656 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [22 novembre 1790.J §6. Dispositions générales. Art. 32. « Aucun concessionnaire ou détenteur, quel que soit son titre, ne peut disposer des bois de haute futaie, non plus que des taillis recrus sur les futaies coupées et dégradées. Art. 33. « Il en est de même des pieds cormiers, arbres de lisière, baliveaux anciens et modernes, des bois taillis, dont il est d’ailleurs défendu d’avancer, retarder ni intervertir les coupes. Art. 34. « Il est expressément enjoint par le présent décret à tous concessionnaires et détenteurs des biens domaniaux, à quelque titre qu’ils en jouissent, de présenter au comité des domaines de l’Assemblée nationale, et au directoire du département de la situation du chef-lieu de ces domaines, dans trois mois, à compter du jour de la publication du présent décret, des copies sur papier libre, collationnées par un officier public, des titres de leurs acquisitions, des procès-verbaux qui ont dû précéder l’entrée en jouissance, des quittances de finances, si aucunes ont été payées; des baux qui en auront été consentis, et en général de tous les actes, titres et renseignements qui pourront en constater la consistance, la valeur et le produit, et faire connaître le montant des charges dont ils sont grevés; et faute par eux d’y satisfaire dans le délai prescrit, iis seront condamnés à la restitution des fruits, du jour qu’ils seront en demeure. Art. 35. « Les engagistes ou concessionnaires à vie ou pour un temps déterminé, des biens et droits domaniaux, leurs héritiers ou ayants cause, se renfermeront exactement dans les bornes de leurs titres, sans pouvoir se maintenir dans la jouissance desdits biens après l’expiration du terme prescrit, sous peine d’être condamnés au payement du double des fruits perçus depuis leur indue jouissance. Art. 36. « La prescription aura lieu à l’avenir, pour les domaines nationaux dont l’aliénation est permise par les décrets de l’Assemblée nationale ; tous les détenteurs d’une portion quelconque desdits domaines, qui justifieront en avoir joui par eux-mêmes, ou par leurs auteurs, à titre de propriétaires publiquement et sans trouble, pendant quarante ans continuels, à compter du jour de la publication du présent décret, seront à l’abri de toute recherche. Art. 37. « Les dispositions comprises au présent décret ne seront exécutées, à l’égard des provinces réunies à la France, postérieurement à l’ordonnance de 1566, qu’en ce qui concerne les aliénations faites depuis la date de leurs réunions respectives; les aliénations précédentes devant être réglées suivant les lois lors en usage dans les provinces. Art. 38. « L’Assemblée nationale a abrogé et abroge, en tant que besoin, toute loi ou règlement contraire aux dispositions du présent décret. » M. Alexandre de Fameth, président, quitte la séance pour aller présenter plusieurs décrets à la sanction du roi. M. Treilhard, ancien président , occupe le fauteuil. L’ordre du jour est la discussion du projet d’instruction sur la contribution foncière proposé par le comité de l'imposition (1). M. de lia Rochefoucauld, rapporteur , donne lecture de l’instruction , paragraphe par paragraphe. M. de Murinais propose un amendement sur le titre premier afin de soumettre les cimetières à la contribution foncière. M. Fueas propose un second amendement qui consiste à imposer les places publiques. M. de Folleville. J’ai à vous soumettre quelques observations sur le titre second. Vous avez décrété que les membres du conseil général de la commune s’adjoindront, pour faire les estimations, des commissaires pris parmi les propriétaires domiciliés ou forains. Je demande que les fermiers domiciliés soient commis a cette adjonction comme les propriétaires; car les fermiers supporteront une partie de l’imposition foncière, et seront par conséquent aussi intéressés que les propriétaires à l’exactitude des estimations; ils sont d’ailleurs plus experts que la plupart des propriétaires. M. Merlin. Je prie l’Assemblée, en conformité de ses décrets, de décider qu’il sera clairement énoncé dans l’instruction que les propriétaires forains pourront aussi être commissaires pour l’estimation des biens. M. de Fa Rochefoucauld, rapporteur. Le comité adopte l’observation. M. de Murinais. Je propose à l’Assemblée de modifier la forme de l’instruction pour les tableaux ou états que chaque comité est tenu de dresser. Je demande que ces comités ne soient pas astreints à faire les états proposés. M. de Fa Rochefoucauld, rapporteur. Le comité a cru devoir prescrire cette forme afin d’obtenir, par ce moyen, une uniformité générale dans toutes les parties du royaume ce qui permettra d’obtenir des relevés généraux. M. Heurtault-Famerville obtient la parole et présente un projet pour la division des terres par classes. Il s’exprime en ces termes (2) ; Messieurs, quel est, pour les municipalités, ie moyen le plus équitable, le plus prompt et le plus facile de connaître le revenu net de leur arrondissement et d’asseoir et répartir la contribution foncière dans toute l’étendue de leur territoire? Je pense que la division par classes est le plus sûr moyen. (1) Voy. plus haut ce projet, page 499. (2) Le discours de Heurtault-Lamerville est iucomplet au Moniteur. [Assemblée nationale.] Pour nous en convaincre. Messieurs, voyons deux municipalités opérer d’une manière différente, l’une toujours individuellement vis-à-vis de chaque propriétaire et l’autre d’une manière générale et par classes déterminées. La municipalité qui entreprend de taxer les diverses pièces de terre, sans avoir des bases préliminaires, sans s’être munie d’un régulateur fixe, me paraît se traîner incertaine entre la séduction et les ténèbres. Obligée, après les déclarations faites, de prendre connaissance de la valeur des terrains, et d’estimer, avec chaque propriétaire, le produit net de son lerram, peut-elle entrevoir le terme où les difficultés finiront? Il faut parvenir à savoir ce que rapportent habituellement les terres; il faut parvenir à distinguer ce qui doit en être précisément déduit pour 'les frais de culture, de semence, de récolte et d’entretieû. Quelle foule de contestations va naître ! S’il y a cent propriétaires dans la municipalité, tous les cent diront avoir un différent produit net, soit par une récolte moins abondante, soit par déplus grands frais pour l’obtenir ; nulle part le résultat ne sera le même; tous voudront comparer leur taux d’imposition avec celui des quatre-vingt-dix-neuf autres propriétaires. On disputera à outrance pour une minutie : chacun voudra profiter de la latitude indéfinie que le décret laissera aux municipalités. L’arbitraire, la confusion et la faveur vont rentrer dans leurs anciennes usurpations. L’un se plaindra, l’autre cabalera. La plus grande partie fera des réclamations au district et au département. Les mécontents seront sans nombre. Bref, après une perte considérable d’un temps précieux vous n’aurez obtenu qu’une assiette d’impôt à la manière de l’ancien gouvernement, au lieu d’une contribution foncière, véritablement assise dans une forme simple, politique, et marchant avec prévoyance vers le but que les représentants d’une grande nation doivent se proposer. Ordonnez-vous, au contraire, Messieurs, que les municipalités classent les terres de leur arrondissement? Pour y parvenir, elles prennent connaissance des lieux;elles comparent, en grand eten dédétail, les diverses qualités du terrain des sections de leur paroisse ; elles ont d’abord confronté et arrangé les choses, avant de se défendre contre les personnes. La moindre réflexion fait connaître combien les terres, divisées par classes définies, offrent plus clairement, aux yeux de la municipalité et de ses adjoints, la ressemblance ou la disparité dans les frais de culture, dans le produit total et dans le revenu net. Je ne sais si je me fais illusion; mais au premier aperçu, j’en vois sortir sans obstacle le produit total, la déduction de tous les fruits, le taux de la contribution foncière de chaque classe, et, par suite, le taux individuel et équitable de chaque pièce de terre. Je vais entrer brièvement dans quelques détails pour mieux me faire entendre. Cette municipalité se dit : nous avons une somme déterminée à répartir sur toutes les propriétés territoriales de notre communauté ; prenons les moyens que voici : Les déclarations des propriétaires à la main et la connaissance du territoire nous étant acquise, allons sur les lieux pour nous convaincre des faits. Ensuite, au lieu de discuter avec chaque propriétaire sur ce qu’il récolte, et ce qu’il fait d’avances à la terre, classons par trois toutes nos diverses qualités de terres et de productions ; faisons trois classes des terres labourables, trois 1" Série. T. XX. 657 des prés, trois des bois taillis, trois des vignes, trois des friches et trois des marais : chaque habitant entend ce que c’est qu’une bonne terre, une terre médiocre et une mauvaise terre. Convenons encore, après avoir formé les trois colonnes pour les terres labourables, d’estimer le revenu de la classe supérieure plutôt au-dessus qu’au-dessous de ce qu’elle paraît produire, celui de la classe moyenne à son taux exact, et celui de la classe inférieure un peu au-dessous de son taux apparent ; ainsi, nous ne nous écarterons pas beaucoup des compensations qu’il convient d’établir en faveur des mauvaises terres, qui exigent toujours plus de frais de culture, quoiqu’elles rapportent moins ; cela fait, comptons les arpents de chaque classe, additionnons ce que rendent les trois classes, d’après notre estimation du produit total de chaque pièce de terre, retranchons de chaque cote, dans chaque classe et sur chaque individu, la somme qui constitue notre contribution foncière. Si cette contribution surpasse ce que l’Assemblée nationale a voulu qui ne fût point entamé de notre revenu, nous ferons en sorte de payer, et nous sommes assurés qu’il sera fait droit à nos justes réclamations. Je suis persuadé, Messieurs, que c’est ainsi que l’assiette de la contribution foncière aura lieu dans les campagnes où l’on voudra suppléer à l’intelligence par la justice. Si mon projet de classes ôtait adopté, j’y joindrais un tableau pour faciliter l’opération, qui est si simple, qu’elle se réduit à ouvrir une feuille de papier, et à la plier en six parties égales. La seule difficulté consiste à savoir si chaque propriétaire trouvera sa pièce de terre classée avec équité. C’est ici seulement que les objections, les oppositions et les plaintes commencent. Mais, comme il faut absolument se réduire à une, ou à 2 ou à 3 classes au plus, l’intérêt personnel à un champ moins vaste à parcourir, la ressemblance de sort avec beaucoup d’autres est un objet de consolation, une intention trop absurde n’ose pas éclater, et l’on obtient un résultat prompt et conciliatoire. Un homme qui disputerait dix sous pour n’ètre pas porté à une telle classe, sera forcé d’abandonner sa prétention, parce que le majorité lui prouvera qu’il gagnerait évidemment 40 sous, même de son aveu, s’il n’était porté qu’à la classe inférieure. Il sentira qu’en tout il faut que le plus fort deDier remporte. Dans cette opération la municipalité est constamment appuyée sur une base ; elle voudrait être partiale qu’elle ne le pourrait pas. L’ensemble de l’opération balance tous les intérêts, et la justice s’y enchaîne naturellement: c’est enfin le seul moyen par lequel la loi générale peut se répondre d’imprimer un caractère d’équité au revenu net, et peut se tranquilliser sur l’assiette et le recouvrement de l’impôt. N’oubliez pas, Messieurs, que la seule chose qui soit constitutionnelle dans l’impôt, c’est que les représentants du peuple fassent l’assiette de toute contribution. Remarquez qu’il n’est pas question ici d’une répartition géométriquement égale jusque dans ses moindres détails.. Peut-on s’attacher à celte idée chimérique pour le premier rôle des nouvelles contributions? Ne con-vient-il pas d’envisager surtout l'urgence des circonstances, la nécessité impérieuse d’une prompte assiette, et d’une aussi prompte perception des impôts? D’une manière ou d’une autre, peut-on se flatter, d’ici à quelques années, d’avoir 42 ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES, m novembre 1790.1 658 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [22 novembre 1790.] d’autres résultats que des à peu près? Devons-nous chercher en ce moment d’autre certitude rigoureuse que le salut de la chose publique? Si l’on s’obstine à reprocher à l’établissement des classes quelques négligences apparentes, si l’on dit que ta nature n’a peut-être pas produit deux grains de terre absolument semblables, je répondrai que, quand même la nature n’aurait formé rien de semblable, notre faible intelligence nous oblige de tout classer pour nous entendre et pour nous reconnaître ; je répondrai que je me méfie d’une perfection supposée qui donne accès à l’arbitraire, aux relations d’amitié ou aux inimitiés, aux vexations ou aux ménagements. Je dirai que les puissants et les riches dans les municipalités peuvent bien désirer qu’il n’y ait pas de classes déterminées de terre, mais que certainement le petit propriétaire aura, dans tousles temps, un intérêt marqué à être confondu avec le riche, à être mesuré à la même règle que lui, dans la répartition de la somme que l’Assemblée nationale imposera sur chaque département, et qui se divisera ensuite par districts et par municipalités. il y a mieux. Le décret qui ordonne qu’il sera déduit du produit total d’une terre les irais de culture, de semence, de récolte et d’entretien a presque obligé l’Assemblée nationale à adopter les classes. Vous déterminerez sans doute, Messieurs, la somme de contribution foncière de chaque département , et la proportion qui ne pourra excéder la taxe individuelle de chaque propriétaire, sans quoi la généralité de votre décret vous laisserait dans l’incertitude du montant de la somme à percevoir, et il pourrait y avoir excès ou déficit. Vous direz : La contribution foncière pour toute la Fiance sera de tant, chaque département en supportera tant, et le maximum de chaque individu ne pourra excéder telle proportion avec son revenu. J’observerai, par occasion, que le maximum ne peut dériver cette année que de l’aperçu des diverses impositions territoriales rectifiées, que payaient ci-devant les départements. Mais s’il n’y avait pas de classes déterminées, quel objet constant et clair de comparaison et de révision pour la déduction des frais, et pour la valeur réelle des pièces de terre offririez-vous aux propriétaires absents, ou aux municipalités voisines, qui se contrôleront mutuellement? Je vais plus loin, Messieurs; je dis qu’il est impossible de faire l’opération sans diviser, au moins idéalement, les .terres par classes, et que ce n’est qu’une quantité indéfinie qu’on vous propose, en ayant l’air de les rejeter. Je dis que, par la première manière, une confusion de classes arbitraires est le résultat de l’opération, tandis que, dans l’autre, une quantité sage et déterminée en est la base solide. Je dis qu’il n’est question que de savoir s’il faut finir par où je voudrais qu’on commençât. Je demande si une opération qui, dans un moment d’agitation et de changement total, fixe l’incertitude des préposés à la confection des rôles, et réprime le penchant que tout propriétaire a eu jusqu’à ce jour de se soustraire à l’impôt, n’est pas préférable à celle qui livre les campagnes à une discussion interminable et à une marche voilée? Dans l’une des deux opérations, les résultats isolés arrivent au hasard ; dans l’autre, ils sont toujours précédés de la lumière, présentés par l’intérêt individuel, et confirmés par l’intérêt général. Ce n’est pas sans raison que le plus ancien peuple du monde, le peuple chez lequel Ja morale et l’agriculture sont si respectées, les Chinois ont, de temps immémorial, soumis à des classes leur contribution foncière. Sachons imiter quelquefois ceux qu’à tant d’égards nous surpassons. Daignez remarquer comme l’établissement des classes s’adoptera avec la liberté de la culture du tabac, si vous l’adoptez. Il n’est nullement contraire à vos principes constitutionnels de décréter que, par une exception pour le bien général, toutes les terres destinées à la culture du tabac payeront un maximum de tant , au-dessus des meilleures terres des autres productions : l’Assemblée nationale peut être assurée que, par ce moyen, elle diminuera le danger de la liberté de cette culture, dont la prohibition est inquiétante, et qu’elle retrouvera une grande partie de l’an cien impôt. Daignez encore remarquer, Messieurs, les autres avantages qui naîtront de l’adoption des classes déterminées. La première législature connaîtra mieux les différences sensibles qui existeront réellement entre les diver.-es sections de la France. Les municipalités jugeront plus vite, respectivement, de l’exactitude de leurs travaux particuliers ; elles se mettront plus sûrement en garde les unes contre les autres. Dès le premier moment, l’Assemblée nationale fait un grand pas vers le cadastre général, et ce pas n’est point trop hardi. L’opération de l’année 1791 sera vérifiée et rectifiée en 1792, et le nombre des classes sera augmenté d’année en année, à mesure que les hommes de la campagne comprendront mieux le but de l’opération, qu’ils seront moins effarouchés des nouvelles formes, et moins remplis des terreurs qui leur restent de l’ancien régime. En 1793, on imposera ensemble les municipalités du même canton; et déjà le second pas est fait vers le cadastre. En 1794, les cantons d’un même district procéderont en commun à l’assiette de la contribution foncière. En 1795, l’opération embrassera collectivement tous les districts d’un même département. En 1796, votre cadastre général existera, puisque vous aurez les rapports des départements entre eux; rapports épurés par les quatres révisions partielles et réciproques des municipalités, des cantons, des districts et des départements individuels. La sagesse humaine ne me paraît pas pouvoir approcher plus près de la perfection que cela. Un cadastre général, entrepris tout à la fois et conduit par des commissaires parfaitement instruits en agriculture, et étrangers aux personnes, ne serait ni plus prompt ni plus fidèle, parce qu’il serait également l’ouvrage des hommes, et parce que le choc des intérêts particuliers finit par fixer la balance de la justice dans un équilibre plus parfait que n’y parviennent tous les calculs de la froide impartialité. Ce n’est pas encore tout, Messieurs; le cadastre arrêté en 1796, on pourra retirer un autre avantage bien essentiel des classes déterminées au nombre que l’expérience des six années d’épreuve et de rectification aura fait reconnaître pour le meilleur. C’est alors qu’il conviendra d’apurer 25 années de tranquillité aux propriétaires cultivateurs, aux municipalités, aux districts, aux départements, pour exciter aux entreprises utiles et aux améliorations du territoire. La répartition de l’impôt devrait ainsi, pendant ces 25 années, rester la même pour chaque département, que celle de 1796, à moins que la contribution générale du royaume ne dût être augmentée, vu les événements et les circonstances; et, [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.J g89 dans ce cas, l’augmentation se ferait au marc la livre du taux de chaque département. Ce ne serait donc qu’après 25 années expirées qu’une municipalité, un canton, un district, un département, pourraient apporter un changement dans leur imposition : et de plus, à cette époque une pièce de terre ne pourrait monter que d’un degré dans la classification, quel que fût le taux du produit auquel l’industrie l’aurait élevé. En vain objecterait-on que les grandes améliorations n’auront lieu que dans les premières années qui suivront la révision du cadastre, et qui laisseront ainsi aux entrepreneurs une plus longue jouissance. Quand le cadastre ne serait revu que tous les siècles, la même difficulté resterait ; l’injustice s’accroîtrait même d’autant plus, que vous reculeriez l’époque du cadastre, et vous auriez, en la rapprochant trop, à redouter d’inquiéter l’industrie, et de ne pas accorder assez d’encouragement aux soins et aux travaux. Une terre améliorée, l’année qui précéderait le cadastre, ne pourrait pas être traitée avec rigueur. Il faut quelques années pour que l’amélioration d’une terre soit constatée et se fasse remarquer. Nous ne sommes plus sous les lois fiscales qui taxaient jusqu’à l’espérance. Jamais, Messieurs, vous n’atteindrez, je crois, à une plus grande précision ; jamais à ce moyen vous n’auriez besoin de reviser autrement votre cadastre général; votre gouvernement devenant tout ce qu’il peut être en bonté, toutes les terres s’amélioreraient à peu près en même proportion dans les diverses classes, et les relations ne seraient jamais très éloignées entre les divers départements, à moins que la législature ne se fût occupé, pour le bien de tous, d’en protéger plus particulièrement quelques-uns . Mais ces départements qui auraient joui des bienfaits plus directs de la nation, ne devraient pas pour cela supporter subitement une trop prompte augmentation d’impôt, sans quoi le bienfait deviendrait redoutable. Je conclus donc, Messieurs, à la classification des terres, et à ce que cette partie de l’instruction de votre comité soit conçu dans ce sens : « Les membres choisis dans le conseil général « de la commune, et les propriétaires qui leur « seront adjoints pour l’assiette et la répartition « de la contribution foncière, après avoir reçu « les déclarations des divers particuliers, et pris « connaissance de la diverse nature des terres « des sections de leur paroisse, formeront des « classes, dans lesquelles ils comprendront toute « l’étendue des terres de leur arrondissemeut. « Ces classes pourront être au plus au nombre « de trois pour les terres labourables, ainsi que « pour les bois taillis, les vignes, les prés, les « terres en friche et les marais (1). « Il sera déduit, sur le produit de chaque terre, « estimé au taux moyen de quinze années com-« binées, une somme équivalente aux frais de « semence, de récolte, de culture et d’entretien, « un quart sur l’estimation du loyer ou sur le « bail des logements des cultivateurs, et un quart « sur le produit connu ou présumé des étangs. » M. Oauchy, membre du comité. Le comité des impositions a examiné le système du préopinant; après quelques conférences, il n’a pas cru devoir s’en occuper plus longtemps. L’évaluation par (1) C’est ici, Messieurs, que vous ordonneriez, si cela vous convenait, qu’il y aurait une classe supérieure de tant pour le tabac. classes est une approximation bien plus éloignée que celle des estimations individuelles; moins le nombre de classes est nombreux, et plus cette approximation est imparfaite. Cette classification est injuste pour les terres d’un produit modique, qui, trop peu nombreuses pour faire une classe séparée, seraient mises dans une classe supérieure à leur valeur, et, par la même raison, inexacte relativement aux terrains les plus riches... Cette opération augmente même la difficulté ; car il sera très difficile, pour les terrains d’une valeur intermédiaire à celle de deux classes quelconques, de décider à laquelle de ces deux classes ils doivent appartenir.il faudra même pour la classification recourir souvent aux estimations et à tous les embarras qu’on voudrait éviter... Par le moyen des estimations que nous proposons, nous parviendrons aussi promptement que M. Lamervilleà la perfection du cadastre. Et en effet, s’il y a, dans une communauté, des terres depuis 3 livres jusqu’à 30 livres de produit parar-pent, une classification en trois classes seulement est injuste et fautive, puisqu’il pourra y avoir 9 livres de différence dans les évaluations... Enfin, l’opération ne serait pas si simple qu’on le pense d’abord, puisqu’il faudra trois classes pour chaque espèce de culture, etc. M. de Af urinais. Le mémoire de M. Lamer-ville est digne de fixer l’attention de l’Assemblée, et contient d’excellentes observations. Je demande qu’il soit renvoyé à un nouvel examen du comité des impositions. (Cette proposition est adoptée.) M. d’André demande que les greniers soient exemptés de l’évaluation et que les étages servant à l’habitation soient seuls imposés. (Cet amendement, consenti par le rapporteur, est adopté.) M. Armand, député de Saint-Flour, propose de porter à deux mois le délai de quinzaine accordé par l’instruction aux procureurs de la commune. pour mettre à exécution les contraintes. (Cet amendement est rejeté par la question préalable.) Divers membres obtiennent encore la parole. Les titres I et II du projet d’instruction, avec les modifications, retranchements et amendements consentis par le rapporteur ou décrétés par l'Assemblée, sont adoptés. La suite de la discussion est renvoyée à demain. La séance est levée à 10 heures du soir. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 NOVEMBRE 1790. MÉMOIRE A L’ASSEMBLÉE NATIONALE par les porteurs de quittances de V administration royale de la compagnie des eaux de Paris. Des porteurs de quittances de l’administration royale de la compagnie, des eaux, depuis longtemps arrêtés par de fausses promesses, apercevant