512 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1791.] sives, que chaque élu exige un scrutin séparé, l’électeur u’est obligé que démettre 1 nom sur sa liste, ou 2 si l’on procède à liste double; mais alors il a '-rive que l’intérêt ou l’amitié dicte ces noms, et ces noms, l’électeur les répète sans cesse, jusqu’à ce que tous les scrutins soient achevés. Ceux qui ont suivi avec quelque attention les élections conviendront tous qu’on voit constamment sortir de l’urne une foule de noms inconnus, toujouis h-s mêmes, toujours accompagnés du même nombre de suffrage* : qui les écrit ces noms? L’intérêt privé... Gomment écarter cet abus? Eu réduisant le tableau des candidats et en soumettant les électeurs à ne choisir que parmi ceux iusciits. Alors l’électeur lui-même, qui dans le scrutin individuel aurait constamment reproduit les même' noms, est obligé de tes abandonner et de se renfermer dans le cercle qui lui est trace par le tableau de réduction. Ce n'est pas tout : cet électeur, qui, dans le scrutin individuel n’ayant qu’un ou deux noms à écrire, donnait sa voix à son parent, à son ami, à ses connaissances, est obligé quand il a 10 ou 12 noms à porter sur la liste, de placer l’homme de mérite, l’homme connu, et d’« xpier ainsi les choix que l’intérêt privé lui a suggéiés. En effet, les affections particul lèi es ont des limites étroites, et ensuite malgré soi on rend justice aux citoyens que l’opinion publique désigne; et chaque électeur par la nature du scrutin épuratoire ayant un vide à remplir, une place à donrieraux talents et à la vertu, la réunion de tous ces suffrages isolés parvient à composer la majoiité des vœux. On peut donc dire avec confiance, que le scru in épuratoire offre des chances multipliées en faveur des gens instruits et des hommes de bien. Pour résumer ces avantages en deux mots, je dirai, il économise le temps, il économise les dépenses; loin d’éloigner, il appelle les citoyens à l’exercice de leurs droits politiques ; il bannit, il diminue au moins les cabales par sa rapidité et par son tableau réduetif; il prépare les bons choix, parce que ces choix se font dans un moment où la conscience publique a de l’influence. J’ajouterai, pour ceux qui croiraient apercevoir dans le nouveau mode de scrutin la révocation d’un décret (quoique des décrets de cette nature ne puissent jamais être regardés que cornu e réglementaires et soumis dès lors à des variations peu importantes dans leurs suites); j’ajouterai, dis-je, que ce scrutin n’est qu’une modification du scrutin individuel. Le scrutin épuratoire ne diffère en effet duscrutin individuel qu’en deux points : 1° En ce que ce dernier fixe le choix définitif i nlre de x candidats, et que l’autre laisse une plus grande latitude; 2° En ce que le scrutin épuratoire peut s’étendre à la fois sur 20 personnes à élire, tandis que le scrutin individuel ne frappe que sur une seule. Un scrutin épuratoire n’est enfin que le scrutin individuel pluralisé , ou appliqué en un seul temps à un grand nombres de membres: mais tous deux ont les mêmes éléments. J’ajouterai, enfin, que ce scrutin est depuis longtemps en usage à Genève, qu’il y est employé avec succès; qu’on s’en est servi à Paris, dans quelques circonstances, et qu’on a eu occasion de s’en louer : Je vous conjure, Messieurs, de vouloir bien prendre en considération un objet d’une aussi grande importance. J’ai l’bonneur de proposer le projet de décret suivant : « Art.l6r.L’électiondesmembresaux législatures se fera par la voie du scrutin épuratoire et dans la forme qui suit. « Art. 2. Au premier scrutin chaque électeur mettra sur son billet autant de noms qu’il y aura de sujets à élire; on dépouillera ce sciutin, on fera la liste de tous les noms qui auront eu un ou plusieurs suffrages. Ge premier scrutin s’appellera indicatif (1).., « Ait. 3. Au second scrutin chaque électeur choisira dans cette liste un nombre de noms égal à celui à lire; le dépouillement de ce scrutin étant fait, on prendra parmi ceux qui auront réuni le plus de voix, un nombre triple du nombre des membres à élire, etoo en dres-erala liste. « Gesciutiu s’appellera réduetif. « Art. 4. Si à l’un des deux premiers scrutins quelqu’un obtient la majorité des voix, alors il ne subira pas d’autre épreuve, et le calcul ne s’établira plus que sur les membres qui resteront à élire. « Art. 5. Lors du troisième scrutin on remettra à chaque électeur une liste. Chacun croisera les noms de ceux qu’il voudra élire, < t il ne croisera qu’un nombre égal à celui des membres à élire. « Ge troisième scrutin s’appellera définitif. «Le dépouillement étant fait, les candidats qui auront léuni le plus de suffrages seront élus et proclamés. « Si plusieurs personnes ont le même nombre de voix, l’âge décidera la préférence. « Art. 6. Il ne pourra pas y avoir plus d’un jour d’intervalle d'un scrutin à un autre. » M. Prieur. Le plan de M. Pétion peut être très bon; mais il est trop compliqué. M. de üoailles. Je demande l’impression du rapport et de la seconde partie du projet de décret du ci mité de Constitution, ainsi que du pian M. Pétion ; je demande un outre que ce plan soit renvoyé à l’examen du comité. (L’As-embloe, consultée, adopte la motion de M. de Nouilles et renvoie la suite de la discussion.) M. le Président. L’ordre du jour de la séance de demain matin sera toutes les matièies constitutionnelles, et, à défaut, la suite de la discussion sur la liquidation des offices et emplois militaires, sur les offices seigneuriaux et sur la liquidation des offices de la Chambre dns comptes de Paris. (La séance est levée à trois heures et demie.) (1) On pourrait faire subir à cette liste une première réduction; on pourrait ne relever, par exemple, que le noml re sextuple de celui des membres à élire. Supposons 6 députés à nommer. Sur le recensement du premier scrutin, on choisirait les 60 noms plus hauts en voix. En procédant au deuxième scrutin, chaque électeur choisirait les 10 membres qui lui conviendraient. Alors, dans le dépouillement du deuxième scrutin, on pourrait prendre ou le triple ou le double des personnes à élire. (Noie de M. Pétion de Villeneuve.)