[7 février 1791.] 29 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. estimatif de la dépense qui sera le résultat nécessaire de l’établissement. Rien de si commun, quand on bâtit et qu’oo se loge, que de s’engager dans des dépenses immodérées, et de s’y engager sans le savoir. Cette tentation est bien plus dangereuse lorsque ce n’est pas de son argent, mais de celui du public que l’on dispose : ainsi les directoires doivent nous savoir gré de les mettre au-dessus de cette tentation-là, parce qu’ils seraient très fâchés d’y avoir succombé : leur civisme en est une excellente caution. Il y aura ensuite à distinguer les districts immuables des districts précaires : une acquisition convient aux premiers; un bail de peu d’années est le lot des autres. Il a été impossible de remanier eu ce moment cette grande opération, non seulement d'après tous les motifs que vous a présentés le comité de constitution, mais parce que ces corps-là ont un zèle tout neuf, une jeune ferveur dont il est utile de profiler. Si cela a dû être retardé, cela ne peut s’éviier, surtout lorsque l’on aura reçu les conseils de l’expérience qui u’a encore pu parler. D’après cette certitude, la prudence ne veut-elle pas qu’une partie des directoires de district soit très sobre sur l’article de la dépense, puisque la dépense la plus nécessaire sera encore trouvée beaucoup trop forte par les administrés, lorsqu’arrivera l’iustant de la suppression ? Il y a ensuite à maintenir la hiérarchie si nécessaire entre les corps administratifs. Les départements ne peuvent trop surveiller les districts, comme l’Assemblée ne peut trop surveiller les départements. Il faut donc que les mémoires, procès-verbaux, devis et plans des directoires de district, soient visés par les directoires de département, qui les adresseront, avec leur avis, à l’Assemblée nationale. Sans cette précaution, ies directoires de district nous conduiraient à sanctionner leurs erreurs ou leurs fautes. Rien donc de plus important que de leur donner un contradicteur; cela les empêchera de former des pétitions indiscrètes, ou au moins l’avis des départements ies fera rejeter, s’ils se permettent d’en faire de semblables. On doit convenir que, pour le passé, ces différents corps ont une considération à vous présenter; ils peuvent dire : il a fallu que nous nous établissions avec promptitude; notre établissement a précédé les décrets des 2 septembre et 16 octobre; et à cette époque nous ne pouvions prévoir quelle serait la disposition de ces lois. Très souvent nous n’aurions pas trouvé une maison particulière propre à nous recevoir, et qui pût nous convenir. D’après ces motifs, ils ont pensé que provisoirement ils pouvaient se servir des édifices de la nation, pour faire les affaires de la nation : ils n’ont pas vu d’abord que ies frais de chaque administration étaient une charge locale et particulière aux administrés, et que chaque directoire de district devait traiter avec la nation ou avec des particuliers, si elle n’avait pas d’édifices propres à le recevoir. Si leur erreur a pu être tolérée pour le moment, elle est si voisine d’un grand abus, qu’il devient très Instant de la faire cesser. Il est une dernière mesure non moins urgente, c’est celle qui est relative aux finances de chaque administration. Si vous ne liez les mains sans pitié aux corps administratifs, ou il faudra surcharger les administrés, ou les finances de chaque département se dérangeront d’une manière insensible et sourde : tous ces désordres partiels formeront un désordre général qu’aucun moyen humain ne pourra plus réparer. Vous ne pouvez serrer trop un ressort qui naturellement cherche à se détendre. Il faut que la liberté française ait toute la force de la jeunesse, sans en cunnaître les erreurs. M. Prugnon, rapporteur , donne lecture d’un projet de décret. M. Lanjuinais. Si l’article 1er subsistait tel qu’il est, il serait inconstitutionnel; il y est dit : tous les corps administratifs enverront à l'Assemblée nationale , et vous avez décrété que vous ne seriez en correspondance qu’avec les départements; il y aurait donc un changement à faire. M. Prugnon, rapporteur. On peut mettre : enverront par la voie des départements. M. Vernier. Le dernier article est déjà porté dans vos décrets sur ies municioalités; il est aussi dans le décret de la constitution des corps administratifs. M. Prugnon, rapporteur. Pour se conformer à l’objection du préopinant, on peut mettre : conformément aux décrets des. . . M. Martineau. Il faut ajouter : à peine, par les administrateurs , d'en répondre en leur propre et privé nom. M. Merlin. Il me semble qu’il faudrait faire une exception pour les bâtiments qui, étant ci-devant consacrés à l’usage des palais de justice, ont été distingués par le décret du 16 uctobre dernier, pour servir d’établissement aux corps administratifs. M. Prugnon, rapporteur. J’adopte et je mettrai : autres néanmoins que les tribunaux. Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de sou comité d’emplacement des tribunaux et corps administratifs, décrète ce qui suit : Art. 1er. » Tous les corps administratifs seront tenus de rendre compte à l’Assemblée nationale, dans la quinzaine de la publication du présent décret, de la manière dont ils ont formé leur établissement; ils expliqueront, à cet effet, quelle est la mature de l’édifice qu’ils occupent, si c’est ou l’ensemble, ou une portion seulement; s’ils y sont établis en vertu d’une autorisation de l’Assemblée nationale, et si cet établissement est définitif, ou simplement provisoire; ils produiront un plan, tant des pièces qu’ils occupent et de leur distribution, que du surplus de l’édifice et dépendances; et ils joindront un état détaillé de la dépense totale de l'établissement. Art. 2. « Si l’édifice est national, sans être de la nature de ceux mentionnés dans l’article 4 du décret du 16 octobre 1790, et qu’ils n’aient point encore été autorisés à l’acquérir ou à le louer, ils seront tenus de former leur demande pour l’un ou l’autre cas. Ils produiront à l’appui, avec le plan ci-dessus exigé, un procès-verbal d’estimation de l’édifice, et un devis estimatif de la dépense que nécessitera leur établissement. 30 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES� [7 février 1791.] Art. 3. « Les mémoires, procès-verbaux, devis et plans des directoires de districts seront visés par les directoires de département, qui les adresseront, avec leur avis, à l’Assemblée nationale. Art. 4. « Il ne pourra être fait par les corps administratifs aucun emprunt, être établi aucune imposition sur les administrés, ni être employé aucun denier de la recette des trésoriers de districts pour les frais d’établissement des corps administratifs et des tribunaux, sans l’autorisation spéciale du Corps législatif, conformément aux décrets des 14 et 22 décembre 1789, et 3 décembre 1790, à peine d’en répondre en leur propre et privé nom. » M. Rœderer, au nom du comité d’imposition (1). Messieurs, avant de remettre sous les yeux de l’Assemblée la lecture générale du décret sur le timbre, je dois lui rendre compte de ce qui l’a retardé : l’Assemblée avait ordonné qu’il serait présenté un article pour la formation du papier qui servirait aux expéditions. Un membre avait demandé que ce papier fût rayé. Le comité a été obligé de prendre des informations dans plusieurs papeteries, pour voir si ce décret était exécutable sans de grandes difficultés. Il n’a pas reçu les explications qu’il désirait, et plusieurs articles ont trouvé de grands inconvénients, qui ont exigé de nouvelles discussions. Cependant il est urgent de statuer sur le décret, de l’envoyer à l’acceptation du roi, pour le mettre en activité à l’époque prescrite. Voici les modifications que le comité a cru de* voir introduire dans le texte primitivement adopté. Tout d’abord le comité des impositions doit déclarer franchement à l’Assemblée qu’il a été induit en erreur par la traduction imprimée du tarif de l’Angleterre, relativement aux lettres de change de l’étranger. Les mots foreign bills , qui se traduisent littéralement par les mots lettres étrangères, doivent être traduits, d’après les actes du parlement qui établissent l’impôt, par ces mots : lettres tirées sur V étranger, qui sont absolument différents ; de sorte qu’il n’est pas vrai, comme nous l’avons dit à l’Assemblée, que les lettres de change tirées sur l’étranger, soient soumises au timbre. Nous devons cette déclaration. Il y a une partie de l’Assemblée qui a pu se décider par l’exemple de l’Angleterre et non par la force des principes. Il est dit dans la version qui a été décrétée : « Même les endossements et acceptations de pareils effets venant de l’étranger, lesquels seront présentés au timbre et au visa, dans la première place de France, où ils devront être endossés, et payeront la moitié du droit. » Cette locution n’est pas exacte ; il doit être dit, pour remplir l’intention de l’Assemblée : « Même les endossements de pareils effets venant de l’étranger, lesquels seront présentés au visa, dans la place de France où ils devront recevoir le premier endossement ou l’acceptation, et payeront la moitié du droit, etc. » Voici une addition que le comité a faite à l’article 5 : « Les papiers que distribuera la régie, rece-(1) Nous empruntons ce rapport au Journal logogra-pbique, tome XXI, page 155. vront, dans la fabrication, un filigrane particulier. « L’objet de cette disposition est d’ajouter au moyen de prévenir les contrefaçons, un moyen qui soit inhérent au papier même. Le comité a l’honneur de présenter également une addition à l’article 21. Cet article était ainsi conçu : « La régie fera afficher le tarif du timbre avec le premier décret, et l’empreinte des différents timbres qui seront en usage, le tout à peine de 100 livres d’amende pour chaque contravention. » Nous proposons de rédiger cet article dans les termes suivants: « La régie fera disposer, au greffe des tribunaux de district, le papier marqué d’un filigrane qu’elle aura jugé convenable, et des empreintes des timbres, qui seront mis en usage : elle fera déposer de plus, dans les greffes des tribunaux de commerce, des empreintes des timbres destinés pour les lettres de change et autres mandements de payer; enfin elle fera afficher dans les bureaux le présent décret avec le tarif joint et l’empreinte des différents timbres qui seront en usage, le tout à peine de 100 livres d’amende, pour chaque contravention. » Vous avez décrété, d’autre part, qu’il y aurait 8 commissaires pour l’exécution de la loi qui concerne le droit d’enregistrement : maintenant, Messieurs, que vous venez de décréter l’impôt du timbre, et que vous avez placé cet impôt sous l’administration des mêmes personnes, il a paru nécessaire au ministre des finances, ainsi qu’aux commissaires déjà nommés, de décréter la nomination de 2 nouveaux commissaires, ce qui fera 10 en tout. Je dois assurer, Messieurs, que le contrôleur général s’est rendu au comité de l’imposition, pour lui faire part des difficultés que lui suscitaient les membres de l’ancienne administration des domaines. Il a pensé que, dans le choix qui serait fait par les administrations de l’enregistrement, il n’était pas obligé de choisir entre les sujets qui, autrefois, avaient administré le contrôle, et d’autres droits de cette nature qui sont maintenant fondés sur une loi uniforme ; il a pensé que le roi ne devait pas plus perpétuer dans ce nouvel ordre de choses les sujets attachés aux finances, que le peuple n’a perpétué dans la magistrature, et dans tous les emplois qu’il confère maintenant, les anciens préposés qui administraient ou la justice ou les affaires publiques. Eh ! Messieurs, que serait-il résulté si le ministre avait pensé autrement; car il n’est pas douteux que dans les compagnies de finances, autant au moins que dans toutes les compagnies judiciaires et administratives, il ne se soit rencontré un grand nombre de ces gens attaqués d’une maladie qui n’a plus de nom, qu’on appelait autrefois aristocratie, mais qui aujourd’hui est une démence sans exemple : ou ne peut pas douter, dis-je, que ces anciennes compagnies de finances ne renferment, entre beaucoup de bons et honnêtes citoyens, beaucoup de gens affectés de cette maladie, et que même elle est absolument incurable. (Applaudissements.) Ainsi, Messieurs, si le ministre, malheureusement pour la nation, avait cru pouvoir et devoir suivre les catalogues des employés de toutes les régies, il est certain que nous aurions vu à la tête de l’administration des finances un très grand nombre de gens plus que suspects. L’administration des domaines appelle au roi, à l’Assemblée nationale, au public, à la nation en-