[18 avril 1790.} [Assemblée nationale.] ARCHIVES ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY. Séance du dimanche 18 avril 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Muguet de Aanthou, secrétaire , donne lecture du procès-verbal d’hier au matin. M. Gaultier de Biauzat. Je propose de supprimer ou de modilier la mention faite dans le procès-verbal « que l’Assemblée a manifesté le dé-« sir d’aller aux voix sur le projet de décret re-« latif à la pétition de M. le premier ministre des « finances, nonobstant la réclamation d’un mem-« bre qui demandait l’ajournement. » Personne n’a demandé l’ajournement; le besoin étant pressant, il aurait été inconvenant depropo-ser ainsi un retard indéterminé. M. Camus a seulement demandé la continuation de la discussion à la séance d’aujourd’hni et il La demandée en exprimant le motif que le premier ministre des finances instruisîtl’Assemblée, dans ce court intervalle, par un état explicatif et détaillé des dépenses d’avril et de mai pour lesquels il demandait un secours extraordinaire de 40,000,000. Je dois relever aussi l’assertion d’un honorable membre qui a dit hier que l’aperçu des dépenses d’avril et de mai, dont le rapporteur nous a parlé, avait été imprimé et distribué depuis trois jours , tandis que l’impression ou le tirage ne se sont faits que dans la matinée d’hier. En conséquence, je propose de décréter que le premier ministre des finances enverra au comité de finances, dans la huitaine, un état détaillé de dépenses du mois de mai prochain, dont il a fourni l’aperçu, le 17 du présent mois. L’Assemblée décide que le procès-verbal sera rectifié dans sa rédaction. La motion de M. Gaultier de Biauzat est ensuite soumise à la discussion. M. Fréteau. Les aperçus qui nous ont été fournis ne présentent rien que de vague ; je ferai remarquer, à ce sujet, que l’état succint, présenté hier, des recettes et dépenses faites en deniers comptants, pendant le mois de mars, donnait en excédant de recette sur la dépense, 12,940,000 livres, comme étant en caisse pour servir aux dépenses du mois d’avril; cependant l’aperçu fourni, hier aussi, des recettes et des dépenses du mois d’avril, ne porte le même fonds de caisse qu’à 2,940,000 livres; M. de Montesquiou a déclaré à l’Assemblée, comme en confidence, que le surplus de ce fonds décaissé montant à 10,000,000, destiné à être fonds de caisse permanent, n’existe plus. Je crois donc, comme le préopinant, que des développements explicatifs et détaillés peuvent seuls nous garantir des mécomptes et des incertitudes qui accompagnent toujours les obscurités des aperçus. M. Goupil de Préfeln. La motion de M. Gaultier deBiauzat me semble excellente et je l’appuie. Je propose, en même temps, de demander à M. le premier ministre des finances : 1° de nous faire savoir dans quel délai, au juste, il pourra (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lra Série. T. XIII. 97 fournir un état des recettes etdépenses du trésor; 2° s’il a un plan de finances à nous proposer; 3° s’il s5occupe d’améliorations soit pour augmenter les recettes, soit pour diminuer les dépenses. M. Dupont (de Nemours). Le comité des finan-nances s’occupe du plan qui vous est demandé; mais je me hâte d’ajouter qu’il ne faut compter sur aucun plan pour rendre tout citoyen bon financier. M. D’Atlly. Je crois devoir informer l’Assemblée que les premiers commis de l'administration du Trésor royal présentent à M. le premier ministre des finances, à la fin de chaque semaine, un bordereau de la recette et de la dépense; je propose de décréter qu’un duplicata de ce bordereau sera envoyé tous les huit jours au président de l’Assemblée ou au comité des finances. M. Camus. En appuyant les motions qui viennent d’être faites, j’en ajoute une nouvelle, pour empêcher que les administrateurs de la Caisse d'escompte ne répètent jamais ni intérêt, ni commission, ni gratification pour raison des 20,000,000 de billets qu’ils fourniront au Trésor royal. Je me fonde sur la déclaration que firent hier plusieurs membres du comité des finances portant que ces 20,000,000 ne peuvent être pris pour emprunts, mais pour assignats, et que l’administration de la Caisse d’escompte n’en fournira que le simple papier et jamais la valeur. Divers membres proposent encore divers projets de décrets ayant pour objet de procurer à l’Assemblée une connaissance exacte de l’état actuel des anticipations du Trésor public. M. Gaultier de Biauzat déclare qu’il adopte l’addition proposée par M. D’Ailly. Les deux motions réunies sont mises aux voix et décrétées dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : le premier ministre des finances enverra au comité des finances, dans la huitaine, un état détaillé des dépenses du mois de mai prochain, dont il a fourni l’aperçu, le 17 du présent mois. « À la fin de chaque semaine, il fera remettre au comité des finances le bordereau de situation du Trésor royal, tant en recette qu’en dépense, et chaque membre de l’Assemblée nationale aura la faculté d’en prendre communication. » Un membre rappelle la motion de M. Camus. Divers membres demandent la question préalable. M. Camus. Pourquoi demander la question préalable ? Est-ce parce que divers membres du comité des finances assurent qne la Caisse d’escompte n’entend répéter que la valeur matérielle du papier dont seront formés les 20,000,000 de billets ? Mais alors il n’y a pas d’inconvénient à décréter la motion et il y aurait du danger à la rejeter par la question préalable parce que cette manière de prononcer laisserait des doutes sur des faits qui n’ont consisté qu’en rapports de la part de personnes qui ne sont point de l’administration de de la Caisse d’escompte. M. Anson. Je répète aujourd'hui ce que vous a dit hier M. Dupont (de Nemours) que la Caisse d’es-7 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [18 avril 1790.] compte entend fournir sans rétribution les 20,000,000 de billets, dont ses actionnaires ne seront pas les vrais débiteurs. Je crois qu’il n’y a aucun avantage et qu’il y a de sérieux inconvénients à rendre des décrets inutiles; pourtant, puisqu’on insiste, je ne m’oppose pas à l’adoption de la motion de M. Camus. La motion mise aux voix est décrétée ainsi qu’il suit : «Les vingt millions dont l’Assemblée nationale « adonné crédit au premier ministre des finances « dans la séance d’hier, seront fournis par la Cais-« se d’escompte, sans intérêt, commission ni grati-« fication. » M. l’abbé Ilarolles, député du bailliage de Saint-Quentin offre un don patriotique de 1373 livres 1 sol, au nom de la municipalité de Beauvoir; il fait ensuite lecture d’une adresse, où les habitants de ce village expriment les sentiments dupatriotis-me le plus pur, et de la reconnaissance la plus vive pour l’Assemblée nationale, et annoncent leur entière adhésion à ses décrets. M. Roederer, secrétaire, donne lecture d’une lettre écrite au président de l’Assemblée nationale, par le ministre de la guerre, au sujet du sieur Muscard, fourrier au régiment du Vivarais, qui a été transféré des prisons de Verdun dans celles de Montmédy. Cette lettre est ainsi conçue (1) : Paris, le 16 avril 1790. Monsieur le Président, Je reçois dans lemoment lalettreque vous m’avez fait l’honneur dem’écrireaujourd 'hui relativement au nommée Muscard, fourrier au régiment de Vivarais. Après avoir pris les ordres du roi, je m’empresse d’y répondre. 11 y a plus de six semaines que j’ai prévenu le décrétée l’Assemblée nationale, en prescrivant de surseoir à la procédure qui doit être instruite contre ce bas-officier, et c’est par une suite de mon respect connu pour les décrets de l’Assemblée que j’ai donné cet ordre. Vous n’ignorez pas sûrement que j’ai communiqué au président du comité de jurisprudence criminelle un projet d’ordonnance provisoire concernant l’organisation des conseils de guerre. Sa réponse ne m'est pas encore parvenue; et depuis que je l’ai consulté sur ce projet, j’ai eu l’attention de suspendre l’exécution de tous les jugements que les conseils de guerre prononcés contre les soldats accusés de délits militaires; je dois même vous observer que cette partie est en souffrance; que les prisons regorgent de militaires condamnés à différentes peines et qu’il devient plus instant que jamais de statuer sur leur sort. Muscard a été le principal auteur de l’insurrection qui a eu lieu au régiment de Vivarais. Il a d’abord été enfermé au fort de Scarpe et il n’a été transféré dans la citadelle de Verdun que lorsque le régiment a été envoyé dans cette ville. Depuis que cet homme, infiniment dangereux, est dans cette citadelle, il n’a cessé d’employer toutes sortes de moyens pour exciter de nouveaux troubles dans le corps. Sur l’avis qui m’en a été donné, j’ai cru que pour les prévenir il n’y avait pas de meilleur parti à prendre que de faire transférer ce fourrier des prisons delà citadelle de Verdun en celle de Montmédy, pour y être détenu jusqu’à l’époque où l’on pourra procéder a l’information qui doit (1) Cette lettre n’a pas été insérée au Moniteur. être faite contre lui. Ce court exposé suffira sans doute, M. le Président, pour vous prouver que je n’ai eu d’autre vue que de garantir le régiment de Vivarais d’une nouvelle insurrection et la ville de Verdun des désordres qu’elle aurait pu y occasionner. Je ne puis vous dissimuler que j’étais loin de m’attendre aux soupçons qui se sont élevés contre moi dans l’Assemblée. Elle doit connaître mes sentiments respectueux pour elle et je devais me flatter que, se rappelant que j’avais eu l’honneur d’être un de ses membres, elle rendrait à la pureté de mes intentions la justice qui leur est due. Trouvez bon, M. le Président, que je prie par votre organe l’Assemblée nationale de peser dans sa sagesse s’il n’y a pas beaucoup d’inconvénients à ce que les municipalités connaissent des détails militaires et s’il ne serait pas convenable qu’elle rendit un décret pour leur défendre de se mêler, sous quelque prétexte que ce puisse être, d’aucun objet relatif à la police et à la discipline intérieures des corps militaires. Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et obéissant serviteur. Signé : LA Tour-dü-Pin. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angelÿ). Je propose d’ordonner au comité de jurisprudence criminelle de rendre compte incessamment de l’ordonnance dont parle dans sa lettre M. de La Tour-du-Pin, et je demande que M. le Président soit chargé d’écrire à ce ministre, pour lui faire savoir que l’Assemblée est satisfaite des explications qu’il lui a données. (Cette proposition est décrétée.) M. Bureaux de Pusy. Conformément à votre décret d’hier, les commissaires chargés de l’inspection de la caisse d’escompte se sont transportés dans le soir même à cette caisse. Us ont l’honneur de vous assurer que le service public n’épronvera ni retard, ni danger. Ils ont cru devoir prendre sur eux d’engager les administrateurs de la caisse d’escompte à ne pas suspendre les paiements journaliers, jusqu’à ce que l’Assemblée ait pris quelque détermination à cet égard. M. le Président dit qu’il s’est rendu hier vers le roi, et a présenté à sa sanction : 1° la suite du décret sur les assignats, décrétée le même jour; 2° le décret de la même séance portant: 1° qu’une émission de billets de caisse d’escompte ne pourra avoir lieu sans décret de l’Assemblée nationale; 2° qu’il sera remis dans le jour au Trésor public 20 millions en billets par les administrateurs de ladite caisse; 3° le décret du 17 avril, qui autorise le Châtelet à suivre l’instruction par lui commencée au sujet de faux billets acceptés par les sieurs Tourton et Ravel ; 4° le décret du 16 avril qui surseoit. à toute exécution de sentence, s’il en a été rendu par les officiers municipaux de Schelestat contre plusieurs citoyens emprisonnés. M. ÎEmmery. Je demande la parole au nom du comité militaire. M. Camus. Je la demande également au nom du comité des pensions. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que M. Camus sera entendu. M. Camus. Vous avez ordonné à votre comité des pensions de vous présenter une loi pour l’exécution du décret du 5 janvier, conçu en ces