732 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.] ALSACE DIX VILLES IMPÉRIALES Nota. L'article 8 du règlement du Roi, du 7 février 1789 ( Voy . plus haut, page 632), pour la représentation de la province d’Alsace aux États généraux, accordait deux députés du tiers-état aux dix villes ci-devant impériales. Il nous a été impossible jusqu'à ce jour de retrouver le cauier des demandes des dix villes impériales : il manque dans la collection des Archives de l'empire : M. Blanc et M. Spacli, archivistes du Haut-et du Bas-Rhin, auxquels nous, l’avons demandé, nous ont répondu qu’il n’existait ni dans les archives de Colmar ni dans celles de Strasbourg. J. M. E. L. Voy. plus loin Befort, Colmar, Haguenau, Strasbourg. BAILLIAGE D’AMIENS DOLÉANCES DU CLERGÉ DU BAILLIAGE D’AMIENS (1). § Ier-' . Religion. Ministres de Jésus-Christ et de son Eglise, nous trahirions en même temps et notre ministère et la sublimité de notre vocation si, avant de porter aux pieds du trône nos doléances et les appréhensions des peuples confiés à notre sollicitude, nous ne réclamions puissamment en faveur de cette religion divine, fondement et force des empires, ap-ui et source du bonheur public, seule base des onnes mœurs ; quid leges sine moribus ? Vane pro-ficiunt. Que l’incrédule se livre aux vains égarements de ses passions, que le libertin se laisse entraîner par les penchants déplorables d’une nature corrompue, que l’égoïste ne considère que son intérêt personnel et immole à son ambition l’intérêt de la société générale ; la religion, s’il veut en écouter la voix, lui rappellera impérieusement ses devoirs et satin. Elle viendra ramener l’ordre dans la société troublée par les passions des hommes : elle mérite donc le respect le plus profond et l’attachement le plus intime. Presse. La liberté effrénée de la presse qui ne respecte plus rien, nécessite de sages règlements, pour opposer une digue puissante, devenue nécessaire, contre une licence qui ne connaît plus de bornes. Le clergé d’Amiens demande avecinstancè que la librairie soit désormais soumise à une inspection aussi sévère qu’éclairée, et qu’il soit établi une chambre composée d’un magistrat intègre, d’un homme de lettres incorruptible et d’un théologien exact qui motiveront leurs jugements. Lois de l'Église. Par une suite nécessaire du respect dû à la religion, le clergé réclame le maintien et l’exécution de ses lois, et notamment de celles relatives à la sanctification des fêtes et dimanches, si scandaleusement et si impunément violées ; que les travaux publics et particuliers soient suspendus pen-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'empire. dant les jours consacrés au cultedivin, que la loi de l’abstinence soit maintenue, en ne laissant point exposer en vente publique les viandes défendues en certain temps ; et enfin que les vova-eurs puissent au moins satisfaire au précepte 'entendre la messe, lorsqu’ils se servent de voitures publiques. Non catholiques. Le clergé d’Amiens, en adhérant aux remontrances de la dernière assemblée générale du clergé de France, au sujet de l’édit concernant les non catholiques, attend avec confiance la réponse favorable cju’elle espère de la religion de Sa Majesté. Mœurs publiques. Les pasteurs sont souvent réduits à gémir dans le secret sur les énormes scandales des adultères et des concubinages publics, par l’inutilité de leurs démarches et de leurs exhortations pour les empêcher -, le clergé fait les plus vives instances pour que les dépositaires de l’autorité, obligés de réprimer ces crimes aussi contraires à la religion qu’au bien de la société, y tiennent sérieusement la main. Soins religieux à l’égard du militaire. Des aumôniers vertueux et éclairés remédieraient plus efficacement qu’aucun autre moyen à l’ignorance et à la corruption des mœurs qui font tant de ravages dans les troupes et dont la religion gémit. Education publique et particulière. Le clergé, sans entrer dans aucune des discussions nouvelles à ce sujet, désire, comme tous les gens de bien, que les instituteurs publics et particuliers ne soient admis que d’après le témoi-nage le mieux mérité de~ science, de religion et ’une conduite régulière, et qu’en jouissant de l’estime à laquelle ils ont droit par leurs travaux, ils aient encore la perpective consolante d’une retraite honorable, lorsque, après des succès, ils seront hors d’état de continuer leurs utiles fonctions. ' [Élats gén. 1789. Cahiers*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage d'Amienrs.] 733 Ordres religieux et vœux. Le clergé réclame la protection de Sa Majesté pour ceux de ses sujets de l’un et l’autre sexe qui, animés d’un désir sincère de la perfection évangélique, se consacrent à Dieu par des vœux solennels, et qui, en renonçant aux occupations de la société civile, ne cessent cependant pas de lui rendre de vrais services par la ferveur de leurs prières, par l’exemple de leurs vertus et par les emplois et les travaux du ministère auquel l’Eglise les associe. Le feu roi, par son édit de mars 1768, avait porté l’époque de la profession religieuse à dix-huit et vingt et un ans; mais il ne l’avait fait que par forme d’épreuve, se reservant dit-il , après le terme de dix années , d’expliquer de nouveau ses intentions à ce sujet. Aujourd’hui donc qu’une épreuve de vingt années ne montre que trop que leretarddes vœux n’a point augmenté la ferveur des cloîtres, en a même altéré la régularité en diminuant le nombre des sujets, et pourrait à la fin les dépeupler entièrement, le clergé demande le rappel de la profession religieuse à l’époque indiquée par le saint concile de Trente, demande en même temps la réforme canonique pour ceux desdits ordres religieux qui en auraient besoin. Conciles provinciaux. Telle est la malignité du monde qu’il ne cesse de relever, même avec exagération, les vues du clergé et de travailler en même temps à lui faire ôter les moyens de se réformer. Le clergé renouvelle à ce sujet les prières qu’il a déjà adressées au roi d’accorder la tenue des conciles provinciaux pour le maintien de la discipline de l’Eglise, rappelant sur cet article le vœu exprimé dans la déclaration du 16 avril 1646. Rétablissement de la juridiction ecclésiastique. ' La juridiction ecclésiastique, moyen si nécessaire de conserver la discipline et les bonnes mœurs, est presque réduite à rien par les entreprises des tribunaux laïques contre lesquelles le clergé n’a cessé de réclamer; on demande que les appels comme d’abus soient restreints dans les bornes où les lois du royaume les ont établis, qu’en laissant aux accusés'les moyens d’une légitime défense, on n’introduise pas l’impunité et même le triomphe des coupables'. Nomination aux bénéfices. Rien n’intéresse plus essentiellement la religion que la nomination aux bénéfices et surtout le choix des premiers pasteurs de l’Eglise ; le salut des âmes et même le soulagement des peuples y sont attachés. C'est un grand poids , dit le ministre actuel des finances. (Voyez le chapitre 10 du tome II, page 340 et suivantes dans l’ouvrage de l’administration des finances), c’est un grandpoids pour la conscience que l’obligation de guider seul le choix du souverain quand le nombre de seschoix est si multiplié et la matière si délicate. Le clergé demande l’établissement d’un conseil composé d’eéclésiastiques vertueux et éclairés, qui, par des représentations sages, impartiales, désintéressées rappellent aux ministres de la feuille les sujets auxquels les grâces de l’Eglise, le patrimoine des pauvres et de la religion doivent être confiés par la volonté du monarque. Que toutes les dignités ecclésiastiques soient ouvertes au talent et à la vertu sans exclusion fondée sur la naissance, que les pasteurs dés âmes, résidant à la ville ou à la campagne, et leurs coopérateurs soient encouragés dans leur zèle par la perspective d’une ré-cômpense qui leur donne tout à la fois et une subsistance honnête et une considération honorable. Usure. 11 demande aussi qu’on proscrive l’usure qui s’exerce dans les monts-de-piété, et celle qui n’a que trop souvent lieu dans le commerce. § IL Temporel de l’Eglise , dotation des curés et autres ministres de l’Eglise. Les dispositions favorables du gouvernement à l’égard des curés seront pour eux un nouveau motif de redoubler leur zèle et leur fidélité à remplir leurs saintes fonctions. Ils supplient Sa Majesté de vouloir bien pourvoir à l'amélioration de leurs cures, dont il en est de véritablement indigentes; ils estiment que leur sort devrait être porté : 1° Dans les villes, pour les curés à 1500 francs, pour les vicaires à 800 francs, et à 500 francs pour les prêtres exerçant le saint ministère et qui, dans notre province, n’excéderont pas le nombre de quatre par paroisses, et ne seront envoyés qu’avec la clause de consensu rectorum ; 2° Dans les campagnes, pour les curés à 1500 francs dans les paroisses de cent feux et au-dessous ; 1800 francs pour ceux dont les paroisses sont ae deux cents feux et au-dessous ; enfin, 2000 francs pour ceux dont les paroisses excèdent ce nombre. La portion des vicaires de la campagne est estimée devoir être comme celle des vicaires des villes, c'est-à-dire de 800 francs. Quant au moyen de parvenir à cette augmentation, les curés sont bien éloignés d’en demander aucun qui puisse blesser la piété, la justice, la charité. En cas d’insuffisance de la branche de dîme actuellement possédée par le curé, il demande que ce qui manquera à la susdite amélioration soit pris sur l’intégralité de la dîme territoriale, et au cas que cette intégralité de dîme ne suffise encore, et ne puisse, au dire d’experts, s’évaluer au taux desdites améliorations, alors le supplément des portions congrues, en proportion susdite, serait procuré par application des biens de monastères abandonnés et canoniquement évacués ou par réunion proportionnelle de bénéfices simples séculiers ou réguliers, même à nomination royale, pour laquelle réunion de bénéfices à leurs cures, les pasteurs osent supplier Sa Majesté de diminuer ou de simplifier en leur faveur les formalités toujours exigées en pareil cas par les cours souveraines qui font presque toujours, aussi en pareil cas, obstacle réel aux bontés du souverain, lesquelles applications de biens de monastère, comme dit est, canoniquement évacués, ou réunion des bénéfices simples de la qualité susdite, seront opérés en faveur desdites cures et en la proportion ci-dessus conclue, limitativement et par préférence à toute autre destination. La déclaration du 2 septembre 1786 oblige les curés de continuer à fournir la pension du vicaire s’ils sont dans l’usage de l’acquitter; dans le nouveau régime cet article serait évidemment à supprimer, puisqu’on ne réclame pour les curés 15u0 francs, 1800 francs, ou 2000 francs, que comme chose nécessaire à leur subsistance, et alors la pension des vicaires doit être nécessairement prise sur les dîmes ou sur la réunion des bénéfices simples séculiers et réguliers. Ÿ34 [Etats gén. f789. Cahiers.J AJtCHfVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens. Dotation des cures de l'ordre de Malte et vicariats d’icelles. Les cures de commanderies et vicariats de l’ordre de Malte doivent jouir selon le vœu uniforme de tous et des mêmes avantages qui seraient attribués aux autres cures ou vicanats, et on demande qu’elles soient gouvernées comme celles-ci par lé même régime, sans reconnaître d’autre autorité au spirituel que l’épiscopale et au civil que celle des tribunaux ordinaires. Retraite pour les anciens ecclesiastiques qui auront travaillé dans le saint ministère. lin des plus utiles établissements serait une retraité honorable pour les anciens curés et ecclésiastiques qui, après avoir consacré leur jeunesse, leur santé et leur force au saint ministère, se trouveraient hors d’état de continuer leurs fonctions, et mériteraient ainsi une pension honnête, ou qu’on leur ouvrît un asile assuré contre les besoins. Cet asile serait encore nécessaire pour des ecclésiastiques auxquels il serait arrivé des malheurs et qui déshonoreraient leur état par une inconduite caractérisée et scandaleuse. Erection de Vicariats. La distance et la population des lieux réclament en faveur de l’ érection des cures ou vicariats ; une demi-lieue milite pour cette érection. Biscantats. Les biscantats entraînent trop d’inconvénients pour ne pas faire désirer une prompte réforme. Les biens de l’Eglise sagement répartis suffiraient largement pour fournir à la desserte des églises et au culte divin. On désire aussi, dans les villes épiscopales au moins, un établissement pour former les maîtres et maîtresses d’école, sous l’inspection immédiate de Mgr l’évèque ou de celui qu’il voudrait bien commettre, afin qu’étant à sa nomination seule dans les campagnes, ils fussent ainsi beaucoup mieux instruits, et astreints à une plus grande régularité ; leur traitement devrait être plus avantageux. Ecoles distinctes pour les deux sexes. La séparation des deux sexes dans les écoles se trouvant généralement réclamée, on demande encore un établissement pour un objet d’une si grande importance pour les mœurs. Ordres religieux non rentés. ...... La pauvreté évangélique étant devenue très-difficile à observer, on demande, pour suppléer à la charité qui s’éteint, qu’il soit pourvu à la subsistance des ordres mendiants. Séminaires , études gratuites. La vertu indigente languit sans espérance de secours, et ne peut quelquefois suivre sa vocation, faute de moyens ; on désirerait les trouver dans les unions de bénéfices dont on vient de parler, qui fourniraient aux pensions des jeunes élèves trop peu fortunés pour entrer dans une carrière qu’ils ne peuvent courir sans être aidés dans lès séminaires et encouragés dans leurs premières études. Arrondissements des bureaux de charité. 11 serait à souhaiter qu’on, formât des arrondissements composés d’un certain nombre de paroisses, afin que la richesse des unes, suppléant à l’indigence des autres, on pût établir une caisse de charité pour assister les pauvres et empêcher les abus de la mendicité, tels que la fainéantise, les rapines, les violences qu’elle exerce quelquefois et sa frayeur que la rencontre cause aufc voyageurs. Economats. Les économats n’ont point atteint leur but ; leur administration fait naître des inquiétudes ; ils privent d’ailleurs les bénéfices de leurs titulaires, le-pays de leurs aumônes, et ils se consomment en frais inutiles. Ne serait-il pas juste de les supprimer? Biens ecclésiastiques. Les baux emphytéotiques, les échanges, les ac-xensements sontdes voies d’aliéner les biens ecclésiastiques dont le clergé demande la prescription. Baux ecclésiastiques. Des suggestions tout humaines, des morts prévues à raison de l’âge ou des infirmités, ont fait quelquefois passer des baux anticipés. On dematide pour cet objet une sage législation devenue trop nécessaire. Baux à résilier. En admettant la nouvelle forme d’un impôt unique, d’une plus juste répartition des revenus ecclésias'iques, les anciens baux ne sauraient subsister. Cet objet épineux demanderait un examen aussi réfléchi qu’impartial. Franc-fief. Ces droits de franc-fief qui s’étendant quelquefois sur les biens de l’Eglise, semblent en général incompatibles avec les encouragements qu’on veut donnera l’agriculture, que ces droits féodaux oppriment. Fabriques pauvres. Que les fabriques pauvres soient dotées par union de bénéfices ou autrement. 8 HI. DISCIPLINE DE L’ÉGLISE. Curés primitifs. C’est parce que l’origine des curés primitifs est parfaitement connue, qu’on réclame avec justice contre leurs prétentions. Sans même l’apparence d’une utilité quelconque , elles gênent les curés actuels dans l’exercice de leur ministère , en les privant dans leurs églises d’une juridiction qui leur est intrinsèque, decélébrer l’office solennel, d’avoir la chaire, l’autel même à leur disposition, les saintes huiles, fonts baptismaux, cimetières etc. On les requiert avec d’autant plus de confiance ue ces exceptions sont exercées par des corps ou es particuliers étrangers souvent au Ministère. Ecclésiastiques attachés à la cour. Il en est dont les fonctions paraissent peu utiles, quelques-unes même qui à peine ont un objet. La multitude de leurs places prive les églises, où iis seraient obligés de résider, des services qu’ils y doivent et nuit au service divin. il serait digne de la religion de Sa Majesté de faire les réformes nécessaires dans ces places. Il paraît qu’elle pourrait trouver dans les saintes chapelles et dans les chapitres royaux les sujets nécessaires pour desservir sa chapelle, en appelant par quartier ou par semestre le nombre d’ecclésiastiques qui lui serait nécessaire, sans nuire à l’office divin dans ces églises. {États gén. «89. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage d'Amiems.J 735 Préventions. La prévention qui favorise souvent la cupidité et introduit une précipitation nécessaire dans le choix, paraît devoir être restreinte : on demande donc que le laps d’un mois, à compter du décès du titulaire, soit au moins requis avant toute expédition. Patronages des non catholique. L’édit concernant les non catholiques passe absolument sous silence leur droit éventuel de patronage. Le Parlement de Paris en avait fait l’observation. On demande un examen réfléchi sur un article de cet importance pour le clergé et les peuples. Jugement des ecclésiastiques entre eux. La faiblesse humaine fait germer des zizanies et naître des difficultés dans tous les états; mais si ces difficultés pouvaient se juger par des pairs, les tribunaux ne retentiraient pas quelquefois de la honte du clergé. Grades et degrés Sans vouloir porter aucune atteinte aüx privilèges des universités , on demande qu’on ne pratique pas si facilement le titre de gradué pour les bénéfices à charge d’âmes ; ne pourrait-on pas les obliger d’exercer le saint ministère pendant trois ans dans une paroisse avant qu’ils puissent en être pourvus ? Concours. L’extrême importance de la charge des âmes, d’où résulte l’obligation de ne la conférer qu’aux ministres les plus dignes, nous fait désirer et demander que la nomination des cures soit soumise au concours , et que dans ce concours non-seulement ta science et les talents , mais la piété et les bonnes qualités du cœur et de l’esprit, soient examinées, constatées et pesées au poids du sanctuaire par l’évêque assisté d’un certain nombre d’examinateurs. § IV. OBJETS CIVILS. Tenue périodique des Etats généraux. Toutes les institutions humaines portent avec elles un caractère de faiblesse, tout ne peut se prévoir ni se corriger, les abus naissent des avantages, et les désordres de l’ordre même. Le clergé demande donc que les Etats généraux deviennent périodiques et fixent leur tenue à la révolution de cinq années. Opinion par tête. L’opinion publique est le concours de toutes les lumières , le produit de toutes les réflexions , le résultat de tous les suffrages; ce sont les individus qui opinent : leur nombre individuel doit donc être consulté et leur opinion par tête doit donc prévaloir. Etats provinciaux. Afin de simplifier la recette et remettre un ordre plus fixe, plus connu, plus facile à saisir dans la dépense, on demande des Etats provinciaux qui asseoient le tribut, qui forment la recette, qui versent en droiture dans le trésor royal ou une caisse nationale l’excédant des dépenses pour la confection des routes et leur entretien par le militaire cantonné dans la province. L’organisation des Etats du Dauphiné semble offrir plus d’harmonie dans les délibérations, plus d’équilibre dans le pouvoir des trois ordres, et elle est réclamée s’il n’en paraît pas dp meilleure et de plus salutaire. Assemblées municipales. On demande que les curés, dans les assemblées municipales, ne soient pas présidés par les syndics sur lesquels leur état réclame la prééminence. Impôt unique et universel . Ce n’est qu’avec douleur qu’on se rappelle la rigueur des lois fiscales et les malheurs qui en sont les suites ; on demande donc pour y obvier un seul et unique impôt, à répartir avec équité sur tout le royaume, sans aucun égard d’ordre et d’état, sans aucun privilège, et que cet impôt soit consenti par les trois ordres. Impôt territorial pour les campagnes. En attendant le concert et l’adhésion des trois ordres à cet égard, on propose l’impôt territorial pour les campagnes, comme moins onéreux à la classe indigente du peuple, et atteignant sans connivence les gros propriétaires et les seigneurs. Quant aux villes, on s’en rapporte entièrement aux lumières et aux décisions des Etats généraux. La théorie se trouverait peut-être trop éloignée de la pratique pour consigner de simples projets. Aides et gabelles. Gomme l’impôt unique et universel doit suffire aux charges de l’Etat, on réclame avec la plus vive instance la suppression des aides et gabelles. Cet impôt, qui a toujours été si onéreux aux citoyens de tous les ordres et surtout au peuple, à raison d’une plus grande consommation, pourrait-il subsister plus longtemps, cet impôt appelé désastreux par le roi même ? Barrières à reculer aux frontières. Les barrières reculées aux frontières du royaume paraissent être un moyen de rendre la circulation plus libre et de donner beaucoup plus de facilités au commerce. Capitalistes , commerce. On demande que le commerçant supporte les charges de l’Etat, comme le cultivateur, dans une juste proportion, et que les capitalistes, dont l’opulence est resserrée dans l’obscurité d’un portefeuille, supportent également l’impôt. Le timbre semblerait atteindre ce but désirable, si les dangers de son extension ne jetaient d’avance l’alarme et ne faisaient redouter cet impôt quoique admis chez nos voisins. Luxe. Le luxe n’est pas la preuve des richesses et de la prospérité publique; il en est au contraire un des plus grands fléaux; il entraîne nécessairement la perte des mœurs générales et particulières. L’assujettir à un impôt, ce serait soulager les besoins de l’Etat et mettre l’opulence à une juste contribution ; des lois somptuaires sur le nombre excessif des domestiques, des équipages, des chevaux, des feux, exciteraient sans doute de vives réclamations, mais elles n’en seraient pas moins admissibles et avantageuses. Poids et mesures. Cette multiplicité de poids et mesures n’a point jusqu’ici manqué de partisans; mais par l’abus fréquent qu’on en fait, on sollicite une réforme après laquelle on soupire vainement depuis Philippe le Long, qui l’a si curieusement entreprise. 736 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES P Vénalité des offices et cours supérieures. La vénalité des charges, l’éloignement des tribunaux et des lieux dans lesquels s’élèvent les procès, nuisent à la bonne administration de la justice, ne sont pas moins dangereux pour le bon droit et la pauvreté ; on demande une prompte réforme dans ces objets importants, qui ont si grand rapport avec la félicité publique; des cours souveraines prudemment réparties sont le vœu général du clergé d’Amiens. Droit d’amortissement. 11 demande aussi de n’être plus assujetti à la loi d’amortissement , dont les effets sont infiniment gênants pour toute espèce d’amélioration. Notaires. La fortune et la tranquillité des citoyens repose sur les contrats ; il importe donc essentiellement que les ministres publics chargés de leur rédaction et de leur dépôt soient examinés sur leur religion et capacité. Contrôle et insinuations. Sagement établies pour la conservation des actes, ces formalités leur sont devenues dangereuses. L’arbitraire, qu’une cupidité encouragée par des récompenses y a introduit, fait gémir sous un régime qui, en effrayant les parties contractantes, les expose à des réticences dangereuses et ensuite à des procès ruineux. Chasse. Que le droit de chasse soit contenu dans de justes bornes par l’exécution des lois faites à ce sujet, afin que l’excessive multiplication ne nuise point aux récoltes. Milice. En attentant à la liberté individuelle des citoyens, en désolant les habitants des campagnes, en les ruinant par les dépenses qu’elle entraîne, la milice par le sort arrache encore sans pitié, au sein d’une mère et d’une famile consternées, un fils nécessaire à leur subsistance et à la culture de leur petit domaine. On demande donc avec instance que tous les enrôlements soient volontaires et que pour les encourager le soldat ne soit point humilié par des punitions flétrissantes ni porté à la désertion par un châtiment indigne d’un soldat français. Maréchaussée. On désire l’augmentation de cette troupe reconnue infiniment utile et nécessaire pour la sûreté publique. Grands chemins et routes et traverses. L’impôt unique, réparti avec équité et sans au-. cun égard aux ordres, aux privilèges, semble nous rassurer contre la crainte qu’inspirait l’ancien régime des ponts et chaussées.. On demande que les routes soient faites et entretenues par le concours des trois ordres • que les traverses soient rendues praticables par des travaux qui puissent occuper les indigents. Chirurgiens et sages-femmes,. Cet objet est des plus intéressants pour la religion et pour l’humanité ; il est important que les chirurgiens et les sages-femmes soient instruits et placés à des distances convenables, suivant la population et le besoin des cantons, dans plusieurs endroits; il leur faudrait assigner des émoluments et donner des encouragements pécuniaires à rai-RLEMENTAIRES. [Bailliage d'Amiens. J son de la pauvreté des habitants et de l’étendue des lieux qu’ils auraient à soigner ou à secourir. Lettres de cachet. On ne peut disconvenir de leur Utilité dans certains cas. U serait à souhaiter que leur dispensation fût assujettie à l’examen d’un conseil pour empêcher les surprises qui peuvent avoir lieu dans les demandes qu’on en fait. Sûreté des lettres missives confiées à la poste. Un secret confié oblige en honneur et en conscience celui qui en est dépositaire ; les lettres jetées dans la boîte commune, pour parvenir à leur destination, doivent être regardées comme un dépôt sacré mis sous la sauvegarde publique, et trop intéressant pour les familles et même pour la religion, pour n’être pas souverainement respectées. Aucune considération ne pourrait autoriser à en violer le sceau. Signés L. G., évêque d’Amiens, avec réserve et protestation ; De Douay de Baisnes, archidiacre, avec réserve. Desjobert, préchantre et chanoine d’Amiens, avec réserve; Dargnies, archidiacre de Ponthieu, avec protestation et réserve ; Touchy, prieur commendataire de Saint-Denis de Poix , avec réserve ; Pecquet, curé doyen de Grandvillers ; Lefebvre, curé de Leüilly ; De Machy, curé de la Chaussée et doyen de Vi-nancourt; Bedos, prieur-curé de Saint-Pierre de la ville de Ham ; Degove, curé de Saint-Sautieu et doyen de Gonty; Marduol, curé de Saint-Denis d’Airaines; Duminy, curé de Saint-Michel de la ville d’Amiens; Dupré, curé de Villers-Bretonneux ; Brandicourt, curé deSaint-Firmin-le-Confesseur, sans aucune réserve; Quentin, curé de Saleux et de Satouel, absolument sans réserve; Yasseur, curé de Picquigny; Gauchie, curé de Bernaville, sans réserve ; Dessommes, curé de Ghepy; F. Mesurolîes, religieux cordelier ; A. J. Cordier, curé de Gagny ; F. Germain, religieux carme; Galle, curé de Saint-Riquier ; D. Mathieu, sous toutes réserves de droit et sans préjudicier aux adhésions et justes réclamations au clergé régulier, sans préjudice aux droits, privilèges et propriétés des ordres religieux; F. Mareschal, prieur de Saint-Jean, ordre de Prémontré et Tertel, curé de Saint-Sulpice. PROTESTATIONS DIVERSES. De Monseigneur l’Evêque. D’après la forme actuelle de convocation des Etats généraux, il pourrait arriver que vu le petit nombre d’évêques qui s’y trouveraient, le corps épiscopal n’y fût pas suffisamment représenté; les évêques sont cependant les seuls juges de la foi, matière que l’on a quelquefois traitée dans les Etats généraux, les administrateurs-nés de leurs diocèses, les principaux juges de leurs besoins, des abus qui régnent et des moyens d’y remédier eux seuls en embrassent l’ensemble, et rien de ce qui peut concerner l’état de leur diocèse, les titres, les biens, la discipline, ne leur est étranger. En eux réside la juridiction ecclésiastique, et rien [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.] 737 ne s’y peut faire sans leur influence. N’étant pas suffisamment représentés, pourront-ils, sans manquer à leur ministère, accéder à des opérations laites sans eux, qui demanderaient le concours de leur autorité ? Serait-il permis au clergé même, dans ce cas, d’après les canons de l’Eglise de consentir à aucun don et à des sacrifices dans les Etats généraux? Ne serait-il pas inouï et affligeant pour lui de s’y trouver presque dépourvu de ceux que Dieu même a établi ses chefs en qualité de premiers pasteurs' de l’Eglise? On croit donc qu’il est de l’honneur du caractère épiscopal et du bien du clergé que les évêques paraissent en grand nombre aux Etats généraux, sans préjudice aux droits du clergé du second ordre et des religieux qui, formant un corps considérable dans l’Eglise, sont en danger de n’avoir aucun représentant à l’assemblée nationale. Des dignitaires. Les dignitaires de l’église cathédrale, non admis par le règlement à l’assemblée des trois ordres de leur province, y ont cependant un droit incontestable. Chaque dignité, par le titre, les droits et les revenus, est un bénéfice distinct, tant des prébendes que des autres dignités. On peut posséder une dignité sans prébende, ce qui arrive assez fréquemment; les dignitaires ne sont point alors appelés à la discussion des intérêts des chanoines, comme ceux-ci ne se mêlent point de la gestion des revenus attachés aux dignités. On peut se démettre de la dignité en conservant la prébende, et vice versa : pour être chanoine et dignitaire en même temps, il faut double provision et double prise de possession. Les dignités sont sujettes à la résignation. En un mot, elles ont tous les caractères des vrais bénéfices séparés; la possession d’une prébende avec une dignité est accidentelle à celle-ci, n’en change point la nature , n’èn altère point les droits, et un dignitaire qui est chanoine n’en a pas moins le pouvoir de se trouver à l’assemblée des trois ordres, qu’un abbé et prieur qui le seraient. Il paraît donc qu’en qualité de premiers titulaires du diocèse ils ne peuvent être exclus de l’assemblée des trois ordres de la province. Du chapitre et des ecclésiastiques des villes. Les chapitres ont lieu de se plaindre de ce que les règlements de convocation les restreignent à n’envoyer qu’un député sur dix chanoines à l’assemblée des trois ordres de la province, tandis que les autres bénéficiers et ecclésiastiques, jusqu’au simple sous-diacre, domiciliés dans les campagnes, sont appelés à ladite assemblée, et peuvent constituer procureur en leur nom. Cependant chaque prébende est un bénéfice, un véritable titre distinct d’un revenu séparé dans plusieurs chapitres de ceux des autres prébendes, et chaque chanoine, surtout de ceux des églises cathédrales, a plus d’intérêt que les susdits ecclésiastiques, soit par la contribution aux charges communes, soit par le rang que lui donne son titre aux délibérations des Etats généraux. Les ecclésiastiques des villes ont les mêmes réclamations à faire sur la distinction que les règlements mettent entreeux, et les ecclésiastiques des campagnes, leurs titres pour paraître à l’assemblée des trois ordres sont parfaitement égaux. Louis-Charles, évêque d’Amiens, en y ajoutant rotestation contre le vœu de l’opinion par tête ans les Etats généraux et demandant qu'elle soit par ordre. Du chapitre et des autres bénéfices. Nous, soussignés , Charles-Philippe de Jobert , préchantre, Pierre-Jacques Dugard, Jean-Baptiste Rose, tous trois chanoines députés du chapitre . de l’église cathédrale, en adhérant aux cahiers de doléances et de pétitions de messieurs de l’ordre du clergé du ressort du bailliage d’Amiens pour tout ce qui intéresse la gloire de la religion, l’honneur du trône, la satisfaction du roi, le bien général de l’Etat, la félicité publique, et partageant à cet égard les vœux des deux autres ordres et les sentiments patriotiques qui les animent, nous soumettant à toutes impositions pécuniaires relatives aux circonstances présentes, conformément à notre revenu fixe et aux charges non arbitraires à imposer aux citoyens des différentes classes, nous croyons, tant en notre nom qu’en celui de notre chapitre dont nous sommes les députés, nous réserver dans les privilèges et propriétés qui attaquent les articles des portions congrues, en tant qu’elles sont demandées à un prix exorbitant, et des curés primitifs, contre lesquels nous réclamons et protestons, disant que nous ne voulons et ne pouvons acquiescer à leur exécution , déclarant qu’on ne peut en approuver les motifs sans attaquer les lois primitives et constantes de la nation, sans anéantir les lois de la jurisprudence qui a toujours maintenu et protégé tous les genres de propriété. A Amiens, le 16 avril 1789. Signé De Jobert, Dugard, Rose, chanoines. L’université des chapelains de l’église cathédrale d’Amiens adhère àl a présente réclamation insérée dans les cahiers dudit chapitre, tendante à être appelés comme les autres ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés non résidant dans les villes, comme tous les curés_et autres bénéficiers. A Amiens, ce seize avril 1789. Signé Lucas, chapelain député. Nous adhérons à la présente réclamation. Signé De La Rouzé, doyen du chapitre de Fouilloy. Maréchal, prieur de l’abbaye de Saint-Jean, ordre de Prémontré. De Gros de Constant, prieur de Valloires. D. Mathieu, prieurde Saint-Nicolas. Dom Loudier, prieur de Saint-Fuscien. F. Léger, chanoine de Prémontré. Dom Sener R. B., prieur de Corbie-Dauphin. D. Enocq, prieur de Saint-Riquier. Faysan, prieur de Sery. De Bon-naire. D. Laly, prieur de Saint-Valéry. D. Mëpuis de Forcemant, prieur des Feuillans. L. N. Blon-delle. Beunier. Joly, prieur de Selincourt. De-. saire pour la Visitation. Durisy, du chapitre de Saint-Martin. Démanché, député des Chapelains. Bauger, député du chapitre de Pequigny. Rivière , pour l’abbaye de Saint-Asheul , Hequet, trésorier du chapitre de Pequigny. Dom Sau-•vage, député de l’abbaye de Baupré. Touchy, prieur de Saint-Denis de Poix. Anchm, chapelain de Fricamps. Vertin, titulaire du personnat de Bérieux. Leclerc, prieur, député des Augustins. Thuillier, supérieur et député des Minimes. Dargnies, titulaire du personnat de Thieux, petit Prémontré. D’Argnies, au nom de monseigneur l’évêque de Noyon, abbé de Saint-Jean et des Ursu-lines. Tondu, prieur de Baconet. Labié Tacher, abbé de Selincourt. Champion, pour l’abbaye de Ham, et le prieur de Saint-Martin de ladite Ville. Dom Boyard, prieur de l’abbaye du Gard. Bertin, au nom de l’abbé Lieu-Dieu. ‘Caron, personne de Saint-Aubin. Béguin, prieur de l’Encherès. Brunet, chapelain d’Acheux. Dom Paul Mercier, procureur de l’abbaye du Lieu-Dieu. Deslariers, doyen du chapitre de Vinacourt. Millier, doyen de Saint-47 1” S&hs, T. l,r 738 [États géft.1789. Cahiers. [ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [BarUîagë d’Amiens.] Val-Franc, au nom de monseigneur l’abbé de Saint-Riquier de Riquebourg, caritable de Gorbie. Collégiale de Saint-Martin , chapelains de la cathédrale. D’après la lecture qui nous a été faite, nous croyons nous rappeler que le vœu des rédacteurs est que l’amélioration du sort des curés se fasse sans blesser la piété, la justice et la charité. Cependant on indique le principal moyen de cette amélioration dans l’intégralité des dîmes, ce qui ne peut se faire sans réduire au néant plusieurs collégiales de chapelles. Or, comment concilier cela avec les premières règles de la piété, de la justice et de la charité ? N’était-il pas plus naturel de demander l’établissement d’une caisse diocésaine, formée du produit de tous les bénéfices simples et où l’opulence serait forcée de verser son superflu ? Nous réclamons donc contre cet article, et comme propriétaires et comme frères , et qu’on laisse au possesseur des dîmes au moins l’équivalent de la portion congrue des curés. Signé De Goisy, chanoine député de Saint-Martin ; de la Rouré, doyen du chapitre de Fouilloy ; ûelarier, doyen du chapitre de Vinacourt et Fertel, prévôt dé l’université des Chapelains. Contre l’omission de l’article, titre clérical, demander que la somme exigée pourledit titre soit doublée, triplée, et en proportion rigoureuse de l’augmentation exorbitante demandée par MM. les curés à portion congrue.Signé Blondel, prêtre;le prieur de Saint-Fuscien ; signé Le Thuillier, avec paraphes. De messieurs les réguliers. Les religieux soussignés, réitérant l’expression des sentiments patriotiques contenus au cahier de doléances du clergé du bailliage d’Amiens, dé-; clarent qu’ils adhèrent audit cahier pour tout ce qui concerne la gloire de la religion et la restauration de la félicité publique ; mais ils croient devoir, tant en leurnom que pour leurs commettants, protester contre tous les articles dudit cahier qui tendent à détruire les privilèges , droits, exemptions et surtout ces propriétés dont ils jouissent depuis un temps immémorial sous la sauvegarde . des lois du royaume. L’amélioration des cures de ville et de campagne, ainsi que des pensions de vicariats fixées pair MM. les curés et portées à des taux qui ne pourraient être remplis que par des réunions invoquées plusieurs fois dans le cahier de doléances, exigerait que les religieux soussignés fissent l’abandon de leurs propriétés décimales ; mais ceux-ci représentent à cet égard qu’ils seraient dans l’impossibilité de faire tous les sacrifices exigés , parce que les déclarations fixées par le cahier absorberaient les revenus de beaucoup de leurs maisons, qui ne consistent qu’en dîmes. Le consentement des soussignés devient donc impossible, et l’assignat forcé de ces dotations de cures et vicariats sur les dîmes des religieux serait une attaque de leurs propriétés , dont ils espèrent n’avoir pas à redouter les effets sous le règne ' d’un roi aussi juste que bienfaisant. Les religieux demandent qu’il leur soit permis de manifester le désir ardent qu’ils ont d’être employés aux exercices du saint ministère, et {tour ce de rentrer dans la desserte des cures dont a nomination leur appartient en qualité de gros décimateurs. Ils offrent même de desservir toutes les cures à portion congrues que MM. les ecclésiastiques séculiers trouveraient d’un revenu trop modique. Gomme aussi les religieux soussignés font toutes protestations contre les motions insérées au cahier de doléances tendant à la suppression des droits de curés primitifs , qui sont de vraies propriétés; ils protestent pareillement contre l’opinion par tête demandée par la pluralité, estimant à cet égard que l’opinion par ordre ait lieu dans les Etats généraux, ou du moins, en cas que l’opinion par tête prévaille, que cette opinion par tête se prenne dans les chambres séparées de chaque ordre et non pas dans une assemblée générale des trois ordres réunis, et que l’opinion par tête ne puisse jamais avoir lieu lorsqu’il s’agira de délibérer sur un objet qui intéresserait articulièrement un seul des trois ordres coùtra-ictoirement avec les deux autres. Concourant aux vœux manifestés dans le cahier de doléances touchant les études publiques, les religieux soussignés font à cet égard toute soumission d’établir, autant qu’il leur sera possible , dans les campagnes surtout, des écoles gratuites, où ils recevront en égal nombre les enfants de l’ordre de la noblesse et ceux du tiers-état. — Enfin tous cçux des religieux soussignés de tous ordres indistinctement qui épousent les maisons pour lesquelle? ils font profession, réitèrent, en tant que besoin sera, leurs protestations, spécialement contre les réunions qui pourraient être entreprises, sous tel prétexte que ce fût, d’aucunes des maisons, communautés et monastères de leur ordre , attendu que ces réunions seraient absolument destructives du vœu de stabilité que font les religieux de ce? ordres. — Telles sont les réclamations et protestations des religieux soussignés, qui croient ne pour voir trop les renouveler et manifester leurs vœux ardents et sincères pour le soutien et l’avantage. de la religion et pour la prospérité du royaume;. Signé D. P. J. Sénés, prieur de Gorbie. François Marchai, prieur de l’abbaye de Saint-Jean d’Amiens. Dom Jean Enocq, prieur de l’abbaye de Saint-Riquier. Degras deConflans, prieur de Valois, ordre de Cîteaux, vie. général. Dom Michel L. J., prieur de l’abbaye de Sainte-Valery. F. Broyard, prieur de l’abbaye de Gard, ordre de Cîteaux. Joly, procureur de l’abbaye de Saint-Pierre-les-Sélincourt. D.-J.-G. Loudier, prieur de l’abbaye de Saint-Fuscien, faisant procureur de l’abbaye de Sery. D. Formant , procureur des Feuillants. Carbon , prieur de Marcelcave. D. A. L. Mathieu, prieur de Saint-Nicolas de Rigny, D.-P.-L. Paradis, procureur de l’abbaye de Saint-Fuscien. Couillard, prémontré. L’Evêque, prémontré. P.-L.-N. Blondel, prieur .de Saint-Valéry. Béguin, prieur de Lenscbère, François Mercier, prieur de l’abbaye du Lieu-Dieu, ordre de Cîteaux. De Bonnaire, prémontré. Léger, procureur de l’abbaye de Saint-Jean, ordre de Prémontré. RÉCLAMATIONS DES RELIGIEUX AUGUSTINS. Monseigneur et Messieurs, les religieux Augüs-tins d’Amiens ne peuvent souscrire à l’article du cahier de doléances du clergé du bailliage d’Amiens au sujet des petites maisons, dont le modique patrimoine serait destiné à l’augmentation des cures. En cas de suppression , lesdits religieux ne verraient qu’à regret sortir de leurs mains pour passer dans celles de messieurs les curés ce qu’ils auraient pu gagner en qualité de troupes auxiliaires au service des mêmes curés. — ■ Ces petites épargnes n’appartiennent pas seulement à ceux qui habitent maintenant lesdites maisons , mais encore à ceux qui y ont demeuré. Ils ont donc droit de réclamer pour leurs confrères et .pour eux en cas de suppression, ce qu’ils n’osent croire, et de demander que le revenu en soit transporté a d’autres maisons de leur ordre, puisque les biens [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens..] 739� sont communs entre eux et le fruit commun de leur sueur et que c’est avec ce produit de ces mêmes sueurs qu’ils ont acquis le peu qu’ils possèdent. Signe F. Leclerc, prieur et député des Augustins. Pour la même réclamation, signé De Croix, gardien des religieux Cordeliers du couvert de Doullens. Les religieux Dominicains, vulgairement appelés Jacobins, souscrivent à la juste réclamation des religieux Augustins. F.-J.-B. Batin, prieur et député des Jacobins. — Les religieux Minimes souscrivent à la même réclamation. F. Thuillier, supérieur et député des Minimes. — Les religieux Carmes Rechaussés souscrivent à la même réclamation. Signé F. Germain prieur et député des Carmes. — Les religieux Cordeliers souscrivent à la même réclamation. Signé F. Mesurolles, député. — Etce-jourd'hui 18 avril, quatres heures de relevée, messire Pierre Tacher, abbé commendataire de Sain-Pierre-lès-Sélincourt dite de Sainte-Larme, ordre de Prémontré, a dit que s’il avait souffert que le jour 'd’hier et jours précédents M. l’abbé de L’Estocq, abbé commendataire de Çlerc-Faze, ait présidé l’assemblée dans les intervalles pendant lesquels monseigneur l’évêque est sorti à plusieurs reprises de rassemblée, et aujourd’hui matin avant l’arrivée de mondit seigneur l’évêque, sans qu’il fut statué sur 1a. réclamation par lui faite hier et réitérée cejourd’hui, ç’a été uniquement dans la vue de ne point retarder les opérations de l’élection à commencer, et afin que MM. les curés puissent retourner dans leurs paroisses ainsi qu’ils en ont le plus vif désir ; mais que dans la crainte qu’on ne tirât avantage de sa condescendance, pour prétendre qu’il aurait consenti à accorder la présidence à M. l’abbé de Clerc-Faze sur lui , il requérait l’assemblée de recevoir et d’insérer au procès-verbal ses réclamations et protestations contre ce qui s’est passé. — Qu’il se croit fondé à soutenir que la présidence de l’assemblée lui était dévolue en l’absence de monseigneur l’évêque, en sa qualité d’abbé commendataire. — Que cette qualité lui donne, suivant tous les canonistes, rang ae prélat ; qu’il est aujourd’hui reçu que les abbés • commendataires ont droit de jouir des mêmes droits honorifiques que les abbés titulaires, qu’ils sont admis comme prélats dans les assemblées des Etats ; qu’il est même de fait qu’ils représentent aux Etats de Bretagne en camail et ro-chet et prennent rang immédiatement après les évêques. — Que M. de Lestoca n’étant à la pré* sente assemblée qu’en qualité d*abbé de Clerc-Faze et non comme député du chapitre, il ne pouvait {>as prendre la séance sur lui, abbé de Saint-Pierre-es-Sélincourt ; qu’il est moins ancien que lui en titre, et qu’il est déréglé entre les prélats, évêques ou abbés que chacun prend son rang suivant l’ancienneté de son titre d’évêque et d’abbé; que quand M. l’abbé de Clerc-Faze aurait pu se prévaloir de sa qualité de doyen de la cathédrale dans une assemblée oû il ne paraît pas en cette qualité, elle n’aurait pu lui obtenir la préséance sur lui abbé de Saint-Pierre de Sélincourt, parce que les députés des chapitres mêmes de cathédrale ne marchent, dans l’ordre hiérarchique de l’Eglise qu’ après les abbés comme prélats ; que le contraire a pu d’autant moins être soutenu dans cette assemblée que le règlement de Sa Majesté du 24 janvier appelle les abbés immédiatement après les évêques et avant les chapitres. Que l’art. 9. de cerèglement porte que les baillis et sénéchaux principaux feront assigner les évêques et les abbésx tous les chapitres, corps et communautés ecclésiastiques ; que la même chose est répétée dans l’article 37 pour les bailliages secondaires; qu’enfin, par l’article 39 Sa Majesté, en statuant que la place que chaeun prendrait dans l’assemblée ne pourrait tirer à conséquence dans aucun cas, a néanmoins suffisamment manifesté son intention que chacun eût la préséance due à son rang et à sa dignité, en annonçant qu’elle ne doutait plus que tous ceux qui composeraient les assemblées n’aient les égards et les déférences que l’usage a consacrés pour les rangs, les dignités et les âges; que par toutes ces raisons ledit abbé de Saint-Pierre de Sélincourt soutenait que la préséance indûment prise sur lui par M. l’abbé de Clerc-Faze ne pourra nuire ni préjudicier à sa place et à lui. Et a signé ce 18 avril 1789, demandé àM. le secrétaire de l’assemblée de l’inscrire dans le cahier de doléances. Signé l’abbé Tacher, abbé commendataire de Saint-Pierre. — Je certifie que toutes les protestations ci-dessus insérées sont conformes aux originaux déposés au greffe. A Amiens, ce 18 avril 1789. Signé Tertet, secrétaire, et Louis-Charles, évêque d’Amiens. CAHIER des doléances de la noblesse du bailliage D’AMIENS (1). La noblesse des bailliages d’Amiens et de Ham, convaincue qu’elle a, dans la circonstance actuelle, deux devoirs essentiels à remplir : le premier de contribuer à établir le bonheur et la grandeur de la nation sur une base juste, solide, invariable; Le second, de communiquer à l’assemblée des Etats généraux ses vœux sur les différents objets qu’elle croit devoir y être traités et de donner à ses députés les pouvoirs nécessaires pour coopérer au bien de la chose publique, les charge de porter aux pieds du trône l’expression de son respect, celle de sa fidélité, de son attachement pour la personne sacrée du roi, et de sa vive reconnaissance de la bonté et de la justice qui ont animé Sa Majesté, lorsqu’elle a bien voulu consacrer à jamais les droits de ses peuples et reconnaître que sa réunion à la nation, pour la législa-tion de son royaume, ne peut qu’augmenter sa puissance et sa gloire. Après s’être acquittée de ce devoir, elle leur prescrit de demander : Art. 1er. Que la périodicité des Etats généraux soit établie comme loi fondamentale, que ces Etats se rassemblent nécessairement en 1792 et que l’assemblée de la présente année détermine pour l’avenir l’intervalle d’une tenue à l’autre, lequel intervalle ne pourra être plus long que de cinq anaées, sauf le droit du roi de les convoquer immédiatement; ils seront aussi nécessairement assemblés à chaque changement de règne, et les Etats généraux en régleront la manière. Art. 2. Qu’il soit reconnu avant tout, comme loi constitutionnelle et fondamentale, qu’aucun impôt ne peut avoir lieu ni être prorogé pour tel et si bref délai que ce soit, ni aucun emprunt être ouvert que du consentement exprès des Etats généraux ; que les députés insisteront pour qu’il ne soit accordé par eux aucun impôt, que pour un terme déterminé, court et tout au plus de cinq années ; que tout administrateur qui ordonnerait la levée d’aucuns deniers, et tout percepteur qui la ferait au delà des termes fixés, serait regardé comme exacteur ou concussionnaire, poursuivi et puni comme tel, et qu’à tous jmandemeùts d’impôts ou tarifs de droits il soit énoncé en tête : De (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives do l’empire,