89 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1790.] le rapport de M. Vieillard, qui porte qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur la réclamation des quatre notables de Montauban, ne résout pas la question qu’ils ont posée et qui consiste à savoir si aux termes du décret constitutionnel, rendu par l’Assemblée, ils ne doivent pas remplacer les officiers municipaux suspendus de leurs fonctions. J’insiste pour que l’Assemblée donne à cet égard une explication qui me paraît nécessaire. M. l’abbé Gouttes. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour et je crois que l’Assemblée a manifesté très clairement son intention par son décret. M . Doutte ville-Dumet* . J’appuie la demande de l’ordre du jour et je me borne pour la motiver à rappeler que la proposition de M. Faydel s’est produite samedi soir et qu’elle a été écartée. L’Assemblée n’a pas eu l’intention de suspendre les notables de leur fonction, mais elle a voulu empêcher qu’ils ne remplaçassent les officiers municipaux suspendus. Plusieurs membres invitent le président à prendre le vœu de l’Assemblée. D'autres membres réclament la parole pour la position de la question. M. Chabroud. La véritable position de la question c’est de pa'sser à l’ordre du jour au lieu de perdre un temps précieux en discussions inutiles. (L’Assemblée décide qu’elle passera à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire .) M. Thouret, rapporteur. Les tribunaux sont actuellement en vacance; l’époque de leur entrée est dans six semaines.il est absolument important que les nouveaux tribunaux soient installés incessamment. En commençant dès aujourd’hui les opérations qui doivent donner les élections, à peine nous reste-t-il assez de temps. M. Gossin est prêt à faire son rapport sur le placement des tribunaux, et l’Assemblée n’a rien de plus pressé que de s’en occuper. J’apporte les décrets définitivement rédigés; mais auparavant j’ai à proposer quelques articles additionnels ; ces articles ont pour objet la justice pure, simple et pacifique des arbitres. — Votre système judiciaire est incomplet et déparé, si vous n’affranchissez l’arbitrage des gênes par lesquelles on a essayé de l’abolir. Il faut rappeler aux plaideurs que la justice des tribunaux n’est instituée que comme un remède extrême pour ceux qui n’ont pas l’esprit de s’en passer. Je vais vous proposer des articles qui, s’ils sont adoptés, précéderont tout ce que vous avez fait sur l’organisation judiciaire, et serviront de premier titre. Titre Ier. — Des juges arbitraires. * Art. 1er. L’arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de déterminer les contestations entre les citoyens, les législatures ne pourront faire aucunes dispositions qui tendraient à diminuer soit la faveur, soit l’efficacité des compromis. .» (Cet article est adopté sans discussion.) M. Thouret lit l’article 2. « Art. 2. Toutes personnes ayant le libre exercice de leurs droits et de leurs actions, pourront nommer un ou plusieurs arbitres pour prononcer sur leurs intérêts privés dans tous les cas et en toutes matières, sans exceptions. » M. Toys. Je demande qu’il soit fixé, dans l’article 2, un terme pour les compromis et que ce terme ne puisse excéder trois aos. Il suffit, pour justifier ma proposition, d'alléguer l’intérêt même des parties qui sollicitent une décision prompte. M. Thouret. Je demande le rejet de l’amendement. La question se réduit à savoir si l’Assemblée regarde l’arbitrage comme favorable oui ou non. (L’amendement est rejeté.) (L’article 2 est adopté sans changement.) M. Thouret, rapporteur lit l’article 3. « Art. 3. Les compromis qui ne fixeront aucun délai dans lequel les arbitres devront prononcer, et ceux dont le délai sera expiré, seront néanmoins valables, et auront leur exécution jusqu’à ce qu’une des parties ait fait signifier aux arbitres qu’elle ne veut plus tenir à l’arbitrage. » M. Martineau. Je propose d’insérer dans cet article une clause portant qu’il pourra toujours y avoir appel afin que les parties ne soient pointoblï-gées de s’en rapporter aveuglément aux arbitres choisis et qu’elles aient contre eux, dans le cas de prévarication et d’injustice, le recours qu’elles auraient contre les autres juges. M. Thouret. Le recours, dans ces cas, est de droit naturel; il ne sera donc pas enlevé aux parties et c’est pour cela qu’il n’est point nécessaire d’exprimer dans l’article, la clause de l’appel. (L’article 3 est mis aux voix et adopté tel qu’il a été proposé.) M. Thouret donne lecture des articles 4, 5 et 6 qui sont adoptés ainsi qu’il suit : « Art. 4. Il ne sera point permis d’appeler des sentences arbitrales, à moins que les parties ne se soient expressémentréservées, par lecompromis, la faculté d’appeler. « Art. 5. Les parties qui conviendront de se réserver l’appel, seront tenues de convenir, également par le compromis, d’un tribunal entre tous ceux du royaume auquel l’appel sera déféré; faute de quoi, l’appel ne sera pas reçu. «Art. 6. Les sentences arbitrales, dont il n’y aura pas d’appel, seront rendues exécutoires par une simple ordonnance du juge du district, qui sera tenu de la donner au bas ou en marge de l’expéditiou qui lui sera présentée. » M. Thouret, rapporteur. Je vais vous donner lecture intégrale de tous les décrets adoptés jusqu’à présent sur l’ordre judiciaire, afin que le tout devienne un décret unique prêt à être présenté à la sanction. M. Regnaud ( de Saint-Jean-d'Angèly), après la lecture du titre III des juges de paix , propose un article additionnel qui est décrété en ces termes : « Dans le cas où un juge fie paix serait vala-« blement empêché, il sera remplacé par uti as-« sesseur. » M. Thouret. Vous avez précédemment adopté, sauf rédaction, les articles 12, 13 et 14 du titre X 90 [Assemblée îrçtion�lp.J ARppiVES PAIEMENT AIRES. [16 aopt 1790. des bureaux de paix et du tribunal de famille. Voici la teneur de ces articles tels que nous vous les proposons : « Art. 12. S’il s'élève quelque contestation entre mari et femme, père et fils, grand-père et petit-fils, frères et sœurs, npyeqx et opcles, ou autres alliés aux degrés ci-dessus ; comme apssi entre les pupilles et leurs tuteurs, pour choses relatives a la tutelle, les parties seront tenues de nommer des parents, pm à leur défaut, des amis et voisins pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différent, et qui, après les avoir entendus et avoir pris les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée. « Art. 13. Chacune des parties nommera deux arbitres ; et si l’une s’y refuse, l’autre pourra s’adresser au juge, qui, après avoir constaté le refus, nommera les arbitres d’office, pour la partie refusante ; lorsque les quatre arbitres se trouveront divisés d’ppinion, ils choisiront un surarbitre pour lever le partage. «Aft. 14. La partie qui se croira lésée par la décision cjes arbitres, pourra se pourvoir par appel devant le tribunal de district qui prononcera en dernier ressort . » (Ces articles sont adoptés sans discussion.) M. le Président. La députation de Nancy demandé à interrompre un instant l’ordre du jour pour annoncer à l’Assemblée une insurrection très grave de la garnison de Nancy. M. Régnier. La députation de Nancy vient de recevoir des lettres delà municipalité” qui l’informent des dangers que court la ville par suite de l’insubordination des régiments du roi infanterie, mestre de camp, cavalerie, de Châteauvieux suisse. Les officiers municipaux craignent le sac et le pillage. Nancy se met sous la protection et l’autorité de l’Assemblée nationale. Je demande, en conséquence, que les trois comités des rapports, militaire et des recherches, soient convoqués à l’instant pour rendre compte de cette malheureuse affaire, dans le cours de la séance. M. P pugnon. Chaque heure est un siècledaps ces tristes circqnstanpes qui affligent la ville de Nancy. Je demande la plus grande célérité et que l’Assemblée prononce sans désemparer. (L’Assepahlée ordonne la réunion immédiate des trois comités et fixe le rapport à l’ordre de deux heures.) ]$. TJiouret, rapporteur, reprend ensuite la lepture du décret sur V ordre judiciaire et présente sur le titre XIII des juges en matière de commerce un article additionnel ainsi conçu : « Dans les affaires qpi seront portées aux tribunaux de commerce les parties auront la faculté de consentir à être jugées sans appel, auquel cas les juges de commerce prononceront en prèmier et dernier ressort. » (Cet article est adopté.) M. Cigongne(l). Je prie l’Assemblée de m’accorder quelques instants pour lui soumettre de courtes observations sur l’article 2 du titré relatif aux juges en matière dé commerce. Loin d’admettre l’exception de l’article qui n’attribue au tribunal de commerce la connaissance des lettrés et billets de change, que lorsque les banquiers, négociants ou marchands en devront la (1) L’opinion de M. Cigongne n’a pas été ipsérée au Jlj Moniteur. valeur, ou seront poursuivis comme endosseurs, je crois fermement que tous ceux qui contractent des lettres de change ou des billets à ordre, se rendent indistinctement sujets apx lois faites sur ces actes de commerce. En motivant mon opinion, je vais en ppouvpr la nécessité. Le commerce est un état libre, que tout particulier peut exercer et quitter quand il lpj plaît. Ce sont les actes de commerce qui rendent justiciable delà juridiction de commerce. Les lettres de change et les hillets à ordre ont été inventés ej; adoptés pour faciliter le commerce, pour ep accélérer les opérations, pour les étendre en multipliant les facultés par la confiance. Quiconque les met en pratique, sait qu’il fait un apte de commerce, qu’il se met, par cet acte, dans la classe du commerçant, il s’assujettit donc volontairement aux lois établies pour ces sortes d’actes, et au tribunal qui doit en connaître. Quelle que soi! la qualité qu’il avait avant de contracter, elle ne doit lui donner aucun privilège de juridiction, d’autant plus que la qualité des personnes n’étapt jamais énoncée, ni nécessaire dans ces actes circulants, elle ne peut en régler la valeur. Le prétendre serait les priver delà confiance qu’ils opt acquise, les dénuer de leurs avantages, les paralyser et porter un corps mortel à notre commerce ; ce serait, en outre, une injustice d’autant plus révoltante, qu’il pourrait en résulter que dans le nombre des tireurs, accepteurs et endosseurs d’un même effet, il s’en trouverait une partie qui serait sujette an par-corps, tandis qpe les autres ne le seraient pas. Enfin, ce serait ressusciter les abus et les privilèges que l’on a abolis avec tant de peipe et qpe l’op cherche à déraciner sans retour. Dans la vie privée, personne n’est obligé de contracter des lettres de change ni des billets à ordre. Le billet simple est en usage et devient, par son énoncé, un acte civil dépendant des tribunaux ordinaires, quoiqu’il soit passé entre personnes commerçantes. C’est donc l’acte par lui-même qui rend Justiciable de telle ou de telle juridiction, et non la qualité des contractants. Ceux qui font des actes de commerce deviennent donc, pour ces mêmes actes, justiciables des juridictions de commerce. Ainsi, loin d’adopter l’exception de l’article du comité, il convient d’en étendre le sens, en ajoutant les billets â ordre aux lettres dé change, sans parler des billets de change qpi ne sont plus en usage, et qui ont été remplacés par les billets à ordre. C’est l’expression a l'ordre qui rend le billet susceptible d’échange et cirpulant : san§ ces mots, il n’est qu’une obligation civile qui reste concentrée entre les deux parties contractantes et ne peut avoir de circulation dans le commerce : elle est de la compétence des tribp-bunaux ordinaires. J’observerai, au sujet des bolets à ordre, qu’ils méritent d’autant plus d’être pris en considération qu’ils sont très utiles à l’extension du commerce national, qu’ils favorisent la classe la moins opulente des commerçants; qu’ils sont les premiers échelons de leur fortune, parce qu’avec eux, le marchand n’a besoin de la coniianpe que d’une seule personne, ap lieu que la lettre de change nécessite souvent la confiance de depx ; celle du banquier sur qui elle est tirée, et celle de celui à l’ordre duquel pjle est passée. Je répondrai à ceux qui m’objecteraient qu’en conséquence les billets à ordre sont plp§ dangereux : Ce sont des monnaies qui n’ont pas un cours