546 [Assemblée nationale.] ARÇHIVES PARLEMENTAIRES. [26 février 1791.] dées comme non avenues ; en conséquence, que les accusés seront incessamment remis en liberté. Art. 4. « Enfin, l’Assemblée nationale, profondément touchée des événements désastreux dont on a entendu le récit, invite les citoyens de Nîmes à se prémunir contre les suggestions qu’on pourrait employer encore pour les désunir et pour les plonger dans de nouveaux troubles ; elle les exhorte à sacrifier, pour le bien de la paix, le souvenir et le ressentiment de leurs maux, et à chercher dans l’union la plus durable et dans la tranquillité publique, la consolation et l’oubli des malheurs qu’ils ont éprouvés pour avoir ajouté foi aux perfides insinuations de quelques hommes mal intentionnés. » (Ce décret est adopté.) M. le Président lève la séance à dix heures trois quarts. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ÀSSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 26 FÉVRIER 1791, AU SOIR. Opinion de M. Cortois de Balore , évêque de Nîmes, sur la manière de rétablir la tranquillité dans cette ville (1). Messieurs, les mêmes motifs qui vous ont déterminés à renvoyer par devant d’autres tribunaux que ceux de Montauban et de Schelestadt la connaissance des troubles qui ont agité ces deux villes, vous détermineraient, à plus forte raison, au renvoi de la procédure de Nîmes, dont les malheurs ont été plus déplorables encore, et où se sont développées, avec bien plus de chaleur et d’activité, ces passions violentes qu’il importe si fort d’écarter de l’enceinte des tribunaux. Mais, plus j’ai profondément médité sur les causes de nos funestes divisions, sur leurs effets, sur les moyens les plus efficaces de ramener, dans nos murs désolés, sinon Je bonheur (hélas I combien nous aurons longtemps encore de larmes à verser !) an moins le seul adoucissement qui reste après de grands maux, la douceur de pleurer en paix et de s’attacher insensiblement aux objets de consolation qui nous restent ; plus je me persuade que, pour rélablir sincèrement et solidement la paix dans la ville de Nîmes, ce n’est pas le renvoi, mais l’abolition entière de la procédure qu’il faut vous demander; plus je me persuade qu’un oubli et un pardon général, tant de la part des législateurs et des vengeurs des lois, que de la part même des opprimés, qui se croient en droit d’en réclamer la vengeance, sont le seul remède à leurs maux particuliers, comme à ceux de leur malheureuse patrie. (I) La discussion s’étant prolongée pendant cinq séances, M. l’cvêquc de Nîmes, qui n’a pu obtenir la parole aux quatre premières, s’est trouvé, le jour do la cinquième, très malade d’un violent mal de gorge avec la fièvre, et tout à fait hors d’état d’aller à l’Assemblée. Je ne solliciterais, Messieurs, qu’une seule exception sévère si les inculpations, résultant de la procédure contre quelques ecclésiastiques, paraissent avoir Je moindre fondement, je demanderais que la procédure continuât de s’instruire contre eux seuls; l’honneur même de leur ministère rendrait cette exception nécessaire ; mais, Messieurs, quand la faiblesse même des charges ne les justifieraient pas complètement; quand les actions les plus ordinaires, les plus simples, ne seraient pas travesties en actes coupables et séditieux ; quand ces accusations vagues de fanatisme si fastidieusement répétées de nos jours, et qui n’annoncent plus que le fanatisme de l'irréligion et de l’incrédulité, poursuivant avec acharnement la leligion et ses ministres, ne détruiraient pas dans tous les bons esprits jusqu’au moindre soupçon contre ces ecclésiastiques, leur nom seul me rassurerait aussi ; en effet, et je ne sais par quelle fatalité, il semble que ce soit aux hommes les plus respectables du clergé de cette ville qu’une maladroite calomnie ait osé s’attaquer; à ces hommes dont les noms, depuis une longue suite d’années, se trouvent attachés à toutes les bonnes œuvres, inscrits dans les fastes de toutes nos maisons de charité, connus parmi les pères des pauvres; à des curés, à des pasteurs, dignes imitateurs des Vincent de Paul et des Longuet, l’amour et la consolation de leurs troupeaux ; à ces hommes auxquels il fallait bien chercher des crimes , puisqu’on s’était rendu coupable envers eux des plus violentes injustices, mais dont il était plus facile de piller et de dévaster les maisons, comme ou l’a fait, que d’entacher l’innocence ; à ces hommes enfin que, sur le théâtre de leurs vertus et de leur charité, on est aussi étonné d’entendre calomnier que vous le fûtes, Messieurs, lorsqu’au milieu de vous-même, vous entendîtes tout à coup un nom, dont la loyauté vous était si bien connue, le nom de Toulouse-Lautrec , prostitué dans la fable absurde d’une dénonciation maladroitement concertée entre deux vils calomniateurs et cependant adoptée par les magistrats. Je ne m’abaisserai donc pas à craindre, pour de tels hommes, que leur honneur puisse être même soupçonné; et, lorsque l’abolition entière de la procédure me semble être le seul moyen d’adoucir les maux de notre malheureuse patrie, ces noms chéris et respectés auront beau y être témérairement compromis, je n'en répéterai pas avec moins de persuasion et de confiance à l’Assemblée nationale : Nîmes ne peut être sauvé qu’en ensevelissant tout ce qui s’est passé dans un éternel oubli. Et ne croyez pas, Messieurs, que ce conseil soit uniquement celui du ministère de paix et de miséricorde que je remplis près des habitants de ces contrées, la religion ne conseille rien que la prudence et la saine politique ne doivent faire adopter. Malgré la différence étonnante des récits qui vous ont été faits de nos désastres, la voix forte et convaincante, quoique tardive, de la vérité, s’est fait entendre; elle aura dissipé ces épaisses vapeurs, dont les lieux et les premiers instants de ces scènes terribles sont toujours enveloppés, pour les yeux meme les plus perçants et les moins prévenus; sans vous en laisser imposer par ces noms de patriotes ou de rebelles, témérairement usurpés ou donnés, vous aurez déjà discerné, Messieurs, entre les oppresseurs et les opprimés, entre les victimes et les coupables. Mais, si la dure nécessité de repousser une