SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 42 197 La commission des revenus nationaux assistera à toutes les assemblées des actionnaires, pour y faire valoir les intérêts de la République, et examiner les comptes qui seront rendus; elle en rendra compte au comité des Finances, qui a la surveillance de toutes ces opérations. Ces mesures adoptées par votre comité, assurent et une prompte liquidation, et le paiement au propriétaire qui n’aura aucuns frais à supporter. Ceux qui auront éludé l’exécution des lois, supporteront la peine qu’ils ont encourue. La Nation sera assurée que les sommes qui lui sont dues, lui seront exactement payées, puisqu’elle en est dépositaire. Les actionnaires pourront faire valoir leurs droits, puisqu’ils liquident eux-mêmes, sous la surveillance de la commission des revenus nationaux, les intérêts qu’ils peuvent avoir dans leur entreprise. Enfin, vous parvenez d’une manière positive, à assurer la liquidation de ces compagnies, ordonnée par la loi du 17 du premier mois. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Cambon, au nom] de son comité des Finances, décrète : Article premier. - Les compagnies financières connues sous le nom de caisse d’escompte, d’assurances sur la vie et d’assurances contre les incendies, dont la suppression et la liquidation ont été ordonnées par le décret du 17 du premier mois, seront tenues de déposer dans quinzaine, à la Trésorerie nationale, les sommes et les effets non réclamés qu’elles ont entre leurs mains, appartenant à leurs créanciers, associés ou actionnaires, sous peine d’une amende d’une somme double de celle qui n’aura pas été déposée. Art. II. - Elles remettront aussi à la Trésorerie nationale, dans le même délai et sous la même peine, tous les titres de créance qu’elles peuvent avoir sur la République, avec les pièces qui sont nécessaires pour les appuyer, ensemble les certificats des payeurs, constatant les arrérages qui pourront leur être dus, et leur quittance du montant desdits arrérages. Art. III. - La Trésorerie nationale portera en dépense le montant desdits arrérages : elle les versera dans la caisse des dépôts, avec les sommes et effets qu’elle recevra en exécution du présent décret; elle le portera en recette au compte des dépôts, au crédit des compagnies auxquelles ces sommes appartiendront. Art. IV. - Lesdites compagnies dresseront deux états des répartitions, indiquant en détail les sommes qu’elles devront à la nation, et celles qui appartiendront à chacun de leurs créanciers, associés ou actionnaires; elles les remettront sans délai à la Trésorerie nationale. Art. V. - Un de ces états comprendra la distribution des sommes et effets qui seront versés dans la caisse des dépôts. L’autre sera relatif à la répartition des capitaux qui proviendront de la liquidation de la dette consolidée ou viagère, qui pourra leur être due par la nation. Art. VI. - Ces états seront visés par la commission des revenus nationaux, qui veillera à ce que les intérêts de la nation y soient conservés : 1°. Pour le triple droit dû pour les mutations des actions et les inscriptions au livre des transferts, effectuées sans que le droit d’enregistrement ait été acquitté; 2°. Pour le timbre des actions qui n’ont pas été soumises à la prestation de ce droit; 3°. Pour le quart des bénéfices et dividendes revenant à la République, à titre de contribution, en exécution de l’article XXII de la loi du 27 août 1792; 4°. Pour les actions acquises par la République, par défaut de visa ou de transcription sur le livre des transferts, par confiscation, déshérence ou autrement; 5°. Pour les dividendes échus ou à écheoir, revenant auxdites actions; 6°. Pour tout ce qui pourra être dû à la République. Art. VII. - La Trésorerie nationale se concertera avec la commission des revenus nationaux, pour retirer de la caisse des dépôts et porter en recette les sommes qui seront dues à la nation à tout autre titre qu’en qualité d’actionnaire ou d’associé. Art. VIII. - Les sommes déposées qui resteront en caisse après le prélèvement de ce qui sera dû à la nation, seront réparties à bureau ouvert, sans retenue, par la Trésorerie nationale, aux créanciers, associés et actionnaires desdites compagnies, qui seront portés sur les états, en fournissant un certificat de la compagnie, indiquant la somme qui leur reviendra et l’état où ils seront portés; ils seront aussi tenus de fournir les certificats de résidence, non-émigration, etc., exigés par la loi du 14 messidor dernier. Art. IX. - Les sommes provenant de la liquidation de la dette consolidée ou viagère seront portées sans frais au crédit du compte des créanciers, associés ou actionnaires qui y auront droit d’après les états de répartition, en fournissant un certificat de la compagnie qui indiquera la somme qui leur reviendra, et l’état où ils sont portés. Art. X. - Si les créanciers, associés ou actionnaires ne peuvent pas former une inscription montant à 50 L sur le livre de la dette consolidée, par la réunion de toute leur créance non-viagère sur la nation, ils seront remboursés à bureau ouvert de ce qui leur reviendra; si mieux ils n’aiment convertir leur capital en une rente viagère sur leur tête, d’après les 198 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE taux fixés par la table n° 5, annexée au décret du 23 floréal, laquelle ne pourra pas cependant être moindre de 50 L. Art. XI. - Ceux qui seront dans le cas de recevoir leur remboursement, seront tenus de fournir leur déclaration qu’ils n’ont pas d’autres créances non-viagères sur la République : en cas de fausse déclaration, ils seront condamnés à une amende double de la somme qu’ils auront reçue. Art. XII. - Ceux qui voudront convertir leur capital en une rente viagère, seront tenus de fournir leur acte de naissance. Art. XIII. - La nation ayant des droits à réclamer en qualité d’actionnaire, la commission des revenus nationaux fera recevoir, comme les autres actionnaires, les sommes qui seront dues à la République pour les actions qui lui sont acquises; elle en fera faire le versement avec le produit de ses autres recettes, et elle se conciliera avec la Trésorerie nationale pour les transferts qu’il y aura à faire pour lesdites actions. Art. XIV. - Les créanciers, associés ou actionnaires desdites compagnies, seront tenus de se faire connoître, à peine de déchéance, à la Trésorerie nationale, d’ici au premier nivôse prochain, en y remettant les deux certificats mentionnés aux articles VIII et IX : les parties non réclamées, tant sur les sommes ou effets déposés, que sur le produit de la liquidation des créances dues par la République, sont acquises à la nation, comme représentant les créanciers en déchéance. Art. XV. - Après le premier nivôse, la Trésorerie nationale sortira de la caisse des dépôts et portera en recette les sommes qui n’auront pas été réclamées : elle fera porter au crédit du compte de la République, les sommes provenant de la liquidation qui n’auront pas été réclamées. Art. XVI. - Les directeurs, syndics et autres agens des compagnies mentionnées au présent décret, qui seroient détenus, et dont la présence seroit nécessaire pour la reddition de leur compte, ou pour la confection des états exigés par l’article IV, seront mis provisoirement sous la garde d’un citoyen jusqu’à ce que leurs opérations soient terminées. Art. XVII. - La commission des revenus nationaux assistera par un de ses préposés, aux assemblées des actionnaires qui pourront avoir lieu, pour y faire valoir les intérêts de la République et examiner les comptes qui seront rendus; elle en présentera le résultat chaque décade au comité des Finances (75). (75) P.-V., XLV, 271-275. C 318, pl. 1286, p. 33. Décret n° 10 888, Cambon rapporteur. Bull., 29 fruct. (suppl.); Débats, n° 725, 477-481; Moniteur, XXI, 774-775; J. Mont., n° 141; J. Fr., n° 723; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n08 274 et 275; J. Perlet, n° 723; Ann R. F., n° 288; J. Paris, n° 624. 43 BLUTEL, au nom du comité de Commerce et approvisionnements (76) : Citoyens, témoin de la tourmente qui agite le commerce français, votre comité de Commerce et approvisionnements n’a cessé depuis son organisation de s’occuper des moyens propres à en connaître les causes et à en arrêter les effets. En attendant qu’il vous communique le résultat de ses travaux, il m’a chargé de vous présenter aujourd’hui quelques réflexions générales sur le commerce. Leur but est de dissiper des prestiges à la faveur desquels les ennemis du bien public ont paralysé les ressources du gouvernement par l’anéantissement de l’industrie nationale. Trop longtemps la voix de votre comité a été étouffée par l’effet des machinations perfides des tyrans que vous avez abattus; elle sera entendue, aujourd’hui que le peuple ne voit ici que des amis; rien de ce qui constitue son bonheur ne peut vous être indifférent. Jusqu’ici on n’a considéré dans le commerce que l’avantage qu’en retirent les personnes qui s’y livrent. Revenons enfin aux vrais principes, et examinons-le sous les rapports qui l’attachent au bien général. Citoyens, la population d’un Etat fait sa force; sa richesse fait sa puissance. La première source de cette force et de cette puissance, c’est l’agriculture et le commerce; c’est donc particulièrement de l’agriculture et du commerce que la nation française doit s’occuper, puisque ces deux mobiles organisent sa force et assurent sa puissance. Il faut attacher l’intérêt du propriétaire aux progrès de l’agriculture : il faut que l’industrie manufacturière et commerciale trouve les moyens de lui procurer l’échange du superflu du produit de ses travaux contre des jouissances agréables ou utiles. Sans ce véhicule, celui qui ne possède point assez ne trouvera plus les moyens de se procurer le nécessaire. Si le partage égal des propriétés n’était pas une chimère, sans doute la nécessité de se nourrir, de se vêtir, de se loger, suffirait à chacun pour stimuler son industrie : le besoin personnel serait un encouragement certain; mais cet encouragement même serait illusoire, et son effet nul pour la patrie; le corps entier de la nation languirait, les besoins généraux ne seraient point satisfaits. Je dis plus, l’intérêt du corps politique est essentiellement lié aux progrès du commerce et de l’industrie; il faut que l’artisan et le commerçant se concertent sans cesse pour créer à l’étranger des besoins toujours renaissants, au moyen desquels nous puissions nous procurer nos approvisionnements journaliers. La France composée de vingt-cinq millions d’hommes libres, pour qui la patrie est tout, et la vie n’est rien, saura bien dans tous les (76) Moniteur, XXI, 779-780. Le projet de décret est identique à celui rédigé de la main de Blutel. Mentionné par Débats, n° 725, 484.