SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 8 213 qu’il en devait être accueilli avec d’autant plus de fraternité que, lors des assemblées primaire, ce représentant n’a pas dédaigné de solliciter son suffrage et celui de tous ceux avec lesquels il avait des rapports en sa qualité de capitaine de la garde nationale du canton de Sierck. Thionville, le 23 thermidor 2 e année républicaine. SlMMINGER. N° 10 Procès-verbaux des séances extraordinaires de la société des 21 et 22 thermidor , qui contiennent beaucoup de déclarations qui démontrent avec évidence la conduite des représentons du peuple. Séance extraordinaire du 21 thermidor, 2 e année de la République française une, indivisible et démocratique. Guerre aux tirans et aux intriguans. Liberté, fraternité, égalité ou la mort ! Présidence de Carbonat. L’himne sacrée et le couplet à l’Etre suprême chantés, lecture du procès-verbal a été faitte et sa rédaction a été adoptée. Le secrétaire donne lecture de la correspondance. Dechaux est présenté par un membre. Il prend la parole pour témoigner à la société toute sa reconnoissance des démarches qu’elle a faite lors de son incarcération et pendant sa détention dans la maison d’arrêt de Metz. La société l’entend avec plaisir et l’invitte à lui donner lecture de l’ordre qui porte son élargissement. On demande que la société persiste dans l’objet essentiel de son arrêté pris dans la séance des 6 et 7 messidor, qui est de faire connoître les viles calomniateurs de Dechaux et Rolly. Cette motion est motivée sur ce que rien n’importe plus à l’ordre social que de démasquer certains hommes dont le nom seul suffisoit souvent à faire tomber toute espèce de dénonciation, et qui cependant, lorsqu’ils sq cachent dans l’ombre, parviennent à désoler les familles et à désunir les citoyens. L’opinant conclut à ce qu’il soit fait une adresse au représentant Hentz afin qu’il les désigne. La première partie de cette proposition est vivement applaudie et appuyée à l’unanimité. On discute la seconde. Plusieurs membres rappellent le mépris que le représentant Hentz a fait de la société et de ses arrêtés et observent qu’il est inutile de s’adresser à luy, qu’il convient de se pourvoir auprès du comité de sûreté générale pour l’inviter à ne pas laisser les calomniateurs des bons citoïens impunis. La société arrête qu’il ne sera pas fait d’adresse au représentant Hentz, mais que s’il y a lieu on se pourvoira au comité de sûreté générale. Plusieurs membres saisissent cette occasion pour se plaindre amèrement du despotisme et de la calomnie pour lesquels gémissent depuis longtems la ville et la société populaire de Thionville. Ils se succèdent à la tribune et y énoncent des faits qui tous se rapportent à prouver leurs assertions. Quelques-uns s’attachent particulièrement à prouver que la conduite du représentant Hentz à l’égard de la ville et de la société n’a tendu jusqu’à ce moment qu’à consolider cette oppression et à fortifier ces calomnies. Un membre s’exprime ainsi : « Je demande à vous entretenir de la conduitte qu’a tenu dans nos murs un de nos délégués pour le maintient de nos droits. C’est du représentant du peuple Hentz que j’entends parler. Il me semble qu’il y a une loi qui interdit aux représentans du peuple d’exercer aucuns pouvoirs civils dans les départements où ils ont été élus. Il a cependant agit d’une manière contraire aux dispositions de cette loi puisqu’il a ordonné des arrestations, des destitutions, a manifesté une opinion très défavorable sur les authorités constituées, le comité révolutionnaire de section, dont il a traité plusieurs membres avec tous les signes qui caractérisent la passion, le mépris et le despotisme, quoiqu’ils ayent tous été nommés par le représentant du peuple Malarmé (qui remplissait alors sa mission) et en présence de tout le peuple qui a donné à cette nomination les plus grandes marques d’approbation par la joye qu’il a manifesté. Il n’a pas daigné venir à la société populaire, qu’il a déclaré n’être pas épurée puisqu’il dit qu’elle a donné des certificats en faveur d’un Dechaux et d’un Rolly, dont il a déjà fait sortir l’un d’eux. Je dis donc que si Hentz avoit des pouvoirs sur le civil et y reconnoissoit des agens impurs, incapables et arristocrates ou contre-révolutio-naires, il devoit les destituer et les rétablir; il devoit, en homme aimant la chose publique, se transporter à la société populaire et lui faire remarquer si elle étoit dans l’erreur et la ramener dans le bon sentier. La Convention nationale n’a jamais admis les principes sur lesquels Hentz a dirigé sa conduitte. Je demande en conséquence que la société se montre, se manifeste, qu’elle envoyé mes observations à son comité de surveillance qui s’adjoindra celui de correspondance pour prendre des renseignemens et faire son rapport en forme d’adresse qui sera envoyé au comité de salut public. Il y va de la réputation et de l’honneur de notre cité qui n’a jamais attiré sur elle le moindre reproche puisqu’elle a toujours eu pour base de sa conduitte la justice, la plus parfaite soumission aux sages mesures de la sainte Montagne et le bien de la République ». La société témoigne à l’unanimité son assentiment aux reproches ci-dessus énoncés mais la question s’envelope de plus en plus et le président rétablit l’ordre de la discussion en ramenant aux faits qui ont été cités et il propose de les aprofondir. La société adopte cet avis. Un membre monte à la tribune et propose à la société de s’intéresser en faveur des détenus inocens en la maison d’arrêt de cette ville, et notament pour les citoiens Riscle, juge de paix et Nicolas, son greffier commis (le premier membre de cette société) qui lui paroissent n’avoir pas mérités le cruel traitement qu’ils reçoivent; après une longue discussion qui est toute en faveur des prévenus, la société arrête cependant qu’elle ne se prononcera qu’après qu’elle aura eu communication des motifs de leur arrestation. Un membre du comité de surveillance des sections fait lecture de l’arrêté des représen- 214 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tants du peuple Hentz et Bourbotte, qui destitue leurs collègues, les citoïens Arnould et Vigneron. On propose qu’à leur égard chaque sociétaire émete à la tribune son opinion. Les uns sont de cet avis, les autres désirent qu’on consulte par assis et levée sur le civisme et le patriotisme du citoïen Arnould qui, en sa qualité de membre de la société, est suffisament connu. Le président met aux voix cette dernière proposition qui est acceptée. Puis il pose ainsy la question : que ceux qui sont d’avis que le citoien Arnould a toujours bien mérité de la patrie et de ses concitoïens par son dévouement à la chose publique et par sa conduitte révolu-tionaire veuillent bien le témoigner en se levant; l’assemblée toute entière s’est levée. L’épreuve contraire luy a été aussy favorable; les tribunes consultées n’ont pas moins prononcé en sa faveur. On passe à l’examen du citoïen Vigneron. L’on s’étonne de ce que, s’il est contre-révolutionnaire, ainsy qu’il est qualifié dans l’acte de sa destitution, il ne soit pas incarcéré ny même dépouillé de la place d’agent national de l’administration forestière. On demande qu’il soit présent à la séance s’il veut que l’on s’occupe de luy. Il se trouve aux tribunes et demande la parole pour se disculper. La société lui accorde la parole. Il assure qu’il n’a pas de reproche à se faire et qu’il est fort tranquille sur les événemens de sa destitution; qu’au surplus il s’en rapporte au jugement de ses concitoyens. On luy fait quelques reproches de ne s’être pas maintenu dans la société populaire d’où il a été éliminé par ajournement pour une dénonciation qu’il n’a pas prouvée. Il réplique que le fait qu’il avoit avancé n’a point été démenty, mais seulement excusé par les circonstances qui y ont donné lieu, et il finit par dire qu’il n’a de reproches à se faire que de ne s’être pas représenté à la société. La société passe à l’ordre du jour sur ces reproches et renvoyé à son comité de surveillance l’examen de la conduitte de Vigneron en le chargeant de faire son raport demain. On demande de tous côtés à rouvrir la discussion sur les causes et les effets de l’oppression dont se plaignent les citoiens de Thionville. On insiste pour que les faits soient déclarés par chacun de ceux qui en ont connois-sance. Un membre s’écrie qu’il est tems enfin de sortir de l’esclavage, qu’il est tems surtout de faire connoître à la Convention nationale les efforts qu’ont faits la commune et la société populaire de Thionville pour le repousser; qu’il est tems enfin de faire revivre et reparoître l’estime que la nation a conçue de nos remparts inaccessibles à tous les tirans, estime qui fait notre bonheur et qu’il semble qu’on veuille nous arracher par toutes sortes de moyens infâmes, même en étouffant la voix que nous avons si souvent élevée vers la Montagne, qui ne sait plus peut-être jusqu’à quel point nous sommes ses enfans. La motion est vivement applaudie, les cœurs s’épanouissent, on vote à l’unanimité une adresse à la Convention. Cependant la société continue la discussion sur les faits. Quarante, maire de cette commune et Mou-gin se succèdent à la tribune et déclarent que rien n’a été plus dure que l’accueil que la commune a reçu du représentant Hentz, qui n’a pas craint de leur dire que toute la cité n ’étoit composée que de contre-révolutionaires, ainsy que toute la société, à l’exception de quelques membres, en ajoutant que, pour avoir confessé un citoien né en pays étranger, il en concluoit que, si Cobourg et Brunswick se présentoient devant nos murs, ils en seroient reçus. L’assemblée frémit d’indignation. Plusieurs membres s’élancent à la tribune pour discuter ce reproche qui n’a point de fondement, attendu que le représentant Mallarmé n’a pas jugé que le citoien qui luy fut dénoncé dut sortir de nos murs. La société demande la suite des faits. Ge-roux, agent de la commune, déclare que le représentant Hentz luy a dit, à l’occasion d’un jugement où il avoit conclu suivant la loi, qu’il n’y avoit pas de loi pour les patriotes, qu’il étoit un contre-révolutionaire, et qu’il eût à se retirer de sa présence. On demande s’il signera sa déclaration. Il répond qu’il la signera s’il faut avec la dernière goûte de son sang. Audenet, membre du comité de surveillance des section atteste que le même représentant luy a dit que le comité dont il est membre n’étoit composé que de contre-révolutionaires et d’un ramas de coquins. Un membre assure qu’un gendarme absolument hors d’état de servir la République par l’affreux état de sa santé qu’il a perdue dans les travaux de la guerre, s’est traîné chez le représentant Hentz pour en obtenir un congé nécessaire; que ce représentant luy a répondu avec dureté qu’il n’étoit point venu pour s’occuper des malades mais de ceux qui alloient se battre, et que, sur ce qu’il avoit employé dans sa demande l’expression de citoïen, Hentz luy répondit qu’il n’y avoit point icy de citoien, qu’il n’y avoit qu’un représentant du peuple. On demande de tous côtés s’il est possible de s’assurer du fait et de la situation du citoien gendarme. Un membre propose de l’amener à la société. Il y paroît et l’assemblée entière à son aspect a peine à concevoir qu’on ait pu dédaigner d’écouter sa demande tandis qu’il est évident que celuy qui peut à peine marcher et s’exprimer ne peut supporter les fatigues de la campagne. Un officier de santé en chef s’élance à la tribune et dit qu’il est inouï, qu’il est inhumain, qu’il est barbare, qu’il est inconcevable qu’à la vue seule du citoïen qui se présente on n’ait pas accordé le congé qu’il demandoit et que jamais il n’a vu faire un refus pareil. Plusieurs membres se succèdent pour énoncer d’autres faits non moins graves, entr’autre l’accueil effrayant qui fut fait à la citoiène Dechaux, épouse de celuy de nos membres qu’il a fait mettre en liberté quelques jours après l’événement du 9 thermidor. La société renvoyé le tout à son comité révolutionaire et à ses comités réunis pour s’occuper de receuillir les faits qui parviendront à leur connoissance et pour en faire un rapport à la société qui puisse servir de pièce justificative à l’appuy de l’adresse qui doit être envoyée à la Convention. Carbonnaz ( secrét .), Philippy ( secrét .), Ph. Pre-cié, C. Labas, Nicolas (secrét.). SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 8 215 Extrait du registre des procès-verbaux de la société populaire et révolutionnaire épurée séante à Thionville. Séance extraordinaire du 22 thermidor 2 e année républicaine. L’hymne sacré chanté, on donne lecture d’une adresse que le citoyen Bissy, détenu dans la maison d’arrêt de cette commune, propose à la société pour être envoyée à la Convention nationale. La société applaudit aux principes qui y sont développés et le renvoi au comité de correspondance pour en faire usage selon les vues du citoyen Bissy. Un membre réitère la motion qu’il a faite hier à l’effet d’obtenir l’élargissement de ce prisonnier qui paraît être détenu illégalement et injustement; la société arrête le renvoi au comité de surveillance des sections, avec invitation d’accélérer l’élargissement de ce citoyen. Un membre de ce comité observe qu’il a déjà fait part plusieurs fois au comité de sûreté générale des motifs qui doivent le décider à procurer la liberté du citoyen Bissy et qu’il n’en a pas reçu de réponce, mais qu’il ne doute pas que ses collègues ne se fassent un devoir de renouveller leurs démarches collectives dont il a lieu d’espérer à présent tout le succès que la justice fait promettre. On donne de nouveaux renseignements sur le citoyen Bissy, entr’autre celui que son dénonciateur a été fusillé; la société renvoi cela de nouveau au comité de surveillance des sections. Quelqu’un propose un amandement pour qu’il soit statué que tous les citoyens seront invités à s’intéresser au sort des plus innocents et à en référer parallèlement au comité de surveillance des sections. La société proclame cette invitation. Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la dernière séance. Après quelques observations qui donnent lieu à quelques réformes peu essentielles il est adopté. Le rapporteur du comité de surveillance de la société fait lecture des déclarations qu’il a eu ordre de recueillir. Arnould observe, sur celle qui le concerne, que l’on a omis de dire que Hentz avoit supposé que la ville de Thionville s’étoit mise en insurrection pour un Rolly tandis qu’il est vrai que la société n’a été que consternée et comprimée dans tous ses élans de justice. Cette observation est admise pour être consignée au procès-verbal de la séance actuelle. Un membre de la société fait la motion que le citoyen Thomas, adjudant-général, soit invité à donner des renseignements qui lui sont parvenus sur l’arrestation arbitraire d’un citoyen gendarme. Thomas se présente à la tribune et il déclare que le citoyen Bricart, excellent patriote muni des attestations de civisme les plus complettes, qu’il a déposé en ce moment sur le bureau, s’étant transporté à la prison de cette ville pour y voir un camarade, fut engagé par le citoyen Bissy et autres détenus, qu’il ne connaissait pas mais envers lesquels il se croyoit obligé à de l’humanité, à se charger d’une ou deux lettres, toutes ouvertes et ne renfermant rien que de juste, pour les représen-tans; qu’ayant déféré à leur désir il fut traité de la manière la plus dure par le représentant Hentz qui lui dit qu’il n’était qu’un vil émissaire des contre-[ré]volutionnaires, et qu’il le constitua sur le champ prisonnier par un ordre subit qui portait de mettre les scellés sur tous ses effets, et qu’il ne connaît aucun motif. Un membre appui ces renseignements de quelques autres également favorables à ce gendarme, et il déclare qu’ayant voulu rendre compte au citoyen Boubotte, représentant prévenu sans doute par le représentant Hentz, de l’examen des papiers et autres objets qui attestent la bonne conduite du prévenu, il en fut traité comme un misérable et si fort attéré qu’il ne sut que répondre. On demande que les commissaires de la société envoyés à Hentz à Landau au sujet de Dechaux et Rolly déclarent l’horrible réception qui leur a été faite. On observe qu’ils en ont fait le rapport aux comités réunis et que d’ailleurs un de ces commissaires est absent de Thionville. Un membre fait la motion que les comités réunis s’assemblent demain matin pour finir le recueil des faits et pour rédiger l’adresse sans désemparer afin que Hentz, qui vient de partir pour Paris, ne puisse prémunir ses collègues défavorablement pour Thionville et pour que la société fasse éclater sans obstacles les justes reproches qu’elle a à lui faire. Cette motion passe à l’unanimité et l’on s’ajourne à 6 heures du matin le lendemain. La société témoigne le désir de savoir de quelle manière le district a été reçu par le représentant Hentz. L’agent nationale déclare qu’il lui a rendu une visite particulière à son arrivée et qu’il en a été bien reçu, qu’il l’a revu une seconde fois et qu’il en a reçu l’ordre de lui procurer un autre logement que celui qu’il occupait. Un membre de l’administration déclare que le district a été mandé par les représentans, qu’il s’y est transporté et qu’ils lui ont dit qu’ils étaient satisfaits de voir les administrateurs et de savoir enfin qu’il existait une administration à Thionville. Le maire de cette commune ajoute à ces précédentes déclarations que Hentz, sur le bruit que l’on faisait courir depuis plusieurs jours qu’il voulait mettre soixante personnes en état d’arrestation, l’a chargé avec douceur de faire arrêter les auteurs de ce bruit s’il parvenait à les découvrir. Il dit en outre que Bour-botte fit un accueil fraternel à la commune. La société renvoi le tout à ses comités réunis et lève sa séance à 8 heures du soir. Certifié conforme à l’original. Boulanger, secrétaire par intérim. N° 11 Déclaration de Raulet sur ce qu’a dit Hentz au sujet d’une lettre qu’il écrivait au comité de Sûreté générale (1). Je certifie que le représentant Hentz, en m’abordant dans le bureau de la poste, me dit d’un ton honnête : Bonjour, citoïen.- Je lui (1) D’une autre main, au-dessous du texte : Déclaration précieuse en ce quelle contraste avec les procédés de la veille de la part de Hentz.