[10 mai 1791. j (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 11. l’abbé Nanry. Toul citoyen qui a une volonté légale, qui est majeur, a le droit de pétition. Je réclame ce droit pour les corps administratifs et je soutiens, qn’en le leur refusant, la doctrine du comité de constilulion est absolument conl aire à tous les principes de la justice, à toutes les notions politiques. ( Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Plusieurs membres : La discussion est fermée. M. le Président. Malgré tout ce que vous venez de dire on demande que la discussion soit fermée. Voix diverses : Oui !... Non. M. le Président. Des oui et des non ne font pas la majorité de l’Assemblée ; je dois la consulter. (Une première épreuve est douteuse.) M. l'abbé Maury. Dans le doute, je dos avoir la parcle. Il faut bien me permettre d’être une fois de l’avis des tribunes et de recevoir leurs applaudissements. Gela ne m’arrive pas souvent. {Rires.) Plusieurs membres : La discussion est fermée. M. Goupii-Préfeln. Je demande, monsieur le Président, que vous fassiez une nouvelle épreuve. M. le Président. La discussion est déjà fermée sur le fond ; on demande qu’elle le soit sur l’amendement de M. Regnaud. Je renouvelle l’épreuve. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Dupont. Et mon amendement? M. le Président. Votre amendement a été rejeté. M. de Toulongeon. Je propose, par amendement, d’ajouter à la fin de l’article après les mots : « fl en sera fait mention » celui-ci : « nominativement. » (L’Assemblée, consultée, adopte les amendements de M. Regnaud de Saint-Jean d’Angélv et de Toulongeon.) M. le Président. Voici, avec les amendements ui viennent d’être adoptés, quelle serait Ja réaction de l’article premier. Art. 1er. « Le droit de pétition appartient à tout individu, et ne peut être délégué; en conséquence, il ne pourra être exercé en nom collectif par les corps électoraux, judiciaires, administ atifs ni municipaux, par les sections des communes, ni les sociétés des citoyens. Tout pétitionnaire signera sa pétition; et s il ne le peut ou ne le sait, il en sera fait meution nominativement. » {Adopté.) M. Le Chapelier, rapporteur. L’article que vous venez de décréter remplaçant les? premiers articles que nous vous proposions, ces articles devieunent inutiles et nous passoas à l’article 8. M. Dubois-Craneé. Je demande la parole et c’est sur l’article 6 du projet du comité que M. le rapporteur considère comme inutile. m Le droit de pétition est le droit le p'us sacré de la nation et le vrai pillad ura de la liberté; il i.e suffit pas d’avoir le droit de pétition, il faut encore que ce droit soit reconnu par les corps administratifs. 11 faut sans contre lit que les citoyens obéissent à la loi, mais ce droit serait illusoire, ?i les corps administratifs, auxquels 1 s pétitions seront adressées r.e sont pas tenus de répondre. {Applaudissements à gauche.) Si l’obéissance à la loi est le devoir le plus sacré du citoyen, le déni de justice est le délit le plus grave que puissent commettre les administrateurs. Je demande en conséquence que l’article 6 soit ét abli dans la forme que je vais indiquer, car je le trouve insignifiant. Voici ce que j’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée : « L’Assemblée nationale déclare que les administrateurs ?e oui tenus de donner une réponse aux pétitio s qui leur s< ront présentées, au moins dans la huitaine, laquelle sera par écrit, et signée d’eux. Si la pétition est juste, Us seront obligés d’y faire droit; si elle n’est pas fondée, ils lareje-teront, en en donnant les motifs : si elle n’est pas de leur compétence, ils déclareront aux pétitionnaires les tribunaux où ils pourront s’adresser. » M. de Tonlongeon. Vous v. nez d’étendre à tout citoyen, aux femmes, aux enfants, aux mineurs, aux étrangers, le droit de pétition. Voulez-vous obliger les corps administratifs à répondre à tous les Anglais, Espagnols, etc... de tout âge et de tout sexe. M. Gaultier-Biauzat. Il ne sera pas U uj urs au pouvoir des corps administratifs de lépondfe dans la huitaine et nous ne pouvons pas juger qu’ils le pourront dans tel ou tel temps. Mais ce que nous devons faire, nous devons assurer aux pétitionnaires le moyen de constater qu’ils ont adressé lelle pétition. Je demande que, conformément à l’usage que nous suivons dans nos comités, les corp< administratifs soient tenus u’ea-registrer les pétitions qui leur seront présentées, et u’en donner certificat. M. Goupiileau. Peut-être serait-il plus prudent de réunir les d* ux propositions. En conséquence, je. demande qu’en prolongeant le degré ue huitaine pioposé par M. Dubois-Craneé, on adopte également la m -sure de M. Biauzat qui est l’enregistrement des pétitions à mesure qu’elles seront présentées. M. Delavigne. Je crains qu’en disant qu’ellis seront prises en considération i es répons >s ne soient vagues. Je ne crois pas que les mesures présentées soient suffisantes pour ne pas rendre illusoire le droit de pétition. Je crois qu’il faut renvoyer au comiié l'article 6 pour détermin r, soit le mode de cette réponse, soit le délai dans lequel elle sera faite, soit les précautions avec lesquelles elle sera faite, soit la manière de la faire parvenir à ceux qui auront adressé la pétition. Il faut que le Corps législatif, le roi, les corps administ; atifs soient tenus de donner une réponse quelconque. Je demande donc le renvoi de ces diverses observations du comité. (L’Assemblée décrète le renvoi au comité.) M. le Chapelier, rapporteur. Nous passons à l’article 8 du projet du comité, qui devient t’ar-ticle 2; le voici. Art. 2. {Art. 8 du projet.) « Les assemblées des communes ne peuvent 094 (Assemblée nationale.] ARCHIVEE PARLEMENTAIRES. (10 mai 1791. J être' ordonnée?, provoquée? et autorisées, que pour les objets d’a Imin sba ion purmeot municipale, qui regardent les intérêts propres de la commune. Toutes convocations et d-libérations des communes et des sections sur d autres objets, sont milles et inconstitutionnelles. » M. B«*t. Je d mande les motifs de cet article. M. le Chapelier, rapporteur. Je réponds qu’une commune composée des hub tants d’une ville ne peut 8“ rassembler, d'après tous vos principes, et d’après ceux eue vous venez de consacrer sur le droit de | é ition, que pour délibérer sur l’affaire propre de la commune, c'est-à-dire sur l’alfa ire de la famille. C’tst à chaque individu qu’appartient le droit dé pétition, et il ne peut être exercé collectivement. Jamais le> individus ne doivent se coaliser pour faire des pétitions. Tout citoyen qui veut former une pétition cesse de ia r<- p rlie de tout corps particulier pour rentrer dans le corps social; il signe sa pétition en son nom particulier, et la fait signer par ceux qui la forment avi c lui. C’est pour cela, que les assemblées de communes ne doivent avoir lieu que pour des objets d’intérêt municipal. M. Bmot. Je vois bien par cet article que les personnes qui sont revêt t es des pouvoirs délégués {>ar le peuple ont grand peur dès à prés» nt que es peu pi s y portent la main et n’exercent un droit qui leur serait incommode. Je pourrais même tirer de la délibération actuelle un motf dedéur qu’il pût se faire à l’avenir qu’aucun ad ninis rateur, aucun fonctien-naire public ne participât à de pareilles délibérations. Les communes sont autorisées sans doute à s’assura hier pour délibéré - sur les affaires municipales; mais s’en suit-il de là que les citoyens d’ui.e commune ce puissent avec l’autorisation des corps administratifs s’assembler, non pas pour délibér rsur les affaires municipales, mais pour s’en-entretenir et présent r leurs vœux à ce sujet. Je suppose par exemple qu’une ville frontière ait des inquiétudes sur ce qui se passe autour d’elle, et que les corps administratifs négligent de s’en occuper, pourquoi ne pourrait-elle pas se rassembler pour faire une i étilion, pou-exprimer au Corps législatif et au roi ses inqu é-tudes? Vous diles que nulle pétition ne doit être faite eu nom collectif : eh bien I qu’e>t-ce qui empêche que la pétition ne soit in lividuellement signée par tous ceux qui y adhéreront? Mais poirque ce droit de pétition soit utile-mentexercé, ne faut-il pas que le< citoyens puissent s’écl. drer mutuellement, se communiquer mutuellement leurs pens es? Si le peuple de Paris, dans des temps de troubles et d’orage, avait été privé du droit de s’assembler et de se communiquer ses lumières, que serait-il arrivé? On se serait porté a des mesures qui auraient eu autant 'le directions diverses, qu’il y aurait eu de vol niés partielles. Le désordre et l’anarchie eu auraieut été les suites funestes, mais nécessaires. Quand on n’a pas un point central, où toutes les idées, où tous les avis viennent aboutir, il n’y a plus d’ordre ni d’harmoni * à désher. C’est au milieu des assemb ées composées d’ho nmes sag-s et prudents, qu’on peut espérer que sortira l’o-dre et la tranquillité que des circonstances difficiles ont pu dérauger; les lumières s’y communiqnent; la voix de la raison s’y fait entendre, entraîne et ramène les esprits exaltés ou égarés. Ces assemblées de famille ou la prudence donne ces conseils et domine le plus oréinain ment, ou le développement de l’intérêt public ramène à une marche légale, loin d’être restreintes, doivent plutôt être conseillées; il me semble qn’il serait infiniment plus politique, plus convenable de laiss-r les citoyens s’a-s» mbler paisiblement avec la tâche de la municipalité ou des corps administratifs, dans les salles de la commune ou dans leurs sections, sous l’inspection de la police et même de la force publique, si cela e>t nécessaire, que d’obliger les citoyens, en les isolant les uns les autres, à former des rassemblements tumultueux qui ne peuvent les éclairer et qui sèment partout le trouble et le désordre. Je demande la question préalable sur l’article d i comité. (L’Assemblée consultée décrète qu’il y a lieu à délibérer et adopte l’aiticle 2.) M. le Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 9 du projet de décret ainsi conçu : Art. 3. (Art. 9 du projet.) • Dans la ville d - Paris, comme dans toutes les autres villes et municipalités du royaume, les citoyens a» tifs qui, en se conformant aux règles prescrites par les lois, demanderont le rassemblement de la commune eu de leur section, seront tenus de former leur demande par un écrit signé d’eux, et dans leq» el sera déterminé d’une manière précise l’objet d’intérêt municipal qu’ils veulent soumettre à la délibération de 1a commune ou de leur section ; et à défaut de cet écrit, le corps municipal ou le président d’une section, ne pomrout convoquer la section ou la commune ». M. ttobespierre. Je ne vois aucun avanlage dans cet article; j’y vois un prétexte toujours donné aux officiers municipaux de contester aux citoyens l’énonciation plus ou moins précise de l’objet de leur rassemblement; ils la saisiront d’autant plus avidement qu’ils y seront iuté-ressés, puisq ie l’a Iministration municipale sera seule l’objet de ces assemblées. Je vois par cet article qu’on rend les officiers munici iaux juges absolus et arbitraires des assemblées de communes; on leur donne le droit d'eluder sous les moindres prétextes 1» s demandes des citoyens. Non seulement on met des entraves aux convocations des communes, mais à l’émission même du vœu des citoyens. On donne aux municipalités la faculté de rejeter les plus justes réclamations par une fin de non-recevoir; car elles pourront toujours dire : cet objet nYst pas l’objet précis de la convocation. C’est ainsi qu’on parvient à anéantir ins msiblement les droits des citoyens, à leur ôter toute influence, à les mettre dans la dépendance de leurs délégués, et sous le despotisme des municipalités. (On murmure .) D’après l’article suivant, on ne pourrait même délibérer sur les acce soires de l’objet principal, sans lesquels il serait souvent impossible de prendre une délibération complète. Les objections banales qu’oa fait contre ces raisonnements sont le désordre, l’acarcbie. Eh bien! aurez-vous jamais autre chos* nue le désordre et l'anarchie si vous établisses le* formes despotiques qu’on vous propose ?Btic , Messieurs, il y a .uue observation très essentielle à faire :