(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (15 février 1791.] maines aux portes de Paris, en vous faisant connaître les dispositions des esprits, doit vous inspirer la plus juste horreur pour un impôt, dont la perception ne put être assurée que parles baïonnettes, et au prix du sang des citoyens. En supposant même que ces scènes affreuses ne se renouvellent jamais, il me paraît impossible que l’Assemblée nationale décrète que des Fra mais, des hommes libres pourront être arrêtés, visités et rançonnés aux portes de toutes les villes du royaume ; qu’ils seront exposés aux caprices, aux violences et à la brutalité de gens sans éducation; qu’ils seront tenus de se soumettre auxdé-cisions arbitraires d’employés ignorants et sans principes, qui n’ont embrassé leur état pour la plupart que par l’incapacité où ils étaient d’en exercer aucun autre ; qu’ils seront enfin jugés et condamnés sur la déposition infidèle de commis subalternes, intéresses à trouver les citoyens en contravention, parce qu’ils savent qu’ils auront une part dans leur dépouille. On supprimera, nous dit-on, toutes ces formes vexatoires. Vaines pr< messes, Messieurs, cela ne peut pas être, car sans elle il n’y a pas de perception possible. Tant de motifs, Messieurs, me persuadent que vous n'hésiterez pas à prononcer l’abolition des droits d’entrée ; mais s’il nous restait encore quelque regret de sacrifier ce revenu, je demande au moins que le projet soit renvoyé au comité, et que \ous le chargiez d’examiner les différents moyens de supplément que je viens de vous présenter. Je me persuade qu’il n’aura pas de grands efforts à faire pour trouver une imposition plus conforme à la Constitution, à la liberté et à la justice, surtout moins dangereuse, et moins nuisible à la prospérité générale du royaume que les rentrées des villes. Je demande, en outre, qu’avant de prononcer sur les droits d’entrée, l’Assemblée s’occupe du projet de licences ou patentes qui lui a été proposé par le comité. Cet impôt est aussi une taxe sur les consommations. S’il en faut adopter une, il est raisonnable de préférer celle q d sera la moins défentmu-eet la moins oppressive. J’a déjà observé que le produit des patentes servira en partieà rem placer les droits d’entrée (1), et, comme cette quesdon intéresse spécialement l’agriculture et le commerce, je pense que vous croirez raisonnable que les comités d’agriculture et de commerce soient réunis à celui d’imposition pour l’examiner. M-Dupont (de Nemours ), rapporteur. Messieurs, votre comité, en vous proposant cet impôt, ne vous a point dissimulé qu’il métait pas bon. Presque toutes lesohjections qu’on lui a faites, presque tous les raisonnements et les calculs qu’on lui propose sont puisés ou dans les travaux du comité on dans ceux connus de ses membres ; mais il s’est arrêté au projet qu’il vous offre, pareeque les 45 millions perçus ci-devant, étant réduits à 24 ou 25, opéreraient un soulagement en masse très considérable. La question est donc de savoir si l’on peut et si l’on veut supprimer les taxes à l’entrée des villes, et défendre aux villes d’y percevoir aussi (1) Les patentes, telles qu’elles sont décrétées, remplaceront en entier les droits d’entrée. Tous les états donnant des profits, toutes les professions lucratives y seront assujetties, les agriculteurs et les fonctionnaires publics en seront les seuls exempts. Quelques personnes en portent le produit à 50 millions ; mats il ne sera certainement pas au-dessous de 30 à 35 millions. (Note de M. de Boislandry . 197 leurs droits ; si l’on peut et si l’on ose compenser sur la contribution foncière et mobilière les 24 et 25 millions des revenus que la nation pourrait retirer des droits d’entrée sur les vi IL s. La question élant ainsi réduite à ses propres termes, c’e-t le jugemeDt que portera l’Assemblée qui déterminera nos travaux ultérieurs. Vous crovez-vous assez éclairés? Le comité vous proposera, pour mesure provisoire, le décret suivant : « Art. 1er. Au lieu de 70 millions qui se percevaient àl’enîreedes villes dont 45 millions é aient au prolit du Trésor public, il ne sera plus levé que 24 millions par le Trésor public et 24 millions de plus pour le besoin des villes. «Art. 2. Cette perception ne sera que provisoire et pour les années 1791 et 1792. « Art. 3. Les administrations de département feront passer sans délai ou au plus tard avant le 1er mars 1792, à la première législature, leur avis motivé et les renseignements nécessaires ponr mettre le Corps legislatif à portée de prononcer sur la modilication ou suppression de toutes ou partie desdites taxes ponr l’année 1793. » M. l’abbé Charrier de La Roche. J’avais demandé la parole pour faire quelques observations, relativement au projet qui vous est présumé. Je demande l’ajournement de la délibération, atin que l’Assemblée puisse connaître la situation et les divers intérêts des villes et qu’elle les balance avec l’intérêt de la chose publique. M. Chevalier. Messieurs, je n’ai pas à vous présenter des calculs abstraits et des idées métaphysiques; je vous offrirai des vues simples, dictées par la raison et par la justice. Les impôts perçus à l’entrée des villes sont injustes dans leur principe, improductifs, immoraux et désastreux dans leurs conséquences. C’est au nom des villes et des campagnes que je Eollicite l’abolition de ces droits, en les remplaçant parut) impôt plus simple, plus léger, qu’on pourrait ajouter en accessoire à celui sur les maisons, le pauvre ne payerait qu’une légère portion sur son loyer, ou tout autre contribution. Vous êtes les défenseurs du peuple, il est votre soutien; ce peuple est bon et confiant, il veut le bien, mais il ne le voit pas toujours; il ne fait le mal que quanti on l’égare. On l’a calomnié; s’il a quelquefois été cruel, c’est qu’on l’avait provoqué; il a fait la Révolution et il la soutiendra. Ce n’est pas le peuple qui fait des complots contre la Constitution, ce sont les mauvais citoyens, qui cherchent à l’égarer ou le corrompre; ce peuple est souvent sans pain et sans travail; cependant il donne aux mauvais riches l’exemple de la résignation aux lois et du patriotisme ; il était accablé par les droits d’entrée, supprimez-les ; rendez l’impôt proporiion-nel aux facultés, d’après les déclarations des droits, le pauvre ne doit pas payer plus qu’il ne doit. On l’avait opprimé, on avait calculé sur ses subsistances ; on avait mis un tarifa ses besoins; anéantissez ce fatras d’édits bursaux et scandaleux, cette collection d’iniquités fiscales, enfantées par des financiers avides, des ministres égoïstes et tous les agents vicieux d’une administration corrompue. Encore une fois, établissez l’impôt d’après les principes de la justice distributive, ou déchirez