264 [AssenjLlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1791.] 1791, et acceptée par le roi Louis XVI , qu'à faire exécuter les lois. « Art. 17. Le régent exercera toutes les fonctions de la royauté, en se conformant aux règles établies par la Constitution, et il ne sera pas responsable personnellement de ses actes relatifs à l’administration du royaume. « Art. 18. Les lois, proclamations et autres actes de gouvernement émanés de l’autorité royale pendant la régence, seront conçus ainsi qu’il suit: « N... (le nom du régent), régent du royaume, au nom de N... (le nom du roi), par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l’Etat, roi des Français, etc. « Art. 19. Le roi, parvenu à l’âge de 14 ans accomplis, assistera au conseil sans y avoir voix délibérative. « Art. 20. Le roi sera majeur à l’âge de 18 ans accomplis : de ce jour la régence cessera de plein droit, et les lois, proclamations et autres actes du gouvernemeut ne seront plus intitulés du nom du régent. « Art. 21. Aussitôt que le roi sera devenu majeur, il annoncera, par une proclamation publiée dans tout le royaume, qu’il a atteint sa majorité, et qu’il est entré en exercice des fonctions de la royauté. » Messieurs, je vais vous proposer tout d’abord le premier article de ce projet de décret, en vous observant qu’il n’est pas fait simplement et exclusivement pour la régence, mais que, dans l’intention du comité, il doit avoir son application toutes les fois qu’il y aura un nouveau règne, soit que le nouveau roi soit majeur, soit qu’il soit mineur. Et comme il est nécessaire à �application des différentes conséquences qui se trouvent dans les articles subséquents, il est bon de le décréter tout d’abord ; j’en donne une nouvelle lecture. « Art. 1er. Au commencement de chaque règne, le Corps législatif, s’il n’était pas réuni, sera tenu de se rassembler sans délai. » M. deCazalès. Les bases du rapport qui vient de vous être fait sont conformes à toutes les règles d’une saine économie politique. Il est cependant impossible que, dans une question aussi importante, on aille aux voix sans discussion. Quant à moi, mon opinion très prononcée est que le rapport est bon; et si personne ne l’attaque, bien certainement je ne dirai rien. Cette question beaucoup plus importante dans son objet que difficile à résoudre, d’après les données que nous avons, qui ont établi l’unité delà couronne et du pouvoir exécutif dans la personne du régent, n’en paraît que les conséquences nécessaires. Ainsi, quant à moi particulièrement, cette question ne me paraît pas difficile à résoudre. Il est cependant impossible qu’il n’y ait pas dans cette Assemblée des individus qui auront des objections à faire. (Murmures.) Cependant il est un article de votre règlement qui exige que tout décret constitutionnel soit discuté pendant trois jours. (Murmures.) Il est une autre réflexion que j’ai l’honneur de soumettre à l’Assemblée. Je voudrais que M. le rapporteur voulût bien nous faire en même temps le rapport du décret sur la garde du roi, car il est une grande connexité entre ces deux résolutions. Cette connexité est telle, que si par exemple l’Assemblée ne séparait la garde et l’éducation de l’héritier présomptif, de l’administration de l’Empire, alors j’attaquerais très fortement le décret, et il y a beaucoup de membres de celte Assemblée qui seraient de mon avis et qui trouveraient qu’il n’est ni politique ni prudent de confier la régence et la garde du roi au premier prince du sang. Il est donc nécessaire que l’Assemblée nationale détermine d’abord cette question : si la régence, l’éducation et la garde du roi seront confiées à deux individus différents. (• Murmures et interruptions.) Un membre: C’est dans le décret. M. de Cazalès. J’entends les raisons très mal articulées qui partent des murmures qui m’interrompent. Ces Messieurs qui m’environnent me disent que le comité de Constitution le propose ainsi; mais il se pourrait fort bien que le projet du comité de Constitution ne fût pas adopté en son entier, de manière qu’il se pourrait qu’après que l’Assemblée nationale aurait décrété que la régence doit appartenir au premier prince du sang, on nous proposât de réunir la régence à la garde du roi. (Murmures.) Je demande donc, pour que l’Assemblée nationale ne puisse pas être surprise dans sa délibération, que l’on commence par déterminer que la garde et l’éducation du roi seront distinctes� de la régence et confiées à deux personnes séparées. (Applaudissements au centre.) Après cette détermination, l’on ira aux voix sur le projet de la régence. M. Thouret, rapporteur. La proposition du préopinant, non pas telle qu’il la propose, mais telle qu’elle est dans le projet, peut sans aucun danger devenir l’ordre commun des idées de l’Assemblée; car on (eut décréter préliminairement le premier article sur la garde du roi, qui est ainsi conçu ; « La régence du royaume ne confère aucun droit sur là personne du roi mineur. » M. Voidel. Quoiqu'on ce moment ce projet ne paraisse pas souffrir de difficultés sérieuses, il me semble cependant que l’importance de la matière est telle que l’on peut bien ajourner à deux ou trois jours. (Murmures.) Plusieurs membres: Non I non! M. 'Voidel. Les murmures qui repoussent mon observation en annoncent le succès (Rires.); mais j’ai cru devoir la faire à l’Assemblée. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. de Mirabeau. Ce n’est pas précisément sur les mêmes objets que je demandais la parole. Ce n’est pas que je ne pense aussi qu’une question telle que celle de la régence, et quel que soit le projet de décret qui vous est proposé, n’élève une foule de questions même pour l’Assemblée elle-même. Il est vrai qu’à cet égard je n’ai peut-être à me plaindre que de mes propres circonstances, qui m’ont absolument empêché de rêver à cette loi, parce que j’étais extrêmement malade le jour qu’elle a été annoncée. (Murmures.) Un membre : Quel orgueil! M. de Mirabeau. Messieurs, ce n’est pas dans la circonstance que je rapporte qu’on peut manquer de modestie; car je ne tais que me défendre de n’avoir pas un avis à prononcer moi-même en ce moment. (Murmures prolongés.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 mars 1791.] Messieurs, . . . messieurs, . . . mais, messieurs, puisque vous le voulez, je vous dis aussi que vous ne l’avez pa-, et je vais prouver que vous ne pouvez pas l’avoir. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. de Mirabeau. En effet, Messieurs, il est très certain qu’un projet de loi que vous n’avez pas comparé avec les bases, avec la théorie qui l’a produit, puisque cette théorie ne vous est manifestée qu’en ce moment, pourrait paraître à une Assemblée aussi sage que la vôtre, n’être pas susceptible d’être décidé dans i’iustant même. M. Bouche et plusieurs membres: Aux voix! aux voix ! M. de Mirabeau. Messieurs, je ne m’oppose assurément point qu’on aille aux voix. Si je me trompe sur cette question, il m’est nécessaire de savoir que vous ayez pu juger un projet de loi de dix pages sans connaître s<.-s bases. . . Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. de Mirabeau. Mais tout en admirant cette vivacité, je m’oppose à ce qu’on m’empêche de faire une observation sur le premier article que M. le rapporteur a proposé à la délibération, et sur lequel il était en dissentiment avec M. de Ca-zalès. Je remarque à ce sujet que M. de Gazalès aurait tort selon moi; que l’on pourrait déclarer, non pas ce qu’a déclaré le comité, savoir, que la régence ne confère aucun droit sur le roi mineur, mais que le régent ne pourra, en aucun cas, en aucune manière, être chargé de la garde du roi, de la surveillance de cette garde; je dis que le comité me paraît avoir dit une chose très raisonnable et que M. de Gazalès nous ferait statuer sur une chose qui ne me paraît pas l’être; car le régent étant véritablement l’instrument de la royauté lorsqu’il exerce la régence, le surveillant universel, et un des objets les plus sacrés de sa surveillance, étant le dépositaire de la royauté, il n’est pas vrai que l’on puisse statuer constitutionnellement que le régent n’aura pas la surveillance de la garde du roi. (Murmures .) Je crois donc que, quant à cette question particulière, la seule que je connaisse, parce que c’est la seule qui ait été exposée ici, je dis que l’article du comité me paraît très raisonnable et bien exprimé, et que la tournure que propose M. de Gazalès me paraît moins raisonnable et mal expliquée. Quant au projet de loi, je déclare en même temps, pour t’avoir lu, que je crois que l’on y peut faire quelques grandes objections; qu’il y a quelques grandes lacunes; que pour éclaircir à cet egard ma pensée, il me faudrait et plus de facilité et plus de temps. ( Rires et murmures.) M. de Cazalès. J’observe à l’Assemblée que ce que vient de dire M. de Mirabeau confirme la nécessité de l’ajournement. M. de Mirabeau pense que le régent ne peut pas être constitutionnellement exclu de la garde et de l’éducation du roi, et moi je pense qu’il doit l'être; je pense même qne s’il ne l’est tas, alors j’aurai les plus fortes objeclions à faire contre le décret qui donne la régence au premier prince du sang; ainsi M. de Mirabeau, en combattant mon objection, a démontré qu’il était absolument nécessaire de la 265 résoudre, avant de mettre aux voix les deux projets de décret qui nous sont présentés. D’ailleurs je suis pa faitement de l’avis de M. de Mirabeau sur le fait de l’ajournement; je ne pense pas qu’un seul projet puisse être délibéré en connaissance de cause par l’Assemblée nationale, quand elle ne connaît ni les bases ni les principes sur lesquels il est assis; je pense même que, quand l’Assemblée nationale serait suffisamment instruite, il serait de sa dignité, il serait utile pour sa confiance, qu’-elle ne délibérât pas sans discussion, sans ajournement, sur un projet de cetie importance. M. de Mirabeau nous a dit que sa maladie l’avait empêché de rêver sur ce projet de loi, et il me semble que ce dire a excité dans l’Assemblée des murmures qui n’étaient pas placés. Le parlement d’Angleterre, qui a autant de sagesse que nous, est le premier à se prêter dans cette occasion aux circonstances d’i n disposition de ses membres. Je pourrais vous citer.... (Rires.) Un membre à gauche : Au fait! au faitl M. de Cazalcs. G la est très intéressant et très authentique. Lorsqu’il fut question de la régence, pendant la maladie du roi d’Angleterre, la discussion a été ajourné *, par la seule raison que M. Fox élait au lit. (Applaudissements.) Et cependant M. Fox avait le malheur d’être du parti de l’opposition; et cependant, M. Fox avait le malheur d’être de la consiante minorité des communes ; cependant ces communes plus attentives à l’intérêt public, plus jalouses de recueillir des lumières que de marquer, par une précipitation déplacée, le peu d’estime qu’elles faisaient de la minorité, voulurent bien retarder et ajourner à une autre séance, par la seule raison que M. Fox était alité : c’est la majorité qui le proposa, et la Chambre des communes ajourna unanimement la question. Ges considérations d’utilité publique, de convenance particulière me font conclure à ce que l’Assemblée nationale ajourne la question de la régence à après-demain. M. Dupont (de Nemours). Il serait à désirer que nous n’eussions ni M. Fox, ni M. Pitt, ni aucun membre qui influât sur la délibération de l’Assemblée, autrement que par la raison. M. l’abbé Maury. Je dois déclarer d’abord à l’Assemblée que si je suis de l’avis de l’ajournement de la question sur la régence, ce n’est pas pour moi que je parle, parce que je suis prêt à traiter la question, et je le suis depuis fort longtemps. attendu qu’il y a quelque temps que la question vous a été proposée. Mais voici les considérations qui ne vous ont pas été présentées et qui me semblent solliciter de votre sagesse deux ou trois jours d’ajournement; c’est qu’il faut que vos orateurs puissent se préparer (Murmures.), afin que les membres de cette Assemblée puissent faire hommage à la nation de leurs lumières sur celte question importante. Je vous annonce que de toutes les questions qui vous ont été soumises, celle-là n’est pas la plus difficile, mais c’est celle qui exige le plus de peine, de méditation et d’étude. J’insiste sur l’ajournement, parce que le projet qui vous est présenté, et je ne parle pas comme un homme qui compte sur la faveur et sur son crédit, parce que ce projet, dis-je, ne peut pas être adopté. Il 26G [Assemblée nationale.] est facile de mettre au plus haut degré d’évidence qu’il est incomplet, contradictoire, insuffisant dans le droit public et contraire aux intérêts de la nation. Je déclare que je commencerai par attaquer tous les articles de ce projet, et un Bon esprit qui respecte son opinion ne peut attaquer les articles s’il y en a un seul décrété. La discussion doit jeter de la lumière sur cette question, que l’on n’a pas même vue dans le comité. Quand nous prouverons au comité de Constitution qu’ii y a 7 ou 8 cas qui ne sont pas des cas métahysiques, puisqu’ils se sont déjà présentés, que votre comité n’a pas même soupçonnés, de telle sorte qu’avec cette loi qu’il vous propose, la nation n’aurait pas de loi, votre comité sentira lui-même la nécessité de retravailler son projet. Au reste, qu’on discute aujourd’hui, tout à l’heure, quand on voudra, demain... Plusieurs membres : Tout à l’heure ! M. l’abbé Maury... à quelque moment que la discussion commence, je demande qu’elle porte sur tout le projet. Plusieurs membres : Hé bien 1 oui ! M. Le Chapelier. Si M. Maury veut commencer la discussion, il faut le laisser. M. Dcmeunier. Je demande à faire une motion d’ordre. M. l’abbé Maury. Quand j’aurai parlé. M. Déùaeunler. C’est, au contraire, pour que vous ayez la parole. M. l’abbé Maury. Il n’est pas nécessaire. Je ne cherche nullement à faire perdre le temps; je crois que la meilleure manière d’économiser le temps, c’est d’établir l’ordre dans la discussion. (Murmures.) Or, Messieurs, vous étiez dans l’usage, lorsque vous discutiez des articles constitutionnels, d’établir une discussion contradictoire (Murmures.) ; or, Messieurs, il me semble qu’il est assez généralement reconnu que beaucoup de gens sont prêts à déciéter et que très peu sont prêts à discuter. (Murmures.) M. Barnave. Ehl commencez tout de suite la discussion. .M. l’abbé Maury. Je n’ai jamais vu, Messieurs, qu’une discussion aussi importante commençât au milieu d’une séance. (Murmures.) M. Mou gin s de Roquefort. Ce sont des chicanes de procureur. M. l’abbé Maury. Le rapport que vous venez d’entendre n’est pas même imprimé. Ce rapport est une matière essentielle de discussion et vous êtes impatienis de décréter, comme s’il y avait péril dans la demeure. (Murmures.) Plusieurs membres : Non! non ! M. Démeunier. Je demande un seul mot d’ordre. Je demande pardon à M. l’abbé Maury; le comité désire, puisqu’il est prêt depuis si longtemps, que la discussion commence. (Applaudis-[22 mars 1791. J sements.) Alors on décrélera quand la question sera suffisamment éclaircie. (Applaudissements.) (L’Assemblée, consultée, décièie que la discussion est ouverte sur le projet de décret.) M. de Cazalès. Puisque l’Assemblée vient de décider que la discussion serait ouverte sur l’ensemble du décret, je demande que l’on joigne à cetie discussion celle de la garde du roi. Je demande, en conséquence, qu’avant la discussion M. Thouret veuille bien lire le projet de décret sur la garde du roi mineur. M. Thouret, rapporteur. On veut évidemment empêcher que l’Assemblée n’avance dans son travail. La partie qui concerne la garde du roi mineur a été distribuée dès vendredi; ainsi il est parfaitement inutile de la lire. Mais si la discussion est entamée sur l’ensemble de la matière, chacun fera part à l’Assamblée de ses propres réflexions sur les principes. D’ailleurs, M. l’abbé Maury, qui nous promet une longue discussion, nous donnera certainement beaucoup de détails, puisqu’il est prêt depuis si lougtemps. (Rires.) M. l’abbé Maury. J’ai dit à l’Assemblée que j’étais prêt à traiter la question de ia régence et, j’en demande pardon aux rieurs, je le suis en effet. Plusieurs membres à gauche : Commencez! M. l’abbé Maury. Comme il s’agit de donner un régent au royaume et non pas à moi, vous me permettrez bien de suivre mes idées. Beaucoup de personnes sont prêles à parler; et moi, Messieurs, je demande à l’Assemblée six ou sept minutes pour aller prendre chez moi des notes dont j’ai besoin. Que quelqu’un monte à la tribune en attendant (Rires.) Un membre : C’est juste ! Allez ! allez I M. Charles de Taineth. Puisque l’Assemblée est déterminée à entrer dans la discussion, il ne faut pas perdre la séance. Il y a beaucoup d’articles sur lesquels l’opinion est formée; il faudrait les mettre aux vo'x; on dit que c’est une question constitutionnelle et qu’il faut discuter pendant trois jou'S. Mais la question de l’hérédité du trône était bien importante, et elle n’a pas duré un quart d’heure. Ou peut. donc d’abord décider ces deux articles : « Au commencement de chaque règne le Corps législatif, s’il n’éiait pas réuni, sera tenu de se rassembler sans délai. Si le roi est mineur, il y aura un régent du royaume. » Une fois ces deux questions décidées, on pourra faire droit à la proposition de M. de Cazalès, qui consiste à dire que le régent ne sera pas chargé de la garde de l’héritier du trône; mais c’est avec douleur que je vois perdre le temps pour se livrer à une discussion qui n’est nécessaire qu’à flatter l’amour-propre de quelques individus. M. de Cazalès. J’aime bien à voir discuter avec maturité toutes les grandes questions; mais c’est toujours avec douleur que je vois perdre le temps en discussions oiseuses. (Applaudissements.) Gomme le préopinant, j’ai un grand intérêt à ce que le temps de l’Assemblée �oit utilement employé et qu’elle ne perde pas en vains débats un temps consacré aux intérêts les plus ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 mars 1791. J sacrés de la nation. Je vais tâcher de réduire à trois questions extrêmement simples, extrêmement sages, les questions de voire comité. Première question. La régence sera-t-elle élective ou héréditaire ? Seconde question. Y aura-t-il un régent ou un conseil de régence ? Troisième question. La garde du roi et la régence seront-elles séparées? Il me semble que telles sont les trois questions qui doivent servir de base à votre projet de loi. Ces questions extrêmement importantes dans leur objet ne sont pas difficiles à résoudre. Si nous étions à la naissance de la société, s’il était question de décider si le trône sera héréditaire ou électif, certes, cette question serait très importante et demanderait une longue discussion. (Murmures .) Un membre : Il n’est pas question de cela. M. de fazalès. Mais pour que l’Assemb’ée soit conséquente, il me paraît nécessaire qu’elle décrète que la régence doit être héréditaire, puisqu’elle a décrété l’hérédité du trône; car les inconvénients qui existeraient dans l’élection à la régence seraient absolument les mêmes que ceux qui existeraient dans l’élection au frô ;e. Ils seraient les mêmes et ils ne seraient pas balancés par des avantages aussi puissants, puisqu’ils ne pourraient jamais tendre qu’à nous donner un meilleur choix pour une administration momentanée, au lieu que l’élection au trône nous donnerait au moins un meilleur choix pour l’administration à vie. Dès lors la première question ne me paraît pas susceptible de difficultés. Quant à la seconde, l’Assemblée nationale a aussi déclaré que le pouvoir exécutif ne serait jamais divisé. Or, il suit de là que le pouvoir exécutif, en quelques circonstances qu’il se trouve, ne doit pas avoir de conseil. Nous ne pouvons donc avoir qu’un régent et non pas un conseil de régence. Ici se présente une autre question extrêmement importante; c’est de savoir si la personne du régent sera inviolable. Gela veut-il dire qu’il ne sera pas responsable? Cette question me paraît avoir encore été décidée par l’Assemblée nationale, quand elle a dit que la personne du roi était inviolable. Ce n’est certainement pas par amour pour sa personne, mais c’est pour la liberté de la nation, c’est pour le bien de la nation que la personne du roi est inviolable; c’est qu’il n’y aurait pas de liberté nationale si le pouvoir exécutif était dépendant. Dès lors le même inconvénient se trouverait dans le cas où le régent serait justiciable. Si cela était, le pouvoir exécutif serait dépendant, il n’y aurait plus de liberté. Enfin il se présente une quatrième question extrêmement importante, celle de savoir si la garde, du roi et la régence seront séparées. Ici les principes de la raison la plus simple doivent vous conduire à les séparer; car quel est celui qui a le plus d’intérêt à la meilleure administration possible du royaume? C’est l’héritier présomptif du trôoe ; il faut donc lui confier la régence. Quelle est la personne la plus intéressée à la conservation des jours et de la santé du roi? C’est sa mère ; dès lors c’est à sa mère qu’il faut confier la garde du roi mineur. D’après ces principes, qui me paraissent extrêmement clairs et sur lesquels je crois que tout le monde sera d’accord dans cette Assemblée, je demande que la discussion s’ouvre d’abord sur 267 les quatre articles suivants, dont je propose aimi la série : La régence sera-t-elle élective, oui ou non? Y aura-t-il une régence ou un conseil de régence? La personne du régent sera-t-elle responsable, oui ou non? La garde du roi sera-t-elle nécessairement séparée de la régence, oui ou non ? M. Barnave. Les questions proposées par M. de Cazalès se trouvent résolues par les articles du comité; ainsi délibérer sur les articles du comité, c’est délibérer sur les questions que le préopinant vient de vous proposer. Le comité de Constitution a admis, pour premier article de la partie de son travail qui concerne la garde du roi, la différence qui existe entre la garde du roi et la régence. Il suffit donc, pour remplir le vœu du préopiuant, de mettre cet article à sa véritable place, c’est-à-dire dans le décret qui concerne la régence; car je crois, comme lui, que c’est là qu’il doit être placé. Je pense, comme le comité, que la régence étant parfaitement semblable à la royauté., étant pour ainsi dire une royauté intermédiaire, la personne du régent doit être désignée d’avance par la loi constitutionnelle de l’Etat, afin d’éviter tous les inconvénients, tous les troubles qui naissent de l’élection fréquente d’une dignité de cette nature. L’inviolabilité, qui est un ries caractères de la royauté, et toutes les autres prérogatives de cette auguste fonction, doivent incontestablement être attribuées à la régence; mais je ferai quelques observations sur le plan du comité. Je dis premièrement sur l’article 3, qui porte que la régence appartiendra de plein droit au parent majeur le plus proche par les mâles, et, en cas de parité de degré, à l’ai né; je d s que, dans la famille royale, il ne peut y avoir qu’un héritier présomptif, et par conséquent un seul appelé à la régence, puisque, suivant le même principe, il n’y a pas de degré égal. En effet, la question n’est pas de savoir si la régence sera donnée à un cousin âgé de 40 ans, ou à celui qui n’en a que 30 ; la question est de savoir si la régence sera donnée à celui qui, dans l’ordre de primogéniture établi, lui succéderait à la royauté ; et c’est souvent, non pas le parent le plus proche en degré, mais le plus proche parent de la branche aînée. Ainsi si les frères du roi actuel lui survivaient et que l’aîné de c|js deux frères eût des enfants majeurs pendant la minorité du Dauphin, alors les enfants majeurs de cet ainé, qui sciaient cependant éloignés du roi mineur d’un degré déplus, devraient néanmoins être régents, à l’exclusion de celui qui serait d’un degré plus proche, mais d’une branche cadette. Je dirai sur l’article 15 qui porte que celui qui n’aurait été exclu d’abord que par son défaut d’âge deviendra régent, aussitôt qu’il aura atteint sa majorité, et qu’à cette époque le régent élu ou moins proche en degré de parenté cessera ses fonctions : je dirai que, quoiqu’il existe une rigidité de principes dans cet article, il y a tant d’inconvénients dans l’exécution, et il y en a si peu au contraire à laisser le régent, une fois installé, une fois établi, gouverner jusqu’à la majorité du roi, que je crois qu’il est très important de statuer qu’une fois qu’un membre de la famille royale aura été appelé à la régence, parce qu’il était le seul majeur ou le plus proche majeur, lors du changement de règne, alors, dis-je, il n’y aura point de changement de régent; [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 mars 1791. j 268 et celui qui aura d’abord éf é revêtu de celte dignité, occupera jusqu’à la majorité du roi . Il est inutile de prouver que ce qu’il y a de plus dangereux dans un Etat monarchique, c’est le changement fréquent de ceux dans les mains desquels sont remises les rênes du gouvernement. En adoptant l’article du comité, il pourrait arriver que, pendant la minorité du roi, vous auriez quatre ou cinq régents successif', d’où résulterait nt deux inconvénients également grands; l’un, que l’esprit du gouvernement changerait fréquemment avec le caractère de celui qui régirait; et l’autre, que chacun de ces changements, chaque moment où un régent serait ob'igé d’abandonner le pouvoir pour le céder à un autre, serait i écessairement une crise plus ou moins fâcheuse, et la cause d’un frottement dans le corps politique, qu’il faut toujours éviter le plus qu’il est possible. L’opinion publique met une grande distance entre le régent passager et celui qui doit être roi, celui à qui la loi constitutionnelle défère la première dignité de 1 Etat. Il n’y a aucune parité de force entre eux; il n’v a aucune espèce d’égalité de rang dans l’ordre constitutionnel; et par conséquent le moment où le régent doit céder le pouvoir au roi ne peut pas être dangereux. Mais il n’en est pas de même entre deux hommes qui, placés à peu près sur la même ligne et dans la même position, deslinés à être régents successivement, se combattraient avec des moyens égaux, et par conséquent feraient, de toutes les époques où la régence serait abandonnée par l’un pour être prise par l’autre, l’occasion d’un débat politique et national. C’est là ce qu’il faut éviter autant qu’il est possible, puisqu’il est incontestable que, de tous les avantages de la Constitution monarchique que vous avez adoptée, le plus grand c’est la tranquillité publique, c’est la stabilité du gouvernement et des principes établis. Je crois donc qu’il faut rejeter tout l’article 15, et établir, au contraire, que celui qui, suivant la Constitution, aura été désigné pour régent lors de la mort du roi, continuera sa régence jusqu’à la majorité de celui qui succédera. J’ajoute encore une observation relativement à la majorité : il me paraît indispensable de décider si la majorité pour le régent est la même que pour être roi, ou si elle est, comme pour les autres citoyens, de 25 ans? C’est une question plus ou moins importante, mais qu’il faut absolument résoudre; et elle n’est pas décidée dans le projet de décret. Enfin, je passe au mode d’élection du régent, dans le cas où personne ne serait appelé à la régence par la loi. Il est évident que dans ce cas il faut que le régent soit élu; mais par qui doit-il être élu? Voilà la question la plus importante, et celle sur laquelle je ne suis pas de l’avis du comité. Le comité a cru apercevoir des inconvénients à ce que la réget ce fût déférée par le Corps législatif; et il s’est en conséquence déterminé à appeler 830 électeurs, destinés à se rassembler dans le même lieu que le Corps législatif, pour nommer seulement la régence. Or, je dis qu’il résulterait les plus grands inconvénients, et un bouleversement presque inévitable, ou au moins très probable du gouvernement et de l’Etat, toutes les fois qu’il y aurait lieu à l’élection d’un régent. 11 faut apporter le moins de lenteur possible à une opération semblable : il faut que l’intervalle qui s’écoulera alors entre la mort du roi et la nomination du régent qui le remplacera dans ses fonctions, soit le plus court possible. Or, les élections qu’on se propose de faire faire, d’abord parles assemblées primaires, ensuite par le corps électoral, entraîneront nécessdremmit un délai qui aura plus au moins d’inconvénients, tandis que le rassemblement du Corps législatif déjà formé sera infiniment plus facile et plus prompt. Ce n’est cependant là qu’un des moindres inconvénients du projet au comité; mais, Messieurs, personne n’ignore que les moments où ta régence doit être accordée sont les temps d’orage dans les monarchies, sont les temps où l’on peut changer la Constitution et la nature du gouvernement. Les mesures que vous prendrez doivent donc tendre toutes à éviter ces dangers imminents, dangers les plus réels auxquels la Constitution que vous avez établie puisse être exposée. Hé bien, le plan du comité, loin de repousser ces dangers-là, leur donne toute la possibilité, toute la probabilité possible, en ce que faisant élire 800 personnes par les assemblées primaires, au moment même où il faudra nommer un régent, il en résultera qu’au moyen d’une fermentation momentanée, on excitera facilement le peuple à donner contre son vœu des mandats, à l’effet de changer la nature du gouvernement. Je suis convaincu que le peuple doit avoir la faculté de réformer son gouvernement et sa Constitution, en assemblant une Convention nationale; mais je ne crois pas que cette démarche doive être le produit de la fermentation; ni qu’elle doive avoir lieu lorsque le peuple ne serait pas mu par le sentiment de ses besoins, mais par l’intrigue et l’influence des ambitieux et des malveillants, pour faire changer le système des lois politiques, constitutionnelles et nationales : je crois donc, sous ce point de vue, que la mission d’un corps électoral et le rassemblement des assemblées primaires entraîneraient nécessairement la nation cootre son aveu à faire fréquemment, à de telles époques, des changements dans sa Constitution, dont elle pourrait avoir ensuite à se repentir. Mais il y a plus : le corps électoral est, selon le comité, établi seulement pour nommer le régent; mais 830 personnes, nommées par le peuple, réunies dans un temps de troubles dans la capitale du royaume, recevant l’impulsion d’un nommé qui voudrait être régent, un corps si nombreux, ayant la puissance donnée par le peuple se renfermera-t-il toujours rigidement dans les fonctions qui lui auront été attribuées? Ktant vis-à-vis du Corps législatif, ne sera-t-il pas tenté de lutter avec lui de fonctions et de pouvoirs, et s’il ne fait pas de lois, de prendre au moins telles résolutions qui tendraient à changer la namre du gouvernement et à enlever au Corps législatif les fonctions qui lui sont exclusivement confiées? N’arrivera-t-il pas aussi que, quand vous aurez dans une grande ville du royaume un Corps législatif d’environ 800 personne' et un corps éleciora! de 830 personnes, élues suivant ? les mêmes formes et ayant les mêmes qualités u’éli-gibilité, quand vous aurez eu même temps deux prétendants à la régence, ce qui arrivera presque toujours dans le moment où la régence sera élective, n’arrivera-t-il pas, dis-je, qu’un des prétendants se liguera avec le Corps � législatif, l’autre avec le corps électoral, et de là résultera une rivalité de force et d’ambition, une opposition de volonté qui embrasera ia nation, qui (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1791.J 269 établira le germe et la possibilité d’une guerre civile, qui partagera le royaume en deux partis? (Applaudissements .) Le comité de Constitution a opposé deux objections à l’élection du régent par le Corps législatif; la première, que cela n’entre pas dans la nature des fonctions du Corps législatif ; la seconde, que le Corps législatif pourrait user ou abuser de cette fonction pour changer, au moment , je n’anticiperai pas sur la discussion ; car ce n’est pas api ès m’être plaint de l’immaturité de la question {Murmures.), ce n’est pas ai rès avoir demandé du temps pour l’envisager sous tous les aspects, pour m’éclairer de tout s les objectons, qu’il me conviendrait d’avoir un avis fait; et mon avis n’est pas fait. Messieurs, je répondrai en homme que les battements de mains n’étonnent pas plus que 1 s murmures (Bruit prolongé.)', je répondrai seulement en homme qui estime singulièrement les objectionsfortesetquie-tiraemê ne iesspécieuses, parce qu’elles forcent à se replier sur soi-même et à penser. Je ferai quelques observations sur ce que le préopinant a hasardé pour (aire préjuger la question. Et d’abord, quant aux laits allégués par le préopinant, je réponds qu’ils n’existent pas; car î’ Assemblée n’ayaut rien statué encore sur l’identité des droits e> des devoirs attribués à la régence et à 'a royauté, on ne peut pas arguer sur un fait (Murmures.). . . on ne peut pas arguer de là que (Murmures.)... Peu m’imp *i t e qu’on murmure! . . .On ne peut pas argnerde là que l’identité de la régen «e et de la r yauté force à rendre celle-là héréditaire comme c* ile-ci. Pour ce qui ■ -t de la crise dont on vous a fait un effrayant tableau en cas d’élection, jeréponds quelle exse pour toutes les régences, pour toutes les minoiité-: c’ st toujours une grande crise politique que la vacance du trône, que la minorité it’un i rmre ; mais on ne peut l’éviter, et elle est peu reduutable dans un gouvernement bien consumé. J’anive à lu troisième objection, et je déclare qu’elle me parût mériter d’être scrutée dans tous ses details, parce qu’elle est raisonnable, et même forte sons certains rapports. Sansdoute,un régent dectif obtiendrait pins de faveur qu’un régent héiéditaire, parce que le choix de la réflexion et de la cmdia u-e do me, et doit donner, plus de créait que ml i du hasard. Cette objection doit doue être examim e. Ma s elle ne tire nulle. force des exemples recents qu’a cités le préopinant. Da< s les se -misses murales et politiques que nous avons épiouvé s depuis deux ans, 2, 3, ou 10 homu e , s’il-a1 aient formé les projets qu’un su pose, en cas de succès, n’en auraient étéqu’un peu plus vite, un peu plus sûrement à la potence. Puisqu’on a cité C'omwel, je rappellerai un mot de cet homme qui connaissait si bien les rh ses et le-ho inm s, puisqu’il en avait tiré uu s* grand parti, et qu’i1 1< ur avait imprimé une direction -i , ui-sacte. Il passait avec Lambert, son fidèle cou p gnon; les applaudissements, les cri de joie, les bravos retentissaient autour d’eux. Lambc t était eutlmu iasmé de ces acclamations. Ccomw I, ça-g ami scrutateur du cœur humain, pour dégriser son ami, lui dit ; On nous applaudirait bien davantage si nous allions à la potence. Eli! M ssii'Uis, ne croyez pas que quand une Cm stn lion est laite un puisse tirer un grand et surtout un durable par i d’une crise momentanée, et soy z .-lus qu’un ce genre, comme en tout autre, un ne le-meü e pr, s autre chose que ce qu’on a seine. Pendu' t que. je parlais et quej’exprnnais mes premières idées sur la régence, j’ai entendu di'-c avec celte i ulubitabiliié charmante à ia-qutl'e | suis < ès longtemps apprivoisé : Cela est absurde, cela est extravagant, cela n'est pas pro-posable. Eli bien! je déclaie que dans cette Assemblée je* connus déliés bons citoyens, des esprits très é lair-s qui ont de grands doutes sur ta question