crimes dans un pays libre. (L’Assemblée décrète le renvoi de l’article 9 au comité.) M. le Président lève la séance à tro;s heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DAUCHY. Séance du jeudi St juin 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des pro-71 cès-verbaux des séances de mardi, au matin et au soir, qui sont adoptés. M. Prngnon, au nom du comité d’emplacement, propose un projet de décret relatif au logement des corps administratifs et des tribunaux du département de Seine -et-Marne et du district de Melun. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapoort de son comité d’emplacement, autorise le directoire du département de Seine-et-Marne à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les lois sur la vente des biens nationaux, la maison et l’église des carmes de Melun, pour y placer l’administration du département, celle du district de Melun et le tribunal criminel du département ou le tribunal civil du district; autorise également à acquérir 10 toises de distance autour des bâtiments pour la conservation des jours : excepte de la présente permission d’acquérir, le surplus des clos, jardin et potager, dép ndant de ladite maison des carmes, pour être vendus séparément en la manière accoutumée, à la charge néanmoins que le puits étant dans le potager sera commun tant à l’adjudicataire qu’aux corps administratifs, à l’effet de quoi, il sera pratiqué, de concert entre eux, un accès par la rue du faubourg des carmes. « Décrète que l’administration du district occupera tous les lieux indiqués au plan fait par le sieur Buistard, ingénieur, pour son établisse-me 't dans ladite maison des carmes; autorise le directoire à faire faire, par adjudication au rabais, dont le montant sera supporté par les administrés du district, les réparations et arrangements intérieurs, indiqués au devis estimatif dressé par le sieur Boistard, le 23 mars dernier, à l’exception néanmoins d� s articles reconnus inutiles par le directoire du dist'ict, dans sa délibération du 30 du mêm - mois. Décrète que les administrés du district payeront annuellement à ceux, du département, par la médiation des administrations respectives, l’intérêt du tiers du prix total de l’acquisition à titre de loyer. » (Ce décret est adopté.) M. Prngnon, au nom du comité d’emplacement, propose e> suite un projet de décret relatif au logement du corps administratif du district de Nemours et de Vhôlel-Dieu de cette commune. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Nemours à acquérir de la municipalité de Nemours, aux frais des administrés, pour y placer le corps administratif du district, les bâtiments de l’hôtel-Dieu de cette ville et ses dépendances, moyennant la somme de8, 00 d livres, prix convenu entre le conseil général de la commune et le bureau d’administration de l’hôtel-Dieu, par délibération des 25 et 27 mai dernier. « L’autorise pareillement à faire procéder à l’adjudication au rabais, des ouvrages et arrangements intérieurs nécessaires, sur le devis estimatif qui en a été dres-é le 30 mai dernier; le montant de laquelle adjudication sera aussi supporté par lesdits administrés. « Autorise de plus la municipalité de Nemours, du consentement du bureau d’administration de l’hôtel-Dieu, à acquérir, dans les formes prescrites par les décrets de l’Assemblée nationale, et par (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.