632 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 16 mai 1791.] M. le Président. M. l'abbé Maury demande la division de la question de l’émission des monnaies de cuivre et de celle de l’émission de petits assignats, et il propose que l’émission de la monnaie de cuivre soit seule décrétée. La question préalable a été demandée sur cette motion, je la mets aux voix. (L’ Assemblée décrète qu’il n’v a pas lieu à délibérer sur la motion de M. l’abbé Maury.) M. le Président. M. de Montesquiou demande qu’avant de statuer sur la fabrication de petits assignats, le comité des finances soit chargé de présenter à l’Assemblée un plan sur les dépôts ?|ui sont nécessaires dai s Te royaume, sur les rais de ces dépôts, sur les moyens d’assurer la fidélité des dépositaires, sur la manutention et sur la comptabilité. La question préalable a été également demandée sur cette motion, je la mets aux voix. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la motion de M. de Montesquiou.) M. Blin. Je propose de réduire la somme de 100 millions d’assignats, portée dans le premier article du projet de M. de Beaumetz, à une moindre somme; et en voici la raison : c’est que les meilleurs calculs prouvent que le salaire de tous les hommes qui, en France, sont journaliers, est de 5,800,000 livres par jour. Or, certainement, ce besoin-là, pour la circulation, n’exige point une somme de 100 millions en petits assignats. (Murmures.) Je demande qu’il n’en soit décrété, quant à présent, que pour 25 millions. M. Rabaud-Salnt-Etienne. J’observe qu’ici ce n’est qu’un échange d’assignat contre l’assignat, ce qui ne fait aucun accroissement d’émission. ( Applaudissements ) De ce que la fabrication est longue on prétendrait en induire qu’il ne faudrait pas s’y livrer. Mais il faut remarquer que les premiers essais ont été des tâtonnements; que le premier papier d’abord très mauvais a été perfectionné; que des sociétés particulières qui ont leur intérêt personnel à bien surveiller, car l’intérêt personnel est toujours plus actif que l’intérêt public. A droite : Nous le savons bien. M. Rabaud-Saint-Etienne. Je dis donc que les sociétés particulières sont parvenues à faire promptement de bien meilleur papier ; et l’on connaît le nouveau papier de la Caisse d’escompte. Quant à la rapidité, j’ose annoncer à l’Assemblée que des personnes zélées pour le bien public feront le papier avec plus de rapidité qu*on ne l’a encore fait. M. Briois-Beaumetz. Je penche pour la somme de 100 millions de petits assignats à mettre en émission ; je ne me dissimule pas qu’il faut du temps pour les fabriquer; je ne me dissimule pas que cette émissiun fera resserrer Tarent, et c’est ce qui me détermine à la quantité e 100 millions u’a>signats ; car si l’argent disparait, il faut du papier pour le remplacer : or, si vous faites trop peu de petits billets, il y aura accaparement de billets. Si Ton veut adopter le parti de remplacer les écus, il faut les remplacer complètement. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Blin.) M. d’André. Je demande que les deux premiers articles du projet de décret soient mis ensemble aux voix. M. Briois-Beaumetz. J’y consens et je les réunis en un seul article que voici : < L’Assemblée nationale décrète ; Art. lar. « II sera procédé à la fabrication d’assignats de 5 livres, jusqu’à la concurrence d'une somme de 100 millions, en remplacement de pareille somme d’assignats de 2,000 livres et de 1,000 livres, qui seront supprimés : lesdits assignats ne pourront être mis en émission qu’en vertu d’un nouveau décret, lequel ordonnera, en même temps, l’ouverture d’un bureau dans chaque district, auquel on pourra échanger à volonté les dits assignats contre de la monnaie de cuivre. » (Adopté.) M. Briois-Beaumetz donne lecture de l’article 3 de son projet de décret ainsi conçu : « Pour parvenir a la fabrication d'une quantité suffisante de monnaie de cuivre, l’Assemblée nationale ordonne que la totalité du métal de3 cloches appartenant à la nation, et non nécessaires au culte public, sera vendue par adjudication publique, au plus offrant et dernier enchérisseur, payable en sols fabriqués au titre et poids des sols actuels. »> M. de Eirieu. Permettez-moi de vous observer que ces idées ont été examinées à votre comité; qu’il a trouvé singulièrement de mal à s’y livrer, parce que du moment qu’une monnaie a dans le commerce une valeur plus forte que la valeur intrinsèque, c’est un appui puissant pour les faux monnayeurs ; je crois que c’est le cas d’ajourner et de renvoyer au comité. M. Briois-Beaumetz. J’y consens. (L’Assemblée décrète le renvoi de l’article 3 du projet de décret au comité des finauces.) M. l’abbé Maury. Je dénonce à l’Assemblée qu’une société d’agioteurs veut acquérir les cloches, tandis qu’il existe une autre société de très honnêtes gens qui offre de faire une monnaie avec ce métal sans Tacheter. Je demande que l’Assemblée discute la question de savoir si la matière doit être vendue. M. Briois-Beaumetz donne lecture de l’article 4 de son projet de décret ainsi conçu : « La fabrication de la monnaie de cuivre occupera, sans discontinuation, au moins un balancier dans chacun des hôtels des Monnaies du royaume, jusqu’au parfait payement du montant de l’adjudication. > Un membre propose de renvoyer cet article au comité dis finances. (Ce renvoi est décrété.) M. Briois-Beaumetz donne lecture de l’article 5 de son projet de décret ainsi conçu ; « La fabrication d'une monnaie d’argent en pièces de 30 et de 15 sols, ordonnée par un précèdent décret, sera combinée de manière, pour le titre et le poids, à ce qu’il n’y ait aucun bénéfice à fondre cette monnaie. » Un membre demande l’ajournement de cet ar- [Au«mblée Mtkmale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |6 mal 1791.1 633 licle et son renvoi aux comités des finances et des monnaies. (Ce renvoi est décrété.) M. Brfets-Beanmetz. Je propose à l’Assemblée une disposition additionnelle tendant à ordonner aux comités des finances et des monnaies réunies de faire incessamment un rapport sur tous les objets de détails relatifs à la fabrication des petits assignats et de la nouvelle monnaie. La voici : Art. 2 {nouveau). c L’Assemblée nationale ordonne à ses comités des monnaies et des finances, réunis, -de lui faire incessamment un rapport sur les moyens d’exécution relatifs, tant à la fabrication des assignats de 5 livres, qu'à celle de la monnaie qui doit être faite pour être mise en émission au même moment où ils seront distribués.» {Adopté.) M. Dubois, curé de Sainte-Madeleine-de-Troyes , absent par congé, annonce son retour à l’Assemblée. M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain matin. Une discussion s’engage sur le point de savoir si le rapport sur les corps ne finances serait ou non renvoyé à l’ordre du soir. La motion est faite q .e ce rapport reste à l’ordre du matin. (L’Assemblee, consultée sur cette motion, décrète que ce rapport restera à l’ordre du matin.) M. le Président lève la séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE bE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 6 MAI 1791. Seconde opinion de M. de Montesquiou sur les assignats de 5 livres. Avertissement. L’opinion suivante aurait été lue à l'Assemblée nationale, à la séance du 6 mai, si la discussion eût duré plus longtemps. Le public ne l’eût jamais connue, si le décret rendu ce même jour avait statué définitivement sur les moyens et sur le régime entier de la fabrication et de l’émission des petits assignats; mais au point où en sont les choses, tous ceux qui croient avoir des vues utiles en doivent l’hommage à la chose publique; et ce d voir est encore plus sacré pour les représentants de la nation que pour le reste des citoyens. (Note de M. de Montesquiou.) Messieurs, Il serait bien à désirer que l’on ne fît jamais intervenir les passions ou les préjugés dans les questions que la raison froide et des calculs exacts doivent juger en dernier ressort. Celle qui est soumise à votre discussion se présente, aux meilleurs esprits, sous plusieurs rapports. Tous partent du même point, tous tendent au môme but; et s’ils varient sur les moyens d’y arriver, c’est de cette diversité même que doit jaillir plus certainement la vérité que vous cherchez. Le peuple, nous a-t-on dit, réclame hautement les petits assignats : et cette volonté est, pour nous, la loi suprême. Me préserve le ciel d’en reconnaître jamais d’autre que la volonté générale, seule lui des peuples libres! Mais n’oubliez pas, Messieurs, que vous en êtes les organes, et que c’est au tribunal de la sagesse que doivent se prononcer ses arrêts. Là, les passions sont condamnées au silence; les premiers mouvements sont analysés, réprimés même, si le bonheur public l’exige. A quoi serviraient des législateurs sans force, sans prévoyance, entraînés par le flot qui les environne, et sacrifiant au vain dé-ir de plaire un moment, la noble ambition d’être longtemps utiles? La volonté du peuple est imposante, sans doute, mais il est une loi plus imposante encore, plus sacrée pour nous, plus immédiatement confiée à notre surveillance; et cette loi suprême, la seule à laquelle nous puissions accorder ce titre, c’est le salut du peuple. Je ne répondrai à aucune des déclamations que j’ai entendues dans cette tribune; je réduirai la question actuelle aux termes les plus simples; et rien ne sera plus facile, car nous sommes tous d’accord sur le fait principal. Nous convenons tous qu’il est urgent d’aider la circulation, et de lui rendre les intermédiaires qui lui manquent entre les grosses pièces de notre monnaie territoriale, et celles qui servent aux moindres besoins de la vie. Que ce soit l’assignat qui perde au moment de l’échange, ou que ce soit l’argent qui gagne, c’est une question oiseuse, puisque l’effet sera le même tant que le journalier ne pourra acquitter ses consommations qu’avec de l’argent, et qu’il ne pourra se procurer avec un assignat tout l’argent dont l’assignat représente exactement la valeur. Or, voilà précisément le mal dont on se plaint, et qu’il s’agit de faire cesser. Le but auquel nous tendons est do te d’empêcher que les écus ne continuent de gagner contre les assignats, et notre moyen est de mettre d’autres signes de valeur en concurrence avec les écus dans les marchés. Nous voulons ensuite que le nouveau signe de valeurs qui concourra avec les écus ne perde rien contre la monnaie; et pour cela, nous proposons une immense fabri ration de monnaie de cuivre, afin de rendre facile, en tout temps et partout, l’échange au pair de ces nouvelles fractions d’assignats, contre une monnaie métallique propre aux moindres besoins. Le problème serait donc entièrement résolu, au gré même des plus violents adversaires des assignats, si, dans toutes les parties du royaume, le porteur d’un assignat pouvait, à chaque instant, l’échanger coutre des écus ou contre leur équivalent, et si partout cet équivalent d’écus pouvait être transformé, sans perte, en monnaie de métal. Je crois la proposition clairement énoncée. Examinons maintenant lequel des deux systèmes qui vous ont été présentés remplit le mieux toutes ces données. M. Rabaut vous a proposé de faire fabriquer des assignats de 5 livres au compte de la nation, comme vous avez fait fabriquer les précédents. Je vous ai proposé de confier cette opération, dans toutes les villes principales, à des maisons de commerce ou à des associations de