[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1794.] 307 renoncent à l’espoir d’employer utilement, pour y parvenir, la religion, la politique, ou nos 'passions, que nous saurons toujours réprimer! S’ils ont fait à Toulouse d’assez funestes combinaisons pour séparer de nous tous les fonctionnaires publics habitués jusque-là à nous ai ta her à l’Eglise et à ses ministres, ils ont été suffisamment humiliés par des remplacements qui ne nous laissent aucun regret sur des retraites si lâchement concertées, dans la confiance qu’elles produiraient des désordres. Lorsqu’ils se sont flattés de nous porter à des excès par des entreprises hardies, par des préparations criminelles, la fermeté sans persécution, la tolérance sans faiblesse, que les porps administratifs, la municipalité, le peuple même ont montrées, les ont bientôt livrés qu désespoir dans lequel ces hypocrites se flattaient de nous précipiter. Lorsqu’ils se sont livrés à de nouvelles machinations pour nous désunir, nous nous sommes pénétrés de cette vérité effrayante pour les conspirateurs de toutes les espèces, que dans le tourbillon du cercle social on ne doit jamais se livrer qu’aux mouvements qui parlent du ( entre convenu, ou à ceux qui tendent à nous en rapprocher; et dès lors, ni le tableau de nos pertes passées, ni la crainte d’en éprouver encore, n’ont pu nous détourner de la voie que l’intérêt général trace à tous les hommes sensés. « Le phare de vos décrets sera constamment notre guidp, quelque éclat qu’on veuille prêter qqx flambeaux allumés pour nous égarer... Le serment que nous avons si souvent prêté, les corps constitutionnels réunis à Toulouse vous l’ont renouvelé dans une première adresse après l’événement du 21 juin ; ils l’ont réitéré individuellement depuis la réception de la loi des 15 et 16 juillet... Nos principes ne varieront jamais, quels que soient les dangers dont les rebelles ont l’imprudence de nous menacer : il n’est pas un seul de mes commettants qui, après avoir été l’appui de la Constitution, n’en devienne, s’il le faut, le martyr... qui ne soit disposé à tout sacrifier pour lè bonheur de la patrie... Mais que les traîtres qui jusqu’à ce jour sont si redevables envers la générosité française, ne s’y méprennent pas : les soldats de la liberté ne comptent pas les esclaves qu’ils ont à combattre ; en marchant à une action, ils marchent toujours à la victoire ; la mort est pour eux la plus flatteuse de toutes, s’ils ne peuvent conserver la vie que pour porter des fers... Qu’ils se rappellent, les lâches, que les Romains, dans les siècles de leur grandeur, c’est-à-dire dans ceux de leur liberté, n’ont jamais traité avec leurs ennemis que lorsque vainqueurs, ils ont pu leur faire la loi. Sans doute, Messieurs, que vous leur apprendrez que la magnanimité d’une monarchie libre vaut bien la fierté d’une république ambitieuse. » (Ce député extraordinaire remet ensuite sur le bureau une adresse de la municipalité, et une autre du département de la Haute-Garonne, du district, du tribunal, dé la municipalité et du commandant général de la garde nationale ae Toulouse, réunis; elles sont relatives : la première, à l’adhésion de la commune aux décrets des 15 et 16 juillet; la seconde, aux événements du ?1 juin, et elles continuent le détail le plus intéressant sur les sentiments qui ont été manifestés par les citoyens et par les fonctionnaires publics en cette occasion, et sur le succès des mesures employées dans les circonstances qui les ont accompagnées et suivies.) M. le Président répond : « Monsieur, « Vous offrez l’expression des sentiments d’une partie de l’Empire où la liberté reçoit un culte qui satisfait les grandes âmes, où le patriotisme repose sur une base solide. L’Assemblée nation nale a reçu de vos concitoyens des preuves fréquentes de leur attachement à la Constitution : aussi compte-t-elle qu’ils ne négligeront jamais rien pour tenir à ce dévouement qui les distingue, à cette conduite éclairée sur la liberté des opinions religieuses, qui les honorera d’autant plus qu’ils habitent un sol où le fanatisme osa quelquefois appesantir son sceptre de fer. « En portant à ceux dont vous êtes aujourd’hui l’organe, la confiance qu’ils inspirent à l’Assemblée nationale, dites-leur que la loi ne reconnaît plus que des citoyens, et qu’il appartient surtout à un pays qu’un beau ciel embellit, de donner à ce lien qui unit maintenant les Français, toute la force qui peut le rendre durable, et tout le charme qui peut multiplier les avantages d’une douce fraternité. ( Applaudissements .) ' « L’Assemblee nationale vous invite à assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’insertion du discours du député de Toulouse et de la réponse du président dans le procès-Verbal.) Une députation nombreuse composée de citoyens , cultivateurs, de gardes nationales et des fonctionnaires publics du canton de Marly-le-Roi, est admise à la barre, Le juge de paix, au nom de la députation , s’exprime aiasi: « Messieurs, « Des citoyens qui p’ont cessé de donner des preuves de patriotisme depuis là Révolution, viennent vous offrir les dommages de leur reconnaissance, et jurer dans le sanctuaire delà réformation des lois, de défendre, au péril de leur vie, la sublime Constitution que vous avez faite. « Le peuple des campagnes voit avec’ satisfaction les nouvelles loisque vous lui avez données ; il en reconnaît toute la sagesse; il admipp les principes d’égalité et de justice qui ont servi de base au grand ouvrage de la régénération de là France. Il voit dans le riche Un homme semblable à lui, et il défend avec confiance ses faibles possessions dans les nouveaux tribunaux. C’est surtout dans la justice de paix qu’il trouve de sûrs moyens de se garantir des jnjustiCes: et des vexations qu’il éprouvait si souvent. ( Applaudissements .) Aussi sa reconnaissance envers cette auguste Assemblée égale-t-ëlle le prix d’un si grand bienfait. « En réformant Jes différentes parties d’administration publique, vous avez fermé les çanàux qui accumulaient des richesses trop côrisiflêràbl’èS sur la tête d’un certain nombre d’agents, et par là vous avez détruit autant d’abus monstrueux qui appauvrissaient de§ milliers de. citoyerisv « Vous avez détruit cèt ancien régime1, de police qui pesait tant sur le peuple dès villes," et' qur faisait souvent taire [a loi en faveur des hoquqes puissants, par l’or et le crédit ministériel. « Vous avez présenté à l’Europe étonnée Iq tableau des lois avouées par l’humanité, la rav? son et la justice, et puisées dans les principes d’une saine politique. « O sages et profonds réformateurs 1 avec quels 308 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1791,1 transports d’affection, de reconnaissance et de joie, la France ne voit-elle pas le glorieux triomphe que vous avez remporté sur les préjugés et le despotisme, en établissant ainsi le règne des lois et l'empire de la raison I Si l’esprit de faction, alimenté par l’intérêt particulier, fait sentir quelques mouvements, il est bientôt forcé de céder à l’intérêt public défendu, protégé par le plus grand nombre. Et telle est l’heureuse position de l’Empire français : il n’a rien à redouter des entreprises des ennemis du bien public. Le patriotisme se manifeste de toute part et de la manière la plus éclatante, soit de la part des gardes nationales, soit de la part des troupes de ligne. L’union qui règne entre elles, si conforme à la raison, à l’humanité et au bon ordre, présente l’état de défense le plus imposant. Les Français ont coi mu le prix de la liberté et l’empire si précieux de la loi, l’une et l’autre consacrées par vos décrets : ils aimeront mieux répandre jusqu’à la dernière gouite de leur sang, que de souffrir qu’il leur soit mis de nouvelles chaînes. Les gardes nationales du canton de Marly-le-Roi, parmi lesquelles se trouvent des fonctionnaires publics ecclésiastiques, sont pénétrées de ces généreux et libres sentiments ; elles savent que le premier devoir des citoyens est de veiller à la sûreté publique, et de défendre sa patrie lorsqu’elle paraît en danger; elles ne cèdent pas aux gardes nationales parisiennes, dont le courageux patriotisme est à toute épreuve ; elles vont jurer de protéger l’exécution de tous vos décrets, et de vivre libres ou mourir. » ( Applaudissements .) Les membres de la députation s’écrient : Nous le jurons ! (Vifs applaudissements.) M. le Président répond : « Messieurs, « Vous avez quitté vos champs, votre domicile, pour porter aux représentants du peuple un hommage dont ils sentent tout le prix. Rien ne saurait les toucher plus que les assurances de ceux qui sont occupés à des travaux utiles, de ceux qui, toujours près de la nature, y puisent tous leurs sentiments, et donnent à l’amour de la liberté ce charme qu’ils empruntent de la simplicité de leur vie. « Habitants de la campagne, soldats de la Révolution, bons citoyens sous tous ces rapports, vous avez des titres à l’attachement des Français ; et c’est l’Assemblée nationale qui vous le garantit : elle compte sur vous pour obtenir à la Constitution des amis, même dans le nombre de ceux qui la menacent. En effet, quand les dangers de la chose publique n’exigeront plus que vos bras soient armés pour la défendre, vous saurez alors, après avoir repoussé nos ennemis s’ils vous y forcent, les attirer dans vos champs par la douceur de la paix que vous y ferez régner, et les convertir par l’image de votre bonheur. (Vifs applaudissements.) « L’Assemblée vous invite à assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’inserlion du discours de la députation de Marly-le-Roi et de la réponse du Président au procès-verbal.) L’ordre du jour est un rapport des comités militaire et des pensions réunis sur l'indemnité réclamée par le sieur François Xavier de Lowendal (1). (1) Voir ci-après, aux Annexes de la séance, p. 310, les réclamations des héritiers Lowendal. M. Chabroud, rapporteur. Messieurs, on vous a déjà parlé de la famille de Lowendal , d s titres qui sollicitaient pour elle votre justice, et des droits qui la recommandaient à la bienfaisance nationale. Par votre décret du 28 avril dernier, vous avez consacré sous ces deux rapports une lettre d’obligation publique, vous avez accordé •■ne somme de 800,000 livres comme indemnité et comme récompense (1). Il a été dit que l’Assemblée n’avait prononcé que sur une partie des réclamations de la famille de Lowendal ; il a fallu faire un nouvel examen et je viens vous en présenter le résultat. En 1760, le régiment de Lowendal, dont le fils du maréchal était colonel propriétaire, fut incorporé dans ceux d’Anhalt et de Darmstadt. M. François Xavier de Lowendal fut attaché, en qualité de colonel réformé, au régiment d’Anhalt et perçut un traitement de 12,000 livres par an. Quelques autres colonels avaient moins ; il était accordé à d’autres jusqu’à 20,000 livres. Il obtint, par une décision du 9 décembre 1765, une augmentation annuelle de 8,000 livres. Enfin M. de Lowendal, parvenu au grade de maréchal de camp et employé dans la dernière guerre à la Guadeloupe et à Sainte-Lucie, mérita une pension de 3,000 livres qui lui fut accordée en 1783. « Vos comités ont pensé, sur la première question qu’ilsontexaminée,que M. Lowendal, comme propriétaire d’un régiment, était dans les mêmes conditions que les autres colonels propriétaires dont vous avez assuré ies droiis et qu’il devait obtenir une somme de 100,000 livres pour indemnité de sa propriété. Ils ont cru, de plus, devoir considérer son traitement de 20,000 livres comme une pension viagère au capital de 100,000 livres et dont les arrérages lui étaient dus depuis la suspension du payement, c’est-à-dire depuis le 1er jauvier 1790 : il n’a pas été payé depuis ce temps; et comme tout son avoir consistait dans ses traitements et pensions et qu’il a été contraint de recourir à des secours étrangers, les comités pensent qu’il y a quelque justice à proposer à l’Assemblée de déclarer cette portion des arrérages, depuis le 1er janvier 1790 jusqu’à ce jour, insaisissable, si ce n’est en faveur des créanciers qui ont fait des fournitures pour la subsistance de la famille et son entretien. ( Murmures .) « Reste, Messieurs, lapensionde 3,000 livres. Il a paru évident à vos comités que si elle était susceptible d’être rétablie en faveur de M. de Lowendal, son droit subsiste et qu’il devait être renvoyé à en produire les preuves et à obtenir un titre nouveau selon les règles générales établies par vos décrets. « Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités militaire et des pensions, qui lui ont représenté son décret du 28 avril dernier, concernant la famille de Lowendal et rendu compte de nouveaux faits relatifs à la jouissance queFrauçois Xavier de Lowendal, dénommé seulement Wol-demar de Lowendal dans le décret du 28 avril, fils du maréchal de ce nom, a eue du régiment levé par son père; « Décrète qu’il sera remis par la caisse de l’extraordinaire, aux mêmes conditions d’emploi et de jouissance d’usufruit portées par le décret du 28 avril, pour le dit François Xavier de Lowendal et ses enfants : (1) Voy. Archives parlementaires, tome XXV, séance du 28 avril 1791, page 377,