[Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 octobre 1790.} deptés et sanctionnés par le roi, leur liberté est Un scandale pour les citoyens fidèles, leur évasion serait un malheur public, il faut les prévenir. C’est au nom de la patrie en danger, c’est pour épargner à ses ennemis de nouveaux crimes, aux citoyens de nouvelles erreurs, à la Constitution de nouvelles secousses, que votre comité vous propose de frapper enfin les regards du peuple par l’appareil d’un grand exemple. Les membres du parlement de Toulouse ont j osé dire que cet arrêté séditieux et coupable était un monument qu'ils consacraient au roi et à la nation. Leur audace vous prescrit votre devoir. Que la punition sévère de cet arrêté soit l’éternel monument de la vindicte publique et de la puissance formidable des lois. Le comité propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports et de Constitution, décrète que les membres de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, qui ont pris les arrêtés des 25 et 27 septembre dernier, et le procureur général de cette cour, seront traduits devant le tribunal qui sera incessamment formé pour juger les crimes de lèse-natiou, pour y être procédé contre eux sur l’accusation de rébellion et de forfaiture, ainsi qu’il appartiendra ; « Décrète, en outre, qu’attendu la nature de l’accusation, le roi sera supplié de donner des ordres pour s’assurer de leurs personnes, ainsi que tous autres ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » M. l’abbé Maury. Comme les moments de l’Assemblée sont précieux, je demande que la discussion soit fermée. M. Alexandre de Lametli. Vous avez entendu la lecture de l’arrêté du parlement de Toulouse, il est de nature à éviter la peine de prouver combien il est coupable. Deux moyens vous ont été présentés pour punir ce délit : d’en livrer les auteurs à la vengeance de l’opinion ou à celle des lois ; d’appeler sur eux le ridicule ou le châtiment: le second parti est le seul que vous puissiez adopter. Vous n’avez pas oublie qu’il y a peu de jours, lorsqu’un membre de cette Assemblée a proféré la contre-révolution et nous a fait part de son projet à cet égard, j’ai été le premier à invoquer votre indulgence, mais la mesure que vous avez prise, relativement à cet individu, serait peu convenable, lorsqu’il s’agit d’une assemblée délibérante; et quand cette assemblée est un parlement, un de ces corps qui, depuis plus de huit siècles, ont apporté sans cesse des obstacles au progrès de la liberté en s’en disant les défenseurs ; un de ces corps qui, dans ce moment, rallient encore les espérances des mécontents; votre indulgence serait taxée de faiblesse et vous feriez commettre de nouveaux attentats, si vous négligiez de punir celui qui vous e.�t dénoncé. Nous sommes arrivés à une époque de la Révolution, où de grandes difficultés, de grands obstacles exigent tous vos soins et toute votre fermeté; vous avez détruit les anciennes institutions; vous en avez créé de nouvelles, pour le bonheur du peuple ; mais il faut maintenant mettre en mouvement ces institutions, il faut faire exécuter, dans tous les points, ce que vous avez décrété : ce moment, qui va assurer le succès de la Constitution et détruire l’espoir de ses ennemis, est celui où ils réunissent tous leurs 515 efforts ; ils seront morcelés par ceux qui ont suivi les événements, qui les ont même favorisés, en croyant que la Révolution servirait leur fortune particulière; par ceux qui ont cherché dans la Révolution autre chose que la liberté, comme si la liberté et le bonheur qu’elle promet à la nation n’étaient pas le seul but et la seule récompense de nos travaux. C’est contre les efforts impuissants, sans doute, que l’on va op-| poser à l’établissement définitif de la Constitution, que je vous engage de prendre des mesures fermes et énergiques : celle qui vous est proposée par votre comité des rapports est de ce genre; elle convient seule à la circonstance actuelle, la sévérité est pour vous un devoir, et je demande que l’avis du comité soit adopté. M. Roger sollicite l’indulgence de l’Assemblée. M. Madier de Montjau. Je demande la parole pour très peu de temps, et sans autre objet que de rappeler des principes incontestables. Qu’étaient les parlements ? les dépositaires de l’ancienne Constitution. Ils l’avaient reçue des mains du roi; ils ont juré de la maintenir; ils ont dû, en la déposant, faire, non, comme l’a dit M. le rapporteur, une protestation , mais une déclaration. (0 n rit et Von murmure.) Si une nouvelle législature renversait ce que vous avez fait, et que les nouveaux juges protestassent, serait-il juste de les renvoyer devant la haute cour nationale? La comparaison est parfaite. (Différentes parties de l'Assemblée applaudissent, rient et murmurent.) (1). M. Duval (ci-devant d'Eprêmesnil). L’acte du parlement de Toulouse est une protestation et non une déclaration : il est important que l’Assemblée ne s’y méprenne pas... Duval est interrompu.) (La discussion est fermée.) M. le Président. M. Madier demande la question préalable sur le rapport. M. de Mirabeau. Je demande que le nom de ce membre soit connu et inscrit sur le procès-verbal. M. l’abbé Lasmartres. Fort de ma conscience et de mon droit, je persiste avec M. Madier à demander la question préalable, quoi qu’en puisse penser M. de Mirabeau. M. de Menou. Pour bien prouver que les opinions sont libres, je demande qu’on mette aux voix la question préalable. La question préalable est rejetée. Le projet de décret présenté par M. Broglie est adopté. La séance est levée à dix heures et renvoyée à demain 11 heures. (1) Voy. aux Annexes p. 517, l’opinion de M. Madier de Montjau, concluant au rejet du projet de décret et demandant la question préalable.