[7 novembre I790.J (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 309 actions et le thermomètre de la conduite, toute induction, toute vraisemblance se trouve ici à l'avantage du peuple corse etdeM.de Paoli ; car il est sensible, et il a été de tout temps senti par nos bons esprits, que l’intérêt de la Corse est d’être unie à un grand Empire, et de préférence au plus voisin, c’est-à-dire à la France. Isolée et indépendante, la Corse serait faible, livrée, comme jadis, aux factions de quelques riches, aux querelles passionnées qui troublent toutes les petites sociétés, aux désordres de l’anarchie, aux interventions, et, finalement, aux invasions de l’étranger. Isolée et indépendante, la Corse s’obérerait par les frais d’un état militaire intérieur, d’une puissance navale nécessaire, d’une administration et d’une justice dispendieuse; la moindre guerre l’anéantirait : et nous sommes à la porte de Tunis, d’Alger et de Gênes. Au contraire, unie à la France, la masse de cet Empire nous donne de la consistance; ses flottes protègent nos côtes, son pavillon assure notre commerce; nous jouissons de sa puissance, de sa navigation, de ses armées, de ses arts, de sa population, nous sommes partie intégrante d’un grand corps. Avec toute l’ambition imaginable, M. de Paoli ne nous mènerait pas à un plus beau but; et avec son bon esprit et ses connaissances, il sent que l’Angleterre est trop loin pour nous protéger, trop obérée pour nous soulager, et que nous aurions maintenant trop à perdre à changer notre système de représentation et notre Constitution. De plus, à soixante-cinq ans, lorsque l’on a fait tous les frais d’une vie glorieuse et sans tache ; lorsque l’on a autour de soi le spectacle du bonheur, de l’aisance, de la liberté; lorsque l’on jouit de la vénération de ses parents, de ses amis, de l’estime des honnêtes gens et de la haine des lâches, comment renoncer tout d’un coup à tant d’avantages, et cela en passant dans le camp de ses ennemis? Comment devenir un traître, quand on voit le salaire de la trahison? Gomment renoncer à ce beau décret de l’Assemblée nationale, qui vouant à un honneur immortel les martyrs de la liberté, a, par cela même, atteint de calomnie et noté d’opprobre leurs détracteurs? Non, non, M. Buttafuoco, nous ne nous tromperons ni sur nos sentiments, ni sur nos intérêts, ni sur vos clameurs ; et quand vous nous dites que tout est bouleversé et perdu en Corse, vous faites à l’Assemblée nationale le compliment le plus agréable : vous lui dites que tout est bouleversé, perdu pour les ennemis de la Constitution ; et, en effet, elle y domine tellement désormais, ses principes y sont tellement établis (1), qu’il n’y a pas en France un département plus paisible, plus assuré et mieux purgé d’aristocrates. J’ai l’honneur d’être un véritable et fidèle représentant de ce pays. Salicetti, membre de V Assemblée nationale et procureur qènêral-syndic du département de Corse. A Paris, 2 novembre 1790. (1) J’oublie d’observer qu’il n’y a pas une place forte en Corse qui ne soit entièrement et exclusivement occupée par des troupes de ligne, avec qui les habitants vivent dans la plus parfaite intelligence. Je m’en rapporte au témoignage du ministre de la guerre; et certes, il ne sera pas suspect. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du dimanche 7 novembre 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures et demie du matin. M. Brostaret, secrétaire, , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, au matin. Ce procès-verbal est adopté. M. Coroller, secrétaire , fait la lecture d’une note envoyée par M. le garde des sceaux, des expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives; suit la teneur de cette note : « 1° De lettres patentes sur les décrets de l’Assemblée nationale des 17, 19 et 20 septembre dernier, internrétatifs des décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, des articles 1 et 13 du titre Iep; 2, 3, 30 et 31 du titre II du décret du 15 mars dernier; ensemble de l’article 3 de celui du 3 mai suivant, concernant les droits féodaux : « 2° D’une proclamation sur un décret du 20 dit mois dernier, par lequel l’Assemblée nationale a déclaré que la municipalité de Bar-le-Duc est pleinement justifiée d’une inculpation qui lui avait été faite ; « 3° D’une proclamation sur un décret du 1er de ce mois, relatif aux difficultés qui suspendent l’exécution, dans plusieurs départements, du décret du 28 décembre 1789, concernant les comptes à rendre par les anciens administrateurs, et à la remise des pièces et papiers qui regardent l’administration de chaque département; « 4° D’une proclamation sur un décret du 3, relatif aux mouvements séditieux qui ont eu lieu à Carcassonne ; « 5° D’une proclamation sur un décret du 4, portant que la ville de Pau est le siège de l’administration du département des Basses-Pyrénées, et que les administrateurs élus par l’Assemblée électorale seront tenus de s’y réunir à l’époque fixée par la loi ; « 6° D’une proclamation sur un décret du 5, portant que les tribunaux des districts de la ville de Lyon et de la campagne, séants en cette ville, seront composés de six juges ; « 7<> D’une proclamation sur un décret du même jour, portant que le tribunal de district de la ville de Bordeaux sera composé de six juges; « 8° D’une proclamation sur un décret du 6, portant qu’aucune compagnie des anciens juges, aucun tribunal qui se trouve séparé sans avoir formé le tableau de ses dettes actives et passives, ne pourra se rassembler sous prétexte de faire ledit tableau, ni sous aucun autre prétexte, à peine de forfaiture; « 9° D’une proclamation sur un décret du 7, concernant la suspension de l’exécution de la roule conduisant de Melun à Nangis; « 10° D’une proclamation sur un décret du même jour, portant que l’administration en matière de grande voirie, attribuée aux corps administratifs par l’article 6 du titre XIV du décret sur l’organisation judiciaire , comprend dans toute l’étendue du royaume l’alignement des ruea, villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes, et que les réclamations d’incompétence à (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.