624 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j im anéantir tons nos ennemis. Alors seulement vous pourrez répéter : la patrie sera sauvée. » (Suivent 33 signatures.) Le citoyen Dausse, employé à l’administration de l’hôpital militaire de Caen, adresse à la Con¬ vention son congé militaire, comme souillé d’em¬ blèmes et de noms proscrits; il invite tous les citoyens qui en ont de pareils, à suivre son exemple, afin qu’il en soit fait un autodafé gé¬ néral. Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre du citoyen Dausse (2). « Citoyen Président, « J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint une pétition pour la Convention nationale, veuillez bien être mon organe auprès d’elle, des senti¬ ments patriotiques qui l’ont fait naître; j’ai lieu d’attendre, citoyen Président, qu’elle y fera droit, parce que je déteste comme elle la tyrannie, et tout ce qui peut m’en retracer l’odieux souvenir. « Ci -joint mon congé royaliste pour qu’il su¬ bisse le sort qu’il mérite et que je sollicite de la Convention. Mes frères du département de Paris, qui en sont munis, imiteront sans doute mon exemple pour que l’autodafé soit plus complet, ainsi que pour le serment consigné dans ma pétition. J’ai l’honneur d’être avec respect, citoyen Président, votre concitoyen, « Dausse. « A Caen, le 5e jour'du 2e mois de l’an II de la République française, une et indivisible. » Pétition (3). « Citoyens représentants, « Depuis trop longtemps, muni d’un congé militaire royaliste, portant les attributs de la royauté, et plusieurs signatures de cette caste nobiliaire proscrite à juste titre du sol qu’habite maintenant la liberté, je me croirais indigne de porter le nom de républicain français, si je différais plus longtemps à vous l’envoyer, et de vous solliciter de lui faire subir le sort qu’un areü signe de la tyrannie mérite; qu’il soit vré aux flammes, que le décret que je sollicite de votre ardent patriotisme engage tous les vrais républicains qui, comme moi, ont servi l’ambitieux règne des tyrans français et ont été leurs victimes, fasse disparaître par un auto¬ dafé de pareils titres, dans leurs départements ou districts respectifs ; qu’à l’époque du 20e jour du 2e mois de l’an II de la République fran¬ çaise une et indivisible, il n’en existe aucune trace; qu’un fier aquilon républicain porte à l’instant dans ces contrées habitées encore par (1) Procès-verbaux de la Convention , t. 25, p. 94. (2) Archives nationales, carton G 280, dossier 767. (3) Ibid. des tyrans et leurs suppôts, les cendres impures de ces congés royalistes, qu’ils sachent ces sangsues à figure humaine, que le républicain français a livré au feu les emblèmes de la détes¬ table royauté et tout ce qui peut lui rappeler sa servitude. « Citoyens représentants, pour en effacer de ma mémoire le moindre souvenir du service que j’ai fait pendant neuf années, partie dans les guerres de Hanovre, j’en fais mon abjuration authentique à la face de la République entière, comme n’ayant servi qu’à l’ambition sans borne du tyran qu’on comptait alors Louis XVe, et que victime aveugle de mon dévouement, ce service a rivé de plus en plus les chaînes de mon honteux esclavage. « Je ne doute point que mes concitoyens qui ont servi sous ce règne de la tyrannie, et sous celui que nous venons d’anéantir ne s’empres¬ sent d’imiter mon exemple à l’époque qui sera fixée. « Je solliciterai aussi de votre sagesse, citoyens représentants, que tout franc républicain ne souille plus sa demeure intérieure d’aucun objet qui lui rappelle son esclavage, et qui pourrait encore le trahir. Qu’ils soient livrés, à mon exem¬ ple, à la fureur des flammes, et, qu’au contraire, nos demeures ne soient décorées que des em¬ blèmes qui nous retracent à chaque instant le triomphe de notre chère liberté. « Quelle occasion précieuse pour moi, vrais législateurs, de vous présenter mes hommages sur la sublime et admirable Constitution que vous avez donnée à la République : elle sera le modèle pour tous les peuples, et leur délivrance du joug des tyrans. « Du sol, s’écrieront -ils, de cette nation fière de la conquête de ses droits, la liberté du monde vient d’éclore. » Oui, vrais législateurs, tout annonce le moment où. l’hydre tyrannique va recevoir le coup de massue que la liberté des peuples lui réservait par la main des Français républicains; journellement des nouvelles victoires nous annoncent que l’heure dernière des tyrans va sonner, encore quelques jours, ils seront détruits, et l’on ne se rappellera de leurs existences que par les crimes innom¬ brables qu’ils ont commis sur une terre qui n’aurait dû être habitée que par la liberté. Nos triomphes font chanceler leurs trônes, ils aper¬ çoivent sous leurs pas la chute effroyable sans retour qui les attend. Malgré leurs menaces, vrais législateurs, ils sont forcés de vous admirer, leurs coalitions et leurs trahisons découvrent leurs craintes et leur faiblesse à résister à la force invincible des républicains français. « Permettez-moi que, persuadé de ces vérités, citoyens législateurs, j’adresse, sous vos auspices à notre idole ces mots r« Oh ! liberté chérie, fille de la nature, toi que je surnomme, à juste titre, la bien-aimée des Français républicains, sois notre guide dans toutes nos actions, dans les combats politiques et dans le chemin de la vic¬ toire, enflamme le courage de nos défenseurs, et sois assurée que ton règne ne finira qu’avec les siècles. » « Un vœu bien cher à mon cœur, pères de la patrie, est celui de vous solliciter de rester à votre poste, que vous avez si bien mérité d’être placés (sic), ne demandez à la République des suc¬ cesseurs qu’elle ne soit bien affermie et à l’abri de toute atteinte tyrannique; qui mieux que vous, vrais législateurs, pourrait remplir les travaux immenses que vous parcourez journel¬ lement? qui mieux que vous trouverait les [Convention nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f 19 brumaire an » A05 / 9 novembre 1793 replis tortueux et coupables de l’infâme et pro¬ fonde politique des Pitt et des Cobourg, ces deux antropophages toujours altérés du sang des peuples? qui mieux que vous connaîtrait l’esprit tyrannique des despotes coalisés, qui veulent anéantir notre chère liberté? enfin, qui mieux que vous, citoyens représentants, pour¬ rait être tour à tour législateur, représentant du peuple dans les départements et auprès de nos armées, guider nos phalanges républicaines dans le chemin de la victoire? il vous était réservé des travaux aussi sublimes et aussi glorieux. « Vrais législateurs, admirateur zélé de vos précieux travaux et de votre fermeté héroïque, je resterai au poste que la nation m’a confié, d’employé à l’administration de l’hôpital mili¬ taire de Caen, jusque ma chère patrie m’appelle à une place où mon civisme et ma vie lui seront d’une plus grande utilité. « J’ai l’honneur d’être, avec respect, citoyens représentants, votre concitoyen* « Dausse. « Caen, le 5e jour du 2e mois de la 2e année de la République française, une et indivisible. » Joseph-Daniel Monfayon, ci-devant chanoine de Saint-Louis-dn-Louvre, remet sa pension de 1,000 livres afin de ne plus être à charge à la nation. Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre du citoyen Joseph-Daniel Mont-fayon (2). « Citoyens représentants, « J’ai constamment rempli les devoirs qui m’ont été prescrits par les lois, tous ceux d’un bon citoyen : je monte ma garde en personne; j’ai ponctuellement payé ma contribution patrio¬ tique, ainsi que les contributions ordinaires; j’ai prêté dans le temps le serment de liberté et d’égalité et ai signé la Constitution presque aussitôt qu’elle a été décrétée. « Voulant donner une nouvelle preuve de mon civisme et n’être plus à charge à la nation, je prie la Convention d’accepter l’offrande que je lui fais de ma pension ecclésiastique de 1,000 livres. J’ajoute que, quoique âgé de cin¬ quante-sept ans et d’un tempérament peu fort, je me verrais sans déplaisir réduit à cultiver moi-même le champ que je tiens de mes pères, et à pourvoir à ma subsistance par ce travail hono¬ rable (3). « Joseph-Daniel Montfayon, ci-devant chanoine de Saint-Louis du Louvre. « Paris, le 18 brumaire de la 2e année de la République française. » (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 95. (2) Archives nationales , carton C 278, dossier 740. (3) Applaudissements, d’après le Mercure uni¬ versel [20 brumaire an II (dimanche 10 no¬ vembre 1793), p. 153, col. 1], On lit une pétition du citoyen Petit, sur une saisie faite à la Montagne-du-Bon-Air. Sur la proposition d’un membre [Thuriot (1)], le décret suivant est rendu : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu la lecture d’une pétition du citoyen Petit, réclamant contre une saisie faite à la Montagne-du-Bon-Air (ci-devant Saint-Germain-en-Laye), par le comité révolutionnaire de cette commune, de balles contenant une partie incomplète des œuvres de Jean-Jacques Rousseau, imprimées chez Didot, et dont il est éditeur, par arrange¬ ment avec Poinçot, libraire; « Décrète que son comité de sûreté générale se rendra compte sans délai des motifs de la saisie, prononcera, ou, en cas de difficulté, fera son rapport à la Convention (2). » Compte rendu de Y Auditeur national (3). Un citoyen adresse à la Convention sa plainte de ce qu’il est traité comme accapareur pour (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 277, dossier 724. (2) Procès-verbaux de la Cnovenlion, t. 25, p. 95. (3) Auditeur national [n° 414 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 3]. D’autre part, le Journal de Perlet [n° 414 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 321] et le Mercure universel [20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 153, col. 1] rendent compte de la pétition du citoyen Petit dans les termes sui¬ vants : I. Compte rendu du Journal de Perlet. Le citoyen Poinçot, libraire, qui avait fait déposer dans un magasin de Saint-Germain-en-Laye un nombre assez considérable d’exemplaires d’une nou¬ velle et superbe édition des œuvres de J. -J. Rous¬ seau, expose à la Convention que le comité révolu¬ tionnaire de cette commune a fait apposer les scellés sur son magasin et se dispose à le traiter comme un accapareur. Il invoque la justice des pères de la patrie. Thuriot. Si vous ne réprimez sévèrement un acte semblable, on viendra bientôt à votre barre dénon¬ cer le génie et vous demander de l’envoyer au tribu¬ nal révolutionnaire. La Convention décrète que les scellés apposés sur le magasin qui renferme les œuvres de J. -J. Rous¬ seau seront levés, et que le citoyen Poinçot sera remis en possession de sa propriété. II. Compte rendu du Mercure universel. Le citoyen Poinçot, libraire, demeurant rue de la Harpe, écrit qu’il recueillait tous les ouvrages de J. -J. Rousseau, que de cette manière il était obligé d’avoir des magasins. Il en avait un à Saint-Ger¬ main, mais par une mauvaise interprétation de la loi, on a regardé ce magasin comme un accapare¬ ment, et les scellés ont été apposés sur ses papiers. Il réclame contre cette violation de la loi. Thuriot. Je crois qu’il est important de prendre en considération la demande du citoyen Poinçot. Il n’a pas été dans l’intention de l’Assemblée de ré-puter accapareur un homme qui voudrait protéger les sciences et conserver les meilleurs ouvrages. Je lre série, t. lxxviii. 40