422 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1790.] « 2° Que ce département est divisé en huit districts dont les chefs-lieux sont : La ville du Pont-Saint-Esprit. Beaucaire. Uzès. Nimes. Sommières. Saint-Hippolyte. Alais. Le Vigan. « 3° Que les séances et le directoire du dictrict alterneront entre le Saint-Esprit et Bagnols; entre Beaucaire et Yilleneuve-lès-Avignon ; entre Saint-Hippolyte et Sauve; les premières séances étant fixées au Saint-Esprit, à Beaucaire et à Saint-Hippolyte ; « 4° Que les électeurs du district de Saint-Esprit et du district de Beaucaire décideront dans leur première assemblée, à la pluralité des suffrages des électeurs de chaque district, si l’alternat continuera entre le Saint-Esprit et Bagnols, entre Beaucaire et Villeneuve-lès-Avignon. » M. le Président dit que M. le garde des sceaux vient de l’informer que le courrier de Bretagne avait apporté hier la nouvelle du refus que font treize des magistrats désignés pour tenir la chambre des vacations du parlement de Rennes, de remplir les fonctions qui leur étaient attribuées par les lettres-patentes du 7 du mois dernier, rendues en conséquence du décret de l’Assemblée du 15 décembre, sanctionné par Sa Majesté; qu’il prie M. le Président de mettre ce fait sous les yeux de l’Assemblée, et d’insister auprès d’elle sur la nécessité de prendre des mesures promptes et efficaces pour que la province de Bretagne ne soit pas plus longtemps dépourvue d’un tribunal souverain. Cette affaire a été renvoyée à l’heure de deux heures. M. le Président annonce que M. Brevet de Beaujour a été nommé rapporteur de l’affaire du prévôt de Marseille, par le nouveau comité des rapports. M. l’abbé üfanry, ancien rapporteur, dit que toutes les pièces qui se trouvaient entre ses mains ont été remises par lui à M. Brevet de Beaujour, mais qu’il n’en a pas fait le catalogue. M. le Président. M. Démeunier a la parole pour soumettre à l’Assemblée quelques difficultés survenues dans V organisation des municipalités. M. Démeunier. Le comité de constitution croit devoir vous rendre compte des difficultés qui lui ont été soumises et auxquelles les membres pensent qu’il est facile de répondre. Première question. On a demandé si les directeurs des postes aux lettres et les contrôleurs des actes doivent être exclus comme percepteurs d’impôts indirects. Le comité de constitution a pensé que non. Deuxième question. On a demandé si les retenues sur les rentes foncières doivent être considérées comme des contributions directe» que paient ceux sur qui on les retient. Le comité de constitution a pensé que oui. Troisième question. On a demandé si les fonctions municipales sont compatibles avec les fonctions de curé. Le comité de constitution a pensé que oui. Quatrième question. On a demandé si les curés et les vicaires devront avoir habité un an dans la paroisse qu'ils desservent pour y acquérir domicile. Le comité de constitution a pensé que, pour les curés et pour les vicaires, le domicile est acquis à peu près aussitôt qu’ils sont en fonctions dans une paroisse. Cinquième question. On a demandé si les religieux peuvent être admis aux droits de citoyens actifs. Sur cette question délicate, le comité a pensé d’une manière absolue sur les religieux mendiants qu’ils ne doivent pas être admis ; et sur les religieux qui appartiennent à des ordres riches en propriétés territoriales, qu’il ne convient pas de les exclure au moment où on parle de les faire rentrer dans la vie civile et que, sans rien accorder et sans rien refuser à cet égard, il y avait lieu d’écrire dans les provinces qu’il ne faudrait pas les rejeter si une grande majorité des suffrages les appelait aux fonctions publiques. Sixième question. On a demandé si les religieux qui exercent les fonctions curiales seront en tout assimilés aux curés. Le comité a jugé que cette assimilation était nécessaire. Septième question. On a demandé si les citoyens étaient libres ou de refuser une fonction sociale ou de s’en démettre après l’avoir acceptée. L’opinion du comité a été que dans l’état actuel des choses, les citoyens peuvent jouir de cette liberté, mais que dans la suite, nul ne pourra refuser ses services publics à la patrie. Dans tous les pays libres, ajoute M. Démeunier, le patriotisme impose les obligations de prendre les charges publiques ou oblige les citoyens d’accepter une place ou de payer une amende ( Cette opinion excite de violents murmures.) Huitième question. Pour être élu, faudra-t-il être présent? Le comité pense que non, mais que pour ne pas exposer la dignité des élections et des fonctions, il faudra s’assurer que l’absent élu acceptera. Les avis du comité de constitution, tels qu’ils viennent d’être énoncés, ne donnent lieu à aucun vote de la part de l’Assemblée, qui se réserve de prononcer ultérieurement s’il y a lieu. M. Démeunier, après avoir rendu compte de ces questions d’ordre général, fait un rapport qui a pour objet une affaire et une personne particulières concernant le sieur Pichereau, à Chinon. Un arrêt du parlement avait interdit toutes fonctions judiciaires à M. Pichereau, qui exerçait à [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1790.} 423 Chinon celles de lieutenant particulier. Un mémoire qui nous a été adressé le représente comme coupable des délits les plus graves, et annonce qu'il est dans les liens d’un décret d’ajournement personnel au sujet d’une accusation de spoliation d’hoirie. La municipalité, considérant que ce décret suspend toutes fonctions civiles, a cru devoir lui refuser les droits de citoyen actif. Ce refus excite dans la ville de Chinon des débats qui peuvent occasionner de grands désordres. Nous devons ajouter que M. Pichereau est en faillite; il faut faire exécuter votre décret concernant les faillis. Le comité vous propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport du comité de constitution, et conformément à l’article de son décret du 22 octobre dernier, qui constitue les assemblées primaires juges de la capacité et des titres des citoyens actifs, et des citoyens éligibles, renvoie aux deux sections de l’assemblée de la commune de Chinon, le jugement de la capacité du sieur Pichereau, d’après les décrets de l’Assemblée nationale; déclarant au surplus expressément que les officiers municipaux et les commandants de la garde nationale de Chinon doivent prendre toutes les précautions nécessaires, même requérir, au besoin, les secours de la maréchaussée et des corps de troupes réglées, pour assurer la tranquillité dans les deux sections de l'assemblée de la commune de Chinon, lesquelles se formeront de nouveau, à l’effet de procéder aux élections. » M. Loys. Lors des décrets sur les exclusions des droits de citoyen actif, vous avez pensé que ce serait déshonorer la constitution que d’y rappeler les noms des condamnés et des décrétés, mais je crois pourtant qu’il est sage de prononcer au moins l’exclusion des premiers, car il serait contraire à la morale publique de penser qu’un homme flétri pourrait être appelé par l’intrigue ou la corruption à des fonctions municipales. Je propose le décret suivant : « Tout homme flétri et entaché par un jugement en dernier ressort, dont il n’y a pas d’appel, ou qui a passé en force de chose jugée, ne pourra être considéré comme citoyen actif, ni être admis aux assemblées publiques, soit comme électeur, soit comme éligible. » M. Pabbé Gouttes. 11 se fait beaucoup de cabales, et certes ce ne sont pas les honnêtes gens qui cabalent. Le décret que propose le comité ne lèvera pas non plus la difficulté. L’homme qui a cabalé pour être élu cabalera bien davantage encore pour être jugé favorablement. Qu’on fasse juger par qui l’on voudra, mais que ce ne soit pas' par la commune de Chinon. M. Buzot. Vous avez déclaré les assemblées primaires juges de la capacité des citoyens actifs ; il n’est pas possible de s’écarter de ce décret. Celui du comité est très conforme aux principes; celui que propose M. Loys n’est pas convenable. Ces mots décrets d'ajournement personnel , entaché, sont très vagues : on sait avec quelle facilité ces décrets se décernent. M. Populus. C’est un principe de jurisprudence civile et criminelle que quiconque est sous un décret d’ajournement personnel est inhabile aux fonctions publiques. M. de Robespierre appuie le projet du comité comme plus conforme aux principes des décrets de l’Assemblée. La discussion sur la motion de M. Loys est renvoyée à la séance de lundi prochain, deux heures. M. Démeunier rend compte d’une autre affaire particulière, en ces termes : � La municipalité de Pont-à-Mousson a refusé d’admettre aux assemblées primaires un officier du régiment du Beauvaisis, quoiqu’il passe trois quartiers d’hiver à Pont-à-Mousson, quoiqu’il y ait ses biens et que sa mère y soit établie. Le motif du refus est fondé sur ce que cet officier est logé en hôtel garni et que son père réside à Nancy. Le comité de constitution vous propose de décréter que les officiers des troupes soldées seront censés avoir leur domicile dans les lieux où ils passent leurs quartiers d’hiver. M. le vicomte de Hoailles. La disposition qu’on vous propose est comprise dans un décret proposé par le comité militaire. Sur cette observation, la question est ajournée à lundi prochain, jour fixé pour s’occuper des rapports du comité militaire. L’Assemblée passe à la discussion d'une adresse de la commune de Rennes, concernant la nouvelle chambre des vacations du parlement de Bretagne. M. Defermon des Chapelières. Obligé de mettre sous les yeux de l’Assemblée la conduite de la nouvelle chambre des vacations de Bennes, les conséquences fâcheuses de cette conduite, le besoin qu’a la Bretagne de n’être plus privée de la justice, je ne puis mieux remplir ces objets qu’en vous lisant la lettre de corresspondance de nos commettants, et l’adresse qu’ils ont envoyée à l’Assemblée. Lettre de correspondance de la municipalité de Rennes, « Rennes, le 31 janvier 1790. « Nous vous prions de nous procurer la plus prompte expédition possible sur notre adresse à l’Assemblée et notre dénonciation au comité de3 recherches. Tout ce que vous avez prévu est arrivé ; il n’y a rien à espérer des magistrats ; l’esprit de corps semble s’être réfugié chez eux et ils ne craignent pas de professer hautement qu’ils agissent par principes de devoir, d’honneur et de conscience ; ils sont tous gardés chez eux par des hommes de planton; cette garde est d’autant plus nécessaire dans ce premier instant, que le départ de quelques-uns d’eux fait craindre le départ de tous, que plusieurs se disposaient à partir, et que quiconque d’eux eût été présumé partant, eût été infailliblement saisi par le peuple dont vous savez que l’on ne peut calculer tous les actes; cette garde les gêne et fatigue les gardiens. Il est donc bien intéressant que l’Assemblée nationale prononce promptement sur le sort de ces magistrats, qui ne nous ont pas laissé jouir, vingt-quatre heures, de l’espérance de paix que nous avait donnée la démarche des gentilshommes. « Nous sommes avec le plus respecteux attachement, Messieurs et chers compatriotes, vos très humbles serviteurs. « Signé : de Mouthieri, maire ;Gàndon, procureur-syndic; GOHIER, commissaire; Gilbert, commissaire ; Le Moucaüd de Lepinai. »