[Assemblée natiouala.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du vendredi 17 septembre 1790(1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Danehy, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Le procès-verbal est adopté. M. Decretot. Messieurs, j’ai demandé ,1a parole uniquement pour relever une erreur d’un fait qui a été consigné dans tous les journaux et dont le redressement intéresse tellement la manufacture de Louviers, et même sa tranquillité, qu’eile a envoyé vers vous des députés extraordinaires. Gomme cela ne demande pas de discussion, l’Assemblée ne sera pas distraite de ses travaux. Il est étonnant, Messieurs, que parmi les vœux des villes qu’on a énoncés dans cette tribune, on ait présenté celui des manufactures de Louviers comme prononcé affirmativement en faveur des deux milliards d’assignats. MM. les députés extraordinaires du commerce ont mal interprété la réponse des manufacturiers de cette ville. Ges manufacturiers, après avoir parlé de leurs incertitudes, de leur crainte, sur un plan qu’ils disent fait pour produire de l’enthousiasme, ajoutent qu'ils n’auront aucun avis , qu’ils n’émettront aucun vœu sur la question en général ; le seul vœu qu’ils émettent est pour les assignats de 12 et 6 livres, pour le service des manufactures seulement, dans l’hypothèse où les assignats seraient décrétés, et pour la création d’une somme la plus considérable qu’il sera possible de faire fabriquer en monnaie de billon, et enfin pour la plus prompte vente des biens du clergé. M. Chasset fait, au nom des comités des finances et ecclésiastique, un rapport relatif au payement du traitement des curés-royaux d'Alsace, et propose le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport de ses comités des finances et ecclésiastique réunis, décrète que les traitements des curés-royaux dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, tels qu’ils se prélevaient ci-devant sur les fonds du don gratuit, seront acquittés, pour la présente année, sur les ordonnances des directoires de district par les receveurs des impositions, auxquels les ordonnances dûment quittancées serviront de décharge, et les dispositions portées par l’article du décret concernant le traitement actuel du clergé, seront au surplus exécutées à l’égard desdits curés. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. Naurlssart. Le comité des finances m’a chargé de vous rendre compte d’un événement désastreux arrivé dans la malheureuse vilie que je représente. Un incendie vient de réduire en cendres la plus grande partie de Limoges et de livrer à la misère un grand nombre de ses habitants. Le directoire du département de la Haute-Vienne, séant dans cette ville, sollicite votre humanité et vos secours. Il est au désespoir de ne pouvoir rien par lui même ainsi que la municipalité ; il annonce que les incendiés ont tout perdu et que si les restes de la ville ont été sauvés on le doit aux soins du régiment de royal Navarre, de la garde nationale et de la municipalité. Le comité des finances pénétré de sensibilité a cru devoir vous proposer de venir au secours de ces infortunés. C’était autrefois le ministre du département de l’intérieur qui remplis-ait cette fonction touchante, mais il n’a plus aujourd’hui les mêmes fonds à sa disposition. Plus de 800 pères de famille sont sans aucune ressource. En attendant que vous puissiez vous expliquer, le comité a pris sur lui d’ordonner au caissier des domaines de verser 3,000 livres dans la caisse de la ville pour faire face aux plus pressants besoins. Voici le projet de décret que le comité, à l’unanimité, a été d’avis de vous proposer : « L’Assemblée nationale , douloureusement affectée des ravages occasionnés par le plus désastreux incendie dans une grande partie de la ville de Limoges, voulant témoigner au peuple Français qu’elle partage ses peines, et que le désir le plus cher à son cœur est de le soulager; ouï le rapport de son comité de finances, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le ministre des finances fera tenir incessamment, àla disposition du directoi redn dépar-tementdelaHiUte-Vienne, unesomme60,000 livres pour être employée au soulagement des malheureux incendiés de la ville de Limoges. « Art. 2. Sur ladite somme de 60,000 livres, il sera rétabli dans la caisse des domaines la somme de 3,000 livres précédemment comptée à la municipalité de Limoges par le directeur des domaines. « Art. 3. Le directoire du département enverra incessamment au ministre des finances un état estimatif et détaillé des pertes occasionnées par l’incendie ; le ministre le remettra au comité des finances qui en fera son rapport à l’Assemblée nationale pour statuer définitivement sur les soulagements qu’il conviendrad’accorder à la ville de Limoges. « Art. 4. M. le président écrira au régiment royal Navarre , cavalerie, et à la garde nationale de Limoges , pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée nationale, de l’activité et du courage avec lesquels ils ont porté des secours dans les lieux où l’incendie présentait les plus grands dangers. » (Ce projet de décret est mis aux voix et unani-ment adopté.) M. le Président annonce qu’il a reçu une lettre de M. Necker, à laquelle est joint un mémoire contenant un pian de liquidation de la dette publique. L’Assemblée décide qu’il sera fait lecture de ce mémoire à l’heure de midi. ( Voir p. 32.) M. Merlin , rapporteur du comité des droits féodaux , présente un projet de décret concernant les frais ae poursuites criminelles, les hypothèques, les saisies, les transcriptions, etc. Il est ainsi conçu : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, voulant faire cesser plusieurs difficultés qui se sont élevées sur l’interprétation et l’exécution de l’article 4 de ses défcrets (1) Getteséaneeest incomplète au Moniteur. 24 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1790.] des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, des articles 1 et 13 du titre premier, 23, 30 et 31 du titre second de son décret du 15 mars dernier, ensemble des articles 3 et 54 de celui du 3 mai suivant, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les frais de poursuites criminelles faites à la requête des procureurs du roi ou d’office depuis la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789, intervenus sur les décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, so.nt à la charge du Trésor public (1); en conséquence, les receveurs des domaines continueront provisoirement (2) à fournir les deniers nécessaires auxdites poursuites, sur les taxes faites aux témoins par les juges et sur les exécutoires par eux décernés. Art. 2. Dans les pays et les lieux où les biens allodiaux sont régis, soit en succession, soit en disposition, soit en toute autre matière, par des lois ou statuts particuliers, ces lois ou statuts régissent pareillement les biens ci-devant féodaux ou censuels (3), savoir : pour les successions à compter de la publication des lettres patentes du 28 mars dernier, intervenues sur le décret du 15 du même mois; et pour toute autre matière, à compter de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789 (4). Art. 3. A compter du jour où les tribunaux de district seront installés dans les pays de nantissement, les formalités de saisine, désaisine, déshé-ritance, adhéritance, vest, dévest, reconnaissa ice échevisnale, mise de fait, main-assise, plainte à loi, et généralement toutes celles qui tiennent au nantissement féodal ou censuel, seront et demeureront abolies (5); et jusqu’à ce qu’il en ait été (f) Cette disposition es_t la suite nécessaire de l’article 4 des décrets du 4 août 1789 qui supprime les justices seigneuriales, et entraîne, pour les ci-devant seigneurs, la perte de tous les droits que ces justices leur procuraient. Eadem esse debet ratio commodi et incommodi. (2) Ceci ne peut être en effet que provisoire. Car, bientôt les receveurs des districts remplaceront ceux des domaines, et sans doute les assemblées administratives auront, par rapport aux exécutoires décernés par les juges pour frais de justice, les mêmes fonctions à remplir qu’avaient ci-devant les intendants des provinces. (3) La raison en est que les ci-devant fiefs et les ci-devant censives sont devenus de véritables francs-alleux : 1° par l’article premier des décrets du 4 août 1789, qui a détruit entièrement le régime féodal-, 2» par l’article premier du titre Ier du décret du 15 mars, qui a converti en simples charges foncières tous les droits et devoirs féouaux ou censuels, charges qui n’ont rien de contraire à l’essence des francs-alleux; 3° par l’article 13 du même titre qui déclare abolis tous les effets que les coutumes, statuts et usages avaient fait résulter de la qualité féodale ou censuelle des biens , soit par rapport au douaire, soit pour la forme d’estimer les fonds, et généralement pour tout autre objet quel qu'il soit. (4) Pourquoi cette différence entre les successions et les autres matières? C’est que, d’une part, l’article 11 du titre Ier du décret du 15 mars ne donne effet à la destruction de la féodalité et mobilité des biens, par rapport aux successions, qu’à compter du jour de la publication de ce décret-, et que, d’une autre part, l’abolition prononcée par l'article 13 du même titre, de tous les autres effets que les coutumes, statuts ou usages avaient fait résulter de la qualité féodale ou censuelle des biens, est comprise dans la loi générale de l’article 33 du titre II, portant que toutes les dispositions ci-dessus, à l’exception de celles de l'article li du titre /cr, auront leur effet à compter du jour de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789. (5) Ces formalités n’ont été conservées par l’article 13 du titre Ier du décret du 15 mars, que provisoirement, et parce que le maintien provisoire de l’ancien ordre judiciaire en rendait l’exécution encore possible. autrement ordonné (1), la transcription des grosses des contrats d’aliénation ou d’hypothèque en tiendra lieu, et suffira en conséquence pour consommer les aliénations et les constitutions d’hypothèques; sans préjudice, quant à la manière d’hypothéquer les biens, de l’exécution de l’article 35 de l’édit du mois de juin 1771 et de la déclaration du 23 juin 1772, dans ceux des pays de nantissement où ces lois ont été publiées (2). Art. 4. Lesdites transcriplions seront faites par les greffiers des tribunaux de district, selon l’ordre dans lequel les grosses des contrats leur auront été présentées, et qui sera constaté par un registre particulier, dûment coté et paraphé par le président de chacun desdits tribunaux. Les registres destinés à ces transcriplions seront pareillement cotés et paraphés, et les greffiers seront tenus de les communiquer sans frais à tous requérants. Art. 5. Il sera payé aux greffiers, pour lesdites transcriptions, cinq sols par rôle des grosses des contrats, sur les udl -s ils cer ifieront, sous leur signature et lesc:i du tribunal, les jours où elles auront été présenté' s au greffe et transcrites, avec indication du registre et du folio où s’en trouvera la transcription. Art. 6. Dans les pays et les lieux où les officiers des ci-devant justices seigneuriales étaient autorisés à recevoir, seuls ou conjointement avec d’autres personnes publiques, des testaments, donations ou contrats, les officiers municipaux pourront provisoirement remplir les mêmes fonctions. Art. 7. Les droits domaniaux annuels qui se perçoivent sur les poêles à sel dans les ci-devant provinces Belgiques, sont et demeurent supprimés (3), sans préjudice des arrérages qui pouvaient en être dus avant la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789 et sans qu’il puisse être répété aucune des sommes fournies, soit en payement d’échéances postérieures à cette époque, soit pour rachat de ces droits (4). Art. 8. Sont pareillement sup mimés les droits établis en plusieurs lieux desdites provinces sur les moulins à bras et à cheval, en conséquence des édits de Charles-Quint et de Philippe IV, rois d’Espagne et comtes de Flandres, des 21 février 1547 et 21 juillet 1628 (5); et il e3t sursis à prononcer sur les droits dont les moulins à eau (1) Il sera bien essentiel que la prochaine législature donne à laFranco une loi uniforme snr les hypothèques et même sur la manière de transférer les propriétés. (2) L’édit de 1771 et la déclaration de 1772 ont, en abolissant l’usage des saisines pour acquérir hypothèque, établi qu’à l’avenir l’hypothèque s’acquerrait dans les coutumes de nantissement tant par actes passés par-devant notaires, que par jugements de la même manière , et ainsi qu'il se pratique dans les autres coutumes. Mais l’un et l’autre n’ont été publiés que dans ceux des pays de nantissement qui composaient la Picardie et lo Vermandois. On ne les a enregistrés ni au parlement de Douai, ni au conseil d’Artois. (3) Les comtes de Flandres avaient rendu banaux à leur profit, non-seulement les moulins, mais encore les poêles à sel, et, en conséquence, on ne pouvait pas plus, dans ses provinces, avoir chez soi un poêle à sel qu’un moulin à vent, à bras ou à cheval, sans s’assujettir envers le domaine à des redevances annuelles. La suppression des banalités, prononcée par l’article 23 du titre II du décret du 15 mars, fait évidemment tomber ces servitudes. (4) L’article 6 du titre II du décret du 15 mars ne permet pas même de répéter les sommes payées pour le rachat de la mainmorte. (5) L’article 23 du titre II du décret du 45 mars dernier supprime formellement le droit de vent, et, par conséquent, les redevances que ces édits ont imposées sur les moulins à vent. C’est par oubli que les droits 25 [Assemblée national ;.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1790.] ont été grevés par les mêmes éiits, jusqu’au moment très prochain où il sera statué, par line loi générale, sur la propriété des rivières et cours d’eau. Art. 9. II n’est nullement préjudicié par l’abolition du triage, aux actions en cantonnement, de la part des propriétaires contre les usagers de bois, prés, marais et terrains vains ou vagues, lesquelles continueront d’être exercées comme ci-devant dans les cas de droit (1), sauf à se conformer, pour les ci-devant provinces de Lorraine, des Trois-livêches et du Clm-montois, à l’article 32 du titre II du décret du 15 mars dernier (2). Art. 10. Pourront néanmoins être révisés et réformés, s’il y a lieu, par les tribunaux de district (et à la charge de l’appel ainsi que de droit), les cantonnements prononcés depuis trente ans par arrêts du conseil, sans qu’au préalable les contestations sur le fonds des droits de propriété ou d’usage eussent été jugés par les tribunaux ordinaires, ensemble tous les arrêts du conseil qui, sans prononcer de cantonnements, ont statué en première instance, depuis la même époque, sur des questions de propriété ou de droits fonciers, entre des seigneurs et des communautés d’habitants (3); auquel effet, les parties intéres-sur les moulins à bras et à cheval n’ont pas été compris dans cet article. (1) Par l’article 30 du titre II du décret du 15 mars, l’Assemblée nationale n’a aboli que le droit de triage établi par l’article 4 du titre XXV de l’ordonnance de 1669, c’est-à-dire, comme l’explique le décret du 15 mai, l 'action qu'avait ci-devant le seigneur pour se faire délivrer , dans certains cas, le tiers des biens par lui concédés précédemment aux communautés d’habitants ; et, en effet, le titre XXV de l’ordonnance de 1669 limite lui-même l’action en triage aux bois, prés, marais , etc., appartenant aux communautés d’habitants ; mais abolir un droit qui n’avait lieu que dans le cas où les communantés étaient propriétaires, et qui, par conséquent, dépouillaient celles-ci d’un tiers de leurs propriétés pour en investir les seigneurs, ce n’est sûrement rien préjuger contre une opération qui consiste uniquement à resserrer, à circonscrire le droit indéfini et illimité des habitants usagers sur une partie déterminée des fonds soumis à leur droit d’usage, afin de laisser le reste libre au propriétaire. Or, c’est celte opération qui s’appelle cantonnement . Donc le cantonnement est demeuré intact; donc il doit encore avoir lieu comme ci-devant, et c’est ce que le comité féodal a établi textuellement dans son rapport du 8 février 1790 (page 54 de la suite) : « 11 faut donc bien distinguer (ce « sont ses termes) le cas où les communautés ne sont « qu’ usagères d’avec celui où elles sont propriétaires. « Dans le premier cas, le seigneur peut exercer contre « elles l’action en cantonnement, et cette action qu’il « tire de son droit de propriété n’a ni été, ni pu être « altérée par les décrets de l’Assemblée nationale. » (2) Le cantonnement n’a pas lieu dans ces provinces ; mais il y est remplacé par le droit de tiers-denier, que l’article cité maintient expressément à l’égard des bois et autres biens dont les communautés ne sont qu’usagè-res; et c’est pour cela que le même article révoque tous les arrêts du conseil qui, depuis 30 ans, ont accordé des cantonnements aux seigneurs de ces provinces, sauf à ceux-ci à percevoir le droit de tiers-denier . (3) Plusieurs communautés d’habitants qui ont été privées par de semblables arrêts, soit d’uue partie, soit de la totalité de leurs biens commuuaux, croyent pouvoir s’appliquer l’article 31 du titre II du décret du 15 mars, par lequel sont révoqués les arrêts du conseil qui, depuis 30 ans, ont autorisé le triage hors des cas permis par l’ordonnance de 1369. Elles se trompent sans doute, puisque le triage n’a rien de commun avec le cantonnement', mais leurs réclamations n’en sont pas moins justes au fond. C’est un principe incontestable qivune question de propriété ne peut être jugée que par les tribunaux à qui la loi en a délégué la connaissance. Or, bien loin que la-loi ait délégué, elle a, au séesse pourvoiront dans l’espace de temps et de la manière indiqués par l’article 31 du titre II du décret cidessus, sans pouvoir prétendre aucun compte des fruits perçus hors du cas déterminé par le même article (1). Art. 11. On ne pourra racheter les droits casuels dus par un héritage, sans racheter en même temps les droits fixes auxquels il est sujet (2). contraire, interdit formellement au conseil la connaissance, du moins immédiate, des questions de propriété. Voici ce que porte à cet égard l’article 91 de l’ordonnance de Blois, qui ne fait que rappeler les dispositions des ordonnances de 1318 et 1320: « et au regard de « notre conseil privé et d’Etat, ayant en cet endroit « comme en tous autres, bénignement reçu les remon-« trances qui nous ont été faites par nos Etats (géné-« raux de Blois) : afin aussi de le rétablir en sa première « dignité et splendeur, et que dorénavant riotre-dit « conseil ne soit occupé des causes qui gissent en juri-« diction contentieuse, et conserver la juridiction qui « appartient à nos cours souveraines et justices ordi-« naires, avons renvoyé les instances pendantes indé-« cises et introduites en icelui notre conseil, tant par « évocation qu’autrement, par-devant les juges qui en « doivent naturellement connaître, sans que notre-dit « conseil à l’avenir prenne connaissance de telles et sem-« blables matières, lesquelles voulons être traitées par-« devant nos juges ordinaires, et par appel en nos cours « souveraines, suivant nos édits et ordonnances. » Les défenses contenues dans cette loi nationale ont été renouvelées par l’édit de 1597 donné sur l’avis de l’Assemblée des notables de Rouen; et sans doute elles n’ont pas pu de nos jours être enfreintes impunément. Or, la peine de nullité est la moindre que puissent exiger les contraventions qu’elles ont éprouvées; et cette peine est prononcée formellement par l’article 8 du titre Ier de l’ordonnance de 1667, lequel déclare tous arrêts et jugements qui seront donnés contre la disposition des ordonnances, édits et déclarations, nuis et de nul effet et valeur. Mais il y a ici une raison particulière pour regarder comme non-avenus les arrêts du conseil qui ont adjugé des cantonnements, de la manière indiquée par notre projet d’article; c’est que la conduite du conseil lui-même réprouve ces arrêts. En effet, quoique le conseil se soit toujours cru compétent pour prononcer en première instance sur les demandes en cantonnement qui ne présentaient que des objets d’administration à régler, il a toujours pensé aussi que lorsque, sur ccs demandes, il s’élevait des questions de propriété ou de droit d’usage, ces questions devaient être renvoyées aux juges ordinaires et décidées par eux en connaissance de cause, avant qu’il ne pût statuer sur le cantonnement. Mais si telle a toujours été la doctrine du conseil, telle n’a pas toujours été sa pratique; car il existe plusieurs arrêts par lesquels il a ( principalement sous le ministère et au rapport de l’abbé Terray), prononcé tout à la fois et sur des cantonnements et sur des questions de propriété et sur des réclamations de droits d’usage. De pareils arrêts pourraient, d'après la jurisprudence du conseil, être cassés par le conseil lui même, sur les requêtes des parties intéressées; à plus forte raison le Corps législatif peut-il, par une loi générale, anéantir tous les arrêts rendus de cette manière. Et il ne faut pas croire que ce soit là exercer le pouvoir judiciaire. Sans doute, l’Assemblée nationale empiéterait sur le pouvoir judiciaire, si elle cassait nommément tel ou tel arrêt; mais révoquer, en termes généraux, tous les arrêts rendus de telle manière et sur tels objets, c’est un véritable acte du pouvoir législatif ; et c’est ce qu’a déjà fait l’Assemblée nationale par plusieurs de ses décrets, notamment par les articles 31 et 32 du titre II du décret du 15 mars. (1) Voici ce que porte cet article: « et pour rentrer « en possession des biens communaux dont elles ont « été privées par l’effet desdits édits, déclarations, ar-« rêls et lettres patentes, les communautés seront « tenues de se pourvoir dans l’espace de cinq ans parti devant les tribunaux, sans pouvoir prétendre aucune « restitution de fruits perçus, sauf à les faire entrer en « compensation dans le cas où il y aurait lieu à des « indemnités pour cause d’impenses » . (2) Cette disposition est destinée à compléter l’arti- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1790.] m Art. 12. Le contrôle des quittances de rachat, ordonné par les articles 54 et 55 du même décret, géra fait au bureau ou greffe dans l’arrondissement duquel seront situes les chefs-lieux des ci-devant liefs dont dépendent les biens affranchis des droils féodaux ou censuels(l). (La discussion s’ouvre sur ce projet de décret.) M. Martineau présente quelques considérations générales tendant à un ajournement total du décret. L’ajournement n’est pas prononcé et les articles 1 et 2 sont décidés dans les termes ci-dessous : « Ai l. 1er L s fia s des poursuites criminelles faites à la repuêiedes procureurs du roi ou d’office, depuis la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789, intervenues sur les décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août précédent, sont à la charge du Trésor public ; en conséquence, les receveurs des domaines continueront provisoirement à fournir lis deniers nécessaires auxdites poursuites, sur les taxes fuites aux témoins par les juges, et sur les exécutoires par eux décernés, après néanmoins nue tes directoires de département les auront vér. liés et visé dans la même forme que le faisaient ei-.ievaut les commissaires départis. « Art 2. D./ns les pays et les lieux où les biens allodiaux sont régis, soit en succession, soit en disposition, soit en toute autre matière, par des lois ou siaiuls pariiculiers, les lois ou statuts régissent paieillement les biens ci devant féodaux ou censuels; savoir: pourles successions, à compter do la publication des lettres patentes du 28 mars dern er, intervenues sur le décret du 15 du même mois ; et pour tout** autre matière, à compter de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789. » M. Merlin, rapporteur , donne lecture de l’article 3 en ces imm-s : « Art. 3. A compter du jour où les tribunaux de district seront installés dans les pays de nantissement, les l'onnali é-de saisine, désaisine, deshé-ritance, adbéritance, vest, dévest, reconnaissance échevinale, mise de fait, main-assise, plainte à loi, et généralement toutes celles qui tiennent au nantissement féodal ou censuel, seront et demeureront abolies ; et ju-qu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, la transcription des grosses des contrats d’aliénation ou d’bypothèque en tiendra lieu, et suffira en conséquence pour consom-cle 3 du decret du 3 mai, concernant le rachat des droits féodaux. Il est dit parcet article qu’ou ne fourra racheter divisement tes charges et redevances annuelles, sans racheter en même temps les droits casuels et éventuels; mais il ne décide pas si réciproquement il est défendu de racheter les droits casuels sans racheter en même temps les droits tixes. C’est pour réparer cet oubli, que le comité féodal propose de décréter l’article ci-dessus; et il le piopose avec d’autant plus de confiance, que cet article u’est que le corollaire d’un principe que l’Assemblée nationale a consacré par l’article 3 de son décret du 3 mai : ce principe consigné dans le rapport de M. Tronchet, du 28 mars 1790, page 12, est que « les conditons sous lesquelles un propriétaire de « fonds l’a concédé, sont indivisibles, et forment par a leur réunion le prix de la concession. » (1) Les articles 54 et 55 du décret du 3 mai ne déterminent pas le bureau ni le greffe où doit être contrôlée chaque quittance de rachat. Mais d’après les dispositions que contiennent les articles 47, 48 et 53, relativement aux oppositions des créanciers et offres tendantes au rachat, il n’est point douteux que l’intention de l’Assemblée, en décrétant les articles 54 et 55, n’ait été conforme à l’intorpr, tation que le comité féodal a l’honneur de lui proposer. mer les aliénations et les constitutions d'hypothèques, sans préjudice, quant à la manière d’hypo-théquer les biens, de l’exécution de l’article 35 de l’édit du mois du juin 1771, et de la déclaration du 23 juin 1772, dans ceux des pays de nantissement où ces lois ont été publiées. » M. Mougins de Roquefort. Je crois qu’on ne doit pas faire de loi particulière et qu’il est de l’intérêt de la nation de porter des lois générales sur les hypothèques, pour qu’elles soient délivrées des entraves que certaines formalités, introduites dans bien des provinces, ont amenées à ce sujet. Le droit, comme l’hypothèque, s’acquiert de deux manières, par contrat ou par jugement. Voilà les deux modes sur lesquels il faut fixer cette question et qui assureront le droit des créanciers et celui des propriétaires. Je propose donc que l’Assemblée nationale déclare qu’à l’avenir on n’acquerra l’hypothèque, dans toute laFrance.quepar contrat ou par jugement, abrogeant à ce sujet toutes lois à ce contraires. M. Moreau. J’appuie cette proposition qui est essentiellement utile. M. Martineau. Nous voulons régénérer cet Empire ; nous ne pouvons y parvenir que par des lois générales Redemande donc le renvoi au comité de Constitution. M. Merlin. Le comité prendra assurément la motion en considération, mais pour le moment les articles que nous vous proposons sont d’une évidente nécessité et vous n’hésiterez pas à les voter. M. Mougins. Je demande au moins qu’on insère dans le décret une disposition portant qu’il n’est que provisoire. (On propose la question préalable sur les articles 3, 4 et 5.) D'autres membres se bornent à demander l’ajournement. Ces diverses motions sont successivement rejetées. (L’article 3 est décrété sans changement.) M. Martineau. Je propose que la transcription ordonnée par l’article 4 et qui doit être faite dans les tribunaux de district, soit faite, au contraire, aux greffes des cantons. Il faut éviter, autant que possible les déplacements onéreux. (Cet amendement est rejeté par la question préalable.) Les articles 4 et 5 sont ensuite décrétés en ces termes : « Art. 4. Lesdites transcriptions seront faites par les greffiers des tribunaux de district de la situation des biens, selon l’ordre dans lequel les grosses des contrats leur auront été présentées, et qui sera constaté par un registre particulier, dûment cote et paraphé par le président de chacun des tribunaux. Les registres destinés à ces transcriptions seront pareillement cotés et paraphés, et les greffiers seront tenus de les communiquer sans Irais à tous requérants. « Art. 5. Il sera provisoirement payé aux greffiers, pour lesdites transcriptions, cinq sols par rôle des grosses des contrats, y compris le papier, sur lesquelles ils certifieront, sous leur signature et le scel du tribunal, les jour3 où elle3 auront été présentées au greffe et transcrites, avec indication du registre et du folio où s’en trouvera la transcription. »