388 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g J?®**?5 Un membre obtient la parole pour informer la Convention que les commissaires de la muni¬ cipalité de la Guerche, département du Cher, avaient déposé sur l’autel de la patrie les richesses des églises de leur canton; ainsi que les dons volontaires en argent et chemises que leurs con¬ citoyens destinent pour les frais de la guerre et pour améliorer le sort de nos braves défenseurs. Il ajoute que ces mêmes commissaires étaient chargés, en outre, d’une somme de 8,000 livres en numéraire, et de 30 marcs d’argenterie appar¬ tenant à différents citoyens, pour être échangés contre des assignats républicains; que ces ci¬ toyens ont bien consommé l’échange des 8,000 li¬ vres en numéraire, mais qu’ils n’avaient pu par¬ venir, quoiqu’ils se soient présentés dans plu¬ sieurs bureaux, pour échanger les 80 marcs d’ar¬ genterie. Il demande que la Convention, vu le retard qu’éprouvent les commissaires et le besoin qu’ils ont de rendre compte de leur mission, prenne des moyens, tant pour accélérer cet échange, que pour leur faire rembourser les frais de route et de transport des objets sus-désignés. Renvoyé au comité des finances (1). Suit la 'pétition de la Société populaire et de la municipalité de La Guerche (2). « La Société populaire et la municipalité de La Guerche, chef-lieu de canton du départe¬ ment du Cher, envoyèrent, il y a quelques jours, des commissaires à la Convention nationale, pour déposer sur l’autel de la patrie les richesses des églises de ce canton; quelques citoyens y joignirent des dons volontaires en argent et en chemises, pour subvenir aux frais de la guerre et à l’amélioration du sort de nos braves défen¬ seurs. Ces objets ont été déposés dans les lieux destinés à les recevoir. « Les mêmes commissaires étaient aussi chargés de présenter, en échange d’assignats républicains, environ 80 marcs d’argenterie appartenant à diverses personnes et 8,000 livres en numéraire. « L’échange de la monnaie métallique a été effectué et les commissaires en ont reçu le moü-tant, mais il leur reste à consommer l’échange des 80 marcs d’argenterie. Depuis près d’une décade ils ont infructueusement couru de bu¬ reau en bureau, partout on leur a répondu que l’on n’avait point mission pour consommer ces sortes d’échanges, ce qui met les commissaires de La Guerche dans la dure nécessité de perdre un temps précieux et de multiplier inutilement les dépenses qu’ils ne peuvent se dispenser de faire pour vivre à Paris. « Cependant, citoyens, il est temps que ces bons habitants de la campagne retournent dans leurs foyers, et il est juste de les mettre en état de rendre à leurs commettants un compte satis¬ faisant de leur conduite, car s’il en était autre¬ ment, ils jetteraient le découragement dans l’âme de leurs concitoyens, sur lesquels l’esprit publio fait de rapides progrès. (1| Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 151. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 814. « En conséquence, je propose à la Convention nationale de décréter sur-le-champ que la Tré¬ sorerie nationale demeure autorisée à faire la pesée de l’argenterie qui lui est offerte en échange par la Société populaire de La Guerche, et à en payer la valeur en assignats républi¬ cains. « Je demande aussi qu’il soit déterminé quand, comment et par qui les commissaires seront remboursés de leurs frais de route et de transport de tous les objets précieux qu’ils ont présentés à la Convention nationale, en ce qu’il n’est pas juste que cette dépense demeure à leur charge. » Le citoyen Colombier [Colombié] se présente à la barre pour dénoncer les vexations inouïes exercées contre lui par les autorités constituées et ses concitoyens de Moissac; il demande que le représentant du peuple envoyé dans le dépar¬ tement du Lot, soit chargé de prendre des ren¬ seignements sur les lieux, et de lui rendre jus¬ tice. Cette pétition convertie en motion par un mem¬ bre [Elie Lacoste (1)], la Convention nationale décrète que le citoyen Chaudron-Roussau, ou autre représentant du peuple dans le département du Lot, est chargé de prendre tous les renseigne¬ ments possibles sur l’objet de la réclamation de ce citoyen, et d’y statuer (2). Suit la pétition du citoyen Colombié (3). « Citoyens représentants, ; « Le malheur est fait. Pour réveiller votre sen¬ sibilité, l’oppression d’un patriote est un titre certain à tout votre intérêt. La commune de Moissac, au département du Lot, est celle qui me vit naître et ce sont des vexations affreuses de sa part, que je viens aujourd’hui vous dénoncer. « Moissac, dans les premiers jours de la Révo¬ lution, avait, comme Bordeaux, bien mérité de la patrie. Mais un voisinage malheureux, mais des relations que l’esprit commercial avait trop resserrées, lui firent partager, dans les der¬ niers temps, les égarements de la Gironde. Je vis le précipice s’ouvrir sous les pas de mes conci¬ toyens, et j’essayai de les en préserver. Mes soins furent honteusement repoussés. Je tonnai contre le modérantisme des Bordelais, contre les trames fédéralistes des Girondins, et je fus taxé d’anarchiste insolent, de désorganisateur incendiaire. Je prêchai le ralliement autour de ce foyer sacré qui, seul, pouvait sauver la chose publique, je voulais dire autour de la Montagne, et je fus taxé de factieux exaspéré, de maratiste sanguinaire. « Voilà mes crimes, représentants, les voilà, ces crimes qu’une commune insensée, une Société qui se dit populaire, ont eu l’impudeur de me reprocher, dans des actes même solennels. Les voilà, ces crimes, pour lesquels, depuis sept (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 792. (2) Procès-verbaux de la Convention t. 27, p. 152. (3) Archives nationales, carton C 286, dossier 840. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { g SéSSbreÎ793 389 mois, une proscription infamante est attachée à mon nom; un genre nouveau d’exécration publique est devenu mon partage. Les voilà, ces crimes pour lesquels, depuis sept mois, mes biens les plus chers, mes propriétés les plus sacrées sont en proie aux dilapidations les plus téméraires. Les voilà, ces crimes pour lesquels depuis sept mois, ma liberté, constamment menacée, mes jours dans un continuel danger, ont offert en moi le spectacle du plus infortuné des hommes. Les voilà, ces crimes enfin, pour lesquels mes concitoyens ont juré de ne me par¬ donner jamais, et dont cependant je me glorifie de pouvoir, dans ce moment, offrir l’hommage à l’Assemblée auguste qui m’entend. « Représentants, si l’existence d’un républi¬ cain vous est chère, montrez-vous et confondez mes ennemis; ils sont aussi les vôtres; ils sont ceux de la République entière. S’ils n’étaient que les miens j’eusse demandé depuis longtemps pour les satisfaire, ou l’ostracisme d’Aristide, ou la ciguë de Socrate. Mais l’amour brûlant de la patrie doit entraîner dans l’âme du républi¬ cain le sacrifice de tout autre sentiment, de toute autre vertu. « Représentants, j’ai cherché un vengeur, je l’ai demandé à grands cris. Ni les administra¬ tions, ni les tribunaux n’ont osé me le fournir, la multitude effraye les hommes ordinaires. C’est à vous de me le donner, ce vengeur, je suis venu pour l’obtenir ; vous êtes trop grands pour me le refuser. « Je demande, premièrement, que la Conven¬ tion nationale charge, par un renvoi exprès, un représentant du peuple affecté au département du Lot, de prendre sur les lieux tous les ren¬ seignements relatifs aux faits dont je me plains, et de rendre ou faire rendre, soit par manière révolutionnaire, soit par toute autre que sa sagesse lui inspirera, toute la justice qui sera ju¬ gée convenable. Secondement, qu’en attendant l’arrivée sur les lieux du représentant délégué, ma personne et mes biens soient placés par la Convention nationale sous la sauvegarde expresse et soli¬ daire des membres composant la municipalité de Moissac. « Colombié, commissaire national près du tribunal de Moissac. » Un membre annonce que la révolution des opinions religieuses s’est faite à Niort sans aucun effort; les citoyens y ont, de leur propre mou¬ vement, brisé les hochets du fanatisme, et con¬ sacré leurs temples à la Raison, après en avoir extrait (qu’ils adressent à la Convention) 91 marcs 6 onces 4 gros d’argenterie, 32 marcs 5 onces de galons en or et argent, et une petite cou¬ ronne à brillant. Il reste encore au district, et qui seront en¬ voyés incessamment, les étoffes des ornements, ainsi que les linges, pour être vendus au profit de la République. Le cuivre, le fer et les cloches sont envoyés à l’arsenal, pour être convertis en armes et canons. Les citoyens de cette commune se sont em¬ pressés de fournir aux malades des hôpitaux les chemises qui leur manquaient; ils en ont encore envoyé au commissaire ordonnateur un nombre de 400; les femmes en font journellement, ainsi que des capotes, pour les défenseurs de la li¬ berté. Us assurent enfin qu’ils ne cesseront de bien mériter de la patrie. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). La commune d’Ivry-sur-Seine, département de Paris, annonce qu’elle a remis, le 23 brumaire, au directoire de son district, 234 marcs 3 onces d’or et d’argent provenant des croix, vases et chandeliers qui couvraient d’un faste inutile les autels de la ci-devant église d’Ivry. Aujourd’hui, elle remet encore à la patrie les calices, soleils, ciboires, les broderies et franges d’ornements, restes de cette somptueuse magnificence dont la superstition éblouissait la crédulité. Cette commune réitère le serment de sacrifier, s’il le faut, non seulement ses propriétés, mais encore la vie de tous les citoyens qui la compo¬ sent, pour le maintien de la liberté, de l’égalité et de l’indivisibilité de la République. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Suit Vadresse de la commune d’Ivry-sur-Seine (3). « Citoyens représentants, « La commune d’Ivry-sur-Seine, départe¬ ment de Paris, district de la commune de l’Ega¬ lité, a remis, le 23 brumaire dernier, au direc¬ toire de son district, deux cent trente -quatre marcs trois onces d’or et d’argent provenant des croix, vases, chandeliers, qui couvraient d’un faste inutile les autels de la ci-devant église d’Ivry. C’est à la patrie que ces richesses seront d’une utilité réelle, c’est à la patrie que notre commune en a fait hommage. Les administrateurs de son district les ont déposées, il y a quelques jours, entre les mains des repré¬ sentants de la nation, avec les offrandes patrio¬ tiques de même nature des autres communes du district. « Aujourd’hui, la commune d’Ivry remet encore à la patrie les calices, soleils, ciboires, fies broderies et franges d’ornements, restes de cette somptueuse magnificence, dont la supers¬ tition éblouissait la crédulité. « Législateurs, la commune d’Ivry réitère dans le sein de cette assemblée le serment de sacrifier, s’il le faut, non seulement ses proprié¬ tés, mais la vie même de tous les citoyens qui la composent, au maintien de la liberté, de l’égalité et de l’indivisibilité de la République. « Renoult, maire; Laville, procureur; Hon-froy, commissaire ; Deslogis, commis¬ saire. » La séance est levée à 10 heures 1/2 (4). Signé, Voulland, président; Richard, Roger Duc os, Reverchon, Bourdon (de l’Oise), Chaudron - Roussau, Marie-Joseph Che-nier, secrétaires. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 153. (2) Ibid. (3) Archives nationales, carton C 284, dossier 814. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 154.