402 lAuemblie nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 avril 1791.) Comté et de l'Alsace, et la république de Mulhouse, enclavée dans le département du Haut-Rhin . Nous n'avons aucune espèce de droits sur ces deux pays : si nous voulions nous en emparer, ce serait là la loi du plus fort, et par conséquent une extrême injustice; et certes l’Assemblée nationale n’ordonnera jamais une telle mesure. Mais, en supposant que cela pût être, ce serait alors que les nations et les princes auraient le droit de s’élever contre nous ; car il est évident que nous serions gouvernés par l’esprit de rapine et de conquête. Je demande actuellement s’il y a aucune espèce de parité entre les deux pays dont je viens de parler, et les domaiues d’Avignon et du Comtat Venaissin. Il me semble encore avoir entendu faire, contre la réunion, une objection relative aux princes très puissants. Mais, a-t-on dit, si au lieu du pape un des princes les plus puissants de l’Europe possédait Avignon et le Comtat, ordonneriez-vous la réunion ou l’accepteriez-vous d’après le vœu des Avignonais et Comtadins ? Voix diverses : Non ! non ! Oui ! oui I M. de Menou. Cet argument est bien futile; car la force de mon adversaire m’ôterait elle mon droit? Elle ne fait tout au plus qu’eu suspendre l’exercice. Je dois, en cette occasion, consulter mon intérêt, et je raisonne ainsi : J’ai un droit certain à telle chose; mais, dans ce moment-ci elle est injustement retenue par quelqu’un qui est plus fort que moi, et qui ne consent pas à me la rendre. Mon intérêt alors me prescrit de l’abandonner; car avec elle je pourrais perdre ce que je possède ailleurs. Si celui qui la retient est d’une force égale à la mienne; je ferai encore sagement d’attendre une occasion plus favorable, pour faire valoir mon droit, car le combat poui-rait être douteux. ( Rires et applaudissements.) Mais celui qui la retient, quoique plus faible que moi, est cependantenétat de résister longtemps. Je dois alors calculer si les dépenses que je ferais, pour rentrer dans mes droits, n’absorberaient ou même n’excéderaient pas le profit qui me reviendrait de la jouissance de ma propriété. Et cependant mon droit n’en existe pas moins. Je fais donc sagement de rentrer dans la chose qui m’appartient réellement, lorsque j’en trouve l'occasion; et, par cette conduite, je ne blesse ni la morale, ni la justice, ni la raison, ni le droit des nations. ( Murmures à droite.) L’objection est donc absolument oisive. Mais, dit-on encore, si d’autres peuples, voulant se déclarer libres et indépendants, demandaient à se réunir à J a France, vous accepteriez donc leur vœu? Quelle conséquence 1 Les principes de justice et de raison, principes que nous avons solennellement consacrés par un décret, ne nous prescrivent autre chose envers les peuples qui voudraient se rendre indépendants, que de ne pas nous opposer à ce qu’ils soient libres ; mais ils ne nous prescrivent nullement de les adjoindre ou incorporer à l’Empire français. Les autres peuples peuvent exercer leurs droits indépendamment de nous, comme nous avons exercé les nôtres indépendamment d’eux. La conséquence qu’on a prétendu tirer de la réunion d’Avignon, relativement aux autres peuples, est donc évidemment fausse. Les nations et les princes de l’Europe n’ont doue aucun motif raisonnable de concevoir de l’ombrage de cette réunion; au total, s’il s’en trouve d’assez déraisonnables pour nous désapprouver, qu’ils viennent nous attaquer ..... Plusieurs membres à droite : Ah ! ah 1 M. de Menou, rapporteur. Nous leur ferons sentir la différence qu’il y a entre les bras armés par le despotisme, et ceux armés par la liberté... Voix diverses : Ah ! ah ! Oui 1 oui 1 M. de Menon, rapporteur . Et je leur promets que les combats que nous leur livrerons ne seront pas des jeux d’enfants. ( Rires et applaudissements à droite.) M. Legrand. Nous ne provoquons personne, et je suis étonné que M. le rapporteur provoque les pays étrangers. M. de Menon, rapporteur, mais, pour me servir de l’expression de Trivulce à la bataille de Marignau : « Ce seront des combats de géants. » Un membre à droite : Surtout si vous commandez l’armée. M. de Menon, rapporteur. ONZIÈME QUESTION. Par cette réunion l'Assemblée nationale contreviendra-t-elle à ses décrets? L’esprit et la lettre des décrets de l’Assemblée nationale, relativement à la guerre, sont de n’en jamais faire d’injustes, de n’être jamais le3 agresseurs, de ne pas faire de conquêtes, de ne pas envahir la propriété des autres nations. Or, j’ai démontré que, pour réunir Avignon, nous n’entreprendrions pas de guerre, mais qu’en supposant même que nous fussions obligés de la faire pour cet objet, la justice serait entièrement de notre côté : car la guerre serait défensive. J’ai démontré que la réunion d’Avignon n’était ças une conquête : j’ai prouvé que ces deux pays étaient notre propriété : Donc, en ordonnant on acceptant 1 ur réunion, l’Assemblée nationale ne contreviendra en aucune manière à ses décrets. DOUZIÈME QUESTION. Si la réunion est ordonnée ou acceptée , sera-t-il dû quelque indemnité au pape ? Plusieurs membres : Eh 1 eh 1 M. de Menou. Quant au Comtat Venaissin, on ne retrouve nulle part de trace certaine qu’aucun pape en ait acheté la jouissance. En 1209, Innocent III se lit remeltre en dépôt plusieurs places du Comtat, pour s’assurer, disait-il, de la parole du comte de Toulouse. Il les garda. En 1229, Grégoire IX se fit céder tout le Comtat, et il assura lui-même qu’il ne le gardait qu’en dépôt. Eu 1274, Grégoire X se le fit donner par Philippe le Hardi, auquel il n’appartenait pas; mais on ne retrouve, à cet égard, aucune stipulation d’argent. Il est donc très probable que jamais [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1791.] les papes n’ont déboursé aucune somme pour acquérir la jouissance du Comtat. Cependant, si la réunion est ordonnée ou acceptée, ce sera l’affaire d'un plus ample examen de la part des ministres du roi. Quant à Avignon, le contrat de vente de 1348 porte formellement que Jeanne vendit cette ville au pape Clément VI, pour le prix et la somme de 80,000 florins d'or que, dans le paragraphe second dudit testament, elle confesse avoir reçu des mains d’Etienne, évêque de Saint-Pons. Mais, chose très remarquable, dans le paragraphe 8 de ce testament elle renonce à la faculté de se plaindre de n’avoir pas touché les sommes qu’elle confessait avoir reçues. Quelle précaution de la part du chef de l’Eglise! En effet, plusieurs historiens du temps prétendent qu’elle ne toucha rien des 80,000 florins stipulés dans le contrat de vente, mais seulement une quittance de 40,000 florins, montant des arrérages pour deux ans du tribut annuel de 20,000 florins, ou 8,000 écus d’or que payaient les rois de Naples, en vertu de la convention faite entre Charles Ier et Clément VI. D’un autre côté, un nouvel historien de Provence, Papon, père de l’oratoire, assure qu’on a retrouvé une quittance de cette somme passée à la décharge de Nicolas Arciaioli, dans le compte rendu par lui de l’emploi qu’il en avait fait pour le besoin de l’Etat. Quoi qu’il en soit, il ne serait pas de la dignité de la nation française de faire des recherches sur cet objet; puisque cette somme de 80,000 florins est portée dans le contrat, elle est censée avoir été payée et elle doit être remboursée, en évaluant largement ce que le florin d’or de ce temp3-là pourrait valoir aujourd’hui. Le Parlement de Provence a eu la même opinion en 1663. Si même la cour de Rome prouve avoir déboursé d'autres sommes, si elle a des répétitions légitimes à faire, elles devront lui être remboursées avec cette générosité qui caractérise la nation française. Le roi sera prié de donner des ordres à cet égard, si la réunion est prononcée. TREIZIÈME QUESTION. La justice du droit de la France ayant été préalablement établie , est-il de son intérêt politique d'ordonner la réunion ? Serait-il dangereux de ne le pas faire ? La position d’Avignon et du Comtat Venaissin prouve évidemment qu’il est de l’intérêt politique de la France de consommer la réunion. Ces deux pays, situés entre le Rhône, les dé-artements de la Drôme, des fiasse-Alpes et des ouches-du-Rhône, offrent une surface de 45 lieues carrées, dont le sol est en général très fertile. La ville d’Avignon, bâtie au confluent du Rhône et de la Durance, au pied d’un rocher d’une assez grande élévation, présente à la France, surtout à cause de son voisinage des montagnes, une place d’une très grande importance. En supposant nos frontières attaquées du côté de l’Italie, et les armées ennemies victorieuses, elle pourrait, entre no3 mains, offrir une barrière très difficile à franchir. Relativement au commerce, la ville d’Avignon et le Comtat sont encore d’une plus haute importance pour la 463 France. Si ces pays restent sous la domination du pape, ou qu’ils forment un Etat indépendant, les relations commerciales de tous les départements environnants éprouveront les gênes les plus désastreuses. Il faudra se résoudre à envelopper ce pays de barrières pour empêcher la contrebande et le versement de ses manufactures, qui fourniront à meilleur marché que les nôtres. Nous serons, pour ainsi dire, dans un état de guerre continuelle avec des peuples qui ne demandent qu’à être Français et à vivre sous nos lois. En outre il faudra nécessairement leur acccor-der un droit de transit pour communiquer avec l’étranger. Quel surcroît de dépenses pour nousl Car ce droit de transit nécessitera l’entretien d’une armée entière de commis; si, comme on l’a proposé, au lieu de les environner de barrières, on les assujettit à nos douanes et à toutes ces prohibitions, ou lève annuellement sur eux, une somme équivalente, calculée d’après les registres des fermes depuis dix ans, il s’ensuivra que les Avignooais et les Corntadins seront fiscalement français, mais ne participeront en rien au béaéfice de notre Constitution. Car dans cet état de choses, ou ils resteront sous la domination des papes et alors ils seront soumis à notre fiscalité, et celle de la cour de Rome, sans jouir du bénéfice de la liberté ; ou ils formeront un Etat indépendant, et alors soumis, ainsi que dans l’autre hypothèse, à notre fiscalité, ils seront, en outre, obligés de lever des subsides pour leur propre administration. La liberté sera donc pour eux une charge, au lieu d’être un bienfait, et nous ne leur aurons donné de notre Constitution que l’obligation de nous payer des impositions. Et de quel droit ferions-nous de tels arrangements? Parce que nous y trouverions notre avantage ? Parce que notre commerce en serait moins gêné? Pouvons-nous disposer ainsi d’un peuple qui ne serait pas français? Et par quel motif, l’auteur de cette opinion propose-t-il un si bel ordre de choses ? Pour conserver au pape la possession de domaines qui ne lui appartiennent pas? 11 aime donc mieux faire 150,000 malheureux que déplaire à un seul individu? Je crois avoir prouvé que notre intérêt politique et commercial, ainsi que celui des Avigno-naiset Corntadins exigeaient la réunion. Examinons actuellement s'il serait dangereux pour nous de ne pas la consommer. Dans la première hypothèse, c’est-à-dire que les Avignonais et les Corntadins continueront à être soumis au pape, leur pays deviendra le réceptacle de tous les ennemis de notre liberté et de notre Constitution. Le fanatisme religieux y exercera ses ravages ; il s’y formera un foyer de désordres qui, s*étendant dans les départements voisins et surtout dans la partie méridionale de la France, y portera sans cesse le germe de la guerre civile, y établira l’anarchie, et y renouvellera ces scènes d’horreurs dont le récit, fait au milieu de cette Assemblée, nous a tous fait frémir. Les partisans de l’ancien régime, toute cette classe d’hommes pervers, qui ne vivaient que d’abus, qui comptaient pour tout l’argent et pour rien les hommes, se retireront dans ce pays, d’où ils saisiront toutfes les occasions de répandre dans l’Empire français leur criminelle influence. D’un autre côté toute cette foule d’hommes, d’étrangers qui, n’ayant rien à perdre et tout à gagner dans le désordre, errent saas cesse, d’un bout 404 (Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 130 erril 1791.J . de l’Europe à l’autre, pour épier le moment favorable à leurs desseins; toute cette foule, dis-je, d’hommes criminels par état et par principes, formera d’Avignon et au Comtat son centre de ralliement. fit, Messieurs, croyez que ce' tableau n’est pas chargé. Tout ce que je viens de fous dire a existé et existe aujourd'hui. C’est principalement d’Avignon que, dans le temps de nos malheureuses guerres de religion, le fanatisme lançait ses torches sur tout le reste de la France. Peut-être que sans Avignon, la Saint-Barthélemy ..... mais je viens de prononcer un nom qui déshonore la France 1 Tâchons de l’oublier; et si nous nous en rappelons quelquefois, que ce ne soit que pour nous féliciter d’avoir établi la liberté religieuse, qui laisse à chacun le droit de rendre à rfiternel le culte qu’il croit le meilleur. Les inconvénients dont je vous ai parlé existent aujourd’hui dans le comtat et à Avignon; j’en appelle à témoin tous les départements voisins : j’en appelle à témoin cette foule de lettres, d’adresses, de pétitions qui nous sont arrivées d’O-range, d’Aix, de Valence, de Toulon, de Marseille, de Nîmes, de Château-Renard, de Cour-teson. de Mânes, d’Apt, de Nyons, d’Arles, de Cette, et de plusieurs autres villes; j’en appelle à témoin ces demandes réitérées des directoires des départements de la Drôme, des Basses-Alpes, du Var, des Bouches-du-Rhône, du Gard, des municipalités des départements des Bouches-du-Rhône, des Basses-Alpes et du Var réunies à Brigades le 17 mai 1790, des gardes nationales de ces départements, des sociétés des amis de la Constitution ( Applaudissements à gauche)... Plusieurs membres à droite : Ah ! ah ! M. de Menou, rapporteur ..... qui tous vous conjurent au nom de la paix, de la tranquillité publique et de l’humanité, de prononcer définitivement sur la pétition des Avignonais et Com-tadins; qui tous vous pressent de décider du sort de 150,000 individus, livrés, dans ce moment, à toutes les horreurs de la guerre civile, et qui s’entre-détruisent mutuellement, quoique tous tendent au même but, la réunion avec la France; mais trompés parles fanatiques, ils sont devenus sans s’en douter, les instruments des fureurs de leurs ennemis et des nôtres ; et si vous ne vous déterminez pas promptement à cette réunion, bientôt ce beau pays ne sera qu’un désert, dont la vue vous rappellera sans cesse qu’un mot prononcé par vous pouvait conserver l'existence a 150,000 individus qui vous demandent la vie et une constitution. Je viens de vous prouver, Messieurs, qu’il était de votre intérêt politique, de celui des Avignonais et Comtadins, de prononcer la réunion. Je crois vous avoir également prouvé que l’avis contraire devait vous exposer aux plus grands dangers. Je passe à une autre question. QUATORZIÈME QUESTION. Avignon et le comtat Venaissin ont-ils fait et font-ils encore un Etat séparé entre eux ? 11 est inutile de chercher à prouver que le Comtat Venaissia et Avignon n’ont rien de commun, quant au gouvernement, avec les Etats de l’Eglise en Italie. Personne n’ignore qu’il existe entre ces deux pays et les Etats de l’Eglise, la même séparation qu’entre l’Angleterre et le Hanovre, l’Angleterre et l’Irlande, et une multitude d’autres pays très différents entre eux, quoique gouvernes par le même prince. Ce qui a pu tromper quelques personnes, c’est qu’on appelait à Rome du tribunal delà Rotte établi à Avignon ; mais les causes étaient jugées à Rome selon la jurisprudence avignonaise. Il en était de même du Comtat. Ainsi nulle agrégation entre ces deux pays et les Etats de l’Eglise en Italie. Quant à Avignon et au Comtat Venaissin, comparés entre eux avant qu’ils fussent sous la domination des papes, iis envoyaient séparément leurs députés aux Etats ou assemblées nationales de Provence. Cependant, à raison des querelles et des guerres qui n’ont presque jamais cessé entre les différents possesseurs des sections du comité de Provence, ces assemblées ne se tenaient pas très régulièrement. Avignon a même existé pendant quelque temps presque sous la forme dke république, ainsi que plusieurs autres villes de Provence. Le Comtat, ayant été cédé au pape en 1274, prit une forme de gouvernement particulière; il fut établi des assemblées, sous le nomd’fitats, qui ont subsisté jusqu’à présent. Avignon prit aussi une forme de gouvernement, et eut des assemblées nommées parlements généraux, qui ont subsisté jusqu’à nos jours. Avignon ne députe pas aux Etats du Comtat Venaissin et réciproquement le Comtat ne députe pas au parlement d’Avignon. Dans ces deux assemblées, on y traite les affaires politiques et économiques, généralement enfin tout ce qui regarde l’administration. Avignon est gouverné par un légat qui n’y réside jamais : il habite la ville de Rome. A sa place est un vice-légat qui est commandant général des armées des deux pays. Le Comtat est gouverné par un recteur, nommé immédiatement par le pape, et qui réside à Gar-pentras. Quelques affaires du Comtat vont par appel au vice-légat, qui, en sa qualité de premier représentant du pape, commet le tribunal de la Rotte pour les juger. Chacun des deux pays a ses impôts et son trésor séparés, fait ses dépenses particulières, est chargé de l’entretien des chemins et autres travaux publics. D’ailleurs, Messieurs, les habitants du Comtat vous ont eux-mêmes attesté cette séparation dans une des adresses qu’ils vous ont présentées. Il est donc évident 1° que le Comtat et Avignon n’on rien de commun avec Avignon et les autres Etats du pape en Italie ; 2° Qu’ils sont séparés entre eux, et forment deux pays et deux Etats très distincts. Cependant, dans le moment actuel, une partie des .communautés du Comtat s’est réunie avec les Avignonais, et forme ce qu’on appelle l’assemblée électorale de Vaucluse, qui tient ses séances à Avignon . La majorité de ces communes demande la réunion, mais quelques-unes la veulent sans avoir rien de commun avec Avignon. De là la guerre civile qui, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, est l’ouvrage des fanatiques et des séditieux. QUINZIÈME ET DERNIÈRE QUESTION. Le vœu des Avignonais et des Comtadins est-il suffisamment exprimé ? Plusieurs actes des plus authentiques, passés [Assemblée nationale.] depuis le mois de mai de l’année dernière, >jus-q u aujourd'hui, prouvent évidemment le vœu des Avignonais pour se réunir à la France. L’un en date du 14 juin 1790 est la délibération des 9 districts d’Avignon et dépendances, votant formellement la réunion à la France. Un autre du même mois exprime l’adhésion des citoyens qui n’avaient pu se trouver à l’assemblée des districts. Un autre du même mois exprime l’adhésion des communes réunies. D’autres de ces actes expriment le vœu de se réunir aux Bouches-du-Rhône. Un autre contient les signatures des gardes nationales de cette ville demandant la réunion. Un autre contient le serment prêté par les Avi-gnonais à la Constitution française. Un autre est le procès-verbal de la séance de l-assemblée électorale des Avignonais et d’une grande partie des communes du Comtat dans lequel est exprimé formellement le vœ t de se réunir à la France; ce procès-verbal est du 7 février 1791. A la suite du procès-verbal de cette séance, est une adresse à l’Assemblée nationale, pour lui présenter le vœu de l'assemblée électorale. le sais qu’on a prétendu que les premières délibérations d’Avignon avaient été l’ouvrage de la force ou de la séduction. Je déplore, avec tous les bons citoyens, les malheurs qu’a éprouvés cette ville. Je déplore le sort de ceux qui ont si malheureusement péri, et de ceux qui ont été obligés de s’enfuir; mais, en dernière analyse, je vois dans les délibérations d’Avignon la preuve de la majorité la plus complète. Mais ils ont été séduits! Sans doute, ils l’ont été; mais c’est par l’appât de la liberté, par le désir de secouer le joug et de se réunir à une nation qui vient de donner un si grand exemple au monde. Est-il défendu de désirer le bonheur? Est-il défendu de prendre les moyens de se le procurer ? Et pourquoi quelques citoyens d’Avignon n’ont-ils pas été séduits par le même désir? C’est que, comme en France, ceux-là vivaient d’abus, étaient associés aux brigandages du gouvernement, et détestaient une nouvelle Constitution qui rend tous les hommes égaux en droits et ne laisse subsister entre eux de différence que celle qui naît nécessairement de l’inégalité des talents et des vertus. Il est donc évident que la grande majorité constatée des Avignonais demande la réunion. Quant du Comtat, 59 communautés parmi lesquelles on compte les 3 villes épiscopales de Yaison, Cavaillon et Carpentras, ont pris des délibérations formelles pour se réunir à la France; ce qui donne la majorité des communes et la majorité de la population ; car le Comtat est composé de 98 communes, 59 pour la réunion, 39 dont nous n’avons pas de délibérations, par conséquent 20 de majorité : la population totale est de 152,000 individus. Celle des 59 communautés votant la réunion, est de 104,000, celle des 39 autres est de 48,000; majorité pour la réunion, 56,000; et ce calcul de population et de communes ne peut pas être suspect, car il est pris dans un acte même des dissidents assemblés à Sainte-Cécile. Les 59 délibérations dont je viens d’avoir l’honneur de vous parler, Messieurs, ont été prises depuis le mois de juin 1790, jusqu’à la Fin de février 1791 ; je dois même vous observer qu’il existe des preuves formelles, dont plusieurs four-lr® Série. T. XXY. 465 nies par la ville même de Carpentras, que toutes les communautés du Comtat, à l’exception d’une seule, Valréas, avaient arboré les armes de France, et manifesté leur désir pour la réunion ; mais il est arrivé, dans ce pays-là, ce qui a eu lieu dans quelques sections de l’Empire français ; les ennemis de la chose publique et de la libej té ont intrigué. Quelques prêtres fanatiques, quelques hommes attachés à l’ancien régime, voyant que la liberté allait triompher, ont abusé, les uns delà religion, les autres de leur reste de crédit, pour tromper le peuple et pour retarder son bonheur ; je dis retarder, car ils ne l’empêcheront pas. Le voile esttombé, et, à moins qu’il n’arrive un autre déluge qui bouleverse l’univers, les ténèbres achèveront de se dissiper ; il n’existera plus alors que des hommes libres et des lois. Les ennemis, dis-je, de la chose publique sont venus à bout de tromper quelques habitants du Comtat : aux uns, ils ont dit qu’on allait détruire la religion ; aux autres qu'on voulait le3 sacrifier à l’ambition des Avignonais, qui seuls profiteraient de la Révolution par les établissements publics qu’on y formerait. Ils sont venus à bout, ces hommes pervers, d’inspirer la jalousie, la haine, la défiance contre les Avignonais ; de là la différence de conduite et d’opinions entre les communautés du Comtat. Les unes continuent de vouloir se réunir à la France, mais ne veulent avoir rien de commun avec Avignon ; d’autres, au contraire, se sont réunies à rassemblée électorale de Vaucluse, séant à Avignon; d’autres attendent le dénouement de l'affaire. Enfin, une partie des habitants de quelques autres communautés, totalement entraînés par des conseils perüdes, ont formé, dans le mois de mars, l’assemblée de Sainte-Cécile, qui, depuis, transformée en une espèce de camp, a commencé les hostilités, en massacrant à Vaison quelques membres de l’assemblée électorale de Vaucluse. Je dis commencer les hostilités, caries dissensions qui avaient occasionné, dans le mois de janvier, la marche des Avignonais à Carpentras étaient apaisées. Il y avait eu réunion de cette ville avec Avignon, par les soins de la société des amis de la Constitution de Valence, qui avait député à cet effet à Carpentras, M. Corbeau, capitaine d’artillerie, son président, et M. l’abbé Trié, un de ses membres. (Bruit.) Après celte réunion de Carpentras avec Avignon, cette dernière ville proposa, dans le mois de février, de former un pacte fédératif, et y invita, par une lettre circulaire, toutes les communautés du Comtat. C’est à cette époque que les fanatiques et les ennemis de la liberté, convaincus que, si ce pacte fédératif avait lieu entre toutes les communes, la Révolution était consommée; c’est à cette époque, dis-je, qu’ils firent agir tous les ressorts de l’intrigue, pour dissuader les communes d’y envoyer. De là, la formation de l’assemblée, ou plutôt du camp de Sainte-Cécile, dont j’ai déjà eu l’honneur de vous parler. A ces dissidents se sont joints les mauvais sujets chassés de nos régiments, quelques échappés du camp de Jalès, et cette horde de gens qui, n’ayant rien à perdre, placent toutes leurs espérances dans le désordre et l’anarchie. C’est ce camp qui a voulu se décorer du nom imposant d’assemblée des communes fédérées du Comtat, taudis qu’il n’a été composé que d’individus rassemblés sans pouvoir et saus délégation. U résulte de tout ce que je viens d’avoir l’hon-30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1791.] 466 | Assemblée D&tionale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |30 avril 1191.1 neur de vous dire, Messieurs, 1° que 59 communautés du Gomtat ont pris, depuis le mois de juin 1790 jusqu’au mois de février 1791, des délibérations authentiques pour se réunir à la France ; 2° Que, depuis le 14 janvier jusqu’au 20 du même mois, toutes les communes du Gomtat, excepté Valréas, ont, à l’exemple de Carpentras, arboré les armes de France, et manifesté leur vœu pour la réunion ; 3° Que, dans le mois de février, Avignon ayant invité toutes les communes du Comtat à se rassembler pour former un pacte fédératif, les ennemis du b:en public cherchèrent à dissuader les communes d’y envoyer des députés, et parvinrent à former le camp de Saint-Cécile, d’où sont sortis ceux qui ont commis à Vaison les horreurs dont on a déjà rendu compte; 4° Qu’il n’existe aucun acte portant révocation des délibérations des 59 communes citées ci-dessus, ou émanant des 39 autres, pour manifester un vœu contraire à la réunion; d’où je conclus avec tous les départements environnants, que le vœu de la majorité des habitants du Comtat est en faveur de la réunion. RÉSUMÉ GÉNÉRAL. J’ai prouvé qu’avant les années 1229, 1274 et 1348, Avignon et le Gomtat Venaissin avaient toujours fait, quoique séparés entre eux, partie inlgérante du Comté de Provence; Qu’en 1229, de l’aveu même du pape Grégoire IX, le Comtal ne lui avait été cédé qu’à titre de dépôt; Qu’en 1235, ce comté avait été restitué au comte de Toulouse; Qu’en 1274, Philippe le Hardi, auquel il n’appartenait pas, n’avait pu le céder légitimement au pape Grégoire X; Qu’en 1125, 1308 et 1343, ces deux états avaient été grevés de substitutions, avec défense expresse d’aliéner ; Que, d’après ces substitutions et ces défenses d’aliéner, et à défaut de majorité, Jeanne n’avait pu vendre Avignon en 1348 ; Que, en conséquence, la venteou cession absolue de ces deux Etats était de toute nullité et ne pouvait tout au plus être considérée que comme un simple engagement ; Que, en vertu du droit d’hérédité, les rois de Naples, comtes de Provence, ont continué d’être les vrais propriétaires de ces deux états ; Qu’en vertu du testament de Charles IV, dernier comte de Provence, Louis XI, roi de France, ses successeurs et aujourd’hui la nation française sont devenus les légitimes propriétaires d’Avignon et du Comtat Venaissin, domaines inaliénables dépendant de la Provence; Que la possession des papes n’a jamais été paisible et que tous ceux qui ont eu droit à la chose ont fait des actes soit conservatoires, soit révo-catoires ; Que même quelques-uns d’entre eux ont joui de toute la plénitude de leurs droits en prenant possession de ces deux pays. J’ai également prouvé que, en supposant que les Avignonais et les Comtadinsétaieni autrefois deux peuples libres et indépendants, ils ont nécessairement conservé ce caractère de liberté et d’indépendance ; Que si, de leur pleine et entière volonté, ils se sont autrefois soumis au gouvernement du pape, ils ont le droit d’eu changer aujourd’hui et, conséquemment, celui de se réunir à la nation fran çaise, s’ils y trouvent leur avantage ; Qu’il est de l’intérêt de la France, soit d’ordonner cette réunion, en vertu de son droit, soit de l’accepter en vertu de celui des Avignonais et Comtadins ; Qu’il serait également désavantageux pour la France et pour les Comtadins et Avignonais, que cette réunion n’eût pas lieu; que cette mesure ne peut raisonnablement causer ni inquiétude, ni jalousie, aux peuples et princes étrangers. J’ai également prouvé que, en ordonnant cette réunion, la France ne contrevenait à aucun de 33S décrets ; Que le vœu des Comtadins et Avignonais était suffisamment exprimé. Je conclus, en conséquence, à la réunion d’Avignon et du Comtat Venaissin à l’Empire français. ( Applaudissements à gauche.) Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et d’Avignon, décrète ce qui suit : « i° Le Comtat Venaissin et la ville d’Avignon, avec leurs territoires et dépendances, font parties intégrantes de l’Empire français. « 2° Le roi sera prié de nommer, le plus promptement possible, 3 commissaires chargés de se rendre à Avignon et dans le Gomtat Ve-naissiu, avec pleins pouvoirs pour consoramerla réunion, faire cesser toutes voies de fait et hostilités, requérir, s’il est besoin, les troupes de ligne et gardes nationales des départements environnants, afin d’y rétablir le bon ordre et la tranquillité. <> Leroi est prié défaire négocier avec la cour de Rome sur les indemnités et remboursements qui pourront lui être légitimement dus. « 3° Le Président présentera dans le jour le présent décret à l’acceptation et sanction du roi. « L’Assemblée nationale charge ses comités de Constitution, diplomatique et d’Avignon, de lui présenter incessamment et d’après le compte qui sera rendu par les commissaires du roi, un projet de décret sur les moyens ultérieurs d’exécution pour effectuer l’incorporation de la ville d’Aviguon et duComtat Venaissin à l’Empire français. » M. de Clermont-Tonnerre. Avant d’entamer la discussion, je demande à faire une question à M. le rapporteur. J’ai l’honneur de lui demander si, parmi les traités existants et dont le comité diplomaiique doit avoir et a certainement connaissance, il en est dans lesquels la possession de la cour de Rome ait été garantie par les puissances de l’Europe. M. de Menou, rapporteur. Si l’Assemblée me l’ordonne, Monsieur, je m’en vais lui faire la lecture d’un mémoire qui répondra positivement à cette question-là, et qui m’a été remis par le ministre des affaires étrangères. Plusieurs membres : Lisez ! lisez 1 M. de Menou, rapporteur , lisant : « Pièce sortant du dépôt des affaires étrangères , pour être remise au comité de l'Assemblée nationale. « Sur la demande faite par l’Assemblée natio-