[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1789.] 331 commerçable, l’odieuse vénalité des charges est abolie; et qu’il sera pourvu, par les moyens les plus prompts, au remboursement des offices vénaux, dès à présent supprimés ; 8° Que les tribunaux étant faits pour les justiciables, et non les justiciables pour les tribunaux, le ressort territorial de chaque juridiction doit être fixé relativement aux besoins et à la commodité des citoyens, et qu’il doit y avoir dans chaque province un tribunal souverain ; 9° Que par la même raison, la trop grande multiplicité des tribunaux est un désordre; et qu’il doit y être remédié par la suppression de tous ceux qui sont inutiles, notamment par celle des tribunaux d’exception ; 10° Que le pouvoir déjuger émanant du peuple, comme les autres pouvoirs publics, et le peuple étant seul intéressé à la bonne administration de la justice, c’est aux représentants du peuple qu’il appartient d’élire et de présenter au Roi les sujets qu’ils croient les plus dignes de celte importante fonction; 11° Que le peuple a le droit de conférer les magistratures pour un temps fixe et déterminé, aussi bien que pour la durée de la vie des officiers qu’il élit; 12° Que la fonction des juges n’est que d’appliquer la loi, et leur devoir de se conformer au sens littéral, sans s’en écarter, ni se permettre de l’interpréter; 13° Qu’en matière criminelle, le bien de la justice, le vœu d’une grande partie de la nation et l’intérêt de l’accusé étant qu’il soit avant tout déclaré par ses pairs coupable ou non coupable, il doit être dès à présent établi pour la recherche des crimes, un ordre de jugement préalable par jurés, avant que les tribunaux judiciaires puissent prononcer et appliquer la peine. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE DUC DE LIANCOURT. Séance du lundi 3 août 1789. La séance s’est ouverte à neuf heures. M. le Président a annoncé que le résultat du scrutin de samedi dernier, pour l’élection du nouveau président, s’était déclaré en faveur de M. Thouret. M. Tliouret a pris place au bureau, et il a adressé à l’Assemblée un discours par lequel, eu lui témoignant sa profonde et respectueuse reconnaissance, il s’est excusé d’accepter la place qu’on lui déférait. Dès Ipi surveille et à l’instant même où il avait appris sa nomination, il avait annoncé cette résolution dans une lettre qu’il avait écrite à M. le duc de Liancourt. Suivent la lettre et le discours de M. Thouret: * Versailles, le 1er août 1789. « Monsieur le duc, * J’apprends, en rentrant chez moi, l’honneur infini que l’Assemblée nationale a bien voulu me faire, en m élevant à la dignité de son président. Cet honneur était tellement au-dessus de mes espérances, que je ne m’étais pas permis d’y aspirer. Si j’eusse été présent lorsque l’élection a été déterminée, j’aurais, à l’instant même, supplié l’Assemblée d’agréer, avec l’hommage de ma respectueuse reconnaissance, les motifs d’excuse qui me portent à lui remettre l’honorable fonction qu’elle a daigné me confier. Je ne m’empresserai pas moins de concourir à ses importants travaux d’une manière moins éclatante, mais plus conforme à l’insuffisance de mes moyens. « J’ai l’honneur d’être avec respect, monsieur le duc, votre très-humble et très-obéissant serviteur. « Signé : Thouret. » Messieurs, lorsque vous avez daigné m’élever à l’honneur de vous présider, cette faveur inestimable était au-dessus de toutes mes espérances; je ne me serais pas cru permis de porter si haut des vœux dont rien n’aurait pu justifier à mes yeux la présomption; mon premier, mon plus vif sentiment fut, et est encore celui de la profonde et respectueuse reconnaissance dont j’ose vous supplier d’agréer l’hommage. Pressé par ce même sentiment, par l’obligation de vous en donner le plus utile et le plus digne témoignage, je cédai avec empressement au devoir que j’ai rempli par la lettre que j’eus l’honneur d’écrire, dès le soir même, à M. le duc de Liaucourt. G’est en sentant tout le prix de l’honneur que vous m’avez déféré, et qui ne pourrait pas m’être ravi, que j’ai le courage de me refuser à sa jouissance, quand, sous d’autres rapports, il eût été peut-être excusable de penser que le courage était de l’accepter. J’aurai encore assez de force en cet instant, je prendrai assez sur moi-même, pour sacrifier au majestueux intérêt de votre séance, des détails dont l’objet me serait personnel: je sens bien que l’individu doit disparaître où les soins de la cause publique ont seuls le droit de se montrer, et de dominer. Qu’il me soit seulement permis de dire que je suis capable et digne de faire à cette grande cause tous les sacrifices à la fois ; et que c’est à ce double titre que je viens vous demander de recevoir mes remercîments et ma démission. M. le duc de Liancourt, sur la démission de M. Thouret, a été invité par l’Assemblée à continuer de remplir la place de président, jusqu’à ce qu’il eût été procédé à un nouveau scrutin, qui a été renvoyé à deux heures après-midi. On a lu et annoncé à l’Assemblée plusieurs pièces, entre autres une délibération des habitants et corps commun de la ville de Salers, du 19 juillet 1789; une adresse des officiers municipaux de la ville d’Autun, du 29 juillet; une des citoyens de Vertus en Champagne, du 27 du même mois ; une de la ville d’Ernée au Maine, du 3U; toutes exprimant des sentiments de fidélité pour le Roi, d’attachement à la monarchie, de reconnaissance pour l’Assemblée nationale, d’adhésion à ses décrets, d’estime et de confiance pour le ministre vertueux que le Roi a rendu aux désirs de ses peuples. On a rendu compte d’une déclaration par laquelle la noblesse d’Anjou, en félicitant l’Assemblée nationale sur l’heureuse union qui la rend l’appui de la patrie, adhère à toutes ses décisions; d’une autre déclaration par laquelle la noblesse de Bar-sur-Seine a révoqué le mandat impératif qu’elle avait donné à M. le baron de Crussol, son député ; et l’on a annoncé qu’il avait été remis sur le bureau un ouvrage intitulé: Catéchisme du genre humain,