332 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1791. preuves, mais des indices contre les accusés. (Murmures.) Or, Messieurs, je le demande à tout homme de bonne foi; peut-on dire qu'il v a des indices plus foits de la complicité de la faite du roi contre plusieurs de ceux qui sont dénoncés par les comités, que contre le frère du roi? Par exemple, y a-t-il de plus grands indices contre Mme de Tourzel, qui n’a fait autre chose qu’accompagner le roi? Un membre : Précisément, elle n’est point accusée. M. Robespierre. Y a-t-il de plus forts indices contre les trois gardes du corps qui ont suivi le roi, et qui n’ont fait qu’accompagner leur maître, qu’il n’y en a contre Monsieur, frère du roi, dont la fuite a été combinée avec la sienne dans les pays étrangers, dans le sein de nos ennemis? Qu’on me dise si les soupçons ne doivent point porter spécialement sur un personnage plus intimement lié au roi, mais qui n’est pas inviolable comme lui? Messieurs, prenez-y bien garde, si vous faites une exception aussi étrange, aussi évidemment contraire à tous les principes, il est évident que vous vous exposez au reproche d’avoir éternellement épargné les conspirateurs puissants; et l’on remarquera avec étonnement que la seule victime immolée au salut du peuple, était précisément une victime d’un rang inférieur, que l’opinion a cru être immolée à ce même homme qui a fui avec le roi. (Murmures.) J’ai l’honneur de vous observer que, de quelque manière que vous prononciez sur le roi lui-même, il faut prononcer. Il est de votre bonne foi, il est de votre loyauté de prononcer, non pas d’une manière tacite, mais d’une manière expresse. Un membre : On rentre dans la discussion. M. le Président. Laissez finir. M. Robespierre. Ces réflexions me paraissent si simples, il me paraîtrait si contraire à la gloire de l’Assemblée, au droit de la nation, de s’en écarter, que si vous n’adoptez pas ma proposition, je me crois, en vertu du serment qui me lie à l’Assemblée nationale et encore plus pour l’honneur de la nation, obligé de protester contre la détermination que vous allez prendre. (Murmures prolongés.) M. Prieur. Sans ce que vient de dire M. Robespierre, je n’aurais pas pris la parole. Remarquez bien que la complicité du frère du roi est tellement démontrée, que le roi a dit positivement, dans une seconde déclaration, si je m’en rappelle bien, que Monsieur devait venir le joindre à Montmedv, et qu’il n’avait pris une autre route qu’afin de ne pas manquer de chevaux. (Murmures .) M. Cliabroud. J’ai demandé la parole, parce que j’ai pensé que la doctrine détestable, qui vient d’être proposée à l’Assemblée, ne devait pas rester sans réponse. Je dis que cette opinion est détestable, en ce que l’opinant prétend qu’un citoyen peut être accusé sur de simples indices. Rien n’est contraire à la liberté individuelle et à votre Constitution, qu’un citoyen soit accusé et privé provisoirement de sa* liberté, de cette liberté que y notre Constitution a regardée comme si précieuse, et qu’elle a pris tant de soins de conserver. Pour arriver à l’accusation, il faut des preuves ; pour arriver au jugement définitif, il faut en outre des preuves d’un genre différent, et voici, comme je les différencie : pour l’accusation, il faut des preuves simples; pour le jugement définitif, il faut des preuves contradictoires. Je sais que sur de simples indices, on peut bien, lorsqu’il y a danger, s’assurer d’un citoyen, mais nous ne sommes pas dans ce cas. Ainsi, comme le préopinant n’a pu articuler autre chose contre le frère du roi que des indices, je dis qu’il ne saurait y avoir lieu à accusation; et je demande la question préalable sur l’amendement. Plusieurs membres : Il n’est pas appuyé. (L’article 1er du projet des comités est mis aux voix et adopté sans changement.) M. Muguet de Nanthou, rapporteur , donne lecture de l’article 2 du projet de décret, ainsi conçu : « 2° Qu’attendu qu’il résulte également des pièces dont le rapport lui a été fait, que les sieurs d’Heymann, de Klinglin et d’Offlyse, maréchaux de camp, employés dans la même armée du sieur de Rouillé, Désoteux, adjudant général, Bouille fils, major d’hussards, et Goglas, aide de camp ; « Que les sieurs de Damas, colonel du 13e régiment de dragons, de Choiseul-Stainville, colonel du 1er régiment de dragons, Daudoin, capitaine au même corps, de Vellecourt, commissaire ordonnateur à Thion vi Ile, les sieurs de Mandel, Moras-sin et Thalot, officiers de Royal-Allemand, le comte de Fersen, colonel du Royal-Suédois, et les sieurs de Valory, de Malden et Dumoustier, tous prévenus d’avoir eu connaissance dudit complot du sieur de Bouillê, et d’avoir agi dans la vue de le favoriser, il y a lieu à accusation contre eux, et que leur procès leur sera fait et parfait devant la haute cour nationale provisoire. » M. Dionis dn Séjour. Je demande la parole pour une motion d’ordre. Dans l’ancien régime, lorsqu’il s’agissait de décréter quelqu’un de prise de corps, on ne pouvait opiner que sur chacun des intéressés individuellement. Or, l’arrestation ou l’envoi à Orléans vaut bien un bel et bon décret de prise de corps. Je demande donc que l’on délibère séparément sur l’état d’accusation, d’arrestation ou d’élargissement qui doit être prononcé, relativement à chacune des personnes comprises dans le projet de décret. (Cette motion est adoptée.) M. Muguet de Manthou, rapporteur, levais commencer par ceux contre lesquels vos comités vous proposent de déclarer qu’il y a lieu à accusation. La première personne est M. d’Heymann, maréchal de camp, employé dans l’armée de M. de Bouillé. (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à accusation contre M. d’Heymann.) M. Muguet de Nanthou, rapporteur. La seconde personne est M. de Klinglin, maréchal de camp, employé dans la même armée. (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à accusation contre M. de Klinglin.) M. Muguet de IVanthou, rapporteur, donne