134 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États généraux.] séance du 17 au soir, l’Assemblée, sur mes observations, a consenti d’effacer le mot 'publiquement et les mots connus et vérifiés. M. Camus, chargé de faire imprimer l’arrêté, étant parti pour Paris sur les quatre heures avec une minute dans laquelle les premières fautes existaient, j’ai en conséquence fait faire une seconde copie, telle que l’Assemblée J’a approuvée en dernier lieu ; je rai envoyée sur-le-champ, par mon domestique, à l’imprimeur de Paris : cette copie est signée du second secrétaire et du président, et il est étonnant que M. Camus, qui est allé à Paris pour présider à l’impression, ne se soit pas conformé à cette copie authentique. M. Camus. L’Assemblée m’ayant chargé de faire imprimer sur-le-champ les deux arrêtés pris par l’Assemblée nationale dans la séance du 17 au matin, je suis parti le soir à quatre heures pour remplir ma mission : la copie que j’avais dans les mains est celle que l’Assemblée, par l’organe de ses officiers , m’avait remise ; elle est signée des deux secrétaires et de M. le président. Ce fut cette copie que je portai chez l’imprimeur : j’y passai une partie de la nuit, et, le matin, j’y retournai pour corriger les épreuves. Je fus fort étonné de voir effectivement sur l’épreuve les changements dont M. l’abbé Sieyès vient de parler ; j'en demandai la raison à l’imprimeur, qui me montra la nouvelle copie qu’il a reçue pendant la nuit, et qui me dit s’y être conformé. Alors, ne sachant à quelle version je dois m’en tenir, j’adopte celle que l’Assemblée m’a remise, croyant qu’elle n’aura pas changé ainsi sa délibération sans que M. le président m’en avertît en me disant de m’y conformer. M. l’abbé Sieyès. La copie que j’ai envoyée est tout aussi authentique que celle de M. Camus; au surplus, je demande qu’on supprime les deux mille quatre cents exemplaires. M. Pison du Galand semble se ranger du parti de M. l’abbé Sieyès, en paraissant répéter les reproches qu’il a faits à M. Camus, disant que tant que la délibération n’est pas sur le procès-verbal, on peut la changer. M. Barnave. 11 ne faut attribuer à personne les fautes qui se sont glissées daus les imprimés. M. Camus , étant parti pour Paris, n’a pu connaître les changements faits à Versailles dans la délibération ; on doit même s’empresser de rendre justice à sa prudence, en ne reconnaissant d’autres originaux que celui qui lui est donné; si un secrétaire peut varier et s’en rapporter à toutes les copies qu’on lui présenterait successivement, parce qu’elles lui paraîtraient authentiques, il commettrait une imprudence qui, dans ces circonstances critiques, serait peut-être dangereuse ; il doit s’en rapporter à son mandat, ne point varier ; il doit une obéissance absolue. L’Assemblée, jusque-là indécise, s’empresse de rendre justice à la conduite de son premier secrétaire. L’on décide que les arrêtés imprimés aujourd’hui ne seront pas distribués. M. Guillotiia. J’objecte qu’il y en a quinze mille de répandus dans le public, et qu’il suffit d’y faire mettre un errata. Cet avis n’a pas de suite. M. Bailly annonce que plusieurs membres [19 juin 1789.] ont demandé la parole , et que M. Target a plusieurs motions importantes à soumettre à l’Assemblée. M. Target. Vous avez commencé à donner les preuves de votre désintéressement par la délibération du 17, et la nation reconnaît dans l’Assemblée nationale des hommes dignes de sa confiance. Maintenant, c’est à grands pas que nous devons marcher dans la carrière qui s’ouvre devant nous. Je vais vous proposer des occupations qui doivent continuellement vous mettre en activité. Il me semble que maintenant que nous sommes constitués, nous devons instruire la nation, par une relation exacte de tout ce qui s’est passé depuis le 5 mai jusqu’au moment actuel. Vous avez entre autres ordonné qu’il serait fait un exposé de vos motifs, présenté au Roi et à la nation. Pour remplir ces différents objets, je pense que nous devons établir des comités particuliers, composés de vingt personnes choisies dans les vingt bureaux. Le premier sera chargé de rédiger les ! mémoires, les adresses, les instructions ordonnées par l’Assemblée; le second de veiller sur l’impression des pièces, des écrits qui seront publiés par ordre de l’ Assemblée. Le troisième sera chargé d’entretenir la correspondance que l’Assemblée jugera utile au bien et à l’intérêt public. D’après cet exposé, je propose l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale ordonne et arrête qu’il sera établi t sans délai , un comité composé de vingt membres , pris chacun dans les vingt bureaux; que ce comité s’occupera, sans délai, du récit de ce qui s’est passé après le 5 mai dernier ; elle arrête pareillement qu’à compter de ce jour les actes de l’Assemblée, et le journal de ses séances, seront rendus publics par la voie de l’impression. « Il est important d’ouvrir des comités qui puissent s’occuper et de la recette, et de la dépense, et de la dette publique. Ces comités prépareront d’avance les grandes occupations auxquelles vous êtes sur le point de vous livrer, et ils ne vous rendront compte de leur travail que quand il eu sera temps. » Voici, sur ce, le projet d’arrêté que je vous présente : « L’Assemblée nationale arrête qu’il sera incontinent procédé à la formation de trois comités, composés de vingt personnes prises dans les vingt bureaux; que ces trois comités se livreront provisoirement à l’examen préparatoire des objets relatifs à la recette des revenus publics, à la dépense, à la dette. » Vous sentez, Messieurs , la nécessité indispensable de former un comité que le malheur du moment rend encore plus pressant que ceux dont je viens de vous entretenir. Ce comité, vous l’avez déjà arrêté le 17 du présent mois pour la recherche des causes de la cherté des grains. Je pense qu’il est nécessaire de rédiger une adresse au Roi pour la communication des pièces, états , renseignements nécessaires pour l’instruction des affaires renvoyées à ce comité. Par la même adresse, le Roi sera supplié que l’Assemblée nationale corresponde directement avec Sa Majesté; honneur qui rejaillit sur le souverain, qui appartient à la dignité de la nation, et qui enfin est conforme aux anciens usages et à l’antique constitution de la monarchie. Je propose d’établir encore un comité supérieur à tous ceux dont nous venons de parler. « L’Assemblée nationale arrête que la division ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 135 [États généraux.] [19 juin 1789.] des vingt bureaux subsistera provisoirement; arrête pareillement que les comités qui viennent d’être établis seront formés par le choix de vingt bureaux; arrête en outre que l'on procédera, parla voie du scrutin, dans chaque bureau, à l’élection d’un membre destiné à entrer dans un bureau général , qui correspondra avec tous les autres. « Les bureaux travailleront au règlement de discipline , au grand œuvre de la déclaration des droits, arrêtés par tous les mandats. « Arrête pareillement qu’il sera immédiatement, après tous ces arrêtés pris, procédé, par la voie du scrutin, à l’élection d’un président et de deux secrétaires. » Ces motions deviennent l’objet de la délibération. Plusieurs membres n’approuvent pas des comités aussi nombreux, dont les uns seront fort inutiles , les autres n’auront que fort peu d’occupations, et qui tous peuvent se réduire à deux, un pour la cberté des grains, et l’autre pour la discussion de la recette , de la dépense et de la dette publique. D’autres veulent parler pour les adopter. M. Pison du Galand. Tous ces projets sont subordonnés à deux opérations. La première, celle de nommer vos officiers ; et cela est nécessaire, parce que les officiers actuels pourront être nommés dans ces différents bureaux. La seconde est la réduction de nos cahiers ; elle est nécessaire parce qu’il est important de se pénétrer de l’esprit de nos mandats ; que c’est là enfin la source où il faut puiser, où il faut consulter le génie de la nation pour pouvoir faire la déclaration des droits. M. Bailly. J’objecte que le travail de cette réduction vient d’être ébauché par un ouvrage déposé sur le bureau ; l’auteur a, dans. une table, classé dans les mêmes colonnes les demandes des différents bailliages, et d’un coup d’œil on voit le nom du bailliage et sa demande avec celles des autres bailliages sur le même objet. Je propose de faire imprimer cette table. Cette ouverture est suspendue jusqu’après la constitution, attendu que l’Assemblée, avant cette époque, ne se regarde que comme une Assemblée d’individus sans titres et sans qualités. M. Mounicr reproduit les trois points vraiment importants que l’Assemblée, par l’acte de sa constitution et de son arrêté, a déjà fixés. 1° Comité pour la rédaction des motifs de la conduite de l'Assemblée nationale avant sa constitution pour les mettre sous les yeux du Roi et de la nation ; 2° Comité pour les grains et les subsistances ; 3° Comité pour les contestations sur les pouvoirs et les élections. M. ***, député de Bordeaux. Le premier décret de l’Assemblée nationale, après sa constitution, doit frapper sur la cherté des grains. Le peuple est malheureux, il manque de pain, hâtons-nous de le secourir. Laissons de côté les causes de la disette, ce serait perdre le temps en de vaines recherches ; il faut du pain aux pauvres ; faisons nos efforts pour leur en donner. La cause de la disette est assez connue ; c’est ioutilement qu’on l’attribue à des accaparements frauduleux. La grêle, une année malhéureuse, voilà les seules causes qui nous ont privés de l’abondance. Le Roi, touché de la misère de ses peuples, a montré une sollicitude vraiment paternelle; il a ouvert des primes , il a donné tous les soins pour faire arriver journellement dans nos ports une grande quantité de grains ; il ne s’agit que de faire refluer ces secours dans les provinces éloignées. Je propose l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale, pénétrée des malheurs qui affligent une grande partie de la nation, déclare que les secours les plus puissants qu’elle peut dans ce moment donner sont ceux en argent. « En conséquence, l’Assemblée ordonne qu’il sera procédé sur-le-champ à un emprunt de trois millions ; que cet emprunt sera appelé patriotique ; elfe déclare qu’elle va procéder incessamment à un comité pour régler le tauxdes intérêts, le délai, la sûreté des créanciers, et pour distribuer l’argent par lui-même dans les villes, villages, etc. » i M. Bailly demande à l’Assemblée si elle veut nommer sur-le-champ ses officiers ; elle y consent. 11 observe que les députés dont on conteste les pouvoirs ou les élections peuvent être nommés officiers, et que par la suite leur élection peut aussi être déclarée nulle ; que d’un autre côté il ferait injuste de les exclure de la nomination. Il paraît, dit-il, raisonnable, dans cette incertitude, de suspendre jusqu’à un temps limité l’élection des officiers, si l’on n’aime mieux nommer sur-le-champ la commission et juger ces contestations. , Un membre. MM. les curés qui se sont soumis à la vérification commune doivent donner leurs suffrages, soit pour nommer, soit pour être nommés ; ils sont actuellement dans leur Chambre pour l’intérêt commun; il convient donc d’attendre leur retour. Ces réflexions éloignent le moment d’élire les officiers. Un membre. Je demande à M. Bailly l’ouverture des lettres et paquets adressés aux communes. I M. Bailly annonce qu’il les apportera demain à l’Assemblée. M. Target. C’est vraiment le moyen de nous égarer, si, sur une question de comité, nous voulons traiter cinq ou six objets. Je laisse de côté toutes les motions que j’ai faites sur les finances. Je les réduis et je demande que l’Assemblée arrête qu’il sera formé dans le jour et sans délai trois comités : le premier, pour remédier à la disette ; le second, pour la rédaction des motifs ; le troisième, pour juger les contestations sur les pouvoirs. L’Assemblée s’occupe de ces objets. On convient de nommer un quatrième comité pour le règlement de police. L’Assemblée adopte l’arrêté suivant : « Il sera formé quatre comités: le premier, sous le titre de comité des subsistances, s’occupera de la recherche des causes et des remèdes de la disette des grains qui afflige le peuple dans plusieurs provinces. « Le second, sous le titre de comité de vérification et contentieux, sera chargé de l’examen et du rapport à l’Assemblée des pouvoirs qui restent à vérifier, et de toutes les difficultés y relatives. « Le troisième, sous le titre de comité de ré-