SÉANCE DU 27 THERMIDOR AN II (14 AOÛT 1794) - N° 1 49 Représentans du peuple françois, Catilina, entourré d’assassins et d’incendiaires, comptant sur la milice de Sylla, méditoit la ruine de Rome et celle du sénat, la perte des gens de bien, et l’oppression du peuple. Ses espions veilloient partout; ses agens s’étoient distribués Rome et les provinces; le fer brillait, les torches s’allumaint; tout étoit prêt enfin, et la République touchait à sa dernière heure, lorsque Cicéron attaqua le monstre, face à face, au milieu du sénat, et lui arracha le masque de la probité. Catilina découvert sortit, en s’écriant qu’il ne périroit pas seul, et il se réfugia parmi les conjurés. Un décret immortel le déclara aussitôt, ainsi que ses complices, l’ennemi de la patrie, et ceux-ci, arrêtés, périrent sous le glaive de la loy. Rome sauvée proclama Cicéron et le sénat les libérateurs de la République. On n’entendit que ce seul cri : d’autres consuls ont reculé nos frontières par des victoires, ceux-ci ont conservé l’Etat même. Législateurs françois, dans ce tableau rapide et fidèle, reconnoissez les crimes de Robespierre et de ses agens, le courage éloquent de vos orateurs, vos périls, votre vertueuse fermeté, vos devoirs, nos voeux, et l’expression de notre reconnoissance. Nous avons renouvellé tous ensemble le serment unanime de poursuivre jusqu’au dernier des partisans de la tirannie et de l’aristocratie, de rester fidelles à la Convention nationale, et de la deffendre jusqu’à la mort. Vive la République! Vive la Convention nationale! Honneur aux fidelles sections de Paris! Mort aux tirans et à tous les ennemis du peuple! Teyssier ( présid . de la sté ), Durand ( secrét .), Maigron fils. Les membres du c. de correspondance : Aimard {présid.), Chapus, Ducros, Robert, Archambes, La Valette {archiviste) [et une signature illisible], Le tribunal du distr. du Coiron et juge de paix : Maurin, Moze, Challamel, Deliere {commissaire nat.), [une signature illisible {du présid.)], Vachet-Rigaud {juge de paix). Les membres du c. de surveillance: F. Ladet {présid.), Aimard {secrét.) [et 9 autres signatures]. h’ [La sté popul. de Tulle (1), à le Conv.; Tulle, 19 therm. II] (2) Citoyens représentants, Une nouvelle conspiration, plus terrible encore que toutes celles qui avoient éclaté jusqu’icy, s’étoit formée à côté de vous, pour l’anéantissement de la liberté. Les conjurés (1) Corrèze. (2) C 316, pl. 1266, p. 50. Mentionné par B‘n , 2 fruct. s’étoient emparés de la confiance du peuple; ils avoient une autorité puissante; ils tenoient une partie des rênes du gouvernement, et ils avoient su se couvrir de l’égide du patriotisme et de la vertu. Le génie de la France, qui veille sur nous, a dévoilé tout d’un coup la trame de leurs manoeuvres perfides. Votre sagesse, votre énergie et votre courage, qui se sont accrus avec le danger, ont encore une fois sauvé la patrie. A la première nouvelle de cette affreuse conspiration, un cri général d’indignation s’est fait entendre dans le lieu de nos séances, et nous avons tous unanimement prêté le serment des hommes libres d’immoler tout individu qui usurperoit la souveraineté. Qu’ils étoient petits, dans leurs projets criminels, ceux qui osoient prétendre se mettre à la place du peuple, à la place du souverain, qui lutte avec intrépidité, depuis 6 années, contre les ennemis de toute espèce qui se sont élevés contre luy; du peuple qui veut être libre, et qui maintiendra sa liberté par le poids de sa force et de sa puissance! Qu’ils étoient insensés, et coupables, en feignant de croire que le peuple avoit oublié l’existence de l’Etre suprême, et en cherchant à le luy persuader, pour mieux parvenir à l’égarer, et le préparer, peut-être, à recevoir de nouvelles erreurs. Le peuple n’a jamais perdu de vue le flambeau de la vérité et de la raison. Ce flambeau l’éclaire, et il le dirige, il dissipe devant luy tous les prestiges que la tyrannie ou l’intrigue pourroient luy présenter. Ainsy l’astre bienfaisant de la lumière dissipe les nuages qui s’élèvent derrière la montagne, et donne à l’univers une lumière pure. Cette nuit pendant laquelle la représentation nationale a été menacée, quelques instants, de sa dissolution prochaine; cette nuit pendant laquelle vous avés gardé cette attitude imposante et fière, digne des représentants d’un grand peuple; cette nuit pendant laquelle vous avés dicté des loix sévères et justes contre les conspirateurs, en ordonnant la chute de leurs têtes criminelles sous le fer vengeur de la liberté offensée; cette nuit ne sera jamais effacée des fastes de la République. Ils ont aussy bien mérité de la patrie, les Parisiens qui sont restés fidelles à la Convention nationale, qui l’ont entourée de leur force, qui ont exposé leur vie pour sa deffense, et qui ont fait exécuter ses ordres. Ah! Frères et amis, si nous eussions été près de vous, nous aurions partagé vos périls et votre gloire; nos corps auroient servi de rempart, comme les vôtres, à nos représentans, et nous aurions été percés de mille coups, avant que les conjurés eussent pu les atteindre. Continués, sages représentants, vos immortels travaux; la victoire couronne de ses brillants succès nos frères qui marchent au pas de charge contre les ennemis de l’extérieur. Les mêmes lauriers vous couronnent pour vos succès contre ceux de l’intérieur. La massue d’Her-cule est dans vos mains. Vous disposés de la force et de la puissance du peuple. Qu’elles soient la terreur de ses ennemis, et ne les déposés que lorsqu’ils seront entièrement anéantis. 50 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Vive la Convention nationale, centre unique du gouvernement! Vive la République françoise, une et indivisible! Fuyel ( ?) ( présid .), J.J. Laval {secret.), Mala-veyre ( secrét .). V [La sté popul. d’Audieme (1), à la Conv.; Au-dieme, 20 therm. II] (2) Représentans, Vos jours ont été en danger, et le danger étoit d’autant plus imminent que le complot d’égorger les vrais défenseurs de la liberté, de subsistuer (sic) à des lois républicaines les lois corruptrices et corrompues de la tyrannie, étoit ourdi par un grand scélérat! Mais, grâces à votre vigilance et à votre fermeté, la France n’a point à verser des pleurs sur les victimes que Catilina avoit désignées à sa fureur. Son crime a été découvert et puni aussitôt que conçu. La liberté triomphe, et, par cette nouvelle victoire, vous êtes devenus de plus en plus chers à nos coeurs. Guerre à tous les intriguans; ne vous lassez pas, législateurs, de les fatiguer dans leurs projets criminels. Continuez d’étonner l’univers à force de vertus, et ne quittez le poste périlleux mais glorieux que la patrie vous a confié, que vous n’ayez mis à l’abri de tous les dangers le berceau de la liberté et consolidé sur des bases inébranlables la République. Alors, seulement alors retournez dans vos foyers, couverts de gloire et des bénédictions du peuple, faire le bonheur de vos familles, et vous aurez assuré celui de tous les Français. Les membres composant la société populaire régénérée des montagnards sans-culottes d’Au-dierne. [suivent 27 signatures]. y [La sté montagnarde de Segonzac (3), à la Conv.; 16 therm. II] (4) Représentans, Celui qui parlait sans cesse de vertu, lhipo-crite, l’astucieux, l’infâme Robespiere ne l’avait donc que sur les lèvres, et le crime dans le coeur. Vous en avés purgé le sénat français, et ses audieux satelites sont tombés avec lui sous le glaive de la loi. Le 10 thermidor, comme le 10 août, a été un jour favorable à la liberté et l’écoeuil d’un tyran. N’en doutés pas, représentans, si nos frères de Paris se sont rassemblés autour de vous en cet instant cruel pour vous préserver du péril que vous préparait cette faction nouvelle, s’ils ont bien mérité de la patrie, nos principes (1) District de Pont-Croix, Finistère. (2) C 316, pl. 1266, p.51. Mentionné par B in, 2 fruct. (3) Charente. (4) C 316, pl. 1266, p. 52. Mentionné par B‘n , 2 fruct.; J. Sablier, n° 1499 (Legonzague). étaient les leurs. Nous ne reconnaissons que la Convention. Nous verserions, comme les Parisiens, tout notre sang pour elle; nous applaudissons aux décrets qui l’ont nétoyé de ce qu’elle avait d’impur. Qu’ils on tord, les intrigands, les embitieux, les factieux! Le peuple français, jaloux de la liberté, ne se mettera pas dans leurs liens. Il n’est pas fait pour remper dans l’esclavage et devenir la proie des traîtres qui chercheraient à l’asservir. Il estimera le fonctionnaire public qui se comportera en citoyen, mais le tems des adorations est passé. Continués, dignes représentans, restés ferme à votre poste, et, tandis que nos armées chassent au loin les esclaves, que les malveilliants de l’intérieur soient foudroyés, et la République reposera sur des bases solides. Elle sera impérissable comme la vérité. Bourdeix (présid.), Augier ( pour le secrét.), Ch. Bourdeix jeune (secrét.). k’ [La sté popul. de Cébazat (1), à la Conv.; s.d] (2) Citoyens législateurs, L’énergie que vous avez déployé dans les journées des 9 et 10 thermidor en annonçant à 1’ Europe entière ce que peut un peuple libre contre le despotisme, apprendra à la postérité jusqu’où peut aller l’extravagance de l’homme quand il se laisse dominer par l’orgueil et l’ambition. Pour comble de scélératesse le moderne Catilina avoit emprunté le langage de la vertu. Il s’étoit associé un homme qui, par son phisi-que impotent et son stile mielleux, devoit nécessairement tromper les yeux les plus surveillans. Mais rien n’échappe à l’homme de bien lorsqu’il veut sauver son pays. Ne vous hattez pas, législateurs! Poursuivés sans relâche les traîtres, les conspirateurs, les factieux! Tranchez indistinctement les têtes qui oseroient s’élever au-dessus de la loi. Traité les monstres comme des monstres! Poursuivez la tirannie, sous quelques dehors qu’elle se présente et deffiez-vous de ces agens. Si les Louis XI et les Charles IX ont eu des empoisonneurs et des assassins à gages, les Robespierre et les Couthon ont eu des agens et des instruments de leur tirannie. Les monstres, à l’exemple de Caligula, eussent voulu que le peuple français n’eût qu’une tête, qu’ils eussent pu abatre d’un seul coup. Sous le fédéralisme le mot d’ordre étoit : Péthion ou la mort! Sous la nouvelle faction c’étoit : sans Robespierre point de patriotes! Pour nous, législateurs, unité, indivisibilité de la République ou la mort! Tel est notre mot de ralliement. Malheur à qui le méconnoîtra! Cambry (présid.), Thouard (secrét.) [et 18 autres signatures]. (1) District de Clermont, Puy-de-Dôme. (2) C 316, pl. 1266, p. 54. Mentionné par B‘n , 2 fruct.