588 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 octobre 1790.} (Assemblée nationale.) 75,446,000 livres; déficit 52,433,000 livres. En décembre, la recette 20,993,000 livres ; la dépense 69,945,000 livres; déficit 48,952,000 livres. Total du déficit 132,780,000 livres. Pour nous fixer au mois d’octobre, voici notre état de situation. Le 11 de ce mois il y avait dans le Trésor public 19,061,767 livres; en argent effectif, 9,091,300 livres; en billets-assi-nats, 5,139,000 livres; en effets qui écherront ans le courant du mois, 9,851,467 livres : vous voulez et vous devez vouloir un fonds de caisse de 10 millions. Il n’y avait donc que 9 millions de disponibles. Ces 9 millions sont aujourd’hui presque absorbés, ou du moins très avancés. Il est donc essentiel de donner dès aujourd’hui un nouveau secours, et nous vous proposons de décréter toute la somme nécessaire pour le complément du mois. Cette somme, comme vous l’avez vu, est de 31,095,000 livres, y compris les 4,340,000 livres de la caisse de l’extraordinaire. Nous ne devons plus nous adresser à la caisse d’escompte. Les nouveaux assignats ne sont pas encore fabriqués ; il faut donc emprunter de la caisse de l’extraordinaire les 31,095,000 livres en assignats créés au 15 avril, et les lui restituer en nouveaux assignats quand ils seront fabriqués. Voici le projet de décret que j’ai l’honneur de vous présenter : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. 1er. Des 800 millions d’assignats décrétés le 29 septembre, 31,095,000 livres seront employées au service du Trésor public pour le présent mois d’octobre. « Art. 2. Et attendu que les nouveaux assignats ne sont point encore fabriqués, la caisse de l’extraordinaire prêtera au Trésor public ladite somme, laquelle sera formée avec le capital desdits assignats, et la portion d’intérêt échue à l’époque du prêt, et le Trésor public la rétablira dans la caisse de l’extraordinaire en nouveaux assignats. « Art. 3. La caisse de l’extraordinaire versera dans le Trésor public la somme de 4,340,000 livres, qu’elle a reçue acompte du premier terme de la contribution patriotique. M. Goiiptlleau. Il faut bien donner au Trésor public ce qui est nécessaire; mais aussi je demande que . toute affaire cessante on s’occupe sans relâche de l’impôt, car si nous continuons ainsi, tous nos capitaux finiront par être absorbés. M. d’André. Il faut aussi s’occuper des perceptions arriérées. Je demande qu’une section du comité soit chargée de vérifier quels sont les départements en retard et qu’elle puisse en rendre compte journellement. M. Lebrun. Le comité a prévenu les désirs du préopinant. Une de ses sections y travaille et donnera sous peu les détails demandés. (Le décret du comité des finances est mis aux voix et adopté.) M. Lebrun. Le roi jouit actuellement des fonds de sa liste civile. En conséquence le comité me charge de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Le département de la maison du roi cessera de faire partie du Trésor public, à compter du 1er juillet dernier; et à partir de la même époque, les honoraires de l’administration et les appointements des commis et les frais de bureaux se-rout à la charge de la liste civile. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président. Le Comité de constitution demande à présenter un décret concernant l'instruction publique. M. de Talleyand, évêque d'Autun. Le comité de Constitution ne vous présente point aujourd’hui l’ensemble de ses vues sur l’instruction, ce travail très avancé devant naturellement trouver sa place à la fin de la Constitution ; mais je viens vous demander, en son nom, sur ce sujet, quelques décrets qui ne vous occuperont qu’un instant, et que l’importance de la matière me parait solliciter de votre sagesse. Plusieurs demandes concernant cette partie de l’administration générale vous ont été adressées à diverses époques, vous les avez habituellement renvoyées à votre comité de Constitution. Cependant un membre de l’Assemblée, animé par son zèle accoutumé, a cru devoir vous proposer, il y a quelque temps, et a même obtenu par un de vos décrets la formation d’un comité de salubrité, dont l’objet comprend particulièrement ce qui est relatif à l’enseignement et à la pratique de l’art de guérir. Vous avez toutefois approuvé, peu de jours après, la réclamation d’un de vos comités, qui, jaloux d’opérer tout le bien auquel il avait été appelé par vous, a craint de se voir privé par vous d’une de ses plus intéressantes attributions. Un autre membre de cette Assemblée, dans le grand travail qu’il vient de publier au nom du comité des finances sur la réduction de la dette publique, a appelé vos regards sur divers établissements anciens consacrés à l’enseignement public et à l’avancement des sciences, et il vous demande, dans cette partie de son travail, des décrets qui semblent fixer le sort de ces établissements. Vous croirez sûrement devoir décréter provisoirement ce qui concerne leur dépense, vous ne jugerez pas qu’il convienne de rien prononcer en ce moment, ni sur leur existence, ni sur leur organisation. Plus récemment enfin l’établissement du jardin du roi vous a adressé une pétition, que vous avez renvoyée à votre comité de commerce et d’agriculture, et qui touche par plusieurs points à l’instruction publique. Votre comité de Constitution, en rendant hommage aux intentions patriotiques qui ont déterminé ces différentes demandes, croit devoir observer qu’il est possible que des déterminations à cet égard contrarient, dans quelques points, les principes de son travail, qui doit embrasser toutes les branches de l’instruction, pour faire pénétrer dans toutes l’esprit de la Constitution, et appeler au grand bienfait de l’instruction publique tous les citoyens indistinctement, car tous, dans une société bien ordonnée, ont le droit de réclamer l’instruction, comme une propriété commune. U vous soumettra l’ensemble de ce travail, aussitôt que les principaux objets constitutionnels qui vous occupent en ce moment, vous permettront de l’entendre; mais il craint que des motions incidentes sur cet objet ne vous engagent dans une foule de discussions prématurées, sur lesquelles des décisions de votre part pourraient gêner vos délibérations ultérieures. Il pense donc que, jusqu’au moment où son travail pourra être jugé par l’Assemblée, il convient qu’elle suspende toute détermination relative aux différentes branches de l’instruction, sur lesquelles un zèle impatient pourrait solliciter vos decrets, et l’obligation où vous êtes de mettre, dans cette partie importante de l’administration, l’accord et l’en- [13 octobre 1790.] [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 889 semble qui y sont indispensables, autorise votre comité à demander que par aucun de vos décrets antérieurs vous n’avez voulu enlever à votre comité de Constitution aucune des parties de l’instruction publique. Une seconde observation, plus importante, que ce comité doit vous présenter, a pour base la détermination, connue de l’Assemblée, de s’occuper d’un nouveau plan d’instruction publique. L’enseignement actuel a dû nécessairement languir; les maîtres se sont découragés; le zèle s’est refroidi, par la crainte d’être jugé inutile dans le nouvel ordre de choses. L’Assemblée nationale ne peut trop se hâter d’animer le zèle des instituteurs; elle doit manifester son intention de faire honorer plus que jamais leurs fonctions; de les entourer de cette considération universelle, qu’un préjugé stupide osa leur disputer autrefois; comme aussi d’assurer à ceux qui s’y sont livrés avec succès la récompense que leurs travaux auront méritée. Votre comité vous observe que l’organisation des établissements qui seront la suite de son travail ne pourra se faire tout à coup ; qu’elle entraînera des détails d’administration, auxquels tFop de précipitation serait funeste : et comme il est de principe qu’il ne faut point de lacune dans l’instruction publique, qu’il ne faut rien détruire sans le remplacer promptement, votre comité pense qu’il faut que les écoles publiques s’ouvrent comme à l’ordinaire dans toute l’étendue du royaume. Enfin votre comité doit mettre sous vos yeux une sorte de délit qui intéresse le département de l’instruction publique : il lui est revenu de divers endroits que des monuments précieux avaient été pillés ou indignement dégradés. Les chefs-d’œuvre des arts sont de grands moyens d’instruction, dont le talent enrichit sans cesse les générations suivantes. C’est la liberté qui les fait éclore, c’est donc sous son régne qu’ils doivent être religieusement conservés, et l’Assemblée nationale ne saurait trop se bâter de fixer sur cet objet la surveillance active des différents corps administratifs du royaume. En réunissant les observations que vo'lre comité de Constitution vient de vous soumettre, il vous propose le projet de décret suivant: « L’Assemblée nationale décrète : 1° qu’elle ne s’occupera d’aucune des parties de l’instruction, jusqu’au moment où le comité de Constitution, à qui elle conserve l’attribution la plus générale sur cet objet, aura présenté son travail relatif à cette partie de la Constitution ; « 2° Qu’afin que le cours d’instruction ne soit point arrêté un seul instant, le roi sera supplié d’ordonner que les rentrées dans les différentes écoles publiques se feront cette année encore comme à l’ordinaire, sans rien changer cependant aux dispositions du décret sur la constitution du clergé, concernant les séminaires ; « 3° Elle charge les directoires des départements de faire dresser l’état et de veiller, par tous les moyens qui seront en leur pouvoir, à la conservation des monuments des églises et maisons devenues domaines nationaux, qui se trouvent dans l’étendue de leur soumission; et lesdits états seront remis au comité d’aliénation ; <> 4° Elle commet au même soin, pour les nombreux monuments du même genre qui existent à Paris, pour tous les dépôts de chartes, titres, papiers et bibliothèques, la municipalité de cette ville qui s’associera, pour éclairer sa surveillance, des membres choisis des différentes académies. » M. de Bonnal, évêque de Clermont. Je demande que le rapport qui vient de vous être fait soit imprimé et que la discussion soit ajournée. Deux de vos comités sont en opposition et pour prononcer entre eux vous devez être éclairés. M. Moreau. Le comité de santé s’est attribué sans motif ces affaires qui ne sont pas de sa compétence. Je crois que l’utilité du décret qui vous est proposé ne peut être sérieusement contesté. M. de Bonnal. Je propose la question préalable sur le décret. (La question préalable est rejetée.) (Le décret est ensuite mis aux voix et adopté.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière. M. de La Rochefoucauld, rapporteur. Trois projets principaux se trouvent en présence pour établir le revenu net. Le premier est celui de M. de Delley; le second, celui de M. Heurtault-La-merville; le troisième, celui de votre comité. (M. de La Rochefoucauld relit les trois projets.) M. Rey. Je demande à combattre le projet du comité et celui de M. de Delley. J’examine d’abord si les arbres qui portent des fruits doivent être estimés avec le sol. Je ne puis me décider que pour l’affirmative. Les arbres étant attachés au sol en augmentent considérablement la valeur et ne peuvent en être séparés pour l’estimation. Ce serait violer la déclaration des droits de l’homme, qui établit l’égalité de la répartition entre tous les citoyens, que d’imposer également un champ qui ne produit rien ou très peu de choses, ou un champ planté d’arbres très productifs. Les orangers et les figuiers doivent être rangés dans la classe des productions les plus utiles. Je fais, en disant cela, le sacrifice de mon intérêt particulier, puisque je suis propriétaire de champs couverts d’orangers. Il est juste d’ailleurs d’établir une différence entre un champ inculte où se font des plantations et qui n’a encore rien produit et les productions d’un champ en plein rapport. Dans le premier cas, afin d’encourager l’agriculture, je pense que le champ doit être exempt d’impôt pendant trente ans; dans le second cas, l'estimation en doit être faite dans le cadastre. Il me semble, en outre, que le comité de l’imposition engage l’Assemblée dans des discussions futiles et inutiles. Nous sommes pressés par le temps. Si, d’ici au 15 novembre, les bases de la contribution foncière ne sont pas déterminées, il n’y a plus d’impôt à espérer pour l’année prochaine. M. Roederer. J’observe ; au préopinant qu’il est inexact de dire que c’est le comité qui a engagé l’Assemblée dans la discussion actuellement ouverte, puisque M. de Delley est l’auteur de cette motion et que le comité, en présentant un décret, n’a fait qu’obéir aux ordres de l’Assemblée. Ce décret remplit, en définitive, les vues de tous ceux qui ont recherché le revenu net des terres. Divers membres demandent la clôture de la discussion. La discussion est fermée. On demande la priorité pour le projet du comité.